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un enseignant remarquable

Bruce White – l’excellence en héritage

un enseignant remarquable

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L’excellence en héritage

À l’école secondaire Vincent Massey, on vénère Bruce White comme s’il était l’entraîneur de l’équipe gagnante de football ou de basketball. Pourtant, ce lauréat du Prix du premier ministre pour l’excellence en enseignement se spécialise en mathématiques et non en éducation physique. Bien qu’il ait pris sa retraite en 2004, son horaire de travail pour le conseil scolaire Greater Essex est toujours rempli et ses efforts sont grandement appréciés.


Les élèves qui ont la chance de faire partie de l’équipe légendaire de Massey savent qu’ils auront du pain sur la planche. Tous connaissent les exigences :

  • développer ses aptitudes
  • offrir une performance solide en compétition
  • faire acte de présence aux séances et aux camps d’essai, même en 7e et en 8e année
  • respecter les traditions bien ancrées
  • travailler fort pour se démarquer.

Comme tout entraîneur qui se respecte, M. White s’est basé sur l’essentiel : une méthode simple, beaucoup d’entraînement, le développement des aptitudes, une attitude gagnante, la fermeté affectueuse, des entraîneurs compétents et la reconnaissance du talent. Seule la crème de la crème est admise dans l’équipe.

Il est sévère et n’encense qu’à petite dose. Une bonne réponse n’est accompagnée que d’un hochement de tête. Se faire dire «bien» est rarissime, même pour les nouveaux de 9e année qui connaissent bien sa réputation.

Malgré la technologie disponible, M. White et ses collègues choisissent la simplicité : le tableau et la craie. On enseigne les mathématiques de niveau avancé par la résolution de problèmes.

Jamais il ne demande : «Quelle est la réponse?»

Lorsqu’ils arrivent en classe, les élèves vont directement au tableau pour signaler les problèmes qu’ils ont eus en faisant leurs devoirs. S’ils sont vraiment incapables de trouver la réponse, M. White guide leur analyse : «Que comprends-tu de la question? Que veut-elle dire? Que peux-tu faire? Décompose-la. Pense à la façon de procéder et non à la théorie. Simplifie.»

Après un certain temps, les élèves se posent eux-mêmes ces questions. Ils arrivent à résoudre des problèmes complexes, à obtenir les aptitudes et la confiance pour présenter leur solution à leurs pairs, à donner des réponses précises qui soulignent les erreurs ou les illogismes.

C'est la façon de faire qui compte.

«Tu aimes ta calculatrice, n’est-ce pas?», demande-t-il à Mark, un élève de 9e année, alors qu’il repasse la réponse inscrite au tableau.

Mark fait oui de la tête en hésitant.

«Tu as de la chance... ta réponse est correcte, mais ta méthode ne l’est pas.» Il indique les erreurs et demande à l’élève de refaire le problème sans utiliser la calculatrice.

Cette technique peut sembler intimidante, mais elle crée l’environnement d’apprentissage riche et stimulant dont les élèves ont besoin. Simplifier et souligner la réussite, voilà le secret. Les élèves applaudissent lorsqu’un des leurs résout son problème.

Puis, M. White ajoute : «Lorsque vous verrez une question comme celle-ci au Concours Pascal, pensez d’abord à ce que vous savez vraiment. Faites de la factorisation. N’essayez pas de compliquer les choses; c'est là que vous ferez des erreurs.»

Avantage concurrentiel

M. White croit qu’il est extrêmement profitable d’exposer les élèves doués aux concepts mathématiques et de développer leurs aptitudes de résolution de problèmes en leur donnant des questions complexes.

«Il s’emploie avec passion à exploiter le potentiel des élèves, raconte Elver Peruzzo, directeur de l’école. Les élèves performants s’épanouissent. Les parents et les élèves de tout le conseil scolaire ont de la chance de l’avoir.»

Le deuxième élément crucial de ce système est la compétition. Dans l’école, tous les élèves en mathématiques avancées doivent participer à des concours pendant l’année. Cette année, il y en a eu 28. La plupart des élèves, surtout les plus vieux, les passent tous, même si ce n’est pas obligatoire. Dans certains cas, il faut se qualifier pour s’inscrire.

«M. White a insisté pour que le succès des élèves de mathématiques soit reconnu au même titre que celui des athlètes.»

