Faire cas des normes
Quand on forme un groupe de personnes disparates, on ne sait jamais si cela fonctionnera. Mais les éducateurs qui se sont réunis à l'Ordre pour le premier atelier de rédaction de cas ont tout de suite fait corps. Ce qu'ils ont sincèrement exprimé sur les dilemmes en enseignement aidera les enseignantes et les enseignants à approfondir leur compréhension des Normes d'exercice de la profession enseignante et des Normes de déontologie de la profession enseignante.
 

de Helen Dolik

PREMIER CAS : Un père encourage son fils non pas à bousculer un garçon dans la cour de récréation, mais à lui donner des coups de poing. Après tout, le châtiment est le même et, selon le père, son fils ne fait jamais rien de mal.

DEUXIÈME CAS : «Mais Mme T dit qu’on peut!». Deux enseignantes ont des attentes différentes envers leurs élèves.

TROISIÈME CAS : On demande à une enseignante d’enseigner à des enfants ayant des troubles de comportement dans une classe d’éducation de l’enfance en difficulté. Ça ne peut pas être trop difficile, se dit-elle. Seulement huit élèves.

QUE feriez-vous dans ces cas?
Des enseignantes et enseignants ont présenté et commenté ces dilemmes au premier atelier de rédaction de cas organisé par l’Ordre. Un groupe de 18 enseignantes et enseignants, tant jeunes diplômés que surintendants d’expérience, ont participé à l’événement de deux jours et demi et appris à rédiger des cas et à relier leurs expériences pratiques aux Normes d’exercice de la profession enseignante. Ils ont abordé des questions telles que les besoins en matière d’éducation de l’enfance en difficulté, les fermetures d’écoles, la suppléance et les classes à années multiples. Leurs cas illustrent jusqu’à quel point les enseignantes et enseignants ont l’éducation à cœur dans cette province.

«On sent tellement leur dévouement», a dit Andrea Whittaker, auteure et professeure invitée de la San José State University, qui a animé l’atelier.

Les éducateurs étaient venus de North Bay, Ottawa, Moosonee et du Grand Toronto pour participer aux deux séances de mai et juin.

Le caractère réel des normes
Les participants devaient élaborer un ensemble de cas basés sur leurs propres dilemmes éducationnels et les refondre dans le contexte des normes d’exercice et de déontologie de la profession enseignante. Whittaker a mené la discussion sur le genre particulier que représentent les cas et sur l’approche à prendre pour en faire un outil d’apprentissage.

L’Ordre entend rassembler leurs travaux dans un cahier de cas qui fera partie de la trousse sur les normes d’exercice et qui sera envoyée aux conseils scolaires. Ces éducateurs espèrent que le partage de leurs dilemmes aidera d’autres enseignantes et enseignants.

Ces dilemmes serviront également de point de départ à une discussion sur les cinq éléments clés des normes : engagement envers les élèves et leur apprentissage, connaissances essentielles, exercice de la profession, leadership et communauté et perfectionnement professionnel. «Nous parlons de l’enseignement comme d’une occupation, mais il s’agit vraiment d’une vocation», souligne Carmela Vitale, directrice d’école au Conseil scolaire de district catholique de York et participante à l’atelier.

Expérience enrichissante
L’atelier de rédaction de cas a été une expérience enrichissante pour les participants. L’un d’entre eux, Joe Totaro, enseignant d’anglais au North Toronto Collegiate Institute, possède une vaste expérience en théâtre. Il a été, entre autres, acteur au Festival de Stratford et chef du programme de théâtre d’universités américaines.

«En lisant les normes, j’ai tout de suite fait le lien avec ce que les bons enseignants ont toujours fait, dit-il. Alors, pourquoi en faire un cas? Les enseignants vraiment importants dans ma vie ont fait cela et j’espère en faire tout autant. Ces normes représentent le rêve d’un bon enseignant, d’un enseignant dévoué.

«Comprendre les normes n’est pas aussi important que de s’en inspirer, de s’en servir comme guide, de s’en souvenir lorsque la cacophonie des critiques risque d’avoir raison de son dévouement.C’est à ce moment-là que les normes deviennent plus importantes, qu’elles doivent devenir un refuge. Parce que c’est exactement ce qu’elles sont.»

