Juillet 2001. Le soleil plombe. Grant Ranalli, enseignant, tente bien que mal de monter une boîte à lettres offerte par Postes Canada dans la camionnette qu’il a empruntée à son frère. La boîte entre tout juste.

Il dépose la boîte à la St. Helen School à Hamilton. Il a déjà plein d’idées pour un service postal à l’école. Ranalli a lui-même poncé et peint sa boîte dans les couleurs marine et or de l’école. Puis, il la recouvre d’un drap à l’abri des regards curieux en attendant le début des classes.

«Tout ce que j’avais à ce moment-là, c’était ma boîte aux lettres et des idées plein la tête, avoue l’enseignant de 4^e année. Je n’aurais jamais cru que mon projet connaîtrait autant de succès.»

Dorénavant, l’expression «vous avez du courrier» revêt une signification particulière à St. Helen. Ranalli a lancé son service postal en octobre dernier. Le succès fut instantané. Élèves, membres du personnel, visiteurs et personnes âgées d’un centre rattaché à l’école peuvent envoyer et recevoir du courrier. D’octobre à Noël, enfants et adultes avaient déposé plus de 1 000 lettres, cartes et paquets dans la boîte aux lettres de Ranalli.

C’est un moyen idéal d’encourager la lecture, l’écriture et le développement de compétences pratiques, comme adresser une enveloppe et assumer les responsabilités d’un emploi, ajoute Ranalli. Le service postal répond également aux exigences du curriculum.

POUR CHAQUE ÉCOLE

«Je n’hésite pas à recommander ce service à toute école», ajoute Ranalli, le maître de poste.

Ranalli s’est inspiré d’un service postal interne mis en place dans une autre école où il avait enseigné et en a élargi le concept pour faciliter le travail du personnel enseignant et rendre l’expérience plus amusante pour les élèves.

Le bureau de poste est ouvert deux ou trois semaines avant une fête importante, comme l’Halloween, Noël, la Saint-Valentin et Pâques. Quatorze élèves de 4^e année ont soumis leur candidature et passé des tests écrits et pratiques pour devenir postiers. Chaque jour, ils recueillent, trient, rejettent, acceptent, trient de nouveau, annulent et livrent le courrier. À bord du Pony Tail Express, un tricycle muni d’un panier à l’arrière, une élève en difficulté assure la livraison.

Les élèves postiers signent un contrat de travail avec Postes St. Helen. Ranalli a en outre rédigé un guide de l’employé renfermant les descriptions de postes. Ils suivent un horaire hebdomadaire et s’ils ne peuvent travailler une journée, ils doivent trouver quelqu’un pour les remplacer. Postes St. Helen possède même son propre tampon d’oblitération et son logo doré.

«Le service est si populaire que certains jours, nous avons peine à traiter tout le courrier que nous recevons!», raconte Ranalli.

PLUS DE 100 LETTRES PAR JOUR

Juste avant Noël, le bureau de poste de l’école traitait plus de 100 lettres par jour. Rien de surprenant! Le service est gratuit. Les factures et le publipostage sont interdits. Et les facteurs n’ont pas à affronter les intempéries.

Pour ce qui est des adresses, les enseignantes et enseignants ont été invités à trouver des noms de rue originaux pour leur classe. Certains ont sollicité des suggestions et retenu la meilleure; d’autres ont tout simplement établi leurs propres coordonnées. Pour la 3^e année — 3 Kangaroo Court; pour la 4^e année — 4 Roadrunner Road. La direction est au 1958 Tiger Terrace — pour commémorer la date de construction de l’école et les Tiger-Cats, l’équipe de football de Hamilton.

La boîte aux lettres fraîchement peinte est située dans le hall principal. C’est là que sont postées toutes les lettres. Postes Canada a également offert un grand sac pour la collecte et la livraison du courrier.

Mark’s Work Wearhouse a fait don des chemises de travail, Business Depot des enveloppes. La boîte aux lettres de chaque classe a été fournie par Dancy Metal Products de Mississauga. Les élèves n’ont pas manqué d’écrire à ces entreprises pour les remercier de leur générosité.

Le service postal a été inauguré en grandes pompes lors d’un rassemblement scolaire où flottaient des chansons connues sur le thème des lettres comme Return to Sender. Dorothy Spence, directrice de l’école, a coupé le ruban d’honneur et la secrétaire a officiellement posté la première lettre. L’appui manifesté par la directrice, ainsi que le personnel enseignant et administratif, a grandement contribué au succès du projet, admet Ranalli.

D’après Spence, le service postal a ravivé l’intérêt des élèves pour l’écriture et a insufflé une nouvelle énergie au sein de l’école. Elle entend souvent les élèves parler des lettres qu’ils comptent envoyer.

«Les élèves sont fascinés par ce service», ajoute-t-elle.

