Raymond
Moriyama, architecte de réputation internationale et récemment élu au
poste de chancelier de l’Université Brock, a choisi sa profession dès
l’âge de quatre ans. Il n’a cependant pu réaliser ses rêves qu’après avoir
rencontré deux membres sympathiques et attentionnés de la profession enseignante,
soit des moments forts de sa vie.
Moriyama a rencontré William Cavanagh,
directeur de la Ryerson Middle School à Hamilton, et Herbert Inman, professeur
de physique et entraîneur à l’école Westdale Collegiate, en 1944 à la
fin d’une période difficile pour Raymond qui l’avait rendu amer et peu
enclin à poursuivre ses études.
La famille Moriyama avait été internée en Colombie-Britannique. Le père
de Moriyama avait perdu son commerce, la mère avait fait une fausse couche,
l’éducation des enfants était rendue difficile et la famille était séparée.
En février 1944, les membres de la famille se retrouvent enfin à Hamilton
et se doivent de reconstruire leurs vies alors déchirées. Âgé de 14 ans,
Raymond devait prendre une décision : continuer ses études ou entrer sur
le marché du travail.
«Cette situation ne me plaisait pas du tout. Avant de quitter le camp
en Colombie-Britannique, j’avais passé un examen pour savoir où j’en étais
au plan scolaire. Je n’avais toujours pas reçu de résultats, ce qui rendait
l’abandon des études un peu plus facile à justifier.» Le père voulait
que son fils continue d’étudier pour réaliser son rêve de jeunesse de
devenir architecte. Il a persuadé Raymond d’au moins visiter l’école.
C’est à contrecœur que l’adolescent a accepté de rencontrer William Cavanagh,
directeur de l’école.
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Cavanagh semblait comprendre les sentiments partagés de Raymond et développés
à la suite des événements vécus par la famille, se rappelle Moriyama.
Nous étions au milieu de l’année scolaire et le directeur était prêt à
placer l’adolescent en 7e année et, s’il réussissait, à le
faire passer en 8e année l’année d’après en septembre. Raymond
a insisté pour passer tout de suite à la 8e année – on ne sait
trop s’il jugeait l’offre tout à fait injuste où s’il cherchait tout simplement
une excuse pour ne pas retourner à l’école.
«Quelle différence cela pouvait-il bien faire?», se rappelle Moriyama.
«Je lui ai dit qu’il devrait me placer en 8e année et que si
j’échouais, j’y retournerais l’année suivante. Si je réussissais, je serais
capable de passer à la 9e année. Mon arrogance n’a pas dû échapper
à M. Cavanagh, ajoute Moriyama, mais il a accepté.» Et il a atteint son
but. «Avec son aide et son encouragement, j’ai réussi la 8e année en quelques mois seulement pour passer aux études secondaires l’année
suivante. Je lui dois beaucoup», affirme Moriyama aujourd’hui.
Moriyama croit que Cavanagh a aussi réussi à sensibiliser les autres
enseignants à ce que le jeune garçon avait vécu à l’extérieur de la classe.
«Nous étions la deuxième famille canadienne d’origine japonaise à s’établir
à Hamilton et, au mieux, les gens nous décrivaient comme étant bizarres.
Je crois qu’il a parlé à d’autres enseignants.» Le directeur l’a aussi
encouragé à se joindre à l’équipe de base-ball, ce qui a contribué à faire
de lui un héros à l’école. «J’ai fait un attrapé très chanceux qui nous
a permis de gagner le championnat, ce qui a contribué à faire changer
les idées préconçues qu’on avait de moi.»
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L’année suivante, Moriyama a trouvé un nouveau mentor à Westdale Collegiate,
sa nouvelle école. Herbert Inman était un homme «généreux, compréhensif
et encourageant», précise Moriyama, qui s’est assuré que la pauvreté de
la famille et le climat de méfiance qui les entourait n’empêcheraient
pas Raymond de profiter de ses études secondaires.
Inman l’a encouragé à pratiquer divers sports, ce que Moriyama a fait,
l’a fortement incité à se joindre aux cadets de l’armée, ce qu’il a fait
à contrecœur. Et quand Moriyama s’est vu incapable de manipuler un fusil,
Inman l’a plutôt fait s’inscrire à l’orchestre des cadets. Le fait qu’Inman
ait cru bon d’avertir les camarades de classe de Moriyama de ne pas le
maltraiter donne une bonne idée du climat qui régnait pour les Canadiens
d’origine japonaise. «Il a même dit devant toute la classe que quiconque
oserait me toucher aurait affaire à lui, ajoute Moriyama. Non pas que
j’étais incapable de me défendre, mais ce geste de sa part démontre toute
la générosité dont il était capable.»
Moriyama a largement récompensé la confiance que lui ont témoignée ses
enseignants. À sa première année au secondaire, il a été premier parmi
626 élèves et a gagné la médaille d’or. En troisième année du secondaire,
ses notes ont baissé pour le placer en troisième place, soit une médaille
de bronze. «J’avais une petite amie alors, dit Moriyama en riant. La discrimination
était chose courante à l’époque et Herbie Inman essayait simplement de
faire ce qui était juste. Il a tenté de faire comprendre aux autres qui
j’étais et non de me faire passer pour un stéréotype.»
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