Les enseignantes remarquables
de
James Bartleman

«Chaque défi que vous relevez rend le suivant plus facile.»

Comme devise, James Bartleman a fait siennes les paroles de E. Madaline Roddick, son enseignante d’anglais de 13e année. Et ces paroles lui ont permis d’accomplir un parcours remarquable depuis la minuscule école de Port Carling qu’il a fréquentée jusqu’en 12e  année en passant par la London Central Collegiate.

«On m’a toujours offert des postes difficiles que j’ai toujours acceptés. Chaque fois, j’ai réalisé que j’étais à la hauteur de la situation, ce qui m’a permis de passer à autre chose. J’en reviens toujours aux paroles de Madame Roddick», affirme-t-il.

Le nouveau lieutenant-gouverneur de l’Ontario a été ambassadeur du Canada à l’Union européenne, en Australie, en Afrique du Sud, à l’OTAN, en Israël, à Chypre et à Cuba. Il a également occupé le poste de conseiller en politique étrangère du premier ministre du Canada et secrétaire adjoint au conseil des ministres pour les questions de politique étrangère et de défense.

Avoir terminé la 13e année est une réalisation en soi. Bartleman, le premier membre de sa famille à poursuivre ses études au-delà de la 8e année, a grandi dans le village de Port Carling et fréquenté l’école du village qui regroupait les 12 années dans quatre salles de classe. Pour faire sa 13e année, il devait se rendre en ville. Heureusement, un riche américain qui passait ses étés à Muskoka lui a offert un emploi lui permettant de gagner l’argent nécessaire pour se rendre à London et faire sa 13e année en 1958.

Bartleman a vécu seul, se rendant dans une école qui comptait quatre classes de 13e année. Sa nouvelle classe comptait autant d’élèves qu’il y en avait dans son ancienne école secondaire.

Il se rappelle les railleries des autres en éducation physique parce qu’il ne savait pas jouer au basket-ball. «Je n’ai rien dit, mais je n’avais jamais de ma vie tenu un ballon dans mes mains. Je ne crois pas qu’à l’époque on réalisait à quel point les élèves provenaient de milieux divers. J’étais plutôt timide, mais cela était nécessaire, je crois, pour faire la transition de ma petite communauté du nord à ce qui me semblait une ville immense, avec toutes ses rues et un hôtel à chaque intersection. Pourtant, ce n’était que London. Pour moi, prendre l’autobus représentait toute une aventure. Il n’y avait même pas de feux de circulation à Port Carling», ajoute Bartleman.

Après deux semaines, Bartleman s’est rendu chez lui en auto-stop, et dès son arrivée, il s’est dit : «Qu’est-ce que je fais ici? Je ne suis ni menuisier, ni électricien. Je n’ai certainement pas l’intention de creuser des fossés pour gagner ma vie.»

Il est retourné à London en auto-stop, s’est fait des amis et a terminé l’année.

Il a obtenu son diplôme avec une moyenne de 86 pour 100, croit-il se rappeler. À cette époque, les résultats paraissaient dans le Globe and Mail et il se souvient avoir reçu une note de Madame Roddick.

Bartleman se rappelle avec bonheur une enseignante de Port Carling, Helen Foreman, qui enseignait de la 1re à la 6e année. «Nous avions droit à une éducation toute simple de sa part. Elle était très sérieuse à propos de son travail, mais jamais abusive. À cette époque, cela était chose commune de frapper les élèves avec une ceinture de cuir, et quand cela ne suffisait pas – ce dont j’ai été témoin à quelques reprises au secondaire – l’enseignant se battait à coups de poings avec l’élève et le jetait hors de la classe. C’était terrifiant à voir. C’est une image de l’Ontario que j’espère ne jamais revoir.»

«Mais, Madame Foreman était une femme douce qui nous enseignait comme il faut. Jamais nous n’avions à craindre un traitement injuste de sa part, comme c’était le cas avec les brutes que nous avions comme enseignants à cette époque.»

La 13e année fut différente, surtout avec Roddick. «Elle accordait une certaine liberté aux élèves pour communiquer entre eux et échanger des points de vue et apprendre ensemble. Et elle était toujours prête à nous parler. Moi qui venais d’une petite école de village, je ne parlais pas beaucoup. Tout cela m’était étranger. Mais elle a pris le temps de s’intéresser à moi.»

