Mettre fin à l'intimidation : c'est l'affaire de tout le monde

L'Argonaut Pinball Clemons à la rescousse.

de Denys Giguère

Michael «Pinball» Clemons, actuellement entraîneur principal des Argonauts de Toronto, a été chalheureusement accueilli par les acclamations de centaines d'élèves de l'école West Hill C. I. alors qu'il se frayait un chemin parmi eux dans l'auditorium afin de leur parler d'un sujet d'actualité : l'intimidation.

Respect, responsabilité et générosité envers les autres et la communauté, tels étaient les principaux thèmes de son message.

«Il faut s'aimer soi-même avant de pouvoir respecter les autres, a déclaré Clemons aux élèves de 4e et de 5e années qui lui prêtaient une oreille attentive. Montrez-moi comment une personne en a aidé une autre et vous me montrerez un être formidable.»

Clemons et ses coéquipiers des Argonauts vont ainsi d'école en école parler aux élèves de l'intimidation et de ses conséquences. Son amour pour les jeunes rayonnait sur le visage de Clemons et son auditoire le lui rendait bien, gobant littéralement ses paroles (tout comme la pizza que l'on a servie plus tard) et levant la main bien haut pour répondre à ses questions.

Les joueurs de l'équipe de football s'ouvrent aux élèves, partageant parfois avec eux une expérience intime et il n'est pas rare que leur voix se casse lorsqu'ils avouent qu'en venant leur parler ainsi, ils tiennent la promesse qu'ils ont faite à un camarade décédé à la suite de circonstances tragiques.

L'engagement des Argos à lutter contre l'intimidation est une bonne nouvelle, puisque les recherches indiquent que ce n'est pas simplement le problème de la victime et son intimi-dateur. L'intimidation touche les familles, l'école et toute la communauté.

Naissance de l'intimidation
L'intimidation est un comportement qui se retrouve à tous les âges. Un enfant qui fait à peine ses premiers pas peut exhiber un comportement agressif empreint d'intimidation et les recherches révèlent qu'à 30 mois, les intimidateurs en herbe se comportent différemment selon leur sexe.

Récemment, le Globe and Mail a publié les résultats d'une enquête menée par Tanya Beran et Leslie Tutty de l'Université de Calgary qui révèle que la moitié des élèves de la 1re à la 6e année ayant participé au sondage ont reconnu avoir été harcelés d'une façon ou d'une autre.

Alors qu'un grand nombre d'enfants ont déjà fait l'expérience de l'intimidation, pour 10 à 15 p. 100 d'entre eux, les effets de cette épreuve vont perdurer au point qu'ils auront peut-être besoin d'aide à long terme.

Intolérance et manque de respect
Les cas d'intimidation sont loin d'être isolés ou le résultat d'un mauvais comportement passager.
L'intimidation est le harcèlement sans relâche de la part d'un individu ou d'un groupe poussé par le mépris qu'il ressent envers d'autres jugés indignes de respect ou sans valeur.

L'intimidation n'est pas affaire de peur ou de conflit, c'est une question de pouvoir, d'intolérance et de manque d'empathie. L'intention est clairement de faire du mal et de rabaisser une victime que l'on considère moins apte à se défendre et moins sûre d'elle, timide et souvent isolée. Toute raison est bonne, y compris les différences raciales et sexuelles.

Quelle que soit la forme que prend l'intimidation, elle repose sur un déséquilibre du pouvoir : violence directe (physique, verbale) ou indirecte (faire courir des rumeurs sur une personne exclue du groupe), sarcasmes, menaces, manipulation, violence émotionnelle, taxage (extorsion d'argent ou de biens) et exclusion d'un groupe de pairs.

Les filles ont tendance à préférer les formes indirectes d'intimidation et s'attaquent aux vulnérabilités émotionnelles. Il n'est pas rare, par exemple, qu'elles excluent arbitrairement une élève de leur groupe ou de leurs activités, qu'elles fassent courir des rumeurs ou qu'elles en encouragent d'autres à rejeter une élève en particulier. Les intimidatrices utilisent le chantage émotionnel plutôt que les muscles pour obtenir ce qu'elles veulent.

