wpe8.jpg (114956 bytes)
Décembre 1999

Favoriser la résistance
chez les élèves perturbés


AG00041_.gif (503 bytes) De retour à la page d’accueil

La recherche montre que les enseignantes et enseignants et les écoles jouent un rôle important pour aider les élèves qui ont eu une enfance perturbée.

Chaque enseignante et enseignant est familier avec l’image de l’élève qui vit dans la pauvreté, qui a subi la négligence émotive ou diverses agressions. Ces enfants courent le risque de connaître des problèmes graves et persistants qui perpétueront ce cycle de pauvreté, de sous-performance et de comportement antisocial.

Mais ce ne sont pas tous les enfants qui baissent les bras devant de telles circonstances. De plus en plus de recherches étudient le phénomène de résistance par lequel de nombreux enfants désavantagés créent de saines relations et vivent une vie productive.

Certaines études qui ont suivi des enfants tout au long de leur vie estiment que près des deux tiers des enfants victimes de mauvais traitements ou négligés donnent la preuve d’une certaine résistance. Un thème commun se dégage de ces recherches, soit le rôle joué par des adultes attentionnés, parfois même un seul adulte attentionné et souvent une enseignante ou un enseignant.

Emmy Werner, professeure de développement de la personne et psychologue-chercheure pour enfants à l’Université de Californie, a mené une recherche exhaustive sur l’île de Kauaï à Hawaii; cette étude a suivi les progrès d’enfants désavantagés pendant près de deux décennies. Werner a conclu que les enfants à risque élevé de l’étude – ceux qu’elle a décrit comme étant «vulnérables, mais invincibles» – avaient au moins une enseignante ou un enseignant attentionné qui les appuyait. D’après elle, les enseignantes et enseignants «écoutaient les enfants, sollicitaient leur participation et les encourageaient.» Werner décrivaient aussi à quel point ces enfants résistants faisaient de leur école «un deuxième chez-soi».

D’autres chercheurs dans le domaine ont aussi conclu que bien que quiconque pouvait être attentionné envers les enfants et les appuyer, l’enseignante ou l’enseignant représentait la source d’appui non parental la plus souvent mentionnée. La recherche sur la résistance s’étant étendue à d’autres cultures et d’autres expériences, comme l’incidence de la guerre, il est suggéré que des facteurs de protection vont au-delà des frontières culturelles, géographiques et économiques, soit un facteur important dans les écoles multiculturelles de l’Ontario.

MAUVAISES ÉCOLES À RISQUE

Joseph Durlak, chercheur au département de psychologie à l’Université Loyola à Chicago, a effectué en 1998 un examen de 1 200 études liées à l’adaptation des enfants pour en venir à élaborer une série de facteurs de risque et de protection qui ont une incidence chez les enfants pendant leur développement. Bien que la liste de facteurs de risque couvre toute une gamme de situations, il est évident que les enseignantes et enseignants comptent parmi les personnes qui souvent jouent un rôle essentiel dans le développement des jeunes.

Dans l’étude de Durlak, ce n’était pas les caractéristiques individuelles, comme un faible QI, l’absence de motivation ou le manque d’aptitude aux études, que l’on attribuait aux mauvais résultats des élèves, mais bien les mauvaises écoles. Un personnel enseignant non attentionné, un curriculum sans intérêt, une mauvaise collaboration entre l’école et les parents et de faibles attentes envers les élèves représentent un facteur d’importance dans l’incidence d’un rendement scolaire faible, de problèmes comportementaux et d’autres facteurs venant modifier la vie comme une grossesse, la consommation de drogues et le sida. Cette situation a mis en relief la croyance de Durlak qui dit que dans les écoles qui offrent un bon appui, même les élèves ayant des caractéristiques individuelles négatives peuvent bien réussir.

LES BONNES ÉCOLES PROTÈGENT

Un autre groupe de chercheurs, mené par Michael Rutter, psychiatre pour enfants à l’Institute of Psychiatry à Londres, s’est intéressé à savoir pourquoi le comportement des élèves et les degrés de réussite variaient tant d’une école à l’autre. Leur étude a prouvé que les écoles qui réussissaient étaient à l’opposé des «mauvaises écoles» de Durlak – le personnel enseignant exigeait des normes de comportement élevées, ne laissait aucune équivoque quant aux attentes de rendement des élèves et avait confiance dans la capacité des élèves de réussir.

