Jim McArthur
Remarkable Teachers

de Dave Thomas

de Bill Harris

Dave Thomas doit sa capacité d’écrire de la comédie – en fait, d’écrire sur n’importe quel sujet – à l’influence exercée par un homme très important pour lui : Jim McArthur, son professeur d’anglais de 13e année à la Dundas District High School.

Ce ne sont pas tous les «hosers» (nigauds) qui peuvent écrire de la comédie, mais Dave Thomas le peut.

De ses sketchs légendaires sur SCTV à différents films et comédies de situation, jusqu’à son dessin animé actuel, Bob and Doug (qui passe à Global et dans lequel M. Thomas prête sa voix à la version animée de son alter ego, Doug McKenzie), M. Thomas, âgé de 60 ans, s’est mérité la réputation d’être l’une des personnes les plus drôles au Canada.

«Je n’avais aucunement l’intention d’écrire. Je ne pensais pas vraiment à la télévision, sauf que je souhaitais en faire, mais je ne savais pas comment parvenir à mes fins en sortant de Dundas.

«C’est Jim McArthur qui m’a inspiré», dit-il en parlant de son professeur d’anglais de 13e année au Dundas District High School, une école du Hamilton-Wentworth District School Board. Devenue une école intermédiaire en 1982, on l’a ferme de façon définitive en 2007.

«Tous les chemins me ramènent à cet homme, explique M. Thomas, au téléphone de son bureau en Californie, d’où il gère, entre autres, une entreprise d’animation. Je n’ai rien écrit avant Jim McArthur. Rien.

«Il m’a fait découvrir les grands auteurs, notamment Shakespeare et Conrad, et certains poètes, comme Keats et Wordsworth. À l’école secondaire, même les élèves les plus doués comprennent rarement les pièces de théâtre, hautement complexes, iambiques et pleines d’allusions de Shakespeare. Jim McArthur était capable de les lire, de les expliquer et, chose plus importante, de les ressentir.

«Certains d’entre nous ont suivi son exemple.»

«Selon moi, être drôle n’est pas un talent, mais une condition. C’est ce qu’une personne fait pour survivre. On ne naît pas avec ce talent.»

Dave Thomas est né à St. Catharines, en Ontario. Alors qu’il était encore très jeune, sa famille a déménagé en Caroline du Nord, où son père travaillait à l’Université Duke. Dave est allé à l’école en Caroline du Nord de la 1re à la 7e année. Sa famille a ensuite habité en Grande-Bretagne pendant un an avant de rentrer au Canada.

«Mon père était un philosophe, explique M. Thomas avec un petit rire. Un philosophe! Quelle profession bizarre au XXe siècle, n’est-ce pas? Quand je demandais de l’aide pour mes devoirs, il réfléchissait au nombre d’anges qui pourraient danser autour de la tête d’une épingle. C’est pour cette raison que je suis devenu aussi fantaisiste.»

Dave Thomas a fait tout son secondaire à la Dundas District High School, et cette école l’a surpris dès le début.

«DDHS était une petite et vieille école autoritaire située au pied de l’escarpement du Niagara, mentionne M. Thomas. Dans cette école, les châtiments corporels étaient toujours à la mode dans les années 1960. Il n’était pas inhabituel de voir un élève être frappé au visage avec un manuel ou projeté de son pupitre par des coups à la tête bruyants et effrayants.

«Les élèves sous-performants et ceux qui n’étaient pas très doués étaient fréquemment humiliés, forcés de se tenir debout devant la classe pendant que l’enseignant les réprimandait. Un des enseignants prenait tous les examens dont la note était inférieure à 60, et les jetait au sol. Il ordonnait ensuite aux élèves qui avaient obtenu ces notes de ramasser leur examen.

«Je détestais cette école, car on y utilisait des méthodes qui, aujourd’hui, donneraient probablement lieu à des accusations en vertu du Code criminel.

«Toutefois, dans cet endroit complètement fou, deux enseignants, Jim et Fran McArthur, étaient raisonnables, justes et corrects avec tous leurs élèves.»

À cette époque, M. Thomas connaissait la conjointe de Jim McArthur, Fran McArthur, de réputation. Elle enseignait également dans cette école et faisait parfois de la suppléance dans certaines classes de M. Thomas. (Elle a joué un rôle plus important dans le développement du frère cadet de M. Thomas, le musicien Ian Thomas.)

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Rick Moranis et Dave Thomas jouent Bob et Doug McKenzie (1983).