Il ajoute que l’atelier de rédaction de cas a également été important parce qu’il a témoigné d’un lien entre ce que font les enseignants et l’Ordre. «Soyons honnêtes. La majorité des enseignants ne voient toujours pas de lien entre ce qu’ils font et cette entité créée par le gouvernement appelée l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, dit Totaro. Ce que cette expérience m’aura montré, c’est que cette entité appelée l’Ordre, pour laquelle je paie une cotisation, a pour objectif de défendre les intérêts du corps enseignant et de la profession et de nous aider à devenir encore meilleurs.»

Partage entre éducateurs
Mary Simpson, directrice de la St. Patrick Catholic School à Ajax, a trouvé l’expérience positive et stimulante.

Simpson dit que l ’atelier de cas l’aidera de plusieurs façons. Elle compte s’en servir, entre autres, pour le perfectionnement de son personnel. D’après elle, c’est un moyen efficace pour les enseignantes et les enseignants de mieux comprendre les normes.

«C’est prendre les normes exprimées dans un langage idéalisé pour leur donner un sens pratique et les rendre plus réalisables», affirme-t-elle.

Meilleure compréhension
Cilla Dale, coordonnatrice du curriculum de français au Conseil scolaire de district catholique de Nipissing-Parry Sound à North Bay, dit avoir acquis une meilleure compréhension des cas comme approche méthodologique.

«Je ne crois pas qu’il y ait meilleur moyen de vraiment saisir les normes parce que je suis persuadée que chaque cas ou presque que nous avons rédigé, touche tous les aspects des normes d’exercice, dit-elle. Pour amener les gens à se plonger dans le document, pour accroître leur conscience des normes et pour provoquer la discussion sur les normes, c’est excellent.»

Selon Wayne Bacon, surintendant des programmes et des écoles du Conseil scolaire de district Near North à North Bay, l’atelier a été une occasion formidable de revoir les normes et d’en apprendre certaines applications pratiques.

«Au début de la séance, la tâche m’a semblé énorme et presque insurmontable, reconnaît-il. Puis, les attentes se sont définies davantage et nous avons bénéficié d’un excellent appui. Arrivé au terme de ma carrière, je continue de me faire rappeler que je n’arrête pas d’apprendre et que les nouvelles occasions d’apprentissage sont intarissables.»

Il croit que la diffusion de ces études de cas sera d’une grande valeur pour les éducateurs. «Les séances de perfectionnement pourront utiliser ces études pour discuter des normes avec les enseignants et d’autres éducateurs», poursuit-il.

Vivre l’expérience des autres
Margaret Feiner, nouvelle enseignante de 24 ans, a le sentiment que ces séances de cas l’aideront dans son début de carrière. «Entendre les autres lire leurs cas, c’est comme prendre leur place et vivre la situation de leur point de vue. Et ça, dit-elle, c’est quelque chose qu’un enseignant doit souvent faire.

«C’est très utile, car en quelques jours, j’en entendu parler d’expériences vécues par des enseignants, d’expériences difficiles aussi. C’est réconfortant, parce que je suis certaine que je me retrouverai aussi dans ces situations et que je pourrai m’inspirer de ces discussions pour régler mes propres cas.»

Feiner dit que l’atmosphère était accueillante et amicale, et félicite Whittaker de la façon dont elle a mené le groupe. «Elle a vraiment créé un esprit de corps dans cette classe, dit-elle. Je suis arrivée en souriant et je repars le sourire aux lèvres.»

La rédaction de cas peut vous aider.

Andrea Whittaker, auteure et professeure à la San José State University, a animé l’atelier d’étude de cas à l’Ordre. Elle nous fait part de ses réflexions.

Prendre connaissance d’un cas et en discuter avec ses collègues est une forme de perfectionnement professionnel.

Quand vous partagez un texte qui révèle la complexité de l’enseignement, vous pouvez examiner votre propre travail. Vous pouvez l’utiliser comme un miroir. Si le cas est très riche et très prenant, un vrai dialogue a lieu, et vous pouvez demander «De quelle façon mon travail s’apparente-t-il au sien? Qu’aurais-je fait différemment? Comment la lecture de ce cas et le fait d’en parler vont-ils m’aider à réexaminer ce que je ferais?» C’est une façon de promouvoir la réflexion sur la croissance personnelle.

Avec les cas, on peut passer de l’abstrait au concret.

L’abstrait, ce sont les normes d’exercice. Un paquet de mots. Mais quand on peut utiliser les normes comme une loupe pour examiner un cas, ces mêmes normes deviennent réelles, concrètes, on les place dans un contexte, on leur donne un sens, et les enseignantes et enseignants vont alors les consulter. On peut utiliser ces cas pour faire connaître les normes, pour les rendre réelles et pleines de sens plutôt qu’abstraites.