«Nous tolérons moins l'agression physique des petites filles que celle des petits garçons», note Tracy Vaillancourt, professeure adjointe à l'Université McMaster en expliquant pourquoi, à son avis, les filles ont développé différentes façons d'intimider. «Il est plus difficile de détecter les intimidatrices et de cerner le problème. C'est plus subtil.

«Ce genre d'intimidation est non seulement bien plus difficile à déceler mais aussi plus difficile à traiter, dit-elle. On ne reconnaît pas encore entièrement que ce type de comportement est problématique et peut entraîner de sérieuses conséquences.»

Il est peut-être plus facile d'identifier la violence physique des garçons et d'y remédier, mais les formes voilées d'intimidation sont tout de même dangereuses. Récemment, on s'est rendu compte que les garçons ont de plus en plus recours à des formes d'agression indirecte.

Intimidation cybernétique
L'intimidation n'a jamais été confinée aux écoles. Parcs, centres communautaires, autobus et autres lieux de confluence des jeunes représentent un terrain de prédilection pour les intimidateurs. La politique de tolérance zéro envers la violence physique et l'intervention rapide au sein des écoles ont été à l'encontre des effets anticipés car elles ont détourné l'intimidation dans la communauté.

En effet, tel un virus, l'intimidation semble s'adapter aux remèdes et prendre un nouveau visage qu'il est de plus en plus difficile d'identifier. L'espace virtuel est devenu une nouvelle frontière où l'intimidation s'acclimate et évolue avec une facilité déconcertante.

«L'intimidation cybernétique est la plaie du XXIe siècle, dit Mme Vaillancourt, et à force de s'acharner contre l'agression physique, on a obligé l'intimidation à prendre une forme plus subtile. Notre défi est de devancer cette transformation pour l'étouffer dans l'œuf.»

Envoyer des menaces par courriel, pirater les comptes électroniques et faire courir des rumeurs, inonder une victime de courriels et créer des sites malintentionnés sont autant de façons de harceler ou d'isoler les victimes.

Intimidateurs, victimes et spectateur
Les intimidateurs sont agressifs. Souvent très sûrs d'eux-mêmes, ils manquent d'empathie envers leurs victimes. Ils se sentent dans leur droit et ont peu de tolérance envers ce qui est nouveau ou différent. Les nouveaux élèves, les immigrants, les minorités raciales sont donc des cibles faciles.

Les recherches montrent également que l'environnement familial des intimidateurs manque de supervision, de tolérance et de respect.

Dans son ouvrage Bullying : Information for Parents and Teachers (Intimidation : information pour les parents et enseignants) le Centre for Children and Families in the Justice System déclare que «c'est un mythe de croire que les intimidateurs sont peu sûrs d'eux malgré les apparences». Les recherches indiquent qu'ils sont au contraire très sûrs d'eux, souvent bien plus que la moyenne.

Toutefois, ne perdons pas de vue que les intimidateurs - près de la moitié d'entre eux selon les statistiques - sont souvent ou ont été eux-mêmes victimes d'intimidation.

La plupart des victimes sont calmes et timides, et reculent devant l'agression. Ce sont souvent des élèves isolés qui ne se lient pas facilement d'amitié et sont remplis de honte d'avoir été ciblés. Ils sont peu disposés à se confier aux adultes qu'ils croient incapables de les protéger adéquatement. Tous ces facteurs font d'eux des victimes de choix.

Les spectateurs représentent le groupe le plus important dans la lutte contre l'intimidation. Certains encouragent l'intimidateur par leur passivité, d'autres en se joignant carrément à lui. Pourtant, les spectateurs ressentent souvent de l'empathie pour la victime mais ils choisissent de se taire par peur d'être la prochaine cible.

«La moitié des intimidateurs sont des élèves très populaires dont le groupe d'amis approuve le comportement, fait remarquer Mme Vaillancourt. Ce groupe revêt encore plus d'importance avec l'âge, c'est pourquoi il ne faut pas juste s'occuper des intimidateurs et des victimes, mais aussi de leur public.»

