Pour parler professionLa revue de L’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario
ArchivesProfessionally SpeakingOeeo.ca

 

Dans ce numéro

Rubriques

Chroniques

Une enseignante exemplaire

Kamla Rambaran

Des enseignants remarquables

William Shatner

Articles de fond

Ressources

Autoréglementation

 

Enseigner sans manuel

Les élèves de Kamla Rambaran montent une entreprise, contribuent à la société et s’amusent tout en apprenant.

 

Le mercredi matin, nombreux sont les élèves qui arrivent tôt dans la salle 209 : c’est la Journée des affaires et ils ont hâte de se mettre au travail.

Des élèves motivés et enthousiastes se réunissent rapidement en équipes. Les chefs présentent une mise à jour des activités de leur groupe à la classe.

L’équipe de recherche et développement a écrit et répété ses scénarios téléphoniques, et les élèves sont prêts à appeler des entreprises dans le but d’obtenir des dons. L’équipe de marketing et de promotion écrit des lettres d’invitation aux médias pour le prochain événement d’envergure, tandis que l’équipe de publicité met la dernière touche aux refrains publicitaires et aux logos avant de les soumettre au vote de leurs camarades de classe. Finalement, l’équipe de comptabilité organise les bordereaux et compte l’argent pour la vente de jus de la semaine suivante.

Ces élèves ont la responsabilité de récolter suffisamment de fonds de lancement pour que l’entreprise puisse passer à la deuxième étape et atteindre ses objectifs financiers.

Cette opération commerciale impressionnante, bien ciblée et prospère serait louable pour des élèves du secondaire.

Mais pour ces élèves de 5e et de 6e année de la classe de Kamla Rambaran à la McMurrich Junior Public School du Toronto District School Board, c’est une réalisation exceptionnelle.

Ils se sont donné pour mission de créer une petite entreprise et de concevoir un produit visant à encourager le sentiment d’appartenance et à sensibiliser l’école aux questions environnementales. Les recettes seront versées à la campagne «Adoptez un village», qui fait partie du réseau Enfants Entraide, fondé par Craig et Marc Kielburger.

En 2006, Mme Rambaran avait reçu le prix du premier ministre pour l’excellence dans l’enseignement. Ce prix reconnaissait ses efforts à créer un environnement d’apprentissage authentique en recherchant de nouvelles occasions de partenariats communautaires avec les entreprises et les parents.

Une classe de l’élémentaire peut difficilement être plus authentique. Ayant accueilli le projet avec enthousiasme, les élèves de Mme Rambaran vendent des bouteilles d’eau réutilisables afin de réduire le gaspillage et d’encourager un mode de vie sain. Les bouteilles arborent le logo promotionnel de l’école, dessiné par les élèves. Les profits iront à la campagne «Adoptez un village» et chaque tranche de 100 $ ramassée permettra à une famille d’avoir accès à de l’eau potable.

Une fois que les équipes ont informé la classe de leurs progrès, Mme Rambaran leur fait remplir des listes de vérification pour indiquer ce que chacun a accompli, le travail qui reste à faire durant la matinée et les stratégies que chaque équipe utilisera pour atteindre son but.

Les élèves se concentrent facilement sur les tâches du jour, ne discutent que des questions pertinentes et écoutent les idées des autres. Le niveau de travail de ces jeunes est vraiment impressionnant. Pleins d’enthousiasme, ils accomplissent ce qu’ils ont prévu dans le temps alloué. Griffen et Willem, de l’équipe de recherche et développement, étaient tellement absorbés par leur travail qu’ils ont sauté la récréation pour faire des appels téléphoniques; ils ont aussi eu l’occasion de célébrer après avoir obtenu un don de papier du magasin Staples du quartier.

Le projet dure plusieurs mois et intègre presque toutes les matières, dont les mathématiques, la lecture, l’écriture, l’expression orale, la technologie, les études sociales, la musique et l’art. Il fait également appel à la plupart des aptitudes d’apprentissage, y compris le travail indépendant, l’initiative, l’utilisation de l’information, la coopération, la résolution de conflits et de problèmes, la participation et la réalisation d’objectifs.

