Septembre 1997

Comment décrire l’art d’enseigner
L’art d’enseigner

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de Rebecca Cossar

«Comment décrire l’art d’enseigner?» C’est en ces quelques mots , lors de leur première réunion en mai, que Margaret Dempsey a résumé la tâche difficile qui attend le comité des normes d’exercice de la profession et d’éducation.

Mme Dempsey, directrice de la Hopewell Avenue Public School à Ottawa, est membre du conseil de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario. Elle a répondu elle-même à sa question en racontant l’histoire d’un groupe d’enfants qui avait découvert un jour une couleuvre sur le terrain de jeu de l’école.

Les enfants étaient fascinés par leur découverte. D’où venait cette couleuvre? Où allait-elle? Que mangeait-elle? Quel âge avait-elle? Pondait-elle des œufs? Pouvaient-ils l’apprivoiser?

Leur enseignante saisit l’occasion pour explorer avec les enfants les cycles de vie et les habitats naturels des espèces de la région. Entre les histoires d’oisillons, d’araignée dans le lit et de chauve-souris suspendues la tête en bas dans le placard, tout le monde essayait de placer son mot dans la conversation, que l’enseignante ponctuait d’éléments d’information mémorables.


Clarice West-Hobbs, présidente du comité des normes d’exercice de la profession et d’éducation, en compagnie des élèves qui ont gagné des prix. Pour elle, l’élaboration de normes d’exercice signifie que les enseignantes et enseignants se demanderont «qu’est-ce qu’un enseignant, qu’y a-t-il de spécial dans mon travail?»

Un enseignement de ce type, c’est-à-dire spontané, motivant et intuitif, aboutit à des expériences d’apprentissage inoubliables pour les enfants. Mais comment décrire cela dans une norme sans perdre ces qualités particulières? De plus, des exemples comme celui-ci peuvent-ils devenir la norme pour tous les enseignants et enseignantes?

Le défi

Voici donc les dilemmes auxquels est confronté le comité des normes d’exercice de la profession et d’éducation, dont le mandat consiste «à établir et à mettre en vigueur des normes professionnelles et éthiques applicables aux membres de l’Ordre». Le défi est d’en arriver à une définition de l’enseignement qui ancre la profession à un ensemble d’attentes claires, tout en étant assez souple pour encourager la créativité et l’innovation en enseignement.

D’autres ordres professionnels se sont déjà attelés à la même tâche. Ainsi, le Collège des travailleurs sociaux agréés de l’Ontario a décrit les tentatives visant à mesurer avec précision et cohérence le comportement lors de l’exercice de la profession comme étant évasives. Les travailleurs sociaux disposent désormais d’une deuxième édition du manuel d’exercice de la profession et de conduite professionnelle, qui les aide dans leur travail.

Clarice West-Hobbs, présidente du comité des normes d’exercice de la profession et d’éducation, comprend les sentiments partagés que certains ressentent à l’égard des normes. «C’est la peur de l’inconnu qui les habite. À quoi ressemblera notre profession une fois qu’elle sera couchée sur le papier?»

Mme West-Hobbs, directrice adjointe de l’école Prince of Wales, à St. Catharines, est consciente des avantages pour les enseignantes et enseignants à se mettre d’accord sur les ingrédients essentiels de l’enseignement. «Quand nous parlons de l’enseignement, nous parlons la même langue. Nous pouvons dire aux élèves, aux parents et au public : voici ce que nous faisons; voici ce en quoi nous croyons. Nous ferons un bon autoexamen et nous nous demanderons : qu’est-ce qui fait de moi une enseignante ou un enseignant, et en quoi la tâche de l’enseignant est-elle spéciale?»

Mais par quoi commencer pour décrire le métier d’enseignante ou d’enseignant? Quelles sont les connaissances, les compétences et les attitudes qui distinguent les enseignantes et enseignants? Qu’est-ce qu’ils ont tous en commun, ou plutôt, que voulons-nous qu’ils aient tous en commun?

Ces nombreuses caractéristiques distinctes et variées des enseignantes et enseignants, dans différents rôles et à différents stades, peuvent-elles se réduire à un ensemble unique de principes ou de qualités universellement reconnus?

Prenons, par exemple, le cas d’une enseignante qui doit diriger et superviser l’apprentissage de trente élèves à la fois, chacun présentant des besoins, des styles et des capacités d’apprentissage différents. Quand l’un de ces enfants réclame de l’attention de façon constante et persistante tandis qu’un autre reste passivement assis, enfermé dans son monde secret, comment faire ce qui convient le mieux aux deux? Et comment traduire ceci en mots?