Les élèves de mathématiques avancées de toute l’école participent présentement au quatrième des six concours du Canadian National Math League. Il s’agit d’un concours ouvert auquel tous les élèves aiment prendre part, même les plus jeunes. Comme c'est le cas de la plupart des compétitions, on passe le test à la pause du midi plutôt que durant les heures de classe. Pour présenter les résultats au concours, l’école doit obtenir six notes parfaites. Les élèves se rassemblent autour des enseignants pour connaître leur note. Un soupir collectif se fait entendre à la dernière séance : une élève de 10e année est la sixième à obtenir une note parfaite.

Les murs du département de mathématiques sont tapissés de centaines de prix et de certificats, la plupart accompagnés de la photo des gagnants et de leurs enseignants. Grâce à M. White, l’école Massey a l’habitude de gagner la palme, une tradition qu’élèves et collègues sont bien prêts à conserver.

Afficher les prix et les photos fait partie de la tradition, qui compte aussi la cérémonie de remise des prix. Lorsqu’il est arrivé à Massey, en 1986, M. White a insisté pour que le succès des élèves de mathématiques soit reconnu au même titre que celui des athlètes.

Bienvenue dans le club!

Le programme parascolaire de mathématiques est un autre élément important du projet de M. White. Depuis plusieurs années, il anime un club de mathématiques les lundi, mercredi et dimanche. Les lundi et mercredi soirs, les parents des quartiers environnants paient 70 $ pour inscrire leurs enfants à ses séances de résolution de problèmes. Les fonds accumulés financent la participation de l’école aux concours.

Deux fois par semaine, de 19 h à 22 h, près de 200 élèves s’entassent dans la cafétéria. On accueille les élèves de l’élémentaire dont le rendement est jugé acceptable ainsi que ceux des écoles secondaires d’autres conseils scolaires.

Quelle surprise de voir un garçon de 7e année expliquer aux plus vieux la façon dont il a résolu un problème épineux! Il a vraiment hâte d’entrer à Massey, en 9e année. Dans la région de Windsor, on connaît la réputation de M. White pour améliorer les connaissances en mathématiques. Il n’est pas rare de voir un parent à sa porte, pour lui demander si son enfant peut se joindre à l’un de ses clubs.

Peter Wen, un élève de 9e année, fait partie du groupe du lundi soir. «M. White nous enseigne à résoudre des équations complexes, mais il les simplifie en mettant de l’avant des techniques que nous connaissons déjà. Il nous amène au-delà de la base que nous apprenons en classe.»

Peter et son ami Yang Zeng aiment dire que M. White a fait augmenter la valeur des maisons du voisinage. La famille de Yang a déménagé dans la région alors qu’il était à l’élémentaire pour qu’il puisse éventuellement fréquenter l’école Massey. Selon les deux garçons, la réputation de M. White s’est même rendue jusqu’à Hong Kong!

(photo)

Bruce White anime le club de maths avancées les dimanches à Massey.

Il n’est pas nécessaire qu’un élève soit officiellement doué pour s’inscrire au programme; il suffit qu’un enseignant le recommande. Toutefois, le cours du dimanche est réservé à ceux qui sont particulièrement talentueux. Voici un extrait du cybercarnet d’un élève de Windsor :

Chaque dimanche, beau temps, mauvais temps, nous nous rendons tranquillement à l’école. C'est le cours de mathématiques; une des nombreuses traditions de Vincent Massey, qui la distingue des autres. Cette tradition survit toujours, même si le gourou des mathématiques, M. White, a pris sa retraite. Ce rassemblement d’élèves brillants, l’élite des mathématiques, peut facilement se comparer aux meilleures équipes d’Amérique du Nord. Les membres sont choisis minutieusement par M. White lui-même, habituellement lors de leur première année à l’école. Une fois élus, ces jeunes talents partent à la conquête de l’excellence en mathématiques. De fil en aiguille, ils deviennent les gardiens de l’honneur de Massey, fleuron national des mathématiques.

Pendant de nombreuses années, M. White a animé des camps de mathématiques de deux semaines pendant l’été, les vacances de Noël et la semaine de relâche pour les élèves exceptionnels. Il ne semble pas y avoir de limites aux défis qu’il peut présenter. Les camps se poursuivent même s’il a pris sa retraite.

Le style de M. White fait sa marque bien au-delà de l’école et des résultats de concours. Les professeurs de mathématiques de l’Université de Windsor ou de Waterloo reconnaissent même sa méthode lorsque des diplômés de Massey répondent à leurs questions. «Vous saluerez M. White de ma part», leur disent-ils.

Qu’est-ce qui leur met la puce à l’oreille? M. White pense que c'est la façon dont ses anciens élèves réfléchissent et mettent de l’avant leurs connaissances et leur confiance en classe qui les caractérise.

