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Vous a-t-on déjà dit : «On a étudié l'histoire des autochtones en 4e année, pourquoi faut-il donc recommencer en 7e?» Vous êtes-vous jamais demandé : «Ils sont en 6e année. Pourquoi ne peuvent-ils pas tous multiplier des nombres à deux chiffres?» Les enseignants de l'école publique Silver Springs du conseil scolaire de Toronto sont en train d'élaborer une façon idéale d'enseigner le programme en s'appuyant sur les compétences et connaissances acquises tout en éliminant les lacunes et les répétitions inutiles. Dans ce but, ils ont commencé à tracer l'esquisse du programme. Au fur et à mesure que leurs esquisses prennent forme, les enseignants de Silver Springs auront une meilleure idée de ce qu'ils enseignent véritablement durant l'année. Ce sera la base dont on se servira pour créer un programme d'études sans faille. En échangeant des informations entre eux, les enseignants pourront reconnaître et éliminer les redondances et les lacunes dans les activités et les matières enseignées d'une année à l'autre. Le but est de faire en sorte que les élèves développent les compétences et acquièrent les connaissances clés du programme, soit les concepts importants et les idées principales. Priscilla Yu, directrice adjointe, a joué un rôle primordial en introduisant la méthode à Silver Springs. «Tracer une esquisse est un moyen de suivre les progrès de l'élève et d'enseigner un programme plus cohérent et sans faille. Les enseignants pourront mieux lier les évaluations aux attentes de la province et aux activités pédagogiques connexes. Nous pourrons également formuler explicitement les questions essentielles qui orienteront l'enseignement et montrer aux élèves le but, la progression et les liens en ce qui concerne leur apprentissage.» Le besoin d'une esquisseDans son livre Mapping the Big Picture (1997), Mme Hayes-Jacobs explique le besoin de tracer une esquisse.
Après avoir entendu l'auteure parler à une conférence en 2003, Mme Yu s'est aperçue que cette méthode convenait bien aux équipes d'enseignants de son école. À Silver Springs, les enseignants suivent le même groupe d'élèves pendant deux ans et ils ont déjà identifié bon nombre des attentes des programmes. Neuf d'entre eux ont formé une communauté d'apprentissage qui trace l'esquisse des programmes. Grâce au financement de leur conseil, ils ont acheté les livres et vidéos de Mme Hayes-Jacob sur le sujet et ont commencé à appliquer sa formule.
En juin, on a présenté la méthode aux enseignants. À l'automne, ils commenceront à produire l'esquisse du programme d'études sociales de toute l'école, en s'efforçant de regrouper le contenu pour lequel ils avaient déjà tracé le parcours avant d'ajouter compétences, évaluations, ressources et questions principales. Mme Yu estime qu'il faudra plusieurs années pour couvrir tout le programme de l'école, mais «qu'importe le temps que cela prendra, car tous les aspects de l'enseignement seront touchés, et nous profitons du processus autant que des esquisses». Sheldon Diamond, directeur de l'école, ajoute que «le programme d'études sociales est un bon point de départ, car cette matière encourage l'intégration et englobe nombre de compétences, y compris la lecture, l'écriture et la pensée critique.» Comme le fait remarquer Brad Parolin, enseignant de 7e et 8e année à Silver Springs, «il existe des centaines d'attentes en 7e et il est impossible de répondre à toutes. L'esquisse nous permet de diriger les activités pédagogiques et l'évaluation de façon à aborder l'essentiel et à faciliter une compréhension solide. Plus le programme est étendu, moins il est possible d'approfondir l'enseignement de la matière, et là n'est pas notre dessein.
«Même après 10 ans d'enseignement, ajoute-t-il, je réinvente la roue à chaque nouvelle unité. L'esquisse m'aidera à modifier ces activités au fil de mon cours. De plus, je pourrai savoir ce que mes collègues font avec leurs élèves et mettre à profit leur travail au lieu de recommencer à zéro. Ce sera également plus facile d'utiliser le même vocabulaire avec tous nos élèves.» Maria Brancato, chef d'équipe des 5e et 6e années, explique : «Je sonde constamment mes élèves pour savoir ce qu'ils ont appris. L'esquisse me donnera ces renseignements et me permettra d'enseigner ce qu'ils ne savent pas sans perdre de temps à le découvrir ou à refaire le même cours». «Il existe beaucoup d'attentes en sciences, fait remarquer Christine Pryde, enseignante de 7e et 8e année. On est tenté de les cocher au fur et à mesure, mais la compréhension des élèves demeure superficielle parce qu'il y a tant à couvrir. L'esquisse nous aidera à rassembler les attentes, à les intégrer là où il est utile de le faire et à formuler clairement les questions essentielles. Notre enseignement sera plus précis et les élèves profiteront d'expériences d'apprentissage plus approfondies.» Des avantages uniquesLouise Henderson, enseignante-ressource en éducation de l'enfance en difficulté et enseignante-bibliothécaire qui compte 33 ans d'expérience, est persuadée que grâce à l'esquisse, elle pourra offrir un meilleur appui aux enseignants en les aidant à trouver des ressources complémentaires. «Je serai capable de trouver les articles, bibliographies et autres documents qui encourageront l'intégration et un apprentissage enrichi. Si les élèves veulent s'avancer dans le programme, je pourrai les diriger vers les ressources dont ils auront besoin en consultant l'esquisse de leur programme. Les avantages sont énormes.» Tout le monde s'entend pour dire que l'esquisse aidera les élèves ayant des difficultés d'apprentissage. Pour l'instant, ces élèves doivent manquer parfois jusqu'à une demi-journée de classe normale par semaine. L'esquisse améliorera la communication entre leurs enseignants, en leur permettant de collaborer pour s'assurer que les élèves apprennent la même chose autant que possible. Si les enseignants-ressources de ces élèves-là connaissent les questions particulières au programme, ils pourront les aborder. Ainsi, leurs élèves se sentiront moins stigmatisés lorsqu'ils retourneront dans leur classe, car ils sauront ce qu'on a enseigné pendant leur absence et seront tout autant capables de participer aux activités que les autres. L'esquisse offre des avantages semblables aux enseignants et à leurs élèves qui viennent d'arriver au Canada.