Conséquences
Les victimes peuvent souffrir de nombreux troubles émotifs allant de la peur à l'anxiété en passant par les cicatrices profondes. Dans des cas extrêmes, cela peut même aller jusqu'au suicide.

Les recherches montrent que les jeunes intimidateurs ont tendance à devenir des adultes agressifs qui risquent de s'impliquer dans des activités criminelles, de faire preuve de violence, de harcèlement racial, d'abus, c'est-à-dire de comportements qui reposent sur un déséquilibre du pouvoir.

Si les médias décrivent les incidents les plus extrêmes, tous les cas d'intimidation ont des conséquences. L'impact ne se limite pas aux victimes et aux agresseurs; il peut empoisonner toute une école, toucher les familles et s'étendre jusqu'à la communauté.

Action dans les écoles
La première chose à faire est de prendre le problème sérieusement, d'informer les élèves, les enseignants et les parents, et d'établir des règles au niveau de la classe et de l'école entière. En fait, tout le personnel d'une école devrait connaître les politiques de son conseil en matière d'intimidation et savoir réagir au besoin.

L'intimidation est souvent une activité clandestine. Les règles devraient donc être suffisamment larges pour inclure tout ce qui peut arriver sur le chemin de l'école et du retour à la maison, mais aussi dans la cafétéria et les toilettes.

La supervision des élèves joue un rôle majeur dans la prévention. Elle demande davantage de temps et de ressources, mais ces efforts paieront à long terme lorsque les élèves porteront plus d'attention aux activités scolaires tandis que le nombre de cas d'intimidation diminuera. Les écoles doivent sensibiliser les parents au problème et les impliquer au besoin.

Membre de l'Ordre et ex-directrice d'école, Suzanne Pierson, a obtenu un certain succès avec une stratégie d'apprentissage coopératif qui utilise l'art dramatique pour aider les élèves à comprendre la dynamique derrière la pression des camarades et l'intimidation.

Pour commencer, elle encourage les élèves à parler d'un livre d'images. Puis, en petits groupes, ils préparent une présentation qui s'inspire du livre. Les élèves définissent les critères d'évaluation des présentations avec l'enseignante. Chaque groupe présente sa petite pièce de théâtre et certaines d'entre elles sont même jouées devant toute l'école.

«Je voulais que les victimes apprennent à tenir tête aux intimidateurs dans la sécurité d'un cours d'art dramatique afin de les préparer à la réalité de tous les jours, explique Mme Pierson. Je voulais également que les élèves s'exercent à résister à la pression des camarades. Si nous pouvions créer un environnement dans lequel les élèves sentent qu'ils peuvent dire à leurs camarades : "Non, ce n'est pas bien d'intimider!", nous serions en bonne voie d'éliminer le problème.»

Mme Pierson pense que l'apprentissage coopératif profite de la diversité des apprenants. «Les élèves ont l'occasion de reconnaître leurs forces et leurs faiblesses et d'apprécier la différence de leurs camarades.»

Les programmes dont la portée va au-delà des élèves et des enseignants ajoutent une dimension de diversité au mélange de perspectives. Le programme des Argonauts est un bon exemple de l'importance d'une démarche intégrale et ambitieuse. Aujourd'hui, les écoles prennent part à de tels projets dans tout l'Ontario. à Hamilton et à Ottawa, par exemple, des groupes composés d'écoles, de médias et de toute une gamme d'organismes communautaires travaillent ensemble pour prévenir l'intimidation. Ce n'est pas juste l'affaire des écoles et des enseignants. N'oublions pas que l'union fait la force!

Bref, que l'on soit enseignant, parent, voisin, collègue ou héros, c'est le devoir de tous de dire «non!» à l'intimidation.