(Photo)

Mme Rambaran et des élèves travaillent sur un projet qui s’étend sur plusieurs mois et qui intègre nombre de matières et aptitudes d’apprentissage.

Mme Rambaran, qui en est seulement à sa sixième année d’enseignement, a une approche de la profession claire et bien pensée : «Si mes élèves ne sont pas passionnés par ce qu’ils apprennent, je ne le suis pas non plus. J’examine chaque unité d’enseignement et j’essaye de trouver des façons d’enseigner sans manuel et de faire participer mes élèves tout en couvrant la matière. Je veux leur donner l’occasion de faire valoir leurs qualités de chef et leur transmettre des connaissances théoriques et pratiques qui leur seront utiles pour réussir dans la vie.»

Elle parle du défi de couvrir le programme tout en rendant l’apprentissage amusant et intéressant. «Je dois soigneusement planifier mon programme pour bien l’enseigner, évaluer les attentes et préparer mes élèves de 6e année au test de l’OQRE.» Elle croit fermement que son cours doit aussi former le caractère et, inspirée par Enfants Entraide, elle parle de l’apprentissage, de l’empathie, de la citoyenneté mondiale, du leadership et de l’importance de faire des choix éclairés et responsables.

Les élèves de Mme Rambaran sont engagés, car le mode de travail est stimulant. Amanda est l’un des chefs de l’équipe de publicité et des ventes. «C’est plus amusant de tout apprendre ensemble. On écrit des refrains publicitaires, on dessine des logos, on travaille sur ordinateur, on collecte des fonds et on calcule la somme dont on a besoin pour acheter les bouteilles. Chaque jour, on doit essayer d’atteindre nos objectifs et l’on travaille pour recueillir l’argent nécessaire qui contribuera à creuser des puits pour les enfants qui n’ont pas d’eau potable.»

Zachary, le chef adjoint aime faire fonctionner une entreprise en sachant que ses efforts feront une différence dans la vie d’enfants, partout dans le monde. «C’est un travail amusant, mais aussi combien important!» Il pense faire carrière en affaires un jour.

Par contre, Ellis a appris qu’il ne veut pas travailler dans le monde des affaires. «C’est trop difficile!» dit-il.

L’ancien directeur de Mme Rambaran, Claude Norville, récemment muté à une autre école du même conseil scolaire, parle de son ancienne collègue avec fierté et admiration. «Elle pousse ses élèves à se dépasser grâce à un programme pertinent et rigoureux. Ils persistent dans leur apprentissage parce qu’elle connaît l’importance d’un enseignement continu et bien ciblé. John Dewey serait fier de Mme Rambaran, confie M. Norville. Elle est un parfait exemple de son concept d’apprentissage par l’expérience.»

Le philosophe américain John Dewey est considéré comme le plus influent de la première moitié du XXe siècle. Selon lui, l’éducation, c’est la vie. M. Norville donne l’exemple de Mme Rambaran qui amène ses élèves jouer aux quilles pour leur enseigner les graphes. «Ils jouent, enregistrent leurs résultats et retournent ensuite en classe pour les mettre sous forme de graphique. Elle mérite vraiment ce prix et je suis très fier d’elle.»

Pour Mme Rambaran, il est important de reconnaître la diversité des élèves, que ce soit leur style d’apprentissage ou leur bagage culturel. Cette année, elle les a fait participer au concours de photo du Barreau du Haut-Canada sur le thème de la liberté. De nombreux élèves ont des expériences culturelles et des antécédents variés; ils apportent des points de vue différents sur le sujet.

«Si mes élèves ne sont pas passionnés par ce qu’ils apprennent, je ne le suis pas moi non plus.»

