Pour parler professionLa revue de L’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario
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Une enseignante exemplaire

Denis Sauvé

Des enseignants remarquables

Mike Holmes se souvient de Louise Brown et de Brian Pearcy

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Denis Sauvé 

L’empreinte indélébile d’un enseignant exemplaire

 

Denis Sauvé se souviendra longtemps du 29 janvier dernier. Ce jour-là, il avait beaucoup à célébrer, car il partait à la retraite le lendemain. C’était aussi son anniversaire et il venait d’apprendre que ses collègues de l’école secondaire catholique Le Relais d’Alexandria avaient proposé son nom pour le Prix d’excellence du premier ministre de l’Ontario dans la catégorie Carrière exceptionnelle.

«Les élèves l’adorent parce qu’ils peuvent compter sur lui et se confier à lui, explique Diane Borris, enseignante de sciences et ancienne collègue qui a soumis la candidature de M. Sauvé au prix d’excellence. Il est patient, tenace, fiable et facilement approchable. Les jeunes veulent faire partie de son entourage, car ils se sentent épaulés, encadrés et sécurisés.»

«L’important, avec les jeunes, c’est d’éveiller leur curiosité et leur capacité intellectuelle, et de les mettre au défi. Quand on est exigeant envers eux et qu’on leur demande de faire des choses plus grandes qu’eux-mêmes, ils se découvrent, ils gagnent de la confiance et, au bout du compte, ça donne de bons résultats», affirme M. Sauvé.

Ce dernier a commencé sa carrière à Sudbury dans les années 1970. Il a pratiquement enseigné toutes les matières dont l’histoire du Canada, de l’Europe et de l’Antiquité, les sciences sociales, le français (langue maternelle et langue seconde), la géographie, la psychologie, la philosophie et la musique. Pendant les 20 dernières années, il s’est consacré à l’enseignement des sciences sociales et du français de la 9e  à la 12e année à l’école Le Relais.

M. Sauvé est surtout connu pour sa participation au Café chantant, la troupe de théâtre de l’école Le Relais que Jean-Claude Larocque, un collègue, a fondée (voir encadré). C’est d’ailleurs ce dernier qui l’a initié à ce projet alors qu’ils travaillaient ensemble, il y a de cela 20 ans.

À l’époque, les activités culturelles en français dans la région étaient presque inexistantes et les deux enseignants ont voulu montrer que le français était une langue bien vivante. En ce temps-là, la troupe attirait environ 25 élèves et deux ou trois enseignants. Aujourd’hui, l’équipe a plus que doublé et effectue des tournées un peu partout au Canada devant des auditoires comptant jusqu’à 800 personnes.

«Les élèves m’ont souvent dit que le Café chantant leur avait permis de finir leurs études et d’obtenir un diplôme.»

M. Sauvé aimait écrire des pièces adaptées au milieu scolaire ontarien, ce qui permettait aux élèves de vivre dans leur langue tout en se familiarisant avec certains événements historiques. La pièce Les aventures du roi Georges le conquérant, qu’il a montée il y a deux ans, portait sur les croisades tout en établissant un parallèle avec la guerre en Irak.

«On voulait montrer aux jeunes qu’il existe des cycles historiques et que la guerre n’est pas la solution, soutient-il. La pièce a permis aux élèves de faire des liens avec les événements d’aujourd’hui et ils ont trouvé ça fort intéressant.»

Selon lui, c’est grâce à cette troupe que plusieurs élèves à risque de décrocher ont terminé leurs études secondaires. «On a réussi à attirer plusieurs jeunes en difficulté, surtout des garçons, qui se sont impliqués dans toutes les facettes des arts de la scène, comme la technique du son, l’éclairage et le décor. Les élèves m’ont souvent dit que le Café chantant leur avait permis de finir leurs études et d’obtenir un diplôme.

«Un des éléments importants du Café chantant est de donner une passion aux jeunes, explique-t-il. Pour eux, la pièce de théâtre devient leur spectacle; alors, ils sont vraiment impliqués à tous les niveaux. On est souvent allés en tournée où les jeunes se retrouvaient loin de chez eux. C’est toute une aventure. Ils se présentent devant des publics qu’ils ne connaissent pas, qui ne sont pas vendus à l’avance et c’est un véritable défi que plusieurs ont relevé. Ils étaient gênés en public; alors, chanter devant 700 ou 800 personnes, c’était tout un exploit.»

