Pour l'amour d'apprendre : dix ans plus tard

Les commissaires qui ont rédigé le rapport en 1994 racontent leurs échecs et leurs réussites, et brossent le portrait de la situation actuelle

de Beatrice Schriever  

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Pour l'amour d'apprendre : dix ans plus tard

Dix ans après la rédaction de leur rapport historique, les commissaires qui ont produit Pour l'amour d'apprendre - et les politiciens qui l'ont reçu - racontent à l'Ordre des enseignantes et des enseignants de l'Ontario leurs échecs et leurs réussites, et brossent le portrait de la situation actuelle.

de Beatrice Schriever

  Quatre commissaires photographiés à l'occasion de leurs retrouvailles à l'Ordre en octobre dernier : Manisha Bharti, Dennis Murphy, Gerald Caplan et Avis Glaze. À droite, Monique Bégin, qui était à l'extérieur du pays lors de la réunion à Toronto, a été interviewée à Ottawa une semaine plus tôt.
C'est à Manisha Bharti, alors âgée de 19 ans, que l'on doit ce titre.

En 1994, elle étudiait à l'école secondaire St. Lawrence de Cornwall et siégeait à la Commission royale sur l'éducation; c'est elle qui a proposé le titre Pour l'amour d'apprendre.

Ce titre était non seulement à l'image des commissaires, curieux, intellectuels et déterminés, mais aussi la pierre angulaire de leurs travaux.

«Rien ne pourrait nous satisfaire autant, écrivaient-ils, et contribuer davantage à l'éducation de nos enfants et au mieux-être de notre pays que si les écoles réussissaient mieux à instiller cet amour de l'apprentissage à chacun de leurs élèves.»


Ce que j'ai appris comme membre d'une commission royale...

«Je retiens avant tout qu'une foule de gens ont à cour le système d'éducation. Les médias laissent croire que les enseignants sont devenus insensibles, que les directeurs s'en fichent, que le Ministère ne bouge pas, que les parents ne participent pas... mais ce n'est pas vrai .»

En 1993, cinq personnes qui ne se connaissaient ni d'Ève ni d'Adam ont reçu pour mandat d'entreprendre un vaste examen du système scolaire ontarien. Monique Bégin et Gerald Caplan ont coprésidé la commission, à laquelle siégeaient également Avis Glaze, Dennis Murphy et Manisha Bharti.

Le mois prochain marquera le dixième anniversaire de la publication du rapport de cette commission, salué par la critique.

Orphelin.

Dès le départ, les commissaires ont été mis à l'épreuve. En sillonnant la province, ils ont été étonnés de trouver des gens inquiets, passionnés ou démagogues, mais rarement de consensus en matière d'éducation.

«La commission a vu le jour parce que le gouvernement ne savait pas quoi faire de l'éducation, raconte M. Caplan. Alors pourquoi aurions-nous dû le savoir? Il fallait d'abord le découvrir. En bout de ligne, nous avons produit un rapport unanime.»

La situation était tendue dans le milieu de l'éducation. «Les contraintes externes étaient énormes, se remémore Mme Bégin. Deux semaines après le début de nos travaux, Bob Rae annonçait son Contrat social. Ça n'aurait pas pu être pire. Nous avons sans doute été la commission royale la plus brève et la plus économique de l'histoire.»

«Notre rapport a été fait orphelin.»

Union des forces

Les commissaires ont regroupé leurs idées en un document audacieux. Ils voulaient éviter le morcellement du rapport. Ils s'attendaient à ce que le ministre de l'époque annonce d'abord son appui aux recommandations, et qu'il crée ensuite une commission de mise en ouvre relevant directement du Parlement ontarien.

Le Ministère devait pour sa part définir les objectifs et les orientations des dix années suivantes et amorcer sur-le-champ les changements organisationnels.

Mais ce n'était peut-être pas réaliste.

«A posteriori, admet Mme Bharti, je me demande si nous n'aurions pas dû promouvoir davantage nos recommandations. En fait, notre rôle s'arrêtait au dépôt du rapport.»

Dennis Murphy est plus optimiste. «Je n'ai jamais pensé que le gouvernement accepterait toutes nos suggestions. Nous nous attendions même à ce qu'il retienne uniquement ce qui l'intéressait.»

