Une enseignante exemplaire

Doug Fraser, EAO

éducateur environnemental

de Leanne Miller, EAO
photos de Robert vanWaarden

Si vous conduisez direction nord pendant six heures ou quelque 550 kilomètres à partir des rives du lac Ontario, vous vous retrouvez sur les berges du lac Témiscamingue. Une ou deux heures avant d’arriver, vous pourriez apercevoir un orignal le long de la route, et même une légère neige sur les arbustes, même en mai.

Nous sommes à des lieues de l’édifice Mowat, siège du ministère de l’Éducation, en plein centre-ville de Toronto, qui se veut le centre nerveux de l’éducation en Ontario. Or, la distance n’a guère d’importance, car ce qui se passe dans la salle 216 de l’école secondaire Timiskaming District à New Liskeard est à la fine pointe de l’éducation dans la province.

Voici Doug Fraser, enseignant de sciences, chef de section, activiste environnemental, corédacteur de sept manuels scolaires, conseiller pour un huitième manuel (et trois autres en cours), gagnant du prix d’enseignant de biologie remarquable en 2007 et, maintenant, récipiendaire du Prix du premier ministre pour l’excellence dans l’enseignement dans la catégorie Carrière exceptionnelle.

M. Fraser vise à rendre vivant et pratique l’enseignement des sciences. Il est galvanisé par ce qu’il appelle «un engagement sérieux et significatif de la province pour l’éducation et l’environnement» et par l’objectif principal du curriculum de sciences de 2008 : un rapprochement entre la culture scientifique et technologique, et l’environnement.

«Cela veut dire, dit-il avec enthousiasme, qu’enseigner les applications, les réalisations et les répercussions est aussi important que la science même – ses théories et ses concepts.»

L’introduction du nouveau programme cadre en anglais cite l’ouvrage de Lynn Erickson, Concept-Based Curriculum and Instruction : «Changez l’accent du programme et de l’enseignement. Au lieu d’enseigner des matières, utilisez-les pour enseigner et pour évaluer une compréhension plus approfondie des concepts» (traduction libre).

«Autrement dit, la nouvelle approche permet aux pédagogues de faire davantage participer les élèves, soutient M. Fraser.

«Nous avons été trop occupés à couvrir la matière, espérant qu’il y ait suffisamment de temps à la fin de l’année pour des projets plus amusants, explique-t-il. Or, cette nouvelle approche nous encourage à commencer chaque unité avec des activités pratiques, prises dans le quotidien, pertinentes et qui amènent les élèves à réfléchir. Après avoir capté leur attention, nous pouvons nous concentrer sur la théorie et sur les concepts.»

Il incorporera cette nouvelle approche dans l’élaboration de nouvelles ressources d’enseignement et un prochain manuel de sciences. Il veillera à y inclure quantité d’activités novatrices, comme il l’a toujours fait.

Il y a plus de 15 ans, M. Fraser a commencé à explorer l’empreinte digitale de l’ADN, concept révolutionnaire à l’époque, avec ses élèves. De nos jours, l’étude du code génétique fait partie du programme de sciences, mais, à l’époque, cela relevait presque de la science-fiction.

Il a entendu parler du premier séquençage génomique complet d’un organisme vivant en 1995. Il a alors téléchargé et imprimé les 160 pages (580 000 lettres) de la séquence d’ADN à partir d’Internet, technologie assez nouvelle à l’époque, pour communiquer ces connaissances à ses élèves.

«C’était un exploit scientifique et technologique, dit-il, qui a permis le séquençage complet de l’ADN du génome humain huit ans plus tard.»

Innovations technologiques

Il continue d’enseigner des technologies génétiques innovatrices en classe, y compris le transfert des gènes des méduses aux bactéries.

«Il est difficile pour les élèves d’apprendre d’importants concepts abstraits qu’ils ne peuvent observer en classe, explique-t-il, comme la structure d’une macromolécule complexe ou l’évolution des espèces.»

Ces défis l’ont motivé à concevoir des programmes de modélisation qui rendent accessibles aux élèves ces concepts importants et fascinants de manière interactive. Le programme permet aux élèves d’explorer et de manipuler des molécules qui renferment des milliers d’atomes et d’observer l’évolution d’espèces virtuelles.