Passer le flambeau

«Mon goût pour le théâtre, la musique, mon baccalauréat en histoire, mon amour de l’enseignement, tout provient de l’influence de M. Sauvé : il était le top», affirme Mathieu Glaude, élève de M. Sauvé pendant quatre ans, qui a participé au Café chantant comme comédien et guitariste, et qui entame maintenant sa première année en enseignement à l’école Le Relais. Il entretient des liens particuliers avec son ancien enseignant puisque ce dernier a aussi été son enseignant associé durant son stage. Aujourd’hui, c’est lui qu’on a choisi pour le remplacer et enseigner, entre autres, l’histoire.

Selon M. Glaude, Denis Sauvé se démarque non seulement par sa passion pour l’enseignement, mais aussi parce qu’il trouvait toujours le moyen de faire participer les élèves, même ceux pour qui la matière ou un projet était trop difficile.

«Il faut partir du connu de l’élève, éveiller sa curiosité, faire des liens avec ce qu’il connaît.»

«Ce n’est pas pour rien que, dans l’annuaire des finissants de l’an dernier, les trois quarts des élèves ont inscrit Denis comme leur enseignant préféré. Les autres élèves ne l’ont sûrement pas eu comme enseignant», relate-t-il en riant.

 «Denis a le talent d’aller chercher le meilleur des jeunes, de le mettre en valeur, raconte Jean-Claude Larocque, qui enseigne le français et l’histoire à l’école Le Relais. Il y a beaucoup d’altruisme dans sa personnalité et c’est un type qui rayonne de générosité. S’il voit un jeune en difficulté, il va prendre le temps de l’écouter et de lui faire des suggestions pour lui venir en aide. Il investira de son temps, cherchera lui-même des livres, les ressources nécessaires et l’accompagnera dans son travail. Il ne compte pas ses heures.»

«Il faut partir du connu de l’élève, éveiller sa curiosité, faire des liens avec ce qu’il connaît et ce qu’il a vécu ou ce dont il a entendu parler, explique M. Sauvé. Il faut aller un peu plus en profondeur. L’éveil intellectuel, j’y crois beaucoup.»

Chercher plus loin

Dans le cadre d’un cours sur l’Antiquité, qu’il a enseigné dans les années 1970 et de nouveau en 2000, M. Sauvé a mis en œuvre un projet d’envergure demandant aux élèves de créer une civilisation fictive et de simuler une fouille archéologique pour leur permettre de comprendre les différentes composantes de l’évolution d’une société sur les plans technique, intellectuel, politique et moral. En fabriquant des artefacts par le biais du dessin et de la poterie, qu’ils enterraient par la suite, les jeunes s’initiaient à la découverte d’une civilisation inventée en faisant des fouilles, en interprétant et en présentant leurs trouvailles. «Les jeunes pouvaient voir un peu ce qu’était à la fois le métier d’archéologue, d’historien et de philosophe lorsqu’ils interprétaient la vie quotidienne des civilisations disparues. Ils adoraient ça.»

Patrice Racine, directeur de l’école Le Relais, estime que M. Sauvé avait une approche très philosophique. «C’est un fin pédagogue qui sait comment aller chercher les émotions chez les jeunes, qui connaît leurs intérêts et sait s’en servir dans son enseignement. C’est quelqu’un de vrai; ce n’est pas un acteur devant une classe. Autant il pouvait faire le bouffon et avoir du plaisir avec les élèves, autant il était sérieux et attentionné envers eux.»

«Denis a le talent d’aller chercher le meilleur des jeunes, de le mettre en valeur.»

Si enseigner à des jeunes de 15 ans l’Apologie de Socrate ou l’interprétation de l’existence humaine représente un défi de taille pour tout enseignant, la méthode de Denis Sauvé consistait à chercher à développer la pensée réflexive, créatrice et critique à partir de l’expérience des élèves et de leur conception des choses. Le but était de les amener à découvrir par eux-mêmes divers raisonnements et de susciter un questionnement. Par exemple, au lieu de faire appel à l’enseignement magistral, M. Sauvé invitait plutôt chaque élève à jouer le rôle d’un philosophe ou à le présenter de façon originale.

«C’était vraiment enrichissant de voir les jeunes assimiler des théories philosophiques afin de les concrétiser dans un projet», dit-il.

«Il ne croit pas que le succès dépende du quotient intellectuel, mais il pense que tout est possible si l’élève est motivé, affirme Mme Borris. Il croit vraiment qu’il n’est pas nécessaire de diluer le contenu. Par exemple, on ne peut pas couvrir Jean-Jacques Rousseau dans un cours de philo de cinq minutes. Il accordait du temps pour enseigner en profondeur afin que les élèves saisissent bien toutes les subtilités du sujet. Grâce à lui, les élèves d’une petite école rurale ont survécu à un cours de philo, imaginez-vous!»