Déception

Moins de deux semaines après la publication du rapport, le ministre de l'Éducation du gouvernement néo-démocrate, Dave Cooke, publiait sa réponse. Il annonçait de nouvelles orientations pour les programmes d'études, des conseils d'école obligatoires, des réformes de la formation à l'enseignement, des évaluations du rendement des élèves, des initiatives d'alphabétisation de la petite enfance, des compressions dans les conseils scolaires et la dissémination des technologies de l'information dans les écoles.

Les cinq commissaires sont déçus de la tournure des événements qui ont suivi la publication de leur rapport. Monique Bégin se demande même si le ministre Cooke n'avait pas déjà son idée toute faite, indépendante des suggestions de la commission.

Mais M. Cooke n'a pas de regrets. «Nous rencontrions les coprésidents régulièrement pour demeurer au fait des travaux de la commission. Pour que le tout se tienne, je savais qu'il fallait bouger rapidement.»

Le gros bon sens

«Un nouveau gouvernement venait d'être élu en juin, précise M. Murphy. Et je vous assure que notre rapport ne venait pas du gouvernement Harris.»

«J'ai passé les trois années qui ont suivi à militer désespérément contre les réformes de l'éducation proposées par Mike Harris, ajoute M. Caplan. Je suis certain qu'immédiatement après avoir gagné les élections, il a évacué notre rapport et l'a ouvertement dénigré.»

Guy Giorno, alors conseiller politique en éducation de M. Harris, ne le voit pas ainsi : «Je pense qu'il y avait un vaste consensus quant au contenu du rapport. Aucun parti ne s'y opposait vraiment», relate-t-il.


Ce que j'ai appris comme membre d'une commission royale...

«Trois choses : la difficulté du rôle de commissaire; le fossé entre les travaux des commissaires et le quotidien du gouvernement; et tout ce que j'ai appris sur l'éducation. C'était comme faire un deuxième doctorat.»

Le Parti progressiste conservateur venait de publier sa plate-forme électorale dans le cadre de sa Révolution du bon sens en mai 1994. Il s'agissait essentiellement d'une réforme structurale (réduire le nombre de conseils scolaires, diminuer le traitement des conseillers scolaires, éliminer la 13e année, etc.), qui laissait peu de place aux moyens d'améliorer la qualité de l'éducation dans les écoles.

«Voilà pour le contexte, explique M. Giorno. En 1995, la commission publie son rapport. Le Ministère travaillait déjà sur les recommandations. Nous avons donc entrepris de mener les deux réformes en parallèle. Le rapport traitait de sujets absents de la plate-forme électorale. [.] La mise en ouvre a fait l'objet de luttes partisanes.»

La force motrice d'une vaste réforme

La Commission royale sur l'éducation a cerné quatre stratégies clés ayant le pouvoir de transformer le système en profondeur : l'éducation de la petite enfance, les partenariats école-communauté, les technologies de l'information et la professionnalisation du corps enseignant. On qualifiait alors ces stratégies de «moteurs de transformation».

La commission a formulé 167 recommandations. Mme Glaze, la seule commissaire encore dans le domaine de l'éducation, remarque qu'une quarantaine d'entre elles ont été mises en ouvre, intégralement ou en partie. Entre autres :

  • plan annuel de cheminement
  • programme d'études secondaires de quatre ans et réforme de l'école secondaire
  • mise à jour des programmes d'études
  • mention de tous les cours sur les relevés de notes
  • service communautaire obligatoire au secondaire
  • enrichissement des programmes de formation d'apprentis
  • bulletin scolaire de l'Ontario
  • évaluation des acquis
  • examen du recours aux comités d'identification, de placement et de révision
  • test de compétences linguistiques au secondaire
  • nouvelles lignes directrices concernant l'orientation scolaire
  • valorisation du rôle des élèves conseillers
  • codes de conduite des élèves
  • conseils d'école obligatoires
  • création de l'Ordre des enseignantes et des enseignants de l'Ontario
  • agrément des facultés d'éducation par l'Ordre
  • évaluation obligatoire
  • création de l'Office de la qualité et de la responsabilité en éducation.

«Étant toujours dans le milieu, je vois les effets positifs du rapport. Ce sera encore mieux si l'on achève la mise en ouvre des stratégies clés», affirme Mme Glaze.

Éducation de la petite enfance

La désillusion des commissaires atteint son paroxysme au sujet de l'éducation de la petite enfance.

Convaincus par les recherches sur les enfants d'âge préscolaire, les commissaires ont recommandé que tous les conseils scolaires offrent des programmes d'éducation «à tous les enfants de trois à cinq ans que les parents désirent inscrire».