L’Université de Windsor a nommé M. White docteur honoris causa pour sa contribution à l’apprentissage des élèves. De son côté, l’Université de Waterloo lui a décerné le prix Descartes d’excellence en enseignement des mathématiques au secondaire.

L’emploi du temps de Bruce White est très chargé. Il se concentre principalement sur Massey, mais travaille aussi avec les enseignants et élèves d’autres écoles secondaires et élémentaires du conseil scolaire. Chaque semaine, il aide les élèves de chaque classe de mathématiques avancées de Massey à se préparer aux concours. Il estime que Massey fait partie des 20 meilleures écoles d’Amérique du Nord, écoles publiques et privées confondues.

Héritage

Chris Ing est un jeune et brillant enseignant de mathématiques de l’école Massey, déterminé à préserver la tradition. Il en est à sa troisième année d’enseignement, mais c'est aussi un ancien de l’école; sa photo et ses prix sont affichés sur les murs du département.

M. Ing fait partie de l’héritage passé, présent et futur de Massey. Il enseigne des cours de mathématiques avancées, dont le calcul différentiel. Selon lui, c'est grâce à M. White et à ses collègues qu’il a choisi l’enseignement. Il pourrait facilement gagner beaucoup plus dans un autre domaine. «Lorsque j’allais à l’école, j’adorais cet environnement. Maintenant, j’aime mes élèves et mon travail.»

Depuis que M. Ing s’est joint au personnel de l’école, M. White est son mentor. Il est fascinant de les voir enseigner. On note de nombreuses similitudes : leur vocabulaire, l’utilisation qu’ils font du tableau et les liens qu’ils tissent entre les concours passés et à venir. L’élève a bien retenu sa leçon.

Les classes des collègues de M. White ne sont pas toutes aussi tranquilles que la sienne, mais il admire ce qu’il y voit.

«Un bon enseignant est capable de laisser ses élèves s’acharner et faire des erreurs.»

«Ils enseignent mieux que je ne le faisais à leur âge, affirme-t-il en les félicitant de leur créativité, de leurs méthodes de planification et de leur bonne compréhension des élèves des classes enrichies. Il m'a fallu des années pour comprendre que ces élèves n’apprendraient pas dans un contexte habituel. Il faut les laisser voler de leurs propres ailes et mettre en pratique ce qu’ils ont appris. L’enseignement n’est pas une science, c'est un art.

«Un bon enseignant est capable de laisser ses élèves s’acharner et faire des erreurs. Il s’emploie à enseigner des méthodes, pas seulement à trouver la bonne réponse.»

Il souligne que la tâche n’est pas simple pour un enseignant qui n’a qu’une formation de base en mathématiques.

Marilyn Burns, auteure américaine de renom, enseignante et formatrice d’enseignants, croit que nombreux sont ceux qui ne sont pas à l’aise pour enseigner les mathématiques : «Les enseignants sont créatifs et enthousiastes quand vient le temps d’enseigner la lecture et les langues, mais quand la période des mathématiques commence, on reprend son sérieux», écrit-elle dans un article publié dans ENC Focus, The NCTM Standards in 2005 (disponible en ligne à www.enc.org).

M. White est bien d’accord avec elle, et c'est pourquoi il anime des ateliers de mathématiques pour les enseignantes et enseignants de cycle intermédiaire. Ces ateliers remportent aussi un grand succès. Il encourage ces enseignants à laisser leurs meilleurs élèves participer au concours de 9e année : «Plus ils sont jeunes lorsqu’ils entrent en compétition, plus ils deviennent forts en mathématiques».

Bien qu’il entame sa deuxième année de retraite, Bruce White ne ralentit toujours pas l’allure. Il soutient que son travail au conseil scolaire lui convient parfaitement : «Il me permet de travailler avec les élèves, les enseignants et les mathématiques sans avoir à faire de corrections».

Cet enseignant primé continuera d’être un modèle et une source d’inspiration pour les enseignants et les élèves pendant de nombreuses années encore.

Prix du premier ministre pour l’excellence dans l’enseignement

Le Prix du premier ministre pour l’excellence dans l’enseignement récompense les personnes qui insufflent à leurs élèves le goût d’apprendre, tout en les aidant à exceller et à se bâtir un avenir prometteur. Le prix est remis chaque année aux professionnels de l’enseignement qui influencent positivement leurs élèves, qui les inspirent à apprendre toute leur vie et qui leur donnent les outils nécessaires pour évoluer dans une société en progression constante et un système économique fondé sur les connaissances. Pour de plus amples renseignements ou pour proposer une candidature, rendez-vous à pma-ppm.ic.gc.ca.