Les élèves étaient encouragés et relevaient des défis quand les enseignantes et enseignants leur donnaient des responsabilités supplémentaires. Même les enfants qui connaissaient de graves difficultés à la maison réussissaient bien s’ils fréquentaient une école de qualité. Tous ces facteurs ne font que mettre en relief les résultats d’autres recherches qui montrent que les personnes se comportent souvent conformément aux attentes des autres.

D’autres études, dans un contexte légèrement différent, ont démontré que donner plus de responsabilités aux élèves était valable. Les enfants qui doivent s’occuper de frères ou de sœurs plus jeunes ou qui effectuent des tâches habituellement réservées aux adultes – ce qu’un chercheur a appelé «l’aide obligatoire» – montraient souvent des signes de résistance. Ils semblaient aller chercher leur force du fait qu’on avait besoin d’eux et qu’ils étaient capables de surmonter une situation difficile.

QUALITÉ DU TEMPS

Même à la lumière de ces recherches, certains peuvent remettre en question la capacité des enseignantes et enseignants d’avoir une influence importante et durable chez les jeunes étant donné la croissance de la taille des classes et la réduction du temps passé avec chaque élève.

Or, en règle générale, la recherche semble avoir trouvé que la seule véritable caractéristique d’une influence positive et efficace chez un jeune est la préoccupation pour le bien-être de l‘enfant. Ce n’est pas la quantité de temps qu’une enseignante ou qu’un enseignant passe avec un élève qui compte mais le sens de stabilité et d’engagement qu’un adulte communique à un enfant pendant le temps passé ensemble.

La recherche démontre que bien des personnes issues de milieux désavantagés ont tendance à faire de mauvais choix même après que leur milieu s’est amélioré. Les enseignantes et enseignants peuvent jouer un rôle clé dans ces situations, étant donné que les décisions liées à l’éducation sont tout particulièrement importante aux plans de la carrière et de la réussite financière. Ils sont dans une situation idéale pour donner l’orientation nécessaire à un aspect primordial de la planification de la vie.

La recherche met en évidence le rôle essentiel joué par les enseignantes et enseignants, non seulement à titre d’éducateurs mais aussi comme porte-parole et partisans des enfants et adolescents vulnérables. Il est évident que les enseignantes et enseignants influencent bien plus que les résultats scolaires de leurs élèves. Ils influencent leur vie.

Emmy Werner décrit comment les enfants résistants attribuent souvent leur capacité d’acquérir un sentiment de confiance que tout ira bien, peu importe les difficultés qu’ils traversent. Pour que cette confiance puisse se développer et se maintenir, les enfants ont besoin de relations et de liens avec des personnes attentionnées qui les aident à donner du sens à leur vie.

Comme Werner le souligne «chacun de nous peut transmettre ce don à un enfant – dans la classe, au terrain de jeu, dans le quartier, dans la famille, si cela nous tient à cœur.» Les enseignantes et enseignants ont la possibilité, rare et privilégiée, de pouvoir transmettre ce don d’être attentionné et d’appuyer à bien des jeunes tout au long de leur carrière. Grâce à des interventions appropriées auprès des enfants et des adolescents sous leur supervision, les enseignantes et enseignants font une différence.

Cet article a été rédigé grâce à des renseignements reçus du Community Health Systems Resource Group à l’hôpital Sick Kids à Toronto.

Pour obtenir plus de renseignements sur la recherche sur la résistance chez les enfants :

Family.go.com 

www.daodas.state.sc.us/services/resilient.html

www.valdosta.edu/~whuitt/psy702/files/resbuild.htm

Extrait de «Resilient Children» tiré de Young Children, d’Emmy E. Werner

Ceux d’entre nous qui s’occupent des jeunes enfants, qui travaillent avec eux ou en leur nom, peuvent faciliter le passage de la vulnérabilité à la résistance :

  • en acceptant les idiosyncrasies du tempérament des enfants et en leur permettant de vivre des expériences qui mettent en valeur, sans trop en demander toutefois, leur capacité à surmonter des obstacles
  • en transmettant aux enfants un sens des responsabilités et de l’attention à apporter aux autres et, en retour, en les récompensant pour leur aide et leur collaboration
  • en encourageant un enfant à s’intéresser à quelque chose en particulier, à un passe-temps, à une activité qui peut servir de source de satisfaction et d’estime de soi
  • en affirmant, par l’exemple, que la vie vaut la peine d’être vécue malgré les obstacles que chacun de nous peut avoir à franchir
  • en encourageant les enfants à aller chercher de l’aide au-delà de leur famille immédiate, que ce soit auprès d’un membre de la famille élargie ou d’un ami.