Les portfolios favorisent l’épanouissement professionnel
Les portfolios professionnels sont des outils précieux aussi bien pour les nouveaux enseignants que pour les enseignants chevronnés, car ils permettent de réfléchir au travail accompli et de définir ses propres objectifs de formation.

de Deborah Berrill

À l’instar d’autres professionnels, les enseignantes et enseignants abordent des situations complexes avec une certaine réflexion. Toutefois, cette réflexion est tellement enracinée dans l’exercice de leur profession que souvent, ils ne peuvent nommer ce type de réflexion.

Donald Schön, l’un des auteurs qui a le plus influencé l’exercice de la profession, s’est penché sur ce problème dans son livre, publié en 1983, The Reflective Practitioner: How Professionals Think in Action. Dans celui-ci, Schön invite les professionnels à devenir des «praticiens réfléchis». Or, pour que les professionnels puissent réfléchir à l’exercice de leur métier, ils doivent d’abord être en mesure de le discerner.

Le portfolio professionnel, inspiré par les Normes d’exercice de la profession enseignante de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, met en lumière ces pratiques. Les membres du corps enseignant peuvent ainsi critiquer leurs propres pratiques et celles de leur établissement et parler avec un sens aiguisé de leur expertise et de leur professionnalisme. Ils peuvent également identifier les programmes de formation les plus susceptibles de contribuer à leur perfectionnement professionnel.

Dans l’un des programmes de baccalauréat en éducation offerts par l’Université Queen’s, l’utilisation de portfolios en fonction des normes d’exercice démontre de façon cohérente et rigoureuse quelles sont les aptitudes et connaissances liées à l’enseignement et propose une façon de réfléchir à son travail. L’utilisation d’un portfolio favorise aussi un enseignement et une formation mieux ciblés, une prise de conscience des convictions qui éclairent la pratique et un sentiment profond de professionnalisme personnel.

D’après ma propre expérience de travail avec du personnel enseignant et de direction d’école au Royaume-Uni, le même processus s’applique à tout éducateur qui monte un portfolio et le tient à jour.

ORGANISATION DU PORTFOLIO

L’organisation d’un portfolio traduit ce que les étudiants en éducation doivent apprendre, c’est-à-dire les dimensions de l’enseignement qu’ils doivent connaître et mettre en pratique lors d’une entrevue pour un poste en enseignement. Ces dimensions sont les suivantes : perfectionnement professionnel, planification, évaluation, gestion de classe, connaissances des matières, éducation de l’enfance en difficulté, inclusion, technologie, contributions parallèles au curriculum, ainsi que leadership et service.

Durant la première année du programme concomitant de cinq ans, les étudiants en éducation reçoivent une reliure d’un pouce pour commencer leur portfolio, soit la taille maximale, car un portfolio plus gros tend à s’éparpiller et à s’éloigner de l’essentiel.

À l’origine, il a fallu abattre un travail colossal pour créer des entrées qui mettent en lumière des pratiques comme la gestion de la classe, lesquelles sont liées aux aptitudes interpersonnelles et à la résolution de problème. Puis, des stratégies ont émergé grâce à des énoncés personnels qui précèdent désormais chaque section, et le recours à des tableaux comme ceux qui montrent une situation, notamment le défi à relever, la démarche utilisée, le résultat et une réflexion.

Plusieurs conversations avec du personnel de l’Ordre lors de l’exercice d’agrément de 1998 tournaient autour des énoncés personnels sur chacune des dimensions de l’enseignement, ainsi que sur une autre dimension pour le perfectionnement professionnel. Ces énoncés renforçaient les portfolios et la conviction des étudiants en matière d’enseignement et la nécessité d’assumer eux-mêmes leur perfectionnement.

De nombreux étudiants arrivent à la faculté avec une expérience du leadership et du service, et ces composantes s’intègrent aussi au portfolio.

HOMMAGE AU PROFESSIONNALISME

Au fil des années, il est apparu que les portfolios mettaient en évidence la formation et le professionnalisme, mais qu’ils démontraient aussi les aptitudes et les connaissances. Les étudiants accordaient une valeur de plus en plus grande aux portfolios, y consacraient plus de temps et de réflexion et par là, renforçaient l’intégrité du processus d’élaboration d’un portfolio.

Suzanne Wong, étudiante en dernière année de B.Ed. — palier élémentaire, explique : «J’ai acquis plus de confiance en moi en étant capable de démontrer mes connaissances antérieures et de planifier en vue de ma formation subséquente pour devenir une enseignante complète. Par exemple, j’ai pas mal d’expérience de l’inclusion — relations interraciales — mais je dois renforcer ma connaissance de la technologie. J’ai découvert que l’élaboration d’un portfolio revêt autant d’importance que le produit final. Avec le temps, j’ai réévalué mes progrès dans les différentes dimensions de l’enseignement afin de renforcer mes aptitudes et mes connaissances et ce, du point de vue de la formation la vie durant. Grâce au portfolio, j’ai adopté une philosophie d’enseignement fondée sur les expériences uniques dont je peux faire bénéficier une classe et sur ce que je peux apporter de positif à l’école.»

Après sa première entrevue pour un poste en enseignement, Cheryl McLaughlin, qui à sa première année, enseigne les mathématiques et l’informatique à la St. Stephen’s Secondary School de Bowmanville, a affirmé : «Grâce au portfolio, j’étais prête. Même si je n’ai pu utiliser tout mon portfolio, le simple fait de l’avoir à mes côtés m’a rassurée. J’étais littéralement transportée après l’entrevue. Je ne me suis jamais sentie aussi fière de ce que j’avais accompli qu’après l’entrevue. J’avais fait beaucoup de chemin au cours des cinq dernières années!»