«Dave est une personne très morale et certaines choses à l’école le dérangeaient profondément, explique M. McArthur, qui est désormais retraité et habite près d’Owen Sound. Lorsque Dave est arrivé dans ma classe, il était assez malheureux.

«Il s’est assis devant moi sur le premier banc, dans la première rangée. Je ne sais pas exactement pourquoi. Je crois qu’il espérait quelque chose de mieux.»

Pour Dave Thomas, la classe de M. McArthur était un peu comme «un refuge, un endroit où aucun élève ne serait frappé avec un livre».

En fait, M. McArthur a amené le jeune Dave Thomas à voir les livres sous un tout autre jour.

«Il était devant la classe, il tenait un livre et je me disais qu’il le tenait comme s’il s’agissait d’un trésor et je me demandais pourquoi ce livre était aussi important.»

Le respect de M. McArthur a laissé une impression durable sur Dave Thomas.

«Jim nous respectait sans nous menacer ni nous frapper. Par conséquent, nous le respections, explique Dave Thomas. Cela m’aurait suffi, mais en plus il croyait réellement en son enseignement. Il ressentait la littérature et il transmettait son amour des mots.

«Mon père était un philosophe. Quelle profession bizarre au XXe siècle, n’est-ce pas?»

«J’ai énormément progressé en tant qu’auteur parce que j’ai reçu l’enseignement d’un homme qui non seulement appréciait les grands auteurs, mais transmettait également, par son empathie inhabituelle pour le texte, les sentiments qui avaient sous-tendu la création de ces œuvres. Cela m’a inspiré.

«Même si j’ai surtout écrit pour la télévision, et non des livres ou des travaux universitaires, j’ai toujours approché l’écriture en gardant à l’esprit l’inspiration que m’a procurée Jim McArthur. Shakespeare écrivait pour son public pauvre du Globe Theatre. Ses pièces de théâtre faisaient rire et applaudir. Ainsi, lorsque j’ai commencé à travailler, je voulais écrire des comédies qui rejoindraient mon public, comme Shakespeare avait écrit pour le sien.

«J’ai été chanceux : SCTV m’a servi de plateforme pour ce type d’écriture. Cette émission m’a donné l’occasion d’écrire, d’écrire de nouveau et d’écrire encore, et de créer des personnages qui, je l’espérais, plairaient au public.»

Dave Thomas fait remarquer que Jim McArthur n’était pas un universitaire stéréotypé, mais un homme talentueux qui était également entraîneur de football.

«Je n’étais pas seulement entraîneur de football. J’étais également entraîneur de volley et j’apportais mon aide dans les entraînements d’athlétisme. C’était une petite école où nous devions tout faire. J’ai également été entraîneur de basket-ball, même si je n’y connaissais rien.

«Selon moi, j’ai guidé d’une certaine façon Dave vers la poésie de la littérature, que ce soit Hamlet de Shakespeare ou Au cœur des ténèbres de Conrad, qui sont des œuvres magnifiquement structurées, avec des images qui se répètent. Dave était fasciné par l’idée de l’écriture comme une manipulation intelligente de la langue. Il adorait cette idée.»

Bien sûr, Dave Thomas était déjà drôle en 13e année.

«Il était assis devant et faisait une blague une fois de temps en temps. Cela me faisait plaisir qu’il se sente assez à l’aise pour le faire», explique M. McArthur.

«Il était toujours très respectueux. S’il voulait faire l’humoriste pendant trop longtemps, je lui lançais un petit regard et il s’arrêtait.»

M. Thomas a ses propres théories pour expliquer son penchant pour l’humour.

«Selon moi, être drôle n’est pas un talent, mais une condition. C’est ce qu’une personne fait pour survivre. On ne naît pas avec ce talent.

«J’étais capable de faire rire les autres, et habituellement je le faisais pour une raison : pour qu’une fille m’aime, pour être accepté, affirme Dave Thomas. Je n’étais pas du tout athlète. Or, dans cette école, on faisait soit partie de l’équipe d’athlétisme, soit de l’équipe de football. Je ne pouvais faire partie d’aucune équipe. Mon humour était la seule façon de me distinguer.»

Nonobstant l’origine de son humour, l’autodérision de Dave est manifeste quand on lui demande s’il se décrirait comme un bon élève.

«Selon moi, je faisais de bons examens, explique-t-il. Mais je connaissais très peu de choses.»

Quoi qu’il en soit, dans son cours d’anglais de 13e année, M. Thomas a obtenu d’excellentes notes à ce qui s’appelait à cette époque des examens départementaux, c’est-à-dire des examens notés par un autre enseignant.

