Une journée dans la vie...

Gary Malloy, Windsor

Assumption College
Conseil scolaire de district catholique de Windsor-Essex
Sciences, français
Certifié en 1984
Faculté d’éducation, Université de Windsor
de Peter Mosher

7 h 45. Dans le laboratoire, les microscopes reposent tranquilles sur les bancs du laboratoire, les chaises sont rangées sur les tables. Sur les murs, des affiches montrent des poumons noircis par la fumée. Il n’y a aucun devoir inscrit au tableau. Tout est propre et tranquille dans la pièce et ce sera ainsi toute la journée (bien qu’une odeur désagréable provenant d’un contenant de terre recueillie par des élèves des CPO le long de la rivière Detroit commence à se répandre dans la pièce).

Gary Malloy, enseignant de français et de biologie à la Windsor’s Assumption College School, essaie de brancher un microscope à un écran de télé afin que tous les élèves puissent voir la différence entre une cellule de la peau et une goutte d’eau.

Il va et vient de sa classe-laboratoire à son minuscule bureau truffé de manuels, de photocopies, d’affiches où paraissent des devises inspirantes, de terminaux d’ordinateurs, de bouteilles de jus vides et des trois enseignants de sciences qui, croyez-le ou non, partagent également cet espace.

Malloy a commencé à enseigner ici voilà trois semaines seulement. À l’instar d’un autre enseignant de sciences, il est passé de la confortable banlieue à Assumption. «Après avoir passé huit ans au même endroit, raconte-t-il, j’avais l’impression de m’enliser. J’avais besoin de me ressourcer. Ils nous ont tous deux obtenus en échange d’un troisième choix au repêchage d’une faculté d’éducation et d’un concierge qui sera nommé plus tard», plaisante-t-il.

Ayant grandi à Windsor, Malloy a passé 17 années dans les écoles catholiques élémentaires et secondaires de la ville. Il est également entraîneur de cross-country non seulement à Assumption, mais aussi à l’Université de Windsor. Lorsqu’il en a le temps, il fait sept ou huit kilomètres de jogging par jour. Ce matin, il se démène pour être prêt avant le début de son cours.

Debout en équilibre sur une chaise dans la salle de fournitures, il cherche parmi les bouteilles de l’iode pour ses transparents. À son école, bien des jeunes sont des enfants de la rue, pas toujours faciles. Par conséquent, plus de la moitié des cours qu’il donne ont une application pratique. Ils visent les jeunes qui n’iront pas à l’université et qui, en majorité, ont à la fois des problèmes sociaux et scolaires.

Hier, par exemple, Malloy a entendu une de ses élèves de 9e année en menacer une autre. Sachant à quel point la menace pouvait être sérieuse, il a parlé à la jeune fille et en a informé la direction de l’école. Plus tard dans la journée, elle l’a remercié d’un ton sarcastique et de manière que tous ceux présents dans le corridor l’entendent : «Merci, Monsieur, de m’avoir dénoncée à la direction!»

«Vous ne pouvez pas vous douter du genre de problèmes que peuvent avoir certains jeunes, confie Malloy. Habituellement, on encourage les nouveaux à jouer dur avec les élèves. Personnellement, je crois qu’ils ont assez de subir ce genre d’attitude à la maison. Ce qui est bien, avec les jeunes, c’est qu’ils peuvent connaître la pire journée et être tout à fait corrects le lendemain. C’est comme ça. Il ne faut pas s’en offusquer.»

Quelques minutes avant le son de la cloche, Malloy doit faire quelques arrêts au bureau et faire la queue avec d’autres enseignants pour photocopier d’anciens manuels, des leçons, des illustrations et autre matériel visant à compléter ou remplacer les documents officiels du ministère de l’Éducation. «J’essaie de trouver du matériel pratique qui ne les découragera pas. Selon le Ministère, le curriculum devrait être le même pour les cours théoriques et pratiques, mais en pratique, c’est impossible. Prenons ce manuel de biochimie. Il est génial, car il leur apprend à prononcer les termes scientifiques. La plupart de ces jeunes ne s’intéressent pas vraiment à la matière. S’ils ne peuvent faire le travail, ils vont tout simplement abandonner. Il faut les guider et les apprivoiser tranquillement de sorte qu’ils puissent apprendre malgré tout.»

Pas le temps de causer ce matin. Les élèves du cours appliqué de français de 9e année sont en route. Malloy recule sa cassette. «Ça fait plusieurs années qu’ils suivent des cours de français. Ils ne sont pas assez motivés pour le parler, mais au moins, ils pourront l’entendre un peu.»

Treize garçons et 11 filles vêtus d’un uniforme à chemise blanche et d’un pantalon ou d’une jupe foncée s’installent dans la classe. Ils descendent les chaises des tables, non sans un certain bruit. Des murmures se font entendre. Le groupe récite le Notre Père, puis la classe commence. Quelqu’un a perdu son chapeau. Malloy essaie d’engager les élèves dans la conversation. «Y a-t-il des objets que vous perdez régulièrement? Moi, c’est mes clés.»

«Chez nous, on peut passer des heures et des heures à chercher la télécommande», avoue un garçon.

«Moi, c’est ma carte d’autobus.»

«Moi, je perds patience.»

«Ça s’est produit quelques fois ici, n’est-ce pas?», commente Malloy.

Il se déplace dans la classe. Il est rarement immobile ou silencieux, questionnant tour à tour les élèves en anglais et en français. Avec ces élèves, c’est l’enseignant qui dirige vraiment la classe. Au cours des 20 dernières minutes, les élèves essaient de créer des pages web en français à l’ordinateur. Ils ont l’air d’aimer ce qu’ils font, mais on doit souvent leur rappeler que les pages doivent être en français uniquement.