«J’ai utilisé mon portfolio pendant l’entrevue […] et cela m’a été salutaire! J’avais marqué certains éléments […] Dans mes réponses, il était facile d’appuyer ce que j’avançais. Mes interviewers voulaient savoir ce que j’avais à dire, mais s’intéressaient aussi à mon portfolio», explique Lindsay Deeks, enseignante de 5e année à l’école élémentaire Regency Acres d’Aurora.

L’élaboration d’un portfolio met l’accent sur l’articulation des convictions de l’enseignante ou l’enseignant et sur la manière dont la pratique de celui-ci reflète ses convictions. Cette remise en question aide à prendre du recul. On en ressort avec un sens aigu du professionnalisme, de l’expertise en matière d’éducation et avec une image précise du perfectionnement professionnel à acquérir.

UN ENSEIGNEMENT MIEUX CIBLÉ

Devant cette tendance à l’utilisation croissante du portfolio, j’ai commencé moi-même à examiner ma façon d’enseigner et à me demander comment chacune des unités que j’enseignais pouvait trouver sa place dans le portfolio. Le portfolio est ainsi devenu un moyen transparent de mesurer la pertinence et l’efficacité de mon enseignement.

Plusieurs questions se sont posées. Puis-je intégrer les connaissances et aptitudes associées à cette unité dans le portfolio? Quels exemples ou entrées iront dans le portfolio à partir de cet apprentissage? Ces exemples sont-ils utiles? Ou démontrent-ils que les besoins d’enseignement doivent être recentrés, le matériel plus compact, l’application modifiée? Tout le matériel enseigné devrait-il figurer dans le portfolio?

Ces questions ont permis de mieux cibler l’enseignement de chaque cours et montré à quel point les cours se complètent les uns les autres. La structure du portfolio est devenue un moyen de sélectionner le contenu des cours — ainsi que les points sur lesquels on veut mettre l’accent. Cela m’a permis d’envisager mon enseignement sous un angle différent et d’expliquer comment ce que j’enseignais s’inscrivait dans un contexte plus global.

Le fait de mettre en lumière mon enseignement grâce au portfolio signifie que je peux critiquer ma manière d’enseigner et examiner ma pratique pour voir si elle traduit mes convictions et les raisons pour lesquelles j’ai choisi ce métier. Grâce au portfolio, je constate où et comment je consacre temps et énergie — et là où il y a des manques.

Le portfolio permet à l’enseignante ou à l’enseignant d’évaluer son enseignement et ses méthodes pour déterminer ses points forts et ses lacunes. Prendre du recul aide l’enseignante ou l’enseignant à savoir pourquoi il passe plus de temps sur des aspects moins importants, au détriment d’activités qui lui sont plus chères. Il peut ainsi rectifier ces situations de façon à ce que sa pratique se rapproche des raisons pour lesquelles il a choisi cette profession.

LES ENSEIGNANTS EXPÉRIMENTÉS AUSSI

L’élaboration d’un portfolio comme elle se fait à la formation initiale est tout aussi possible à mettre en œuvre avec du personnel enseignant chevronné.

J’ai travaillé avec des enseignantes et enseignants en Angleterre à l’élaboration de portfolios qui correspondent à des dimensions d’enseignement quasi identiques, mais à un degré plus poussé de professionnalisme et d’expertise.

En Angleterre, le personnel enseignant et de direction d’école fait l’objet d’une évaluation annuelle du rendement effectuée selon des normes nationales de la Teacher Training Agency. Vous pouvez les consulter dans son site web à www.tta.gov.uk et dans celui du National College for School Leadership à www.ncsonline.gov.uk.

Chaque personne doit compiler elle-même son matériel dans le cadre de l’évaluation annuelle du rendement. Certaines d’entre elles se servent des portfolios pour illustrer leur travail et pour définir des objectifs de perfectionnement professionnel.

En mettant en évidence sa pratique, l’enseignante ou l’enseignant inclut le travail des élèves. Par exemple, on articule les défis que doivent relever les élèves en difficulté, on décrit les approches utilisées, on commente leur efficacité et on discute des nouvelles stratégies mises à l’essai quand les premières ne répondaient pas aux besoins. On incorpore des exemples datés et photoréduits de travaux d’élèves qui traduisent leurs progrès. Ce contexte particulier peut amener à définir des objectifs de perfectionnement l’année suivante.

ÉLABORATION D’UN PORTFOLIO : UN MODE DE PENSÉE

Lorsque une enseignante ou un enseignant se sert d’un portfolio fondé sur des normes profes-sionnelles, on observe plusieurs choses : une réflexion sur sa pratique par rapport à des normes communes, la détermination d’activités de perfectionnement professionnel et l’homogénéité et la rigueur dans chaque école.

La réflexion se trouve au cœur du processus.

Ce type de portfolio favorise l’évaluation personnelle authentique de l’exercice de la profession dans un contexte de valeurs et d’attentes professionnelles communes. Le portfolio met en évidence le professionnalisme, met en valeur des normes élevées et fait du perfectionnement professionnel une partie intégrante de la réflexion critique.

Fait à noter, le processus d’élaboration d’un portfolio devient un mode de pensée. Il permet à l’enseignante ou à l’enseignant d’être un praticien critique, de parler de ses pratiques et de les modifier de façon à ce qu’elles reflètent ses convictions sur le rôle de l’enseignement.


Deborah Berrill tient un portfolio depuis huit ans. Elle est membre de l’Ordre et professeure agrégée à la faculté d’éducation de l’Université Queen’s. Elle enseigne au programme concomitant de l’Université Trent. On peut la joindre à dberrill@trentu.ca. Pour obtenir des précisions sur les portfolios, veuillez consulter www.portfoliomaker.ca.

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