La rédaction de cas.

Les enseignantes et enseignants qui ont participé à l’atelier peuvent désormais réfléchir sur leur façon d’enseigner grâce à l’écriture et faire partie d’une communauté qui les aidera à améliorer leur enseignement. Ils rendent leur expérience publique et disent : «Voilà mon dilemme. Je l’ai mis par écrit pour pouvoir partager mon expérience avec d’autres, ce qui me permettra d’en apprendre plus sur ce que je fais.»

L’Ordre pourrait utiliser ces mises en commun de cas comme base de recherche-action.

J’ai vu à ma propre université qu’il est difficile pour des enseignantes et enseignants qui font de la recherche-action de définir un bon sujet de recherche. Ils trouvent également très difficile d’écrire sur leur recherche. Parfois nous leur demandons d’écrire sur leur recherche d’une façon très traditionnelle, pas forcément liée à leur travail en enseignement. Ils dépouillent la documentation, recueillent et analysent des données. C’est formidable d’un point de vue académique, mais ce n’est pas forcément la meilleure façon de présenter leur expérience en enseignement. Par contre, étudier leurs dilemmes peut être le moyen de communiquer à d’autres comment ils comprennent leur profession en même temps que cela peut les aider à examiner leur travail plus profondément.

La méthode des cas
Par son style cordial et son respect des participants, Whittaker a réussi à mettre le groupe à l’aise. Sa connaissance approfondie de la rédaction de cas s’est vite manifestée. Elle a également des liens avec le Canada, car elle est née à Barrie avant de déménager en Californie quand elle était en 2e année.

Whittaker est professeure agrégée en éducation à la San José State University, où elle donne des cours sur les fondements de l’éducation, l’apprentissage de la lecture et l’évaluation. Elle se sert des discussions sur les cas et de la rédaction de cas comme méthode d’analyse tant avec les débutants qu’avec les enseignants chevronnés. Ses recherches portent, entre autres, sur l’évaluation des programmes de perfectionnement professionnel pour éducateurs, sur la recherche des enseignants et sur l’équité en éducation de la maternelle à la 12e année.

Elle a écrit, en collaboration avec Judith H. Shulman et Michele Lew, Using Assessments to Teach for Understanding: A Casebook for Educators, et son complément Facilitator’s Guide. Le cahier présente 15 cas conçus pour aider les enseignantes et enseignants à faire face aux difficultés de l’évaluation pour améliorer l’enseignement et l’apprentissage.

Dans la préface de leur ouvrage, les auteurs définissent le cas comme suit : «Le cas est un compte rendu franc, dramatique et très lisible d’un événement ou d’une série d’événements en enseignement. Il offre le portrait d’un dilemme survenu au travail. La lecture du cas a pour effet de donner l’impression de vivre l’expérience de quelqu’un d’autre. En groupe, la discussion sur un cas est un outil particulièrement puissant qui permet la présentation et l’analyse de points de vue divergents. Par conséquent, un cas est conçu de façon à provoquer une discussion engageante, exigeante et intellectuellement stimulante.»

Conscientiser davantage
Présenter les normes sous forme de cas est une idée géniale pour conscientiser davantage les gens à ce qu’elles sont et en approfondir la compréhension, avance Whittaker.

«Ces normes s’entrelacent, précise-t-elle. L’enseignement est un phénomène organique, une série globale d’événements. Ce n’est pas un processus parcellaire. Je crois que les cas peuvent servir à montrer cette caractéristique.»

Le cours sur les fondements que donne Whittaker est surtout d’ordre théorique. «Pour que la théorie soit réelle, il faut qu’elle devienne concrète, pratique et contextuelle, dit-elle. Quel est le meilleur moyen d’y arriver? Par les cas», répond-elle. Elle les utilise fréquemment. «Les cas révèlent la complexité de l’enseignement et fournissent un contexte significatif pour réfléchir sur la manière dont les normes peuvent amener l’amélioration de l’exercice de la profession enseignante», conclut-elle.

L’Ordre compte tenir un deuxième atelier de rédaction de cas en janvier. Les Normes d’exercice de la profession enseignante et les Normes de déontologie de la profession enseignante se trouvent dans le site web de l’Ordre à www.oct.ca. Les ressources suivantes sont disponibles à la bibliothèque de l’Ordre : Teaching Exceptional Children and Adolescents: A Canadian Casebook de Nancy L. Hutchinson et Quality in the Classroom:Learning About Teaching Through Case Studies de William Louden et John Wallace.

 

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