Stage et gestion de la classe font l'objet d'innovation à l'Institut d'études pédagogiques de l'Ontario (IEPO) Les enseignants d'expérience apprennent aux côtés des étudiants dont ils seront le mentor. |
de Wendy Harris La moitié des élèves de cette 11e année de Scarborough sont «cool» et ils le savent. Les garçons se promènent en roulant les hanches comme s'ils auditionnaient pour le prochain super clip de rap, la ceinture de leur pantalon tenant, comme par miracle, à leurs genoux. Heureusement, leurs énormes chemises descendent assez bas pour couvrir le reste de leur corps. Les filles, au contraire, portent des vêtements moulants et leur visage atteste quelques visites au rayon des cosmétiques. Les élèves de l'autre moitié de la classe ont des antécédents culturels, religieux et familiaux différents. Et leur façon de s'habiller et de se conduire témoigne de l'importance secondaire des vidéos rock dans leurs foyers. Quelques-uns d'entre eux viennent d'arriver au Canada, et certains en sont encore à apprendre les complexités de la langue anglaise. Alors, dans cette classe des plus multiculturelles où l'on trouve un mélange de jeunes «cool» et conservateurs, poseurs et modestes, on ne s'attendrait pas à les voir trop communiquer entre eux. Mais grâce à un programme pédagogique appelé Tribes, ils font davantage que parler. Ils se font confiance, ils créent des liens et ils partagent sentiments et frustrations. Technique de groupe Et c'est ce qu'ils font. Ils s'adonnent à cette activité avec enthousiasme, leur premier échange portant sur ce qu'ils aiment le plus d'Anne Cameron, la stagiaire qui vient juste de passer un mois dans leur classe. Ensuite, ils parleront de ce qu'ils comptent faire en décembre. Se promener ainsi dans la classe et communiquer est une activité qui appartient au cercle communautaire et qui, comme dans le cercle guérisseur des autochtones, est au cur d'une stratégie d'imitation de compétences sociales basée sur la coopération dans un climat de sympathie et d'inclusion. «Notre cercle communautaire est formidable, dit Krystine, une élève de la classe. Il nous unit les uns aux autres. On le fait tous les jours. On parle de ce qui s'est mal passé ou de ce qu'on pourrait faire ensemble. On accueille les commentaires de tout le monde, sans jamais les empêcher de parler.» Quatre éléments
d'entente Ces interactions reposent sur quatre éléments d'entente fondamentaux pour les membres de la tribu :
Ce qui distingue Tribes des autres programmes du genre, c'est qu'il propose à l'enseignant une série d'activités précises et concrètes à faire avec ses élèves, chacune venant consolider les précédentes et ainsi favoriser la création d'un climat sympathique, vivant et démocratique. Il y a une progression séquentielle dans les exercices, ce qui a pour effet d'établir des structures que les élèves comme les enseignants peuvent utiliser pour créer une classe unie où les élèves ressentent un véritable sentiment d'appartenance et où se forment de vrais partenariats. Le programme s'infiltre
graduellement dans les conseils scolaires de toute la province. Des enseignants
formés à la méthode Tribes travaillent depuis dix
ans au conseil scolaire du district de Durham (le premier conseil à
adopter le programme en Ontario) et depuis six ans à Toronto. Revirement complet Penny Ballagh, instructrice à l'IEPO qui enseigne la méthode Tribes, dit que le programme, tout en favorisant un sentiment d'appartenance au groupe, valorise également la diversité culturelle de chaque élève et l'unicité du style d'apprentissage de chacun. «Le programme va chercher tellement d'éléments théoriques sur le fonctionnement du cerveau.» Elle poursuit en disant que tandis que les bons enseignants ont toujours adapté leur enseignement aux divers styles d'apprentissage de leurs élèves, la méthode Tribes codifie la méthodologie et la rend ainsi accessible à davantage d'enseignants. Une première
L'automne dernier, pour la première fois dans une faculté d'éducation, les enseignants en formation initiale et en perfectionnement professionnel ont été initiés ensemble à Tribes dans le cadre d'un cours de l'IEPO donnant droit à des crédits du Programme de perfectionnement professionnel. Après 24 heures de cours magistraux donnés par Penny Ballagh et Karen Sheppard, les enseignants en perfectionnement professionnel ont fait équipe avec les étudiants sur le point d'entreprendre leur stage, bon nombre d'entre eux à Winston Churchill. C'était nouveau pour les enseignants d'expérience et les débutants d'apprendre ensemble et de venir à se connaître dans le contexte de Tribes avant que les étudiants se retrouvent devant une classe. «Nous n'en avions pas encore fait l'essai, explique madame Ballagh, qui a eu l'idée de regrouper ainsi les enseignants chevronnés et débutants dans une même classe. Nous savions que des membres des deux groupes souhaitaient suivre la formation Tribes. Souvent les débutants sont nerveux et inquiets à propos de leur stage. De cette façon-là, ils établissent des relations avec l'enseignant ou l'enseignante avant de commencer leur stage, ce qui leur offre aussi des possibilités de réseautage et de mentorat.» Karen Sheppard, en prêt de service du conseil de Durham, affirme que la réaction