«Jim McArthur m’inspirait tellement, explique M. Thomas. J’ai obtenu la meilleure note de l’école pour mon examen final d’anglais, et cela l’a rendu très fier.» Il fait une courte pause, comme s’il laissait une idée venir àw lui. «Moi aussi j’étais fier. J’étais content de lui montrer que son enseignement avait porté ses fruits.»

Pendant sa 13e année et l’été qui a suivi, M. Thomas a appris à connaître Jim et Fran McArthur comme enseignants, mais également comme personnes. «J’ai gardé le contact et consulté Jim pendant mes études universitaires», se rappelle-t-il en songeant à ses années à McMaster. Peu après avoir terminé l’école secondaire, j’ai présenté Jim et Fran à mes amis. Martin Short et moi sommes allés chez eux à Owen Sound. Ils ont connu Martin, Eugene Levy et les autres à l’époque où nous commencions notre carrière.

«J’ai gardé le contact. Je parle très souvent à Jim au téléphone. Ils sont venus me rendre visite en Californie.»

M. McArthur se dit content d’avoir pu être là pour Dave Thomas pendant une importante étape de transition dans sa vie. «Quand les enfants commencent à s’éloigner de leurs parents, ils trouvent un substitut adulte, affirme-t-il. Dave venait nous rendre visite. Il s’intéressait à notre voisine d’en face. Oups, je n’aurais peut-être pas dû dire ça.» Il rit. «Il venait et nous parlions jusqu’à 3 h. C’était un gros compliment. Cela me faisait plaisir, car non seulement je le respectais, mais je respectais sa loyauté. Il a été merveilleux.»

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Jim McArthur et Dave Thomas, en 2000

«Il nous téléphone souvent lorsqu’il conduit sur l’autoroute entre son travail et sa maison. La ligne est parfois coupée quand il passe dans un tunnel, mais il rappelle, et la conversation se termine au moment où il se gare devant chez lui. C’est magnifique.»

Compte tenu de l’effet positif qu’il a eu sur Dave Thomas, quel conseil Jim McArthur peut-il donner aux jeunes enseignants d’aujourd’hui?

«D’abord, vous devez connaître la matière, affirme M. McArthur. Vous ne pouvez pas faire semblant.

«Deuxièmement, vous devez aimer ce que vous faites.

«Troisièmement, vous devez être enthousiastes.

«Enfin, vous devez être ouverts d’esprit et justes avec les enfants. C’est nécessaire pour mériter leur confiance.

«C’est ce qui a fonctionné pour moi.»

Comme l’a mentionné Dave Thomas, la principale raison pour laquelle il a voulu aimer la littérature c’est que Jim McArthur semblait l’adorer.

«J’adorais tout simplement ma profession. Un enseignant sans enthousiasme devrait changer de métier.»

Somme toute, Jim McArthur était le chaînon manquant entre William Shakespeare et Dave Thomas. Qui l’aurait deviné?

«Écoutez, personne n’aime Shakespeare à l’école secondaire. C’est tellement difficile à comprendre. Je n’y comprenais rien.

«Alors j’ai eu cet enseignant, Jim McArthur, qui était comme un traducteur de l’ONU. Il récitait du Shakespeare d’une façon qui nous le rendait compréhensible. J’étais tout ouïe.

«D’abord, je me suis dit que je ne me ferais pas frapper par un livre dans sa classe. Puis, je me suis dit que cet enseignant avait vraiment quelque chose à dire, et qu’il aimait sa matière. C’était ça le plus étrange.

«En ayant une passion réelle pour ce qu’il fait, un enseignant pourra établir des liens avec un élève.»

«C’est la même chose lorsqu’on devient parent. On dit n’importe quoi à ses enfants, ils n’écoutent pas, mais ils nous regardent et ils regardent la vie que nous menons, et c’est ce qui reste en eux. C’est leur point de référence.»

Ultimement, en ayant une passion réelle pour ce qu’il fait, un enseignant pourra établir des liens avec un élève.

«Les enfants comprennent cela, explique M. Thomas, en ajoutant la plupart d’entre eux, car il y a des têtes dures qui refusent d’écouter. Toutefois, avec Jim McArthur, tous étaient traités avec respect.

«Cet enseignant était aimé de tous. Je suis resté ami avec certains de mes camarades de classe. Tous, peu importe leur métier aujourd’hui, disent que c’était un bon gars. Tous. Jim McArthur donnait l’impression d’être un bon gars.»

Quel extraordinaire héritage personnel et professionnel.

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