Chantal Bertrand, EAO Vernon Kee, EAO de Dave Thomas
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Jim McArthur
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Rick Moranis et Dave Thomas jouent Bob et Doug McKenzie (1983). |
«Dave est une personne très morale et certaines choses à l’école le dérangeaient profondément, explique M. McArthur, qui est désormais retraité et habite près d’Owen Sound. Lorsque Dave est arrivé dans ma classe, il était assez malheureux.
«Il s’est assis devant moi sur le premier banc, dans la première rangée. Je ne sais pas exactement pourquoi. Je crois qu’il espérait quelque chose de mieux.»
Pour Dave Thomas, la classe de M. McArthur était un peu comme «un refuge, un endroit où aucun élève ne serait frappé avec un livre».
En fait, M. McArthur a amené le jeune Dave Thomas à voir les livres sous un tout autre jour.
«Il était devant la classe, il tenait un livre et je me disais qu’il le tenait comme s’il s’agissait d’un trésor et je me demandais pourquoi ce livre était aussi important.»
Le respect de M. McArthur a laissé une impression durable sur Dave Thomas.
«Jim nous respectait sans nous menacer ni nous frapper. Par conséquent, nous le respections, explique Dave Thomas. Cela m’aurait suffi, mais en plus il croyait réellement en son enseignement. Il ressentait la littérature et il transmettait son amour des mots.
«Mon père était un philosophe. Quelle profession bizarre au XXe siècle, n’est-ce pas?»
«J’ai énormément progressé en tant qu’auteur parce que j’ai reçu l’enseignement d’un homme qui non seulement appréciait les grands auteurs, mais transmettait également, par son empathie inhabituelle pour le texte, les sentiments qui avaient sous-tendu la création de ces œuvres. Cela m’a inspiré.
«Même si j’ai surtout écrit pour la télévision, et non des livres ou des travaux universitaires, j’ai toujours approché l’écriture en gardant à l’esprit l’inspiration que m’a procurée Jim McArthur. Shakespeare écrivait pour son public pauvre du Globe Theatre. Ses pièces de théâtre faisaient rire et applaudir. Ainsi, lorsque j’ai commencé à travailler, je voulais écrire des comédies qui rejoindraient mon public, comme Shakespeare avait écrit pour le sien.
«J’ai été chanceux : SCTV m’a servi de plateforme pour ce type d’écriture. Cette émission m’a donné l’occasion d’écrire, d’écrire de nouveau et d’écrire encore, et de créer des personnages qui, je l’espérais, plairaient au public.»
Dave Thomas fait remarquer que Jim McArthur n’était pas un universitaire stéréotypé, mais un homme talentueux qui était également entraîneur de football.
«Je n’étais pas seulement entraîneur de football. J’étais également entraîneur de volley et j’apportais mon aide dans les entraînements d’athlétisme. C’était une petite école où nous devions tout faire. J’ai également été entraîneur de basket-ball, même si je n’y connaissais rien.
«Selon moi, j’ai guidé d’une certaine façon Dave vers la poésie de la littérature, que ce soit Hamlet de Shakespeare ou Au cœur des ténèbres de Conrad, qui sont des œuvres magnifiquement structurées, avec des images qui se répètent. Dave était fasciné par l’idée de l’écriture comme une manipulation intelligente de la langue. Il adorait cette idée.»
Bien sûr, Dave Thomas était déjà drôle en 13e année.
«Il était assis devant et faisait une blague une fois de temps en temps. Cela me faisait plaisir qu’il se sente assez à l’aise pour le faire», explique M. McArthur.
«Il était toujours très respectueux. S’il voulait faire l’humoriste pendant trop longtemps, je lui lançais un petit regard et il s’arrêtait.»
M. Thomas a ses propres théories pour expliquer son penchant pour l’humour.
«Selon moi, être drôle n’est pas un talent, mais une condition. C’est ce qu’une personne fait pour survivre. On ne naît pas avec ce talent.
«J’étais capable de faire rire les autres, et habituellement je le faisais pour une raison : pour qu’une fille m’aime, pour être accepté, affirme Dave Thomas. Je n’étais pas du tout athlète. Or, dans cette école, on faisait soit partie de l’équipe d’athlétisme, soit de l’équipe de football. Je ne pouvais faire partie d’aucune équipe. Mon humour était la seule façon de me distinguer.»
Nonobstant l’origine de son humour, l’autodérision de Dave est manifeste quand on lui demande s’il se décrirait comme un bon élève.
«Selon moi, je faisais de bons examens, explique-t-il. Mais je connaissais très peu de choses.»