M. Fraser partage ses idées avec ses confrères et consœurs durant le congrès annuel de l’Association des professeurs de sciences de l’Ontario, où il est régulièrement invité à titre de conférencier. Il est réputé pour la diversité des sujets qu’il présente, de la pseudo science au paranormal, en passant par la biologie évolutive, la théorie du chaos et les changements climatiques. Il ne manque jamais de divertir et d’éduquer les membres de son auditoire alors qu’il les encourage à inclure des nouveaux sujets et des techniques novatrices à leur répertoire.

M. Fraser est convaincu de l’importance pour les élèves de saisir le but de l’apprentissage et de mener leurs propres enquêtes.

«Quand je présente un sujet, je m’assure que mes élèves, en tant qu’individus et en tant que société, en saisissent la pertinence et l’importance.»

«Quand je présente un sujet, que ce soit la théorie atomique, l’électricité ou l’astronomie, je m’assure que mes élèves, en tant qu’individus et en tant que société, en saisissent la pertinence et l’importance. Ils sont alors plus à même de participer.»

La technologie combinée à un enseignement innovateur est l’un des points forts de Doug Fraser. Un autre est l’environnement – à la fois local et mondial.

«C’est l’une des personnes les plus engagées dans l’enseignement environnemental et la sauvegarde de notre planète que j’aie jamais rencontrées, affirme le directeur, Jim Rowe, EAO. Ses connaissances et son enthousiasme inspirent tant les adultes que les élèves.»

M. Fraser a découvert sa vocation et sa passion pour l’environnement pendant un emploi d’été au parc Algonquin, son nouveau B. Sc. en biologie en main. Il pensait poursuivre des études supérieures, mais est arrivé à la conclusion qu’il aurait plus d’influence en travaillant avec des élèves du secondaire.

Environnementaliste et activiste depuis toujours, M. Fraser a œuvré auprès d’ONG dans les années 1980. Il faisait partie d’un groupe qui exhortait le gouvernement à prendre des mesures concernant le réchauffement de la planète et a publié Degrees of Change.

À la fin des années 1990, il s’est opposé au projet Adams Mine. La ville de Toronto avait proposé de déverser ses déchets municipaux dans une mine à ciel ouvert abandonnée dans la région de Timiskaming. Bien que la communauté eût profité de l’investissement de millions de dollars, y compris la création d’emplois et une source de revenus courants, M. Fraser et d’autres personnes ont avancé que les répercussions environnementales seraient trop néfastes et que cela créerait un dangereux précédent.

Apprivoiser Darwin

Ces dernières années, ses travaux sur l’environnement ont pris une dimension mondiale.

En octobre, il a assisté à un symposium international en éducation à York, en Angleterre, composé de pédagogues, de responsables de politiques et de spécialistes en éducation et en mobilisation populaire. Le symposium, intitulé Communicating Darwin’s Ideas, était l’un des innombrables événements tenus pour souligner le 150e anniversaire de la publication de Charles Darwin, L’origine des espèces par le moyen de la sélection naturelle, ou La lutte pour l’existence dans la nature.

«C’est une année importante pour les biologistes», ajoute M. Fraser.

En 2008, Doug Fraser a été choisi parmi des milliers de bénévoles pour participer à un événement spécial intitulé Projet climatique – Canada. M. Fraser et quelque 250 Canadiens se sont donné rendez-vous à Montréal où Al Gore, David Suzuki, Andrew Weaver et d’autres leaders en climatologie et en écologie ont fait des présentations et ont donné leur opinion d’expert sur les changements climatiques.

(Photo)

Doug Fraser, en train d’aider Devin Aviugana à construire un inukshuk pendant la Cape Farewell Youth Expedition, à la terre de Baffin, en 2008

Dans le cadre de leur engagement, les bénévoles doivent faire 10 présentations dans des communautés pour sensibiliser les gens à la crise climatique. M. Fraser compte à son actif au moins 20 présentations à la communauté et aux écoles de sa région.

Il aime rappeler à ses élèves et au public la chance qu’ils ont. En comparaison avec presque tous les peuples ayant jamais vécu sur la planète, les Canadiennes et Canadiens jouissent d’un très haut niveau de vie, qui inclut richesse matérielle, excellents soins de santé et programmes d’éducation. Selon lui, cette richesse porte son lot d’avantages et de responsabilités.

«Nous avons le devoir d’agir pour un environnement durable et de prendre soin de notre planète dans tous nos gestes», dit M. Fraser.

Il soulève souvent des sujets comme les élections et d’autres préoccupations sociales dans sa classe. Les sciences n’existent pas en vase clos. Il est tout aussi important de voir comment la science façonne la société et l’environnement.