des étudiants qui ont la possibilité d'intégrer la théorie Tribes à leur enseignement lors de leur stage est immédiate. «Je peux voir les lumières s'allumer», dit-elle. Avant même la mise en uvre du programme de l'IEPO, Penny Ballagh a reconnu la valeur de la relation entre l'enseignant chevronné et l'étudiant s'apprêtant à faire son stage. Mais elle avait besoin de la collaboration d'un directeur d'école. «J'ai tâté le terrain et fait savoir que je cherchais une école où tenter l'expérience», dit-elle. Trina Wood, directrice de l'école secondaire Winston Churchill, a sauté sur l'occasion. Étape logique Par exemple, à sa première réunion du personnel, elle a demandé aux enseignants de se mettre en ligne par ordre alphabétique selon leur nourriture préférée. En se mettant en ligne, les amandes jusqu'au yogourt ont appris à se connaître bien mieux qu'avant. Lors d'une autre activité, les enseignants ont été regroupés selon l'endroit où ils habitaient et ont découvert qu'ils avaient bien plus de voisins qu'ils ne le croyaient. «Cela a non seulement brisé la glace, dit Trina Wood, mais leur a donné de l'information importante les uns sur les autres. En même temps, ajoute-t-elle, l'exercice a fourni aux enseignants formés aux techniques Tribes un autre exemple à utiliser dans leur classe.» Intégration
harmonieuse La formation Tribes a eu un effet marquant chez la directrice. Tellement qu'elle croit que la formation devrait être un cours obligatoire pour tous les étudiants en enseignement qui sont inondés de matériel et de curriculum à apprendre à l'exclusion des techniques à utiliser en classe. «Tribes leur fournit un premier outil de travail», précise-t-elle. En outre, son expérience lui a montré combien il est crucial que les enseignants associés et les étudiants aient l'occasion de se connaître avant le début du stage. À l'avenir, elle compte voir à ce qu'une telle relation s'établisse entre les enseignants et les étudiants avant qu'ils ne se retrouvent en classe ensemble. Selon Carolyn Brown, enseignante d'anglais et d'études médiatiques qui a suivi la formation avec sa directrice, personne ne s'opposerait à cette approche. Pour elle, connaître Anne Cameron avant que cette dernière ne fasse son stage dans sa classe était d'importance capitale. «Je me suis retrouvée avec une étudiante aux idées tout à fait semblables aux miennes, poursuit Carolyn Brown. Je crois que j'aurais été frustrée s'il en avait été autrement et que je n'aurais pas accueilli une stagiaire avec autant d'enthousiasme. «On a cliqué. Question de synergie», explique Cameron. Quant à ce que la formation Tribes leur a enseigné, Carolyn Brown et Anne Cameron en parlent toutes les deux avec passion. «Je crois que je suis une enseignante cent fois meilleure, dit Carolyn Brown. Au lieu de mettre mes élèves en groupe et d'espérer que tout se passe bien, je leur donne le moyen d'acquérir des compétences et d'apprendre des stratégies. Tribes est véritablement une méthode de promotion du travail en équipe, de sorte qu'une fois réunis en groupe, les élèves peuvent s'autodiriger. Tribes leur donne des stratégies de communication.» Recherches reconnues
à l'appui Avec Carolyn Brown
et Anne Cameron à la barre, on sent la synergie électriser
la classe. Les élèves sont regroupés dans leurs tribus
aux noms souvent farfelus, tels que Dream Team ou Hardworking Hustlers.
Il semble que la collaboration constante soit quelque chose qu'ils aiment. Carolyn Brown signale
toutefois que certains enseignants se font une fausse idée de Tribes
et de ce que la méthode peut accomplir. Elle insiste sur le fait qu'il
n'y a rien de doucereux dans Tribes, qu'il s'agit d'une approche
systématique visant la création de la collaboration et d'un esprit de
corps dans la classe. Elle précise également que même s'il est évident
que Tribes se prête tout à fait aux matières comme l'anglais et
l'art dramatique, la méthode est tout aussi efficace dans des classes
d'éducation physique, de mathématiques ou de sciences. Pour Dave Brinton, enseignant d'anglais et d'art dramatique, Tribes a éliminé bien des suppositions et tentatives infructueuses sur la manière de créer de la collaboration en classe. Et parce qu'il ne s'agit pas d'un système doctrinaire, il permet d'adapter la manière et le moment de l'appliquer de façon à ce qu'il fonctionne dans des circonstances tout à fait uniques en leur genre. Les étudiants en enseignement qui ont suivi la formation Tribes aux côtés des enseignants chevronnés se sont également dits enchantés de l'expérience. Aaron Piercey, qui a fait son stage dans la classe de Dave Brinton, dit que l'apprentissage des techniques Tribes en compagnie de l'enseignant avec qui il a travaillé pendant un mois leur a donné à tous deux un objectif et un langage communs. «Il régnait déjà un climat de confiance, dit-il. Lorsque nous sommes arrivés, nous connaissions déjà douze enseignants qui ont entre eux des centaines d'années d'information collective.» Quant à la formation Tribes proprement dite, Piercey dit qu'elle lui a donné une longueur d'avance lui permettant de déterminer quelles sortes de techniques pourraient fonctionner pour lui quand il sera un enseignant diplômé. |
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