L’élaboration de normes professionnelles en enseignement suppose un examen des complexités d’une forme d’art qui a, jusqu’à présent, défié toute description. Les enseignantes et enseignants ontariens s’attellent à cette tâche à un moment où l’enseignement et l’apprentissage présentent des défis et une complexité sans précédent. Des listes de normes en tous genres sont préparées par des ministères, des agences et des organismes œuvrant dans le domaine de l’éducation.

Voici ce qu’a à dire le National Board for Professional Teaching Standards, aux États-Unis, au sujet de l’enseignement : «Favoriser l’apprentissage des élèves ne consiste pas simplement à placer des jeunes dans des environnements propices à l’éducation; les enseignantes et enseignants doivent également les motiver, en éveillant l’intérêt dans leur esprit et dans leur cœur et en les faisant participer activement à l’apprentissage. Le rôle que joue l’enseignante ou l’enseignant dans le renforcement des intérêts des élèves et dans la naissance de nouvelles passions est essentiel pour combler l’écart entre ce que les élèves savent et peuvent faire et ce qu’ils ou elles sont capables d’apprendre.»

Le ministère de l’Éducation de l’Alberta décrit les multiples façons d’aborder l’enseignement et l’apprentissage dans un document intitulé Descriptors of Knowledge, Skills and Attributes Related to Permanent Certification : «Les enseignantes et enseignants sont conscients des différences qui existent entre les élèves et pensent que tous peuvent apprendre, mais à des rythmes différents et de diverses manières. Ils reconnaissent chez les élèves des styles et des modes d’apprentissage différents, et permettent à ces différences de s’exprimer individuellement et en groupes, notamment chez les élèves ayant des besoins d’apprentissage spéciaux.»

Le Standards Council of the Teaching Profession de Victoria, en Australie, décrit ainsi l’étendue et la diversité des rôles des enseignantes et enseignants : «Les enseignantes et enseignants traduisent l’apprentissage à partir d’un certain nombre de sources en méthodes efficaces et participent à la prise des décisions à l’école. Leur rôle premier est de diriger et de favoriser l’apprentissage en motivant, en préparant et en conseillant les élèves. Ils créent des occasions d’apprentissage variées dans des environnements divers. Ils sont également organisateurs, chercheurs, rédacteurs, meneurs et membres d’une équipe.»

Points de départ

De nombreux organismes ont ainsi entrepris de définir et de peaufiner les normes d’exercice de la profession. Certains thèmes reviennent souvent : faire preuve de dévouement et de considération envers tous les élèves, bien connaître les matières que l’on enseigne et savoir comment les enseigner, superviser et contrôler l’apprentissage des élèves, communiquer et faire des comptes rendus sur l’apprentissage des élèves, participer de façon continue et réfléchie aux activités de perfectionnement professionnel et collaborer au sein d’une communauté axée sur l’apprentissage.

Ces thèmes fournissent un bon point de départ. Mais le contexte de l’Ontario est unique. Étant donné qu’il n’existe que trois ordres professionnels pour la profession enseignante dans le monde et que celui de l’Ontario est le seul qui soit doté d’un comité des normes d’exercice de la profession et d’éducation, il ne fait aucun doute que l’on a confié aux enseignantes et enseignants un rôle de leadership dans la définition et le développement de la profession.

On a demandé aux enseignantes et enseignants de décrire l’art d’enseigner. Les membres de la profession au Canada et dans le monde observent la situation avec intérêt pendant que leurs collègues de l’Ontario montrent la voie.

L’élaboration de normes d’exercice de la profession sera l’un des plus grands défis à relever par l’Ordre. Chacun des 165 000 membres a son mot à dire. Nous ne parviendrons à établir d’excellentes normes que si les enseignantes et enseignants y contribuent en mettant en commun leurs idées et leur expérience et en offrant des exemples de ce qui se fait de mieux dans la profession.

Les enfants de la Hopewell Avenue Public School sont repartis chez eux riches d’une nouvelle expérience d’apprentissage grâce à une enseignante qui a eu l’art de savoir exploiter le moment présent. Si c’est ce que nous souhaitons pour tous les élèves, les enseignantes et enseignants de toute la province devront nous aider à décrire leur art.

Rebecca Cossar est agente de programme au sein de l’Unité des normes d’exercice de la profession et d’éducation de la Division des questions professionnelles de l’Ordre. Envoyez-lui vos exemples de ce qui se fait de mieux à : Questions professionnelles, Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, 121, rue Bloor Est, Toronto ON M4W 3M5. Vous pouvez participer au débat continu sur les normes d’exercice de la profession en visitant notre site web au www.oct.ca. Affaires professionnelles dans notre site web.