«Je n'oublierai jamais le jour où j'ai entendu le premier ministre [Harris] dire de cette recommandation que c'était l'idée la plus stupide qu'il n'ait jamais entendue, se rappelle Mme Glaze. Il a vraiment employé le mot "stupide".»


Ce que j'ai appris comme membre d'une commission royale...

«Il y avait un tel écart entre la façon dont nous percevions notre rôle dans le système et celle de la population. J'en ai conclu qu'il fallait faire beaucoup plus pour informer les gens. Nous n'avons pas fait assez de promotion auprès des gens sans enfants.»

Monique Bégin, ancienne ministre de la Santé et du Bien-être social, qui connaissait bien le système des maternelles en France, tenait particulièrement à ces programmes. «Non seulement M. Harris rejetait-il les fondements scientifiques, mais il a aussi réussi à endommager nos acquis [en sabrant dans les programmes de maternelle et de jardin]. Il s'agit là de la prochaine génération. Pour moi, c'est criminel.»

La commission recommandait en outre que le prolongement de l'école aux enfants de trois ans se fasse de concert avec l'élimination de la dernière année du secondaire, pour des raisons tant financières que pédagogiques.

«C'était une de mes grandes déceptions de voir que ces deux mesures aient été séparées, explique Mme Bharti. L'éducation pourrait commencer plus tôt et être plus rigoureuse dès le départ.»

Ce moteur, qui a fait l'objet de la recommandation no 1, n'a jamais passé la rampe.

Selon Dave Cooke, «l'élimination de la 13e année aura permis au gouvernement d'économiser de 200 à 250 millions de dollars. La création d'un programme convenable et universel pour les enfants de trois ans et la maternelle à plein temps en aurait coûté à peu près deux milliards.

«Je conviens toutefois que l'Arkansas a choisi d'imposer la scolarité obligatoire à cinq ans et a un programme pour les enfants de trois et quatre ans. Cela remet les choses en contexte.» L'Arkansas n'est pas un État si riche, mais il a choisi d'en faire une priorité.

Nouvelles alliances

Un autre moteur de changement - les nouveaux partenariats école-communauté - est lui aussi au point mort.

Pour que les écoles soient véritablement au cour de l'apprentissage, les enseignants ne peuvent pas être en même temps travailleurs sociaux, psychologues, conseillers parentaux, animateurs culturels ou hygiénistes. Ils devraient viser l'excellence en enseignement, pensaient les commissaires, et ils doivent recevoir de l'aide externe.

La commission a proposé que des personnes qui ne sont pas des enseignants puissent enseigner dans les écoles. Elle voulait que les conseils scolaires communautaires jouent des rôles importants et pédagogiques.


Ce que j'ai appris comme membre d'une commission royale...

«Ce sont les études que nous avons lues sur la petite enfance. Chaque geste que pose un éducateur auprès d'un jeune enfant se traduit par des connexions dans le cerveau. Si ces connexions ne se font pas durant la petite enfance, elles ne se font pas du tout.»

«Et que s'est-il passé?, demande M. Murphy. Les parents ont parlé de "conseils de parents", le gouvernement, de "conseils d'école". Ils n'ont pas saisi le concept [que nous avons proposé]; en tous cas, ni le Ministère ni les enseignants.

«Je me souviens d'avoir parlé à des directeurs d'école. Il était évident que je ne retenais pas leur attention en parlant de partenariats avec la communauté. Je les sentais littéralement se refermer sur eux-mêmes en s'écriant : "On n'a besoin de personne dans nos écoles!", ajoute-t-il en mimant le geste. J'étais extrêmement déçu.»

Mme Glaze a un autre point de vue. En tant qu'ancienne surintendante et directrice de l'éducation, elle sent que les écoles se rapprochent de la communauté. «Il a fallu repousser les limites, mais j'ai vu des changements depuis cinq ans; les directeurs sont plus réceptifs. Si le changement se fait de haut en bas, j'y crois.» Elle est optimiste.

Les technologies de l'information

En poste au milieu des années 90, les commissaires ont été étonnés du «potentiel remarquable» des technologies de l'information pour révolutionner l'enseignement et l'apprentissage. Ils ont rencontré un nombre incalculable de jeunes - non pas de simples adeptes - qui semblaient apprendre davantage hors du milieu scolaire qu'à l'intérieur.

L'intégration des technologies aux programmes et aux écoles est alors devenu un troisième moteur de changement.

