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Mars 1998

Perspectives nouvelles
La profession-
nalisation de l'enseignement


Perspectives
nouvelles

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Perspectives nouvelles :
mise au point sur le
perfectionnement professionnel

La salle de classe comme laboratoire pour mieux comprendre ce qu’on fait.

de Judith Millen et Jill Bell

Un nombre croissant d’enseignantes et d’enseignants s’interrogent sur la façon d’améliorer le perfectionnement professionnel et de mieux l’adapter à leurs besoins, en particulier dans la période de changements que nous connaissons actuellement. Ainsi, les éducateurs estiment que les programmes menant à des qualifications additionnelles devraient tenir compte de leur croissance personnelle et professionnelle.

La Fédération des enseignantes et des enseignants de l’Ontario et ses organismes membres, de même que certaines universités offrant des programmes menant à des qualifications additionnelles, ont donc fait un retour aux sources pour déterminer s’il n’y a pas moyen de revoir la question du perfectionnement professionnel et de le rendre plus pertinent pour les enseignantes et les enseignants. L’Université Western Ontario, par exemple, met actuellement à l’essai une nouvelle formule où les enseignantes et enseignants peuvent échelonner leur perfectionnement professionnel sur une série de modules de courte durée.

L’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario est responsable aux termes de la loi d’étudier la question du perfectionnement professionnel. C’est dans le cadre de ce mandat que l’Ordre établira un cadre de formation.

Cependant, les modèles de rechange proposés devront tenir compte de divers éléments de base.

  • L’enseignante ou l’enseignant doit participer activement à son programme de formation, le rendant ainsi responsable à l’égard du programme, comme le démontre le modèle de l’éducation des adultes. Qui plus est, on reconnaît ainsi la vaste expérience et les connaissances des personnes en cause.
  • Le perfectionnement professionnel doit fournir un contexte permettant la collaboration à divers niveaux. Ainsi, il est possible pour les enseignantes et enseignants de mettre en commun leur expertise à l’intérieur et à l’extérieur de l’école avec le personnel des facultés d’éducation.
  • Le perfectionnement professionnel doit susciter la réflexion pour faciliter l’intégration de changements positifs dans la vie professionnelle des enseignantes et enseignants. Ils ont besoin de temps pour bien saisir la structure de leur vie professionnelle et comment ils l’ont façonnée. C’est cette réflexion qui motive le changement.

Perfectionnement professionnel renouvelé

Les trois coopératives qui lient la faculté de l’éducation de l’Université York aux conseils scolaires de la région métropolitaine de Toronto offrent un programme intéressant axé sur ce nouveau modèle de perfectionnement professionnel. Menant à l’obtention de qualifications additionnelles, ce modèle préconise une structure dynamique et intégrée qui diffère des autres offertes dans la province en deux points :

  • L’enseignante ou l’enseignant doit participer activement à sa formation en effectuant une «recherche» ou une «enquête» sur la profession pour la moitié des 125 heures requises pour l’obtention d’une qualification additionnelle.
  • Le modèle s’offre sur une période prolongée pour favoriser l’examen critique.

Recherche sur la profession

La recherche sur la profession n’a rien de nouveau. On en discute dans le milieu universitaire depuis les années 80. C’est la façon dont ces coopératives s’adonnent activement à la recherche sur la profession qui, elle, est nouvelle.

Le modèle se fonde sur l’examen et la réflexion. La salle de classe devient un laboratoire où l’enseignante ou l’enseignant observe et analyse le pourquoi et le comment de son travail. C’est là un modèle pratique qui réunit la théorie de l’enseignement efficace à ce qui se fait de mieux dans la classe.

L’examen tourne généralement autour d’une question qui devient le point central de la recherche et s’applique à la salle de classe ou au milieu scolaire. Un enseignant peut, par exemple, se pencher sur sa façon de poser des questions et sur son incidence sur les garçons et les filles. Une autre peut travailler en collaboration avec un collègue du secondaire pour étudier les aptitudes à la lecture avec l’aide d’élèves plus âgés.

