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se souvient de
Mme Salter

Jeffrey Schust raconte son expérience dans
une école d'Atlanta

 

Pistolets, poutine et prix

Nommé éducateur culturel de l'année aux États-Unis, Jeffrey Schust raconte son expérience et ses réalisations dans une école d'Atlanta.

Jeffrey Schust

Jeffrey Schust ne craint pas les défis. Mais lorsqu'il a vu l'école qu'il avait choisie pour la première de ses trois années en Georgie dans le cadre du Visiting International Faculty Program (programme VIF) il a été quelque peu. déçu.

«Ma première année a été infernale, se rappelle-t-il. Coquerelles, armes à feu dans la cafétéria, renvois innombrables. Mais personne ne s'en souciait puisque l'école devait fermer.»

L'année suivante, Jeffrey se retrouva à l'école secondaire Southside et tout changea. À tel point que cet enseignant de la banlieue de Toronto a été nommé en 2004 l'éducateur culturel de l'année aux États-Unis par le programme VIF, le plus important programme d'échange culturel pour enseignants des États-Unis.

Mais commençons par le début.

Southside est un quartier pauvre du centre-ville d'Atlanta. Quatre-vingt-sept pour cent des élèves bénéficient de dîners gratuits (le revenu de leur famille étant de 20 000 $ ou moins) et plus de la moitié vivent dans des HLM. Quatre-vingt-seize pour cent sont afro-américains, 2 % d'origine hispanique et 2 %, d'origine caucasienne ou asiatique.

Les résultats scolaires, comparables à ceux des autres écoles d'Atlanta, étaient d'environ 10 % inférieurs aux normes de l'État. En 2002-2003, l'année où Jeffrey arrivait à l'école, le rapport du programme No Child Left Behind avait conclu que les progrès accomplis par l'école étaient insuffisants.

Un programme école-entreprise bien spécial

Jeffrey s'est donc converti à l'éducation à l'enfance en difficulté, dans des conditions loin d'être idéales. «Certains élèves ont eu de la difficulté à m'accepter, confie-t-il. J'étais Blanc, étranger, je ne parlais pas comme eux. Ils ont un peu ri de moi, mais à tout prendre, ça s'est bien passé.»

Au début de sa deuxième année à l'école, Jeffrey s'est consacré à un programme école-entreprise destiné aux élèves dont les aptitudes étaient très limitées. Peu d'entre eux pouvaient lire. Leurs compétences linguistiques se situaient au niveau d'une
2e année, leurs aptitudes au calcul au niveau d'une 3e année, et leur QI, de 60 à 80.

Avec ses collègues, il a étudié les dossiers des élèves et parcouru les annonces d'emploi dans la collectivité. Ils les ont ensuite aidés à présenter des demandes d'emploi, à se préparer aux entrevues et à développer des compétences professionnelles.

Les élèves ont trouvé des emplois chez Coca Cola, Home Depot et UPS, et dans les services d'entretien, de voiturier et de restauration de deux hôtels de la ville. S'ils atteignaient les objectifs de leur plan d'enseignement individualisé, les élèves recevaient leur diplôme d'études secondaires spéciales.

«Les jeunes ont été formidables», dit-il. Certains d'entre eux l'ont particulièrement marqué. Michael, par exemple : «Il était atteint de dystrophie musculaire, mais adorait la mécanique automobile. Grâce à notre intervention, il a réussi à entrer au collège technique d'Atlanta. Il suit les mêmes cours que les autres. Il pensait qu'il ne serait pas capable d'accomplir les travaux pratiques à cause de ses difficultés motrices, mais il y arrive tout à fait. Il lui reste deux ans de formation.»