«C'était la plus séduisante des quatre stratégies, souligne Mme Bégin. Nous pensions que les technologies pourraient accélérer grandement l'épanouissement des écoles francophones ou de régions défavorisées.»

Dix ans plus tard, les élèves composent avec un méli-mélo de technologies, et le téléapprentissage est peu répandu. Le plaidoyer de la commission en faveur d'une coordination provinciale a échoué.

Professionnalisation des enseignants

Mais pour rehausser la qualité des écoles ontariennes, il fallait avant tout passer par la professionnalisation et la formation continue de l'effectif enseignant. Ce fut donc le quatrième moteur de changement.

Dans Pour l'amour d'apprendre, les commissaires qualifiaient les enseignants de «héros».

Et ils le sont toujours. «Étant moi-même enseignante, j'ai un petit parti pris!, s'exclame Monique Bégin en riant. Mais nous étions tous les cinq de cet avis. C'est une question de morale, mais aussi de gros bon sens, car pour provoquer un changement social, il ne faut pas se mettre les partenaires stratégiques à dos.»

Les commissaires auraient voulu que les enseignants soient plus autonomes, mais aussi plus redevables; qu'ils aient plus de responsabilités, mais aussi plus d'appui. À cet effet, ils ont recommandé : des programmes de formation à l'enseignement de deux ans et des stages prolongés; le perfectionnement obligatoire; le renouvellement de l'autorisation d'enseigner tous les cinq ans; la création de l'Ordre des enseignantes et des enseignants de l'Ontario. Seule la dernière de ces recommandations a été mise en ouvre.


Ce que j'ai appris comme membre d'une commission royale...

«Je me suis aperçue que, pour la première fois depuis Gutenberg, l'éducation sortait du cadre scolaire. À notre époque, l'éducation doit être attrayante pour les jeunes! Le mode de vie actuel fait concurrence aux écoles.»

Les commissaires appuient l'Ordre, même si Mme Bégin estime qu'il est né dans un contexte «disciplinaire et punitif» qu'elle et ses collègues n'avaient pas souhaité. «Il règne une grande amertume. Je me demande comment on présente l'Ordre aux nouveaux venus dans la profession.»

Les commissaires ne voient pas d'un bon oil les opinions subversives que certains groupes véhiculent à propos de l'Ordre. Dennis Murphy est catégorique : «Nous voulions que l'Ordre soit dirigé par les enseignants de la province, et non par leurs associations professionnelles.»

Redevabilité

«Les fédérations enseignantes ont choisi de ne pas accepter notre rapport. Elles rejetaient un grand nombre de nos recommandations, en particulier celles qui concernaient la redevabilité», se souvient M. Murphy.

M. Caplan va encore plus loin : «J'ai fait l'erreur de sous-estimer le négativisme instinctif des fédérations. Je n'avais pas prévu qu'elles se montreraient aussi ridicules; elles rejetaient systématiquement tout ce qui touchait leur monde. Leur position était déplorable, et je ne m'y attendais pas.»

Bon nombre des idées des commissaires portaient sur la «redevabilité», un terme lourd de sens il y a dix ans. Durant les audiences qui les ont amenés dans tout l'Ontario, les commissaires se sont fait répéter que le système scolaire ne semblait plus redevable envers les citoyens. Ils en ont conclu qu'il s'agissait là d'une cause importante de mécontentement de la population et ont été scandalisés de voir que certains s'opposaient à une proposition qu'ils estimaient pourtant fondamentale : la redevabilité de tout système public.

Pour Dave Cooke, cette époque est révolue grâce à la commission : «Pendant des années, les gens ont parlé de redevabilité, mais de façon partisane. Certains s'y opposaient, et la commission royale nous a aidés à franchir cet obstacle. Somme toute, le débat s'est arrêté là.

«La commission a été bénéfique parce qu'elle insistait beaucoup sur les résultats, même si je n'aime pas ce terme, et sur les forces et faiblesses du système. Son rapport était pratique plutôt qu'idéologique.»

Selon Guy Giorno, l'ancien conseiller conservateur, le rapport demeure pertinent à deux égards : «Certaines recommandations n'ont peut-être pas été mises en ouvre, mais il était encore plus important de mettre à l'avant-scène la redevabilité, la participation des parents et l'autonomisation des enseignants et des directeurs. Les écoles sont véritablement des établissements communautaires, et l'éducation, un bien social.»