Travaillant de concert avec Michael Dauda, parent volontaire et photographe, les élèves de Mme Rambaran prennent des photos de ce que représente la liberté pour eux. Ils donnent ensuite un titre à leur photo préférée et expliquent sa signification. «C’est une autre façon de faire participer les élèves tout en respectant les exigences du programme, et de les faire participer à une communauté en dehors de l’école», explique-t-elle.

L’intérêt de Mme Rambaran à donner des tâches créatives et authentiques aux élèves a changé de cap lorsqu’elle a commencé à travailler avec Ian Chamandy, le père d’un élève de 3e année à l’école McMurrich, pendant l’année scolaire 2004-2005. Comme beaucoup de Canadiens, M. Chamandy était déçu de la faible représentation du Canada aux Jeux olympiques d’été à Athènes, en 2004, et il a décidé d’agir.

Il a créé Adopt An Athlete, un programme basé à l’école, qui enseigne aux élèves l’importance de la contribution communautaire. La collecte de fonds permet aux athlètes qui le désirent de participer aux Jeux olympiques. Le site web du programme explique que les enfants d’âge scolaire ont besoin de savoir qu’en tant qu’individu, ils peuvent faire une différence au sein de leur communauté s’ils en font l’effort. Un des objectifs est de créer un système à double sens qui permette aux élèves d’amener leurs athlètes à un niveau de performance plus élevé, et aux athlètes de montrer aux élèves ce qu’il faut pour atteindre l’excellence, quelle que soit l’entreprise.

La classe de Mme Rambaran avec celle de Leslie Anne McCollin, qui était sa partenaire en enseignement à l’époque, ont adopté le premier athlète du Canada, Warren Tanner, qui pratique le ski acrobatique. Elles ont alors élaboré un programme qui intègre les mathématiques, la lecture, l’écriture et les études sociales, maintenant utilisé dans des écoles un peu partout au Canada. Pour plus de renseignements, visitez www.adoptanathlete.ca.

Adoptez un village

Adoptez un village est une campagne faisant partie d’Enfants Entraide, le plus important réseau mondial d’entraide entre enfants par l’éducation. Son but est de venir en aide aux victimes sri lankaises du tsunami de décembre 2004 grâce à une aide à long terme et à des efforts de reconstruction. Depuis lors, la campagne est devenue un outil d’aide efficace pour appuyer le développement communautaire au profit des enfants et de leurs familles qui vivent en marge de la société au Kenya, en Sierra Leone, en Chine rurale et au Sri Lanka. Le programme inclut de l’éducation, de l’aide pour trouver des revenus alternatifs, des services de soins de santé tels des cliniques, de l’équipement médical, des nouveaux puits et de nouvelles installations sanitaires.

La clé du programme de Mme Rambaran

1. Structurer d’abord

En septembre, enseignez aux élèves à étudier, à travailler et à organiser leur cartable. Montrez-leur à bien se comporter en classe, dans les couloirs et en collectivité; à se mettre en rang avant d’entrer en classe; à ne pas entrer dans une pièce avant d’y être invité; à marcher calmement dans les couloirs; à manger et à se conduire en public de façon à faire honneur à leur classe et à leur école. Au début de chaque année scolaire, Mme Rambaran privilégie des activités structurées, dirigées sur l’apprentissage et l’attention.

Les élèves sont initiés aux trois types d’apprentissage :

Travail autonome

Quoi? Se concentrer sur son propre travail, travail individuel, pas de distraction.
Comment? Calmement.

Travail d’équipe

Quoi? Les élèves travaillent ensemble sur un sujet, y participent et écoutent les autres.
Comment? Beaucoup de partage d’idées à voix basse.

Discussion de groupe

Quoi? Débattre de façon dynamique, parler à tour de rôle, à voix basse.
Comment? Tout le monde partage ses idées à voix basse et écoute.