L’aventure continue

Quand on lui demande quels conseils il souhaite transmettre aux nouveaux enseignants, il répond tout de go : «N’hésitez pas à demander de l’aide aux enseignants plus expérimentés, travaillez en équipe; surtout, il ne faut pas se prendre trop au sérieux. Il faut faire de la place pour l’humour parce que les jeunes ados aiment beaucoup ça.»

Le départ à la retraite de M. Sauvé sème une certaine tristesse chez ses collègues. «Ma grande difficulté, c’est de m’adapter à son départ, admet M. Larocque. C’est toujours difficile de perdre un collègue avec qui on a travaillé de si près.»

«C’était vraiment enrichissant de voir les jeunes assimiler des théories philosophiques...»

Après 31 années consacrées à l’enseignement, c’est avec nostalgie et mélancolie que M. Sauvé voyait arriver la rentrée de septembre dernier. «Depuis l’âge de sept ans, j’ai toujours fait une rentrée. Ça va être une première.»

Prenant part au Café chantant, à des études universitaires et à différents comités communautaires francophones, ce fervent partisan de l’apprentissage compte aussi passer du temps à jardiner, à lire, à voyager et à rénover. «Quand on prend sa retraite, la liste est longue; ma conjointe m’a préparé une bonne liste!»

Souhaitons-lui une bonne retraite.


Cette année, le Café chantant donnera des représentations du Temps des grands bouleversements, écrit par Denis Sauvé et Jean-Claude Larocque, du 4 au 6 mars. La troupe se produira au Manitoba du 21 au 26 avril.

Renseignements : École secondaire catholique Le Relais, 613-525-3315.

(Photo)

Denis Sauvé et le créateur du Café chantant, Jean-Claude Larocque

On chante en Ontario français

Lieu de création, mais aussi de promotion de la chanson française, le café chantant en milieu scolaire a fait son apparition en Ontario vers le milieu des années 1960. C’est un spectacle de style cabaret qui met en scène des élèves, habituellement issus des classes de musique.

Le café chantant permet à nombre d’élèves auteurs, compositeurs et interprètes de monter sur scène après les heures de classe, afin de célébrer leur identité francophone et d’enrichir leur culture par la musique et le théâtre. De grands noms de la scène tels que Jean Marc Dalpé et Robert Bellefeuille se sont ainsi fait connaître.

Aujourd’hui enseignant retraité, Maurice Berthiaume avait mis sur pied un des premiers cafés chantant avec son ami, l’auteur-compositeur Jean-Guy «Chuck» Labelle, alors qu’il était élève à la Chelmsford Valley Composite High School, près de Sudbury.

«On interprétait des chansons d’Harmonium ou de Marjo accompagnées d’instruments de musique comme la guitare, le clavier et quelques instruments à vent. Les spectateurs étaient assis à des tables où on avait installé des chandelles, c’était très intime.»

Devenu enseignant, M. Berthiaume y verra l’occasion idéale de découvrir les poètes et écrivains de son école, et mettra sur pied un café chantant à l’école Rayside de Sudbury.

«Des élèves écrivaient les saynètes, d’autres recueillaient des chansons en français et les interprétaient. Les chansons aidaient à raconter l’histoire, raconte Jacques Grills, ancien élève de M. Berthiaume. On organisait des spectacles de une ou deux heures en soirée. C’était une expérience inoubliable.»

M. Grills enseigne maintenant la musique à l’école secondaire Macdonald-Cartier de Sudbury. Il s’est inspiré de son expérience au café chantant pour créer, il y a quatre ans, le Groupe 17, un groupe musical composé de 25 élèves passionnés de musique. Ce groupe vient d’ailleurs de lancer son premier album et entame une tournée provinciale qui aboutira au festival Quand ça nous chante, à Kingston, du 20 au 23 février. Toutes les écoles de langue française ayant un programme en musique seront aussi de la partie.

Au fil du temps, le café chantant a pris différentes formes et s’est étendu aux écoles de langue française des quatre coins de la province. En 1986, Jean-Claude Larocque de l’école secondaire catholique Le Relais d’Alexandria, dans l’est ontarien, a démarré un café chantant axé sur la musique, le théâtre, la danse et les créations originales des élèves.

Le concept est maintenant intégré au curriculum ontarien par le biais des cours de musique, et plusieurs écoles de langue française ont intégré un café chantant, au grand bonheur des amateurs de spectacles de variétés.

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