Jeffrey se souvient aussi de Deonte : «C'était un vrai dur. Il se bagarrait souvent et il a même été suspendu pendant six mois pour trafic de drogue. On lui a trouvé un emploi à la Bank of America. Il se présentait tous les matins à 8 h et travaillait jusqu'à 18 h. La banque a décidé de le garder. S'il avait un problème, il me donnait un coup de fil. J'ai rendu visite à ses parents (ils étaient séparés et c'est son père qui en avait la garde). Son père était tout simplement emballé. Deonte, c'est notre plus bel exemple de réussite.»

Un Canadien dans le Sud américain

Jeffrey a reçu un prix pour sa contribution au rayonnement de la culture et du patrimoine canadiens à l'école Southside. Il a conçu des leçons sur le gouvernement, l'histoire, la culture et la géographie du Canada, et même sur son drapeau!

«En mathématiques, nous avons fait des exercices de conversion monétaire afin d'aider les élèves à comprendre le système métrique et à utiliser une calculatrice. Pour les cours d'histoire et de géographie, nous utilisions Internet. Ils ont bien aimé qu'on leur parle de la monarchie anglaise. surtout des reines assassinées par leur époux!»

M. Schust avec le gouverneur Sonny Perdue et les autres récipiendaires du prix de l'éducateur de l'année

Internet s'est aussi révélé un outil précieux pour montrer aux jeunes du Sud la diversité ethnique canadienne. «Ils présumaient que, puisque j'étais Blanc, tous les Canadiens l'étaient aussi. Je leur ai donc montré le Toronto multiculturel, les immigrants asiatiques de la Colombie-Britannique et les statistiques gouvernementales touchant les autres immigrants.»

Il avait des livres canadiens dans ses valises. «Nous avons étudié deux ouvrages de Margaret Atwood et Mes amis les loups de Farley Mowat.»

Il a même donné des leçons de cuisine. «Un jour, nous avons fait de la poutine. Ils ont adoré! J'ai aussi cuisiné un plat d'aiglefin que préparait ma mère.»

Un perfectionnement professionnel imbattable

Enseigner à l'étranger est une occasion de perfectionnement exceptionnelle.

Jeffrey a assisté à des conférences sur l'initiative High Schools That Work. À l'origine, ce programme visait à soutenir les élèves attirés par la formation professionnelle, mais son véritable mobile est d'améliorer la performance des écoles urbaines et d'encourager les élèves à poursuivre leurs études au-delà du secondaire.

Pour améliorer la performance de la Southside, l'équipe de direction a créé de petites communautés d'apprentissage centrées sur les intérêts professionnels ou scolaires des élèves.

Une grande partie de la tâche de Jeffrey consistait à créer ces groupes d'enseignants pour appuyer des élèves qui, autrement, auraient séché les cours, décroché ou échoué à l'examen de fin d'études secondaires de l'État (essentiel à l'obtention du diplôme d'études secondaires).

Jeffrey s'est chargé personnellement de déterminer les meilleurs moyens d'aider les élèves. Il a recueilli leurs résultats au test d'habileté scolaire (SAT), à l'examen de fin d'études secondaires de l'État (qui évalue les compétences en lecture, en écriture, en mathématiques, en sciences humaines et en sciences) et a réalisé des sondages d'opinion auprès des élèves.

«C'est ainsi que nous avons déterminé que, pour franchir le secondaire, les élèves avaient besoin de davantage de suivi, et c'est ce qui a orienté notre intervention», résume-t-il.

Jeffrey ne verra pas le fruit de son travail. Mais il sait que, cette année, les communautés d'apprentissage rassemblent futurs médecins, plombiers, enseignants, techniciens informatiques, entrepreneurs de pompes funèbres, comptables, etc.

«Ils ont bien aimé qu'on leur parle de la monarchie anglaise... surtout des reines assassinées par leur époux!»

Il pense énormément de bien du directeur de l'école. «Il était formidable. Quand il a découvert que j'avais été directeur adjoint, il m'a dit "on va t'aider à en apprendre le plus possible". Il a été un mentor incomparable. C'est grâce à lui que j'ai pu me rendre à Little Rock, à Dallas, à Chicago et à Los Angeles.»