Les données recueillies de ces recherches proviennent du travail quotidien des enseignantes et enseignants et sont complétées par d’autres sources en théorie de l’enseignement. Ce que révèle la recherche peut ainsi permettre d’établir les conditions propices au changement et à la transformation, au besoin. La recherche offre donc l’occasion de se pencher sur une question et d’y réfléchir.

Tout changement qui résulte du processus est le fruit de la réflexion sur des habitudes d’enseignement, plutôt que d’une directive imposée par la direction. Ces changements serviraient, par exemple, à modifier la façon de poser des questions aux élèves en vue d’inclure davantage les filles ou à déterminer les efforts nécessaires pour faciliter le passage des élèves d’un palier à l’autre du système scolaire. Les enseignantes et enseignants sont ainsi des agents dynamiques et engagés de leur propre croissance. De plus, ils évaluent eux-mêmes, comme il est tout à fait normal, leur propre façon d’enseigner.

Ils sont les partenaires actifs des gestionnaires de l’enseignement qui les guident plutôt que les dépositaires passifs de l’information qui leur est donnée.

Durée prolongée

Compte tenu des nouvelles attentes suscitées par le programme, les coopératives en sont rapidement venues à la conclusion que son intégrité exigeait un processus échelonné sur une période prolongée. Pour intégrer, absorber, partager les connaissances et y réfléchir, les enseignantes et enseignants ont besoin, pour améliorer leurs méthodes pédagogiques, du temps voulu pour s’y pencher.

Les changements véritables et durables ne se font pas du jour au lendemain. Ainsi, les coopératives ont façonné un horaire qui commence par une semaine de formation intensive en août (cinq jours à raison de sept heures par jour) et des séances de formation tout au long de l’automne et de l’hiver, à raison d’un soir aux deux semaines, jusqu’en février.

Au cours de l’automne et de l’hiver, les enseignantes et enseignants compilent des données et tirent les conclusions de la présentation qu’ils feront à la fin du programme. Cette structure offre de nombreux avantages, notamment :

  • de se pencher sur des questions essentielles et de prendre le temps nécessaire pour y répondre. Il est possible de constater qu’on a fait fausse route et de rajuster la trajectoire. Il est possible également de changer d’opinion et de recommencer;
  • de colliger des renseignements dans un contexte favorable et réel (c’est-à-dire la salle de classe);
  • de forger des liens solides avec d’autres participants au programme;
  • de préparer une présentation exposant les conclusions de la recherche effectuée en collaboration avec des pairs;
  • de prendre le temps d’utiliser le modèle d’éducation aux adultes pour partager son expertise dans un contexte propice où prime la confiance;
  • d’absorber les théories et pratiques pertinentes aux questions étudiées.

Commentaires positifs

Les commentaires ont été positifs. Les enseignantes et enseignants sont des gens occupés et craignent parfois que ce nouvel horaire soit trop exigeant. Pour nombre d’entre eux, toutefois, ces craintes s’estompent au fur et à mesure qu’ils prennent intérêt à l’analyse critique de leur propre expérience dans la salle de classe.

Ils affirment qu’ils conservent l’habitude de la remise en question même une fois le programme terminé. Certains ont même indiqué qu’il s’agit du meilleur exemple de formation continue.

Bien que ce programme ne convienne peut-être pas à tous, il a la possibilité d’enrichir la vie des enseignantes et enseignants qui y participent.

Judith Millen a enseigné l’anglais au secondaire à Nipissing et à Toronto et est maintenant chercheuse et experte-conseil dans le domaine du perfectionnement professionnel, en particulier en ce qui a trait aux qualifications additionnelles. Jill Bell est doyenne adjointe à la faculté de l’éducation de l’Université York. On peut la rejoindre à l’adresse jbell@edu.yorku.ca.