Gayle Corbin Atom Egoyan se souvient de David Bennet, Colin Skinner et Dougal Fraser
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Né au Caire de parents arméniens venus vivre au Canada en 1962, Atom Egoyan était très conscient que sa famille était hors du commun à Victoria, une ville très britannique de la côte ouest. Comme la plupart des enfants d’immigrants, son plus cher désir était d’apprendre l’anglais pour s’intégrer le plus rapidement possible. «Je parlais l’anglais couramment dès mon entrée en 1re année à la Glenlyon Preparatory School, où mon amour de l’art dramatique a pris naissance, déclare Atom Egoyan. Il y avait là des enseignants fantastiques et un club d’art dramatique très dynamique qui se réunissait environ deux fois par semaine, les jours où il n’y avait pas d’activités sportives.» Les enseignants écrivaient des pièces pour les garçons et les dirigeaient. «Mon enseignant de 5e année, David Bennett, était formidable. Il fut ma première source d’inspiration quand il a écrit et dirigé la pièce No Hope for Canaries, basée sur une idée que j’avais eue : l’histoire de garçons coincés dans un puits de mine abandonnée quelque part en Colombie-Britannique. C'était très exaltant.» M. Bennett a enseigné à l’école Glenlyon de 1970 à 1978. Il se souvient que le petit Atom avait une imagination sans borne lors des exercices d’écriture créative. «Il écrivait trois à quatre pages de texte très bien construit qui contenait seulement quelques petites erreurs grammaticales. C'était très encourageant pour moi, en tant qu’enseignant.» M. Bennett affirme qu’il a eu la chance d’avoir de nombreux élèves doués. «Quand j’entends parler d’eux et de leur succès, je me rends compte à quel point nous avons de l’influence sur nos élèves.» Le dramaturge le plus actif des enseignants de Glenlyon était l’enseignant de 6e année d’Atom Egoyan, Colin Skinner. Un personnage nommé Atom fait partie de sa pièce Robot, rôle bien entendu joué par Atom Egoyan. «Cette expérience a vraiment bouleversé mon univers et c'est à ce moment-là que j’ai commencé à écrire mes propres pièces.» M. Skinner écrivait des pièces que l’on présentait à l’école et il montait des spectacles préparés par les élèves pour le festival de théâtre annuel des élèves de Victoria. «Les pièces étaient de véritables événements et nous rendaient fiévreux d’enthousiasme, de dire le cinéaste. Probablement en partie parce que nous avions la chance de rencontrer les élèves de la Norfolk House, une école privée pour filles, dirigée par des religieuses, qui s’est plus tard amalgamée à Glenlyon pour devenir un établissement coéducatif nommé Glenlyon Norfolk School. «Colin a su nous transmettre sa passion et son enthousiasme pour l’écriture créative. Il nous faisait sentir que nous faisions partie intégrante du processus, poursuit-il. Il n’y avait pas une once de prétention en lui. C'était extraordinaire de participer à quelque chose de si rare. La persistance qui découle de ce genre d’inspiration s’implante en vous pour y rester.
«À un moment donné, Dougal Fraser, acteur diplômé de la Royal Academy of Dramatic Art de Londres, a pris la relève comme directeur du club. Il m'a fait connaître l’œuvre de George Orwell, qui a grandement influencé mon propre travail d’écriture et ma réflexion.» Atom Egoyan ajoute que Dougal Fraser accordait beaucoup d’importance au jeu. «Il m'en a beaucoup appris sur la direction d’acteurs. Il s’assurait toujours que les acteurs comprennent précisément les intentions de l’auteur pour les mettre à l’aise avec leur texte et la portée du sujet sous-jacent.» M. Fraser a enseigné à Glenlyon de 1975 à 1978 et en particulier à la classe de 10e année d’Atom Egoyan. «J’ai été tout de suite frappé par la beauté d’un texte qu’Atom avait écrit au sujet d’Animal Farm, se souvient-il. Il avait une intelligence vive et une pensée critique exceptionnellement claire. J’ai dirigé plusieurs pièces qu’il avait écrites; j’étais ébahi de voir à quelle vitesse il écrivait.» Atom Egoyan a passé sa dernière année du secondaire à la Mount Douglas Senior Secondary, mieux connue des élèves sous le nom de «Mount Dog». Cette école avait aussi un programme d’art dramatique dynamique, et il a continué avec enthousiasme à écrire des pièces dont plusieurs ont été produites et dirigées par Dougal Fraser, avec qui Atom Egoyan était demeuré en contact. «À ce moment-là, ajoute M. Fraser, Atom fut aussi influencé par les pièces d’Ionesco, par le laconisme de leur dialogue et par leurs décors épars. Malgré cette influence, il ne manquait jamais d’originalité. Il y a une chose que j’ai remarquée dans tous les films d’Atom, c'est que les premières impressions sont souvent trompeuses. C'est peut-être là quelque chose qu’il a appris d’Ionesco, dont les pièces se prêtent à maintes interprétations, certaines plus valables que d’autres.» Depuis ses années sur les bancs d’école, Atom Egoyan est devenu l’un des cinéastes canadiens les plus renommés sur la scène internationale. Bien qu’il ait étudié les relations internationales et la guitare classique à l’Université de Toronto, il a trouvé sa vocation dans l’art et le langage du cinéma, et a entrepris sa carrière de cinéaste professionnel en écrivant et en dirigeant de courts métrages, et en dirigeant des séries télévisées avant de tourner son premier film en 1984, Proches parents. Ce film présente une réflexion sur des «obsessions thématiques très personnelles qui débouchent sur des questions d’intimité et de déplacement, et d’influence de la technologie et des médias sur la vie moderne». En 1997, il a remporté trois prix au Festival de Cannes avec De beaux lendemains, une adaptation du roman de Russell Banks : le Prix du jury, le Prix de la critique internationale et le Prix œcuménique pour un long métrage humaniste. Ce film a aussi été nominé deux fois aux Academy Awards, pour la meilleure direction et pour la meilleure adaptation d’un scénario. «J’ai une dette monumentale envers mes enseignants, avoue le cinéaste, qui est resté en contact avec plusieurs d’entre eux. J’ai toujours voulu qu’ils sachent à quel point ils ont été importants dans ma vie. Je voulais qu’ils sentent qu’ils font partie de ma carrière; alors, chaque fois que je me rends à Victoria, je leur rends visite. Dougal Fraser vient à Toronto tous les ans et nous nous rencontrons.» Quand Atom Egoyan a reçu un diplôme honorifique de l’Université de Victoria en 1998, nombre de ses enseignants étaient présents à la cérémonie. «Ce que font les enseignants est héroïque, déclare-t-il. Pour moi, leur vocation est sacrée. Ils jouent un rôle essentiel pour modeler la société de demain, mais on le reconnaît rarement. Il est très important que les enseignants gardent en tête que leur travail et leur enthousiasme ont une influence énorme. «Vous ne savez jamais quand vous pouvez changer la vie d’un élève.» Atom Egoyan a été décoré chevalier des Arts et Lettres par le gouvernement français, a remporté le prix littéraire Anahid de l’Armenian Center de l’Université Columbia et a été reçu membre de l’Ordre du Canada. Diverses universités canadiennes lui ont également décerné des doctorats honorifiques. Photo de titre : Anthony Woods; autres photos, courtoisie de Glenlyon Norfolk School. Atom EgoyanSélection de ses longs métrages
Sélection de pièces de théâtre et d’opéras qu’il a dirigés
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