William R. Shepherd lui rend le compliment. «Il le méritait bien! Jeffrey faisait preuve d'un leadership exceptionnel. Le perfectionnement professionnel est ouvert à tous, mais si je l'ai envoyé en mission aussi souvent, c'est parce que je savais qu'il reviendrait avec des idées qui serviraient à toute l'école. Il a largement contribué, par ses efforts et son énergie, à l'instauration des communautés d'apprentissage.»

Des résultats qui paient

Le dernier projet de Jeffrey a eu des retombées extraordinaires.

Avec ses collègues, il a réussi à convaincre la société General Electric de donner un million de dollars à l'école pour améliorer les résultats et augmenter le nombre d'élèves s'inscrivant à des cours de niveau avancé ou collégial. L'école a cinq ans pour atteindre certains objectifs bien définis. Aux États-Unis, seules deux autres écoles ont reçu un tel coup de pouce financier.

Les fonds serviront à financer des programmes de mentorat par des étudiants des universités et collèges locaux, et de tutorat pour préparer les élèves à l'examen de fin d'études secondaires.

«Enseigner à l'école Southside a été une expérience tout simplement sensationnelle», résume Jeffrey.

Il admet que nombre de Canadiens ont une perception négative des écoles américaines. Son expérience lui a cependant démontré que le personnel enseignant y est plus uni et que les relations y sont plus conviviales que dans les écoles canadiennes.

«Par exemple, lorsque ça n'allait pas avec un enseignant, l'élève pouvait changer de classe pour un moment. Si les enseignants n'avaient pas collaboré, les cas de discipline se seraient multipliés! Les échanges d'élèves sont monnaie courante : ils leur permettent de vivre d'autres expériences. La clé de la réussite des élèves, c'est probablement la cohésion du personnel de l'école.»

Jeffrey Schust de retour au Canada à l'école Beaver Valley de Thornbury.

Jeffrey est revenu au pays à la fin de son contrat. Son nouveau défi : la direction adjointe de l'école élémentaire Beaver Valley de Thornbury. La petite école, située à proximité des centres de ski et de la baie Georgienne, est entourée de terres agricoles et de vergers. Tout un contraste avec les quartiers pauvres d'Atlanta!

«Ma façon de voir la vie a changé, estime Jeffrey. J'ai très hâte de communiquer ce que j'ai appris à mes collègues.»

Une dÉcision surprenante

Jeffrey Schust avait 11 ans d'expérience en enseignement en Ontario et venait tout juste d'être promu directeur adjoint d'une école de la région de Peel lorsqu'il a signé un contrat de trois ans avec le programme VIF.

Mais pourquoi un gradé préfère-t-il les tranchées au poste de commandement? «Les tests provinciaux faisaient leur apparition en Ontario. C'est moi qui avait été responsable de la mise à l'essai du test de compétences linguistiques de 10e année. Je voulais aller aux États-Unis pour en apprendre davantage sur les répercussions des tests normalisés.»

Jeffrey avait le choix entre six États, et il a choisi la Georgie. «Le système scolaire traversait une période de transition, justement à cause de l'instauration de tests normalisés, explique-t-il. Et puis, j'avais envie de passer quelques hivers au chaud!»

Le programme VIF permet de jumeler des enseignants de partout dans le monde à des écoles élémentaires et secondaires des États-Unis ou du Royaume-Uni, où ils peuvent travailler jusqu'à trois ans comme enseignants à temps plein. La présence d'enseignants étrangers permet de sensibiliser les élèves au monde qui se trouve au-delà de leurs frontières. L'an dernier, 1 700 enseignants originaires de plus de 40 pays ont enseigné dans 10 États américains. Parmi eux se trouvaient 235 Canadiens.

Ressources

Visiting International Faculty Program

Atlanta Public Schools: Southside High School

High Schools that Work (programme du Southern Regional Education Board)

No Child Left Behind (programme du département américain de l'éducation)