Spence envoie des lettres aux classes pour les complimenter sur une nouvelle œuvre d’art ou féliciter une équipe sportive. Les élèves ne se gênent pas non plus pour lui écrire. Un garçon lui a notamment envoyé une lettre pour lui parler d’un problème et la direction s’en est occupé.

«Nous sommes heureux de compter sur l’appui de la collectivité pour un projet comme celui-ci», ajoute-t-elle.

Postes St. Helen a même étendu son service à un centre pour personnes âgées. Le centre a sa propre boîte aux lettres et reçoit environ 20 lettres par semaine. Les élèves participent aux activités, apprennent à connaître les résidents et leur envoient même des lettres et des cartes.

UN PROGRAMME AMÉRICAIN

Aux États-Unis, le service des postes américain parraine le programme Wee Deliver, activité qui comprend la création d’un service postal à l’école. Environ 40 000 écoles y participent. Ce programme a été lancé en 1990.

Toute école américaine peut commander gratuitement la trousse de démarrage. Cette trousse comprend un vidéo, un guide de l’enseignant, un modèle de communiqué de presse, un tampon d’oblitération et de retour à l’expéditeur, une affiche, une boîte de collecte et une boîte de distribution du courrier, ainsi qu’un sac de livraison. Selon le service des postes américain, les écoles participantes y voient là un excellent moyen de contrer l’analphabétisme et d’améliorer l’assiduité et les résultats aux tests.

De son côté, Ranalli affirme que Postes St. Helen a eu des retombées positives pour les élèves, le personnel enseignant et l’administration. Des enseignants d’autres écoles ont communiqué avec lui pour obtenir plus d’information en vue de démarrer leur propre programme.

«Le service favorise la lecture, car comme tout le monde, les élèves adorent recevoir du courrier. Il encourage également l’écriture. Il est difficile de motiver les élèves à écrire, les garçons surtout.»

«Voilà une excellente façon de les motiver. Je dis souvent aux élèves, "si vous voulez recevoir du courrier, vous devez commencer par en envoyer". Cela fonctionne particulièrement bien lorsqu’ils voient que leurs camarades de classe reçoivent des lettres, mais pas eux.»

Dans les écoles où les résultats aux tests de lecture et d’écriture de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation sont faibles, c’est là une occasion en or d’améliorer la situation. Le service postal favorise les aptitudes à la vie quotidienne, à la communication et les habiletés sociales.

«Certains croient que le projet va bien au-delà de leurs responsabilités, mais en réalité, ce n’est qu’un autre moyen d’arriver à ses fins, mentionne Ranalli. Ainsi, le système contribue à motiver les élèves et à mettre en pratique ce qui autrement aurait été une leçon abstraite.»

Pour un enseignant, le projet permet d’évaluer les habiletés en écriture de ses élèves et de communiquer avec eux, ajoute Ranalli.

«Les jeunes peuvent écrire à leur enseignante ou enseignant pour leur parler de questions qu’ils n’oseraient jamais aborder en personne, ajoute-t-il. S’ils ont des soucis personnels, et souhaitent en parler avec un adulte, ils peuvent ainsi se confier à leur enseignant. Voilà un moyen de communiquer avec leur enseignante ou enseignant préféré.»

Pour les élèves postiers, le service représente une source de valorisation personnelle et la possibilité d’assumer des responsabilités.

Ils doivent se présenter à l’heure. Ils remplissent le formulaire d’inscription et signent un contrat. Ils doivent passer un test écrit et un test pratique.

UNE ACTIVITÉ AMUSANTE

Stephanie Brown, Katie Niewland et Destinee Taylor travaillent toutes pour Postes St. Helen. Élèves de 4^e année, elles adorent leur boulot. Stephanie, 9 ans, a envoyé cinq lettres à des amis pour prendre de leurs nouvelles, leur demander ce qu’ils apprennent et les inviter à jouer avec elle à la récréation. À son avis, d’autres écoles devraient offrir un système semblable.

«En écrivant des lettres, on peut se faire de nouveaux amis», dit-elle.

«Cette activité est vraiment amusante et instructive pour les plus jeunes parce qu’elle leur explique comment le système fonctionne, affirme Katie, 9 ans. Moi j’ai appris qu’il n’était pas facile d’être postière. Il faut s’assurer que le code postal est correct et que les mots sont bien épelés.»

Selon Ranalli, les élèves tirent une certaine fierté de leur travail. Il a découvert notamment que même le maître de poste n’était pas à l’abri de la vigilance de son personnel. Ne laissant rien passer, ses employés ont relevé quelques erreurs dans ses lettres et ont dû les rejeter. Il les a félicités de leur excellent travail.

«Vous avez attrapé le maître de poste!», s’est-il exclamé, sa fierté à peine touchée.

Pour en apprendre davantage sur cette activité, communiquez avec Grant Ranalli à positiveone@sympatico.ca.