Les enseignants voient comment les évaluations peuvent en bénéficier. Comme le fait remarquer Beth Kalisz, chef d'équipe des 1re et 2e années qui enseigne depuis 30 ans, «si l'on s'aperçoit qu'on utilise trop d'évaluations écrites avec les 1re et 2e années, on peut les réserver aux années plus avancées tout en privilégiant d'autres modes d'évaluation». Mme Yu ajoute : «Nos élèves rédigent des journaux et des rapports de lecture de la 1re à la 8e année. Si l'on trace l'esquisse de ces activités et de leurs évaluations, nous pourrons mesurer nos attentes et évaluations en fonction de la complexité des activités». Alors que de plus en plus d'enseignants approchent de la retraite, les esquisses vont permettre aux enseignants chevronnés de passer la richesse de leur expérience aux élèves et aux enseignants d'aujourd'hui et de demain. C'est un héritage plus utile qu'une pile de notes et de dossiers. Produire des esquisses demande de formuler des questions essentielles. Mme Yu reconnaît que «ces questions sont l'essence de ce que nous croyons que les élèves peuvent apprendre en termes réalistes dans les délais établis. Elles deviennent le point central de l'enseignement et de l'apprentissage et nous permettent de mieux montrer aux élèves d'où ils viennent et où ils s'en vont». En juin dernier, les enseignants de Silver Springs ont participé à l'atelier de Christine Shain sur la méthode et la formulation de questions essentielles. Conseillère et collègue d'Heidi Hayes-Jacobs, Mme Shain travaille depuis plusieurs années avec des écoles américaines qui s'intéressent à cette démarche. «On commence seulement à utiliser cette méthode en Ontario, car nous avons été occupés à mettre en ouvre le nouveau programme. Maintenant, les enseignants veulent aller au-delà des attentes et produire des esquisses qui nous aident à grouper la myriade d'attentes, à choisir la façon d'enseigner et la matière. Cela met également en évidence les domaines qui se prêtent bien à l'intégration et nous aide à établir des évaluations de plus en plus sophistiquées.»
Cette méthode n'est ni facile ni rapide à appliquer. Elle doit être suivie par tout le personnel de l'école et appuyée par l'administration. «Certains enseignants risquent de résister pour s'accrocher à leurs activités favorites. Par contre, les esquisses nous permettront de mieux gérer un programme aussi vague que vaste, affirme Mme Kalisz. Ce sont des outils, pas une philosophie. La méthode nous permet de faire ressortir les éléments essentiels de notre programme et d'enseigner pour une meilleure compréhension, pas seulement de cocher les attentes une par une.» Maria Brancato enseigne depuis sept ans. «Cette méthode est une très bonne idée, mais elle est aussi idéaliste et accablante. Il faut des années pour tracer une esquisse à l'échelle de l'école et il est vital que tous les enseignants s'engagent à le faire.» Trouver du tempsMme Shain reconnaît l'ampleur du défi et, dans ses ateliers, elle encourage les participants à faire du remue-méninges sur les stratégies de gestion du temps avant même d'appliquer la méthode. «Il faut entrer les données, échanger les informations, interpréter les esquisses et mettre en pratique ce qu'on a décidé. Tout cela prend du temps. La méthode ne peut pas être un à-côté, mais une priorité.» M. Diamond est d'accord. «Notre surintendant et le conseil nous appuient fortement grâce au financement et à l'allocation de congés pour activités professionnelles. L'appui de l'administration peut prendre la forme d'un emploi du temps et d'un budget flexibles et créatifs qui favorisent la formation professionnelle.» Mme Yu ajoute : «Nous en sommes encore au tout début, ce sera une priorité durant les prochaines années. Cela prendra de la réflexion, de la préparation, de la planification et du temps. Nous procédons étape par étape». À long terme, les enseignants espèrent afficher les esquisses dans les classes pour les montrer aux élèves et aux parents. Ils visent un programme sans faille, du jardin d'enfants à la 12e année, et une meilleure communication entre l'élémentaire et le secondaire. Comme le dit M. Diamond, «on commence en petit, mais on voit grand». À Silver Spring, il semble plutôt qu'ils ont commencé en grand et qu'ils pensent en plus grand encore. Sept Étapes pour tracer l'esquisse du programme d'Études, d'aprÈs Heidi Hayes-Jacobs1. Recueillir les donnéesTous les enseignants d'un même édifice tracent individuellement l'esquisse de la matière et des compétences qu'ils enseignent, ainsi que les évaluations qu'ils utilisent. Inutile d'écrire en détails le plan des leçons, mais il faut relever les compétences et évaluations. On peut également noter les questions essentielles et les ressources. Le format et le vocabulaire de toutes les esquisses doivent être uniformes tout en reflétant le caractère unique de chaque classe. 