Un regard vers l'arrière pour aller de l'avant

En janvier 1995, lors de la conférence de presse marquant le dépôt du rapport de la commission, Gerard Kennedy dirigeait une banque d'alimentation dans le voisinage du Parlement. Aujourd'hui, il occupe un bureau de choix au 22e étage de l'édifice Mowat à Queen's Park.

«Il ne fait aucun doute que le rapport a influencé la politique d'éducation des Libéraux durant la campagne électorale de 1995, dit-il. Après le dépôt du rapport, nos politiques étaient davantage en réaction aux mesures qu'adoptait le gouvernement de l'époque. Il y avait un appui massif aux recommandations.»

Il estime aujourd'hui que Pour l'amour d'apprendre a eu une incidence bénéfique. «Je tiens le rapport en haute estime», ajoute-t-il, en particulier les chapitres sur la petite enfance et les technologies.

Il fait toutefois une mise en garde : «L'éducation est très insulaire. La commission ne s'est pas penchée sur le fossé entre l'éducation et la population. Il faut maintenant rétablir les liens entre les deux parce que l'appui de la population doit soutenir les investissements publics.

«Les conseils, le gouvernement, les directions d'école et les établissements ont du pain sur la planche. Malgré le brouhaha, les changements les plus difficiles sont à venir. Nous [au gouvernement] voulons travailler à long terme et non pas nous fier aux dernières expériences.»

Dix ans plus tard et malgré le désenchantement, les commissaires demeurent fiers de leur rapport. Il est cité par les éducateurs, les parents et les médias, et des observateurs qui s'opposent habituellement à tout le jugent toujours pertinent.

«On ne retourne généralement pas en arrière pour avancer, affirme Mme Glaze. Mais il est encore pertinent. C'est un excellent rapport.»

Ces commissaires espèrent qu'en 2005, Pour l'amour d'apprendre ne sera plus orphelin.

Imaginez un groupe d'enfants qui Étaient en 1re annÉe lorsque le rapport a ÉtÉ publiÉ. Comment leur expÉrience scolaire a-t-elle changÉ par rapport aux ÉlÈves d'avant?

Monique Bégin : Cela dépend de leur enseignant. Il y a deux ou trois ans, je ramassais tous les petits savons pour une amie enseignante quand j'allais dans les hôtels. Leur budget de serviettes de papier et de savon avait été amputé. Incroyable, non? Cette enseignante est fantastique. Elle demande l'aide de toute sa famille et de ses amis. Le système ne la soutient plus comme avant.

Dave Cooke : Il ne fait aucun doute que les programmes sont plus clairs et plus précis. Les résultats d'examens ont procuré aux écoles et aux conseils des données qui les aident à surmonter les difficultés. Dans de nombreux conseils ontariens - même si c'est difficile à imaginer à Toronto - les ressources se sont grandement améliorées.

Guy Giorno : Le changement le plus important concerne les écoles francophones et catholiques, qui ont désormais droit au même financement pour la première fois depuis la Confédération. Durant ces années, par contre, les choses ont beaucoup changé, et les médias ont fait état de nombreux conflits. Les élèves n'y sont pas insensibles. Ce contexte a sans doute eu une incidence sur eux. C'est malheureux.

Avis Glaze : Les enfants apprennent beaucoup plus tôt en raison de la compression des programmes. Les gens se plaignaient que c'était trop difficile, mais ils constatent maintenant la rigueur de ce que les élèves apprennent chaque année.

Gerard Kennedy : Les gens sont plus préoccupés maintenant. Il y a des lacunes dans les activités parascolaires, et bien des gens estiment que l'éducation est moins bien complète en raison de la perte de ressources. On était plus optimiste en 1995.

Dennis Murphy : D'abord des plus petits groupes, et la présence beaucoup plus marquée de la technologie - quoique ce changement se serait produit avec ou sans nous.


Manisha Bharti suit un programme de maîtrise en santé publique et en administration des affaires à l'Université Johns Hopkins à Baltimore (Maryland).

Gerald Caplan, consultant international, travaille en Afrique, depuis son bureau de Richmond Hill.

Avis Glaze est directrice générale du rendement des élèves de l'Ontario et directrice générale du Secrétariat de la littératie et de la numératie du ministère de l'Éducation à Toronto.

Dennis Murphy est un prêtre catholique à la retraite. Il habite Callander et il est aumônier des Sours de Saint-Joseph à Sault Ste. Marie.

Monique Bégin est professeure émérite à l'École de gestion de l'Université d'Ottawa.