Antoinette Gilles, son enseignante de français, lui a demandé ce qu’il voulait faire après ses études secondaires. Il a dit qu’il voulait enseigner à l’élémentaire, ce qui à l’époque ne nécessitait pas d’études universitaires. Gilles lui a dit : «Oh, non! Deviens enseignant au secondaire et fais ton université.»

Avec l’aide de son bienfaiteur américain, Bartleman s’est inscrit à l’Université Western Ontario où il a obtenu un B.A. en histoire avec mention en 1963. De décembre 1963 à juin 1964, il a enseigné la géographie et l’histoire à la Lambton Central Collegiate and Vocational Institute.

Puis, il est parti pour l’Europe où il a enseigné diverses matières à l’école américaine de La Haye.

Il est revenu à Lambton où il a enseigné pendant une année. «J’aimais beaucoup enseigner, dit-il. On me donnait des classes difficiles, mais j’en ai aussi eu de bonnes. Je m’entendais bien avec mes élèves. Je suivais le principe de Madame Roddick. Permettre la discussion constructive en classe; ne pas laisser les élèves constamment assis sans bouger. Quand tout va bien en classe et que les élèves apprennent, ça se sent. Et il n’y a rien de mieux.»

Bartleman a passé l’examen pour travailler à l’étranger sans pour autant être sûr de vraiment vouloir quitter l’enseignement. «Mais je suis quand même parti. J’avais le goût de l’aventure.»

D’après lui, son expérience de l’enseignement lui donnait une longueur d’avance sur bon nombre de ses collègues. «Je m’étais adressé à une classe de 40 personnes ou plus et je pratiquais la méthode socratique en vue de susciter l’apprentissage chez les élèves et de créer une atmosphère propice à l’apprentissage. Je me suis servi de cette technique dans mon travail auprès des parlementaires.»

L’enseignement lui a également apporté la confiance. «Quand j’étais ambassadeur à l’OTAN, par exemple, mes collègues étaient les plus importants diplomates des pays d’Europe de l’Ouest et des États-Unis. Être capable de leur expliquer des situations et de leur donner une perspective sans regarder mes notes me ramenait à mes années à l’école Lambton, mais sans craie dans mes mains.»

Bartleman a aussi utilisé la méthode socratique apprise de Madame Roddick lors de dîners diplomatiques. «Les gens étaient surpris que l’on évite les banalités et de se voir demander leur point de vue sur des questions d’actualité, qu’il s’agisse des relations avec les États-Unis ou des questions au Moyen-Orient, de l’apartheid ou des autochtones.»

Avoir été nommé 27e lieutenant-gouverneur de l’Ontario constitue un nouveau défi à relever. «Je veux faire de l’importance de rester à l’école l’un de mes thèmes principaux. Ça peut paraître démodé, mais pour de nombreux jeunes autochtones, c’est d’une importance capitale. Si vous n’avez pas la formation qu’il faut en cette ère de commerce électronique et de globalisation, vous deviendrez bûcherons et porteurs d’eau. Bien entendu, les enseignants répètent tout cela depuis des années, mais il importe que les jeunes autochtones poursuivent leurs études pour faire leur chemin dans le monde et conserver leur identité culturelle.»

Bartleman espère que son expérience servira d’exemple. «Mon père ne m’a jamais encouragé à continuer l’école. Non pas qu’il ne m’aimait pas; je suis sûr qu’il m’aimait. Ma mère, qui était une autochtone, était plus intéressée.»

«On ne sait jamais si un enfant sera doué pour les études. J’ai été chanceux d’avoir très tôt une enseignante qui ne nous battait pas. Ce qui était aussi important à cette époque, c’était la bibliothèque de l’école et celle du village – l’accès à tout cet univers de littérature et d’histoire. Puis il y a eu la 13e année où j’ai découvert un tout nouveau monde et des enseignantes qui pouvaient me transmettre leur sagesse et m’écouter. Savaient-elles vraiment qu’on les écoutait?»

Le jeune Bartleman a écouté, appris et mis en pratique ces leçons tout au long de sa vie.

 

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