«Au lieu de juger les politiciens sur ce qu’ils vont nous apporter, dit-il, je mets les élèves au défi d’encourager les politiciens à remettre en question des politiques en vue d’un développement durable.»

Selon M. Fraser, son style d’enseignement primé est une approche fondée sur le questionnement et la pensée critique. «Il faut agir, penser à nos gestes et les remettre en question.»

Activités variées

Il faut aussi de la variété. Au cours des années, M. Fraser a organisé et participé à des voyages étudiants au Costa Rica, au Bélize, au Panama, en Amazonie et aux îles Galapagos.

«Tous les moyens sont bons pour créer des expériences d’apprentissage efficaces pour les élèves, que ce soit en salle de classe, au laboratoire, à la tourbière locale ou dans une forêt tropicale.»

L’an passé, avec deux collègues, il a appuyé une élève de leur école qui a représenté l’Ontario à l’expédition Cape Farewell Youth Expedition de 2008, organisée en collaboration avec le British Council Canada. Vingt-huit élèves de partout dans le monde ont exploré l’Islande et les côtes du Groenland et de la terre de Baffin. Ils ont fait l’expérience des effets des changements climatiques. Les élèves étaient accompagnés d’enseignants, de scientifiques, d’artistes, de guides, de journalistes et d’un équipage de 30 personnes. Doug Fraser était l’un des deux enseignants de sciences à se joindre à l’expédition.

«Nous avons le devoir d’agir pour un environnement durable et de prendre soin de notre planète dans tous nos gestes.»

Pendant cet incroyable voyage de deux semaines, les participants ont étudié la climatologie, l’océanographie, la biogéographie et la géomorphologie. Ils ont visité des communautés et des gens touchés par le réchauffement de la planète et par la fonte de la calotte glaciaire. C’était une expérience unique pour M. Fraser et Sarah, élève de l’école secondaire Timiskaming District.

«Pendant l’expédition, M. Fraser a brillé par son intelligence et son humilité, se rappelle Sarah. Il nous a ouvert l’esprit sur tant de choses, mais en même temps il s’assurait que, tout en voyageant et en apprenant, nous avions du plaisir. Les autres élèves partagent aussi mon avis.»

On a par la suite demandé à M. Fraser de concevoir des leçons de sciences tirées de l’expédition. Celles-ci comprenaient l’enseignement différentiel, des activités pratiques et des applications réelles conçues pour encourager les élèves à étudier les répercussions néfastes des changements climatiques sur notre planète.

Bien qu’une seule personne de l’école de M. Fraser ait pu participer à l’expédition, bon nombre de ses élèves ont contribué au projet. Ils ont planté 2 500 arbres pour l’Elk Lake Community Forest (ELCF) qui, en retour, a versé les fonds nécessaires pour couvrir la contribution de l’école pour l’expédition. Mise sur pied en 1991 sous l’égide du ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, l’initiative encourage les communautés locales à participer à la gestion des ressources.

Evan est l’un des élèves qui ont participé au projet.

«L’enthousiasme de M. Fraser est contagieux. Son approche en enseignement n’est pas basée que sur des livres, mais sur le questionnement. Il nous laisse être les artisans de notre propre apprentissage. C’est vraiment super.»

Brett est tout à fait d’accord : «Il est clair qu’il adore enseigner. Son enthousiasme est contagieux. Ça ne nous dérangeait pas de planter ces arbres, malgré les nuées d’insectes!»

«Une autre de ses grandes qualités, ajoute Evan, c’est qu’il joint le geste à la parole. Il fait plus de 6 pieds et il conduit une Smart! Tout le monde  le connaît dans la ville : c’est celui qui conduit une Smart jaune.»

Melanie explique que les devoirs sont affichés dans le site de M. Fraser et que les élèves lui envoient leurs travaux par courriel. On réduit ainsi la consommation de papier en classe.

«Rien ne l’irrite plus que la nourriture emballée à outrance, dit Olivia. Et maintenant, ça me rend dingue aussi. Pourquoi recouvrir une noix de coco de pellicule plastique? Il a écrit à la Dole Food Company pour se plaindre que les bananes biologiques vendues sur le marché sont emballées sous plastique.»

Loin des tours de verre de l’éducation, mais au cœur même de l’apprentissage, c’est là que vous trouverez Doug Fraser.


Pour voir les vidéos de Cape Farewell et télécharger des plans de cours (en anglais), consultez www.capefarewell.com.

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