Quoi qu’il en soit, dans son cours d’anglais de 13e année, M. Thomas a obtenu d’excellentes notes à ce qui s’appelait à cette époque des examens départementaux, c’est-à-dire des examens notés par un autre enseignant.
«Jim McArthur m’inspirait tellement, explique M. Thomas. J’ai obtenu la meilleure note de l’école pour mon examen final d’anglais, et cela l’a rendu très fier.» Il fait une courte pause, comme s’il laissait une idée venir àw lui. «Moi aussi j’étais fier. J’étais content de lui montrer que son enseignement avait porté ses fruits.»
Pendant sa 13e année et l’été qui a suivi, M. Thomas a appris à connaître Jim et Fran McArthur comme enseignants, mais également comme personnes. «J’ai gardé le contact et consulté Jim pendant mes études universitaires», se rappelle-t-il en songeant à ses années à McMaster. Peu après avoir terminé l’école secondaire, j’ai présenté Jim et Fran à mes amis. Martin Short et moi sommes allés chez eux à Owen Sound. Ils ont connu Martin, Eugene Levy et les autres à l’époque où nous commencions notre carrière.
«J’ai gardé le contact. Je parle très souvent à Jim au téléphone. Ils sont venus me rendre visite en Californie.»
M. McArthur se dit content d’avoir pu être là pour Dave Thomas pendant une importante étape de transition dans sa vie. «Quand les enfants commencent à s’éloigner de leurs parents, ils trouvent un substitut adulte, affirme-t-il. Dave venait nous rendre visite. Il s’intéressait à notre voisine d’en face. Oups, je n’aurais peut-être pas dû dire ça.» Il rit. «Il venait et nous parlions jusqu’à 3 h. C’était un gros compliment. Cela me faisait plaisir, car non seulement je le respectais, mais je respectais sa loyauté. Il a été merveilleux.»
Jim McArthur et Dave Thomas, en 2000 |
«Il nous téléphone souvent lorsqu’il conduit sur l’autoroute entre son travail et sa maison. La ligne est parfois coupée quand il passe dans un tunnel, mais il rappelle, et la conversation se termine au moment où il se gare devant chez lui. C’est magnifique.»
Compte tenu de l’effet positif qu’il a eu sur Dave Thomas, quel conseil Jim McArthur peut-il donner aux jeunes enseignants d’aujourd’hui?
«D’abord, vous devez connaître la matière, affirme M. McArthur. Vous ne pouvez pas faire semblant.
«Deuxièmement, vous devez aimer ce que vous faites.
«Troisièmement, vous devez être enthousiastes.
«Enfin, vous devez être ouverts d’esprit et justes avec les enfants. C’est nécessaire pour mériter leur confiance.
«C’est ce qui a fonctionné pour moi.»
Comme l’a mentionné Dave Thomas, la principale raison pour laquelle il a voulu aimer la littérature c’est que Jim McArthur semblait l’adorer.
«J’adorais tout simplement ma profession. Un enseignant sans enthousiasme devrait changer de métier.»
Somme toute, Jim McArthur était le chaînon manquant entre William Shakespeare et Dave Thomas. Qui l’aurait deviné?
«Écoutez, personne n’aime Shakespeare à l’école secondaire. C’est tellement difficile à comprendre. Je n’y comprenais rien.
«Alors j’ai eu cet enseignant, Jim McArthur, qui était comme un traducteur de l’ONU. Il récitait du Shakespeare d’une façon qui nous le rendait compréhensible. J’étais tout ouïe.
«D’abord, je me suis dit que je ne me ferais pas frapper par un livre dans sa classe. Puis, je me suis dit que cet enseignant avait vraiment quelque chose à dire, et qu’il aimait sa matière. C’était ça le plus étrange.
«En ayant une passion réelle pour ce qu’il fait, un enseignant pourra établir des liens avec un élève.»
«C’est la même chose lorsqu’on devient parent. On dit n’importe quoi à ses enfants, ils n’écoutent pas, mais ils nous regardent et ils regardent la vie que nous menons, et c’est ce qui reste en eux. C’est leur point de référence.»
Ultimement, en ayant une passion réelle pour ce qu’il fait, un enseignant pourra établir des liens avec un élève.
«Les enfants comprennent cela, explique M. Thomas, en ajoutant la plupart d’entre eux, car il y a des têtes dures qui refusent d’écouter. Toutefois, avec Jim McArthur, tous étaient traités avec respect.
«Cet enseignant était aimé de tous. Je suis resté ami avec certains de mes camarades de classe. Tous, peu importe leur métier aujourd’hui, disent que c’était un bon gars. Tous. Jim McArthur donnait l’impression d’être un bon gars.»
Quel extraordinaire héritage personnel et professionnel.