Enseigner avec passion
Une enseignante exemplaire parle de ses stratégies d'enseignement de la lecture en 1re année.

de Leanne Miller

BIEN qu’il s’agisse de sa seconde carrière, l’enseignement est de toute évidence la passion de Mary Borys. Elle adore enseigner aux tout-petits. Elle tient à faire savoir qu’elle aime les serrer dans ses bras, leur tenir la main. «Je crois fermement, dit-elle, que ma tâche première est de voir à ce que les enfants se sentent en sécurité dans ma classe. Et je ferai tout ce qu’il faut pour