Finie, l'intimidation!
Quelques ressources utiles

www.csdm.qc.ca/pv/Scripts/ReferencesWeb/Brimade.htm
www.waramps.ca/cipa/intimid.html
www.nfb.ca/finielintimidation/guide.pdf
www.onf.ca/finielintimidation/index.html
www.securitecanada.ca/link_f.asp?category=1&topic=5 
www.teljeunes.com/thematiques/n/n8.asp
www.ucalgary.ca/resolve/violenceprevention/Francais/examenprog/intimidintro.htm

Stratégies pour les conseils scolaires

Pour mettre fin à l'intimidation une fois pour toutes, il faut agir à bien des niveaux. Les démarches doivent impliquer non seulement l'intimidateur et la victime, mais aussi l'école, les jeunes et les parents.

Les interventions suivantes sont tirées d'un article publié par Debra Pepler du Centre LaMarsh pour la recherche sur la violence et la résolution de conflits de l'Université York et Wendy Craig du Département de psychologie de l'Université Queen's.

Mmes Craig et Pepler suggèrent que les enseignants, les directeurs d'école et les parents s'allient pour résoudre les problèmes d'intimidation.

Enseignants, à l'action!

  • Parlez à la victime et à ses parents pour montrer que vous prenez les choses au sérieux.
  • Identifiez le ou les agresseurs et les spectateurs.
  • Emmenez l'intimidateur dans le bureau de la direction d'école et faites-lui part de vos inquiétudes.
  • Collaborez avec le directeur pour fournir de l'appui à la victime.

Mesures supplémentaires

  • Discutez du problème et de ses conséquences avec le groupe de jeunes.
  • Aidez la direction et le conseiller de l'école à énoncer les lignes directrices du comportement à adopter en cas d'intimidation et les conséquences.
  • Surveillez la situation pour vous assurer que l'intimidation a pris fin.
  • Gardez le dialogue ouvert avec l'intimidateur et la victime.
  • Discutez de l'intimidation et de ses conséquences avec la classe et d'autres élèves.
  • Encouragez les jeunes à faire preuve d'empathie envers la victime.
  • Demandez aux élèves de trouver des moyens spécifiques d'aider la victime et l'intimidateur.
  • Encouragez les élèves à se respecter les uns les autres et à intervenir quelle que soit la gravité de l'intimidation.

 

Directeurs d'école, à l'action!

  • Prenez note de tous les cas d'intimidation pour mieux déterminer leur fréquence.
  • Appliquez les règles de conduite de l'école.
  • Faites le suivi avec les parents de l'intimidateur et de la victime, et entretenez-vous avec eux du problème s'il persiste.
  • Surveillez le problème et sa résolution.
  • Décidez s'il faut appeler la police.
  • Discutez du problème avec les enseignants de la victime et de l'intimidateur.
  • Assurez-vous que le problème est bien résolu en parlant avec les enseignants.
Mesures supplémentaires
  • Aidez les intimidateurs et les spectateurs à comprendre leur comportement et ses conséquences.
  • Aidez-les à trouver des façons de se racheter.
  • Déterminez et expliquez les conséquences, si le problème persiste.
  • Surveillez la situation pour vous assurer que l'intimidation a pris fin.
 

Parents, à l'action!

  • Rencontrez le directeur de l'école et travaillez ensemble au développement de stratégies pour résoudre les problèmes d'intimidation de votre enfant.
  • Rencontrez le directeur avec votre enfant afin d'énoncer clairement les termes d'une l'entente conclue pour mettre fin à l'intimidation, y compris les conséquences, les mesures de rachat et les stratégies préventives.
  • Surveillez l'intimidation de la maison et maintenez un dialogue avec le personnel de l'école par téléphone ou par écrit.
  • Faites le suivi avec votre enfant.
  • Surveillez et commentez le comportement de votre enfant à la maison.

Mesures supplémentaires

  • Renforcez les domaines de compétence de votre enfant pour lui fournir de bonnes expériences de leadership.
  • établissez un réseau d'activités et de leadership dans la communauté.
  • Parlez régulièrement des progrès de votre enfant avec son enseignant.
  • Sachez reconnaître les signes d'intimidation et de victimisation.
Vous pouvez lire l'article de Pepler et Craig au complet à pavlov.psyc.queensu.ca/~craigw.

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