Dans cette école semestrielle, les cours durent 76 minutes. C’est trop long, d’après Malloy, pour garder l’attention d’un jeune de 9e année. Vers la fin du cours, on sent l’impatience monter, quelques-uns essaient vainement de s’échapper, puis la cloche sonne et ils disparaissent.

Il est 11 h 10. C’est le temps de manger. Mais tout d’abord, une douzaine d’amateurs de cross-country se réunissent pour en apprendre davantage sur une compétition à Chicago à laquelle ils pourraient assister pour environ 20 $ chacun, car l’équipe de l’université y participera. Malloy aimerait que ces jeunes de 9e année songent à former une future équipe.

Il quitte enfin la cafétéria bondée en attrapant une salade de pâtes. D’autres enseignants et des élèves le distraient en route vers son bureau, où il touche à peine à son repas (trop de mayonnaise de toute façon). Quelques minutes plus tard, il est déjà de retour en classe, en train d’inscrire au tableau les parties d’une cellule en prévision du test la semaine prochaine.

La première de ses 15 élèves du cours appliqué de biologie arrive en classe et le salue d’un «Monsieur, je ne pourrai pas passer le test aujourd’hui. Je n’ai pas eu le temps d’étudier.»

«Habituellement, on commence au moins par dire "bonjour", répond-il. Bon, je vous donne cinq minutes pour étudier.»

Une main se lève pendant le test. «Monsieur, je peux aller à la toilette?» Malloy refuse. La dernière fois, elle a passé sept minutes aux toilettes. Aujourd’hui, elle devra attendre la fin du cours. Elle accueille sa réponse d’un regard meurtrier et flanque ses pieds sur une chaise. Il lui demande de les poser par terre. Elle lance des regards noirs au reste de la classe.

Malloy essaie d’encourager les élèves en les incitant à répondre à toutes les questions. Après tout, ils ont 50 pour 100 de chance de tomber sur une bonne réponse dans les questions vrai ou faux. La plupart d’entre eux ont besoin de tous les points qu’ils peuvent obtenir. Il insiste : il n’y a aucune raison de paniquer s’ils n’obtiennent pas les résultats escomptés.

«Si vous échouez, dites-vous bien que la partie n’est pas encore perdue, promet-il. Je ne vais pas compter votre note la plus faible. Si vous avez moins de 50 pour 100 au test, vous pouvez revenir passer le test demain matin à 8 heures.»

Le Ministère est «obsédé par les évaluations. À quoi ça sert de forcer un élève à suivre un cours deux ou trois fois s’il n’y a pas moyen de le faire passer la première fois?» Peu importe ce que dit le curriculum, son défi à lui consiste à enseigner le plus de connaissances pratiques à un groupe de jeunes qui quittera les bancs de l’école dans quelques années.

La discussion passe maintenant à l’ADN. Le groupe veut savoir comment on peut identifier un suspect à l’aide d’un seul cheveu. Ils s’attroupent autour des microscopes, identifient des parties de cellules qu’ils ont recueillies à l’intérieur de leur joue à l’aide d’un cure-dent. «Doucement!, les avertit-il. Je ne voudrais surtout pas voir une mare de sang dans la classe!»

La cloche sonne et ils quittent un à un la classe. «Monsieur, je ne sais pas si je serai là demain.» «Moi non plus.» «Moi non plus...»

«Eh bien, si vous ne venez pas, vous allez réellement me manquer, répond-il. Je suis sérieux!»

La journée se termine en beauté avec l’arrivée de ses élèves des CPO de biologie. «Tout enseignant a besoin d’une classe comme celle-ci pour demeurer sain d’esprit», avoue-t-il. Manifestement, ces 12 élèves s’intéressent à la matière et Malloy s’anime. On voit bien le plaisir qu’il prend plaisir à enseigner.

Le groupe discute de l’effet mortel qu’ont souvent les êtres humains sur ce qui les entoure : on empoisonne l’environnement et c’est dans les animaux au sommet de la chaîne alimentaire qu’on retrouve la plus grande concentration de DDT. «Et ça, c’est nous, à moins de nager sur les côtes de la Floride», lance Malloy avec humour. Ils discutent de la tragédie de Walkerton et de la multiplication non maîtrisée de la bactérie E. coli dans l’eau. Qu’arriverait-il si notre population se multipliait dans des proportions semblables? Comment peut-on nourrir de personnes sur la terre? Malloy dresse un tableau : deux milliards en 1930, quatre milliards en 1975, six milliards à l’heure actuelle.

En parlant de contamination, une odeur désagréable se fait maintenant sentir à l’avant de la classe. Le contenant de terre que ces élèves ont rapporté de la dernière partie de la rive encore inexploitée de la rivière Detroit commence à exhaler des émanations définitivement nauséabondes. Il y a quelque chose qui cloche là-dedans. Il faudra que j’aille voir. Vous savez ce que ça sent? L’hydrogène sulfuré. Ouvrons les fenêtres pour au moins dissiper l’odeur.

Presque chaque après-midi, Malloy entraîne des jeunes au cross-country, mais aujourd’hui, il doit se rendre au tournoi de golf du personnel. Avant de quitter l’école, il s’assure qu’un autre enseignant s’occupe de ses coureurs.

De retour à son bureau, il trouve une note de la jeune fille de 9e année qui a proféré des menaces de violence un peu plus tôt. «Je m’excuse sincèrement de ce que je vous ai dit plus tôt dans le corridor. Vous êtes un de mes enseignants préférés.»

Un grand sourire illumine le visage de Gary Malloy. «Il ne faut jamais, jamais perdre espoir en ces jeunes.»

Gary Malloy
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