2. Première lectureChaque enseignant lit l'esquisse de l'école en surlignant les nouvelles informations, les domaines qui pourraient être intégrés et ceux qu'il faudrait revoir en cas de redondances. On va certainement vous dire : «Je ne savais pas que tu enseignais ça!» À cette étape, les enseignants devraient travailler seuls, car dans un groupe, une personne pourrait négliger de soulever un problème par peur d'offenser.* 3. Travail en petits groupesLes enseignants de sections et de niveaux différents se penchent sur les esquisses en groupes de cinq à huit et communiquent les résultats de leur lecture individuelle, sans modifier ni juger. Le but est d'isoler les domaines où l'on a appris quelque chose, ceux où l'on a perçu des lacunes ou des redondances, des possibilités d'intégration, des disparités entre les attentes et le programme, ainsi que la pertinence des évaluations. Il s'agit de souligner les domaines à examiner de plus près et non pas de récrire le programme.* 4. Comparaison des résultatsEnsemble, tout le personnel examine les résultats des sous-groupes au cours d'une réunion dirigée par le directeur ou un leader de l'école. Les enseignants décident s'ils veulent travailler en groupe ou en sous-groupes, parce qu'il faut maintenant réviser, modifier et élaborer un nouveau programme. Si le groupe compte plus de 25 personnes, il est peut-être préférable de travailler en équipes selon les niveaux, cycles et matières.* 5. Modifications immédiatesDéterminer les redondances ou les lacunes que l'on peut corriger rapidement, qui fera les modifications et quand. 6. Trouver les domaines qui demandent recherche et planificationDurant la révision des esquisses, les enseignants trouveront des domaines qui demanderont une plus grande attention avant même de pouvoir ajuster le programme. Par exemple, on peut observer un écart entre les attentes en écriture aux cycles moyen et intermédiaire. Il faudra donc avant tout revoir les attentes, les évaluations et les activités pédagogiques sur plusieurs années. 7. Mise à jour continue des esquissesTracer des esquisses est un processus continu; c'est pourquoi les enseignants doivent continuer de les revoir et de les mettre à jour. * Christine Shain, conseillère pédagogique en Ontario, suggère que les écoles forment différents groupes pour échanger des informations et interpréter les esquisses en fonction de leurs objectifs. Christine Shain, conseillère pédagogique, suggère des façons de procéder :
RessourcesCurriculum Mapping - Facilitator's Guide, Alexandria (Virginie), ASCD, 1999. Entrevue avec Heidi Hayes-Jacobs «New Needs, New Curriculum» dans Educational Leadership, Alexandria (Virginie), ASCD, vol. 61, no 4, décembre 2003/janvier 2004, p. 12-17. ERIKSON, Lynn H. Stirring the Head, Heart, and Soul: Redefining Curriculum and Instruction, Thousand Oaks (Californie), Corwin Press, 2000. HAYES-JACOBS, Heidi. Mapping the Big Picture: Integrating Curriculum and Assessment K-12, Alexandria (Virginie), Association for Supervision and Curriculum Development (ASCD), 1997. Vidéo 1 : Curriculum Mapping - Charting the Course for Content: The Essentials of Mapping. Alexandria (Virginie), ASCD, 1999. Vidéo 2 : Curriculum Mapping - Charting the Course for Content: Putting Mapping to Work. Alexandria (Virginie), ASCD, 1999. WIGGINS, Grant et Jay McTIGHE. Understanding by Design, New York, Pearson Education, 2000. Sites intÉressants Curriculum
Mapping or Backward Design (18 mai 2000), présentation PowerPoint
d'Ainsley B. Rose, directeur de l'éducation à la commission
scolaire Western Québec. Les
enseignants des écoles régionales de Palliser en Alberta
utilisent la méthode des esquisses depuis 2000 pour améliorer
l'apprentissage des élèves. La page de ressources donne
de l'information sur la méthode et les questions essentielles. L'Université de
Windsor offre des exemples de collaboration entre les professeurs et
les bibliothécaires pour la conception d'une programmathèque à partir
des esquisses de leur programme d'études. Vous pouvez consulter le site d'Heidi Hayes-Jacobs à www.curriculumdesigners.com ou communiquer avec Christine Shain, animatrice d'ateliers à christine_shain@havergal.on.ca. |