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de
Daniel Stoffman |
La population
canadienne vieillit. Cette situation a des
répercussions considérables sur le système
déducation public.
Pendant les dix
prochaines années, Statistique Canada prévoit une
baisse du nombre denfants âgés de 9 ans et
une légère augmentation du nombre denfants
âgés de 10 à 14 ans. Cela sexplique par le
vieillissement des baby boomers, nés entre 1947 et
1966, qui représentent le tiers de la population
canadienne.
Les premiers boomers ne
font plus denfants et cèdent la place aux 20
à 30 ans, les baby busters. Comme on compte moins de
busters que de boomers, cela laisse présager un
ralentissement dans les maternités dici la fin
des années 90 au Canada.
Évidemment, cette
baisse du nombre des jeunes enfants saccompagne
dun besoin moins grand denseignantes et
denseignants à la maternelle et à
lélémentaire. Et pendant que le nombre de
jeunes enfants diminue, la population des 50 ans et
plus, elle, saccroît rapidement. Aussi est-ce
lavenir du système déducation public
qui est en jeu.
Dune part, le
vieillissement de la population assorti au faible
taux de fécondité signifie que nous serons de moins
en moins nombreux à compter des membres de notre
famille immédiate à lécole. Cela pose un
problème parce que ceux et celles qui
nutilisent pas le système sont moins enclins
à lappuyer.
Dautre part, deux
autres tendances favorisent lérosion de
lappui accordé au système déducation
public : un marché du travail morose,
particulièrement pour les jeunes, et un manque de
confiance dans certaines méthodes pédagogiques
quaffectionne la bureaucratie éducationnelle.
Des temps
difficiles
La situation de
lemploi chez les jeunes na jamais été
aussi sombre depuis la dépression des années 30. Le
taux de chômage chez les jeunes est le double de
celui de la population générale. Chez les 15 à 24
ans, une personne sur cinq na jamais eu
demploi dété, et encore moins un emploi
à plein temps.
De brillants titulaires
de diplômes universitaires qui, en temps normal,
nauraient eu aucun mal à se trouver un emploi,
sont au chômage ou bien passent dun emploi
temporaire à lautre. Les possibilités
demploi chez les jeunes sans éducation
postsecondaire sont encore pires parce quun
nombre grandissant de tâches autrefois exécutées
par des travailleurs non qualifiés sont maintenant
automatisées.
Cette situation
préoccupe les parents qui doutent quun
diplôme détudes secondaires atteste de
connaissances suffisantes en lecture, en écriture et
en mathématiques. Il en résulte ainsi une
croissance rapide du secteur de léducation
privée, y compris des services de tutorat.
La clientèle canadienne
du Kumon Institute, entreprise franchisée basée au
Japon qui offre des services périscolaires
daide en mathématiques et en langues, a bondi,
passant de
2 000 élèves en 1988 à 27 000 en 1997. La
popularité des écoles privées sexplique non
seulement par des changements démographiques, mais
aussi par les inquiétudes des parents concernant
lavenir de leurs enfants.
Un choix varié
Au Canada, le taux de
fécondité est denviron 1,7 enfant par femme,
taux typique des pays industrialisés modernes.
Ainsi, comme la plupart des familles canadiennes ne
comptent quun ou deux enfants, il est plus que
jamais possible pour elles de se permettre
lécole privée.
Un couple au revenu
moyen qui ne pourrait jamais payer des droits de
scolarité de 10 000 $ sil devait faire
instruire quatre enfants peut envisager lécole
privée sil nen a quun. En outre,
comme de nombreux couples de baby boomers ont attendu
la trentaine avant davoir des enfants et que
plusieurs dentre eux gagnent deux revenus,
lécole privée leur est encore plus
accessible.
Concurrence
plus grande
Le système
déducation public fait ainsi face à une
concurrence accrue de la part du secteur privé. On
observe également ce phénomène dans le secteur des
services de santé où le recours au secteur privé a
connu une recrudescence en raison des compressions
dans le système de santé public et de
lintolérance des boomers vieillissants aux
délais trop longs et à des services de santé
quils jugent inférieurs.
De la même façon, le
manque de confiance dans le régime de retraite
public contribue à la croissance rapide des sommes
investies dans des régimes enregistrés
dépargne-retraite.
Par conséquent, que
doit faire le système déducation public pour
conserver le rôle essentiel quil joue dans
linfrastructure sociale canadienne?
Ladhésion absolue
à des philosophies pédagogiques en déclin de
popularité auprès du public, comme la méthode
globale, est inutile voire nuisible. Ainsi, on
pourrait assister à un exode de masse du système
public, à une baisse de lappui du public à
son égard et à une diminution des emplois en
enseignement.
Au contraire, le
système public doit étoffer ses programmes dans les
matières et les compétences de base et, devant une
clientèle à la baisse, il doit devenir plus
efficace.
Par exemple, un conseil
scolaire doit favoriser lutilisation dune
classe portative pour répondre à une augmentation
temporaire de leffectif plutôt que de
construire une nouvelle école qui risque
dêtre sous-utilisée dans quelques années.
Heureusement, la plupart
des Canadiennes et des Canadiens reconnaissent les
avantages dun système déducation public
fort pour la société en général, quun
membre de leur famille en fasse partie ou non. La
population appuie le système public à condition
quil réponde à des normes internationales,
tant aux plans du rendement scolaire que des coûts
per capita.
Demande plus
forte
Les changements
démographiques exigent une ouverture du marché. Et
cela ne peut quêtre bénéfique pour les
éducateurs et éducatrices, y compris les 30 000
enseignantes et enseignants du système public
ontarien qui devraient prendre leur retraite au cours
des cinq prochaines années.
Désormais,
lentrée sur le marché du travail ne marque
plus la fin de léducation formelle. Les
changements rapides aux plans économique et
technologique soulignent limportance de la
formation continue. Cest pourquoi des
universités comme lUniversité York ont ouvert
des bureaux dans le quartier financier de Toronto.
Aussi, la croissance du programme Elderhostel et la
présence de conférenciers sur des bateaux de
croisière attestent de la soif de connaissances des
personnes retraitées ou à la veille de
lêtre.
Les premiers baby
boomers viennent datteindre la cinquantaine et
avec eux, lâge dor de léducation
des adultes commence. Les enseignantes et enseignants
ont la capacité dacquérir des connaissances
et de les transmettre à dautres, talent qui
sera très en demande dans les années à venir.
Linévitable croissance du domaine de
léducation des adultes permettra au corps
enseignant de tirer profit des changements
démographiques plutôt que den être les
victimes.
Daniel
Stoffman est coauteur du best-seller Entre le boom
et lécho. Il est diplômé de
lUniversité de la Colombie-Britannique et de
la London School of Economics, de même quun
journaliste primé. Ses recherches sur la politique
canadienne dimmigration, alors quil
était boursier Atkinson, ont donné lieu au rapport
très connu intitulé Toward a More Realistic
Immigration Policy for Canada (1993).