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Récits de guerre

Donner vie à l’histoire

de Beatrice Schriever

 

«Les enfants croient que les vétérans ont toujours été vieux. Ils ne peuvent pas s’imaginer qu’ils ont déjà eu 17 ans.»

Jeremy Diamond a vu de nombreux vétérans parler devant des classes. Au premier abord, les élèves ne les apprécient pas à leur juste valeur. Mais, alors que ces personnes âgées se rapprochent des jeunes en racontant leur vécu, les enfants réagissent avec curiosité, puis avec grande émotion et respect.

M. Diamond est responsable du Memory Project au Dominion Institute, un établissement dédié à la conservation de la mémoire, à la promotion de l’histoire et à la responsabilisation des citoyens. Chaque année, M. Diamond organise des centaines de visites de vétérans dans les écoles.

«Nous préparons les vétérans avant leur visite, même si nous sommes mal placés pour leur dire quoi faire!, dit-il. Auparavant, ils monologuaient; maintenant, ils engagent le dialogue avec les enfants.»

L’établissement gère un groupe de 1 500 vétérans-conférenciers. Quand l’un d’eux visite une école (la plupart sont des hommes), il explique brièvement ce qu’il faisait en temps de guerre; il montre des photos, un uniforme, parfois quelques médailles, et enfin, la meilleure partie, il répond aux questions.

L’idée que les élèves se font d’un conflit est fondée sur ce qu’ils voient à la télévision. Ils demandent inévitablement au vétéran s’il a tué quelqu’un. Les réponses vont au-delà du bilan des morts, des bombes et du mouvement des troupes, mais se concentrent sur les expériences personnelles : où il dormait, ce qu’il mangeait, où il allait aux toilettes, ce que sa mère lui a dit après avoir appris que son fils de 17 ans partait pour la guerre.

Les réactions des élèves sont émouvantes. Les plus âgés écrivent des lettres, alors que les plus jeunes offrent des dessins ou des peintures. Certains demandent à revoir les vétérans encore et encore.

«C'est très émouvant pour les vétérans. C'est libérateur pour eux quand les élèves les retiennent pour leur poser plus de questions», confie M. Diamond.

Quand nous étions jeunes

À l’automne 2003, deux enseignants de l’école secondaire Unionville ont communiqué avec le Dominion Institute. Leur appel a généré non seulement des conférences, mais aussi des vidéos, un nouveau cours multidisciplinaire sur la documentation en histoire, deux films avec TVOntario, une excursion au musée commémoratif de l’Holocauste des États-Unis situé à Washington et le Prix du Gouverneur général pour l’excellence en enseignement de l’histoire canadienne.

Cette année-là, en septembre, les choses avaient commencé assez modestement. Sheila Hetherington, responsable du département d’histoire, et Jerry Berridge, enseignant en technologie des communications, ont demandé au Dominion Institute le nom de quelques vétérans que leurs élèves de 11e année pourraient interroger dans le cadre d’une vidéo sur le jour du Souvenir.

Rapidement, les élèves et les vétérans ont appris à se connaître et les rencontres allaient de l’avant. Puis, une personne du Dominion Institute a appelé. On cherchait un endroit pour que le ministre de la Défense nationale, John McCallum, prononce un discours le jour du Souvenir.

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Des élèves documentent les récits de survivants de l’holocauste a l’école secondaire Unionville.

C'est ainsi que l’assemblée du jour du Souvenir 2003 à l’école secondaire Unionville est devenue une manifestation d’envergure. Les élèves de Mme Hetherington et de M. Berridge ont présenté leurs vidéos. Les vétérans étaient là en tant qu’invités spéciaux. Un cornemuseur a joué pour tous les dignitaires. Et toute l’école a mieux saisi la signification du jour du Souvenir.

«Les enfants ont compris l’importance de la minute de silence», précise M. Berridge.

Peu de temps après, TVO a entendu parler des vidéos des élèves d’Unionville. La station a voulu les visionner, puis a demandé la permission d’en créer un documentaire, When We Were Young (Quand nous étions jeunes).

Les attentes étaient élevées, mais grâce à l’aide de la légion de Markham-Stouffville, les élèves ont filmé au Canadian Warplane Heritage Museum d’Hamilton et à bord du HMCS Haida, frégate de la Seconde Guerre mondiale exposée sur la Place de l’Ontario. Ils ont enregistré des récits de soldates et soldats de l’armée de l’air, de l’infanterie, de la marine et du corps d’armées de femmes.

Les élèves se sont totalement consacrés au projet.

«Ils ont passé des nuits blanches. Ils restaient jusqu’à 23 heures et apportaient le projet à la maison pour y travailler, se rappelle Mme Hetherington. Ils ne voulaient pas décevoir leur vétéran… Pas “le” vétéran, mais “leur” vétéran.»

Au cours du processus, les élèves n’ont pas seulement appris à rédiger et à travailler avec la caméra, mais ils en savent plus sur les droits d’auteur, la recherche d’archives, les droits en musique et les exigences de diffusion.