2. Présenter un apprentissage pratique et d’autres formes amusantes d’apprentissage centré sur l’élève

Mme Rambaran donne plus de liberté à ses élèves après l’Action de grâces, et apporte de l’animation à son enseignement. Elle organise des excursions scolaires mensuelles et des activités expérientielles qui renforcent les leçons. Par exemple, elle amène les élèves faire des visites guidées à pied au centre-ville de Toronto afin d’examiner et photographier l’architecture classique pour illustrer un chapitre sur la Grèce antique. Les élèves prennent le transport en commun, planifient le trajet, mangent en public, suivent les règles de l’étiquette, sont polis avec les étrangers et ainsi de suite.

3. S’assurer que le programme est intéressant et pertinent pour les élèves. Les encourager à répondre aux exigences.

Initiez les élèves à la citoyenneté du monde. Associez cela au travail de M. Kielburger d’Enfants Entraide et servez-vous des articles publiés chaque jeudi dans la section «Global Voices» du Toronto Star.

Servez-vous de la Journée des affaires pour faire travailler les élèves sur ce qu’ils ont choisi, et placez la barre haut pour leur montrer ce qu’ils peuvent accomplir.

L’unité de Mme Rambaran sur la santé, destinée aux 5e et 6e années, sensibilise les jeunes à l’alimentation saine, à l’abus d’alcool et de drogues, et à la sécurité personnelle. Pour leur donner l’envie de participer, elle utilise une approche qui intègre les médias, la technologie et la langue, et leur fait créer des films. Des élèves effectuent des recherches, écrivent des scénarios, planifient les tournages, trouvent les accessoires et déterminent les angles de prises de vue. Ils mènent ensuite des entrevues et font le montage.

Quand les films sont terminés, la classe les présente au grand public.

4. Alléger la charge en travaillant en équipe

Mme Rambaran embauche toujours un stagiaire du collège Oakwood avoisinant pour l’aider.

Elle travaille étroitement avec son associée, Zelia Capitao-Tavares, une enseignante de 6e année. «Ce prix nous appartient à toutes les deux. Nous aimons travailler ensemble et organiser des activités qui stimulent nos élèves.»

Mme Rambaran ne possède pas d’expérience en photographie, mais elle sait à quel point cela peut amener les élèves à participer, particulièrement les élèves visuels ou ayant un sens kinesthésique. Parallèlement, elle tient à faire participer les parents. Depuis 2002, elle travaille avec Michael Dauda, parent et photographe torontois. Ensemble, ils s’occupent des clubs de photo numérique et de lecture pour les garçons de l’école. M. Dauda est une ressource inestimable pour ses élèves.

5. Ne pas essayer de réinventer la roue

Le projet Journée des affaires change chaque année car un nouveau groupe d’élèves choisit une nouvelle mission, mais les principes restent les mêmes. Le projet s’est inspiré du travail de Junior Achievement, un organisme international à but non lucratif qui vise à éduquer les jeunes sur les affaires et l’économie, et à les inspirer.

(Photo)

À la fin du projet de trois mois, les élèves font une présentation à la communauté dans le cadre de la Journée des affaires, dans le gymnase de l’école.

Prix du premier ministre pour l’excellence dans l’enseignement

Les prix du premier ministre pour l’excellence dans l’enseignement récompensent les personnes qui insufflent à leurs élèves le goût d’apprendre tout en les aidant à exceller et à se bâtir un avenir prometteur. Les prix sont remis chaque année aux professionnels de l’enseignement qui influencent positivement leurs élèves, qui les inspirent à apprendre toute leur vie et qui leur donnent les outils nécessaires pour grandir dans une société en évolution et dans un système économique fondé sur les connaissances.

Les prix récompensent les enseignantes et enseignants qui excellent dans les domaines suivants :

  • intégration de l’information et de la technologie des communications dans la classe
  • enseignement exemplaire et novateur
  • développement des habiletés de l’élève
  • intérêt et participation des élèves
  • réussites et réalisations des élèves
  • engagement et leadership de l’enseignante ou enseignant

Pour de plus amples renseignements, visitez le site des prix du premier ministre à www.pma-ppm.ic.gc.ca.