«Les enfants ont compris l’importance de la minute de silence.»

Après la diffusion à TVO en novembre 2004, des collègues ont nommé Mme Hetherington et M. Berridge pour le Prix d’excellence du Gouverneur général qui honore les enseignants d’histoire qui ont encouragé leurs élèves à explorer le passé du Canada.

Quand ils se sont rendus à la résidence de la gouverneure générale en novembre 2005, Mme Hetherington et M. Berridge étaient les seuls enseignants de l’Ontario choisis cette année-là. Ils ont d’ailleurs eu la chance d’être témoins d’un fait historique :

«Juste avant la cérémonie, nous avons été délogés par le premier ministre qui venait pour le bref électoral. On a reçu un appel nous demandant si nous voulions arriver plus tôt pour y assister, dit Mme Hetherington. Mais bien sûr! Je me suis donc assise à l’arrière avec ma caméra vidéo.

«Durant la réception, nous avons discuté documentaires avec la gouverneure générale, Michaëlle Jean, et son mari, un cinéaste.»

Nos familles n’ont pas d’histoires…

«Après When We Were Young, Sheila et moi-même avons pu constater les répercussions de ce projet, confie M. Berridge. Nous nous sommes donc demandé ce que nous pouvions faire d’autre».

Ils ont demandé à leurs élèves de raconter des histoires sur leur famille et on leur a répondu : «Nos familles n’ont pas d’histoires; elles ne sont pas célèbres».

Mais ils ont persisté et ainsi ont-ils découvert que la grand-mère d’une élève avait été messagère en Grèce durant la Seconde Guerre mondiale. Une autre avait évité d’être découverte par les nazis en Pologne en s’enfuyant par un trou dans un sous-sol où elle s’est cachée sous des pommes de terre. Un élève leur a raconté que son grand-père juif et sa grand-mère catholique avaient fui la Hollande pour aller en Suisse où ils se sont mariés, ce qui fut une merveilleuse histoire d’amour.

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Une discussion animée avec des vétérans des forces canadiennes de la base militaire de Borden.

L’immense portée de ces récits a poussé Mme Hetherington et M. Berridge à axer le documentaire de cette année sur l’holocauste. Par l’intermédiaire du Holocaust Centre de Toronto, leurs élèves ont repéré des survivants des camps de concentration désireux de raconter leur vie pour le film, Never Shall I Forget.

Les élèves ont visité le musée commémoratif de l’Holocauste des États-Unis durant un voyage inoubliable à Washington. Là, ils ont examiné des photos et de vieux métrages d’archives en vue de les utiliser dans leur documentaire. Grâce au musée, Mme Hetherington a pu avoir accès aux archives sur film et vidéo de Steven Spielberg, à Jérusalem.

«Essentiellement, j’ai demandé la lune et je l’ai reçue.»

Des archives numériques

Au Dominion Institute, Jeremy Diamond est bien conscient du potentiel des archives visuelles et sonores.

Le Memory Project possède une immense collection de récits et d’artefacts. Il n’y a pas si longtemps, on les conservait dans des classeurs à tiroirs et des greniers moisis. Maintenant, ils sont aussi accessibles dans le site web. «C'est un média à la portée des enfants», ajoute-t-il.

L’établissement demande à ses vétérans-conférenciers d’envoyer leurs souvenirs par messagerie pour qu’ils soient numérisés ou photographiés. Les images qui en résultent sont affichées dans le site web de l’établissement à côté des récits s’y rapportant. Jusqu’ici, le projet a du succès, mais il est difficile à gérer.

L’an dernier, le Memory Project a fait un pas de plus. M. Diamond s’est demandé : «Pourquoi ne pas rencontrer les gens où ils vivent, où ils sont le plus à l’aise?»

«J’aime organiser des activités positives et aider à préserver l’histoire.»

Il a alors pris la route. De Toronto, le jour de la Victoire en Europe, à Ottawa, le jour du Souvenir, le Memory Project a organisé des activités pour les vétérans, les archivistes, les historiens et les membres de la communauté, hommes et femmes, ce qui leur a donné la chance d’immortaliser leurs récits et leurs souvenirs.

Grâce au spectacle itinérant, il a rapporté des photos, des lettres et des médailles, ainsi que des artefacts rarement vus, même dans les musées : baguettes coréennes dans une petite boîte datant de la guerre de Corée et jetons de poker gravés de croix gammées appartenant aux nazis datant de la Seconde Guerre mondiale.

«J’ai trouvé remarquable que des familles de vétérans décédés à la Première Guerre mondiale se soient manifestées. Elles nous ont remerciés, nous, de leur avoir permis de montrer leurs objets, se rappelle M. Diamond. Les objets évoquent des histoires souvent très émouvantes.»

Grâce au financement de l’Ontario, le Memory Project a rassemblé les récits de 500 vétérans, dans huit localités, sur une période de six mois.

Le spectacle a fait une tournée canadienne au cours de l’hiver, et s’est arrêté à Vancouver, à Winnipeg, à Montréal et à Halifax.

Enseigner l’histoire : une passion

Sheila Hetherington et Jerry Berridge ont la passion de notre histoire et la transmettent à leurs élèves.

«J’adore voir les jeunes s’enthousiasmer, confie Mme Hetherington. Ils quittent le cours avec un portfolio et des compétences qu’ils peuvent utiliser avec fierté dans la vie.»

Elle ajoute : «J’aime organiser des activités positives et aider à préserver l’histoire».

«Ce ne sont pas seulement les élèves qui apprennent, dit M. Diamond. Les enseignantes et enseignants en apprennent aussi beaucoup grâce aux vétérans, et cela leur permet de mieux enseigner l’histoire.»

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Au Holocaust Centre de Toronto

Le Memory Project a permis de créer du matériel pédagogique hors pair pour compléter ce que possédait déjà le bureau des conférenciers et les archives numériques. Par exemple, des lignes de temps montraient divers conflits à travers le regard de ceux et celles qui y étaient.

«On pourrait s’en servir dans une classe demain, dit fièrement M. Diamond. Tout le matériel est prêt; c'est une opération clé en main.»


Au moment d’écrire ces lignes, Sheila Hetherington et Jerry Berridge s’attendaient à ce que TVO présente Never Shall We Forget au début de mai 2006. Ils préparent toujours ce qu’ils feront à l’automne, mais ils semblent constamment relever la barre un peu plus chaque année.

Jeremy Diamond est responsable du Memory Project au Dominion Institute. Il organise des conférences dans sept villes canadiennes pour rechercher une nouvelle génération de vétérans des Forces canadiennes, y compris des Gardiens de la paix.

Témoignage

Vous aviez tort au sujet du vétéran que vous nous avez envoyé; il n’était pas bon, il était fantastique! Les élèves et les adultes étaient si captivés par les propos de M. Lindop que l’heure s’est envolée. Ils étaient suspendus à ses lèvres. Les élèves ont été très impressionnés par cet homme, surtout par ce qu’il a choisi de faire à un si jeune âge.

Je recommande vivement à toutes les écoles d’inviter au moins une fois un vétéran dans le cadre du Memory Project. Je vous rappellerai l’an prochain. D’ici là, nous nous souviendrons de ceux qui se sont battus pour notre liberté.

Victoria Bastide, personne-ressource aux médias, école St. Elizabeth, Edmonton


M. Myers a personnalisé le jour du Souvenir. Je crois que les enfants ont véritablement établi des rapports avec lui quand il leur a parlé de sa décision de s’enrôler, de sa peur et de son inconfort de se retrouver en Corée à un si jeune âge. Il a soutenu que la guerre était une expérience absolument horrible pour tous. C'était très facile de l’imaginer en jeune homme de 20 ans. C'est ce qui m'a vraiment émue.

Leah McCartney, Westmount Charter School, Calgary


Gerald Murphy a produit un effet percutant sur nos élèves et notre personnel. Les élèves voulaient lui serrer la main, non seulement pour le remercier de sa participation à l’effort de guerre, mais pour s’être intéressé à eux. Il a communiqué son expérience avec dignité, passion et humour.

Chacun de nous porte M. Murphy dans son cœur pour toujours comme membre de la communauté Duke.

Rory Sullivan, enseignant-bibliotechnicien, école publique Duke of Connaught, Toronto

Les élèves de l’école secondaire Unionville réfléchissent sur le cours de documentation en histoire

Tout ce que j’avais vu avant se résumait à des vidéos et à des photos dans des livres. Mais quand on se trouve devant un vétéran, qu’on lui parle en le regardant dans les yeux, et qu’on voit combien son récit est encore si vivant pour lui, on comprend mieux et on apprécie les choses à leur juste valeur. Pour nous, tout ça semble un peu irréel, car nous voyons des milliers de soldats à la télévision et leurs visages se confondent. Après un certain temps, j’ai compris pourquoi il était si important de faire ces documentaires. Si, ne serait-ce qu’une seconde, d’autres jeunes peuvent vivre la même expérience en écoutant ces récits, ils apprécieront davantage la juste valeur des vétérans. – Georgette

Mon point de vue sur le jour du Souvenir a beaucoup changé un lundi matin d’hiver alors que j’interviewais Victor Bulger. À la première rencontre, il m'a parlé de ce que c'était qu’être soldat en temps de guerre à 17 ans. J’ai moi-même 17 ans; je vais à l’école, je fais mes devoirs, et puis je vais travailler à la piscine. Les fins de semaine, je m'amuse avec mes amis. À cet âge-là, M. Bulger apprenait à utiliser une arme, à se battre pour son pays et contre l’ennemi. Il s’est même porté volontaire. Je me suis demandé si je me porterais volontaire pour aller à la guerre, pour me battre pour mon pays. J’ai réalisé que non. M. Bulger est un homme brave, plus brave que je ne le serai jamais. Il a contribué au présent de notre pays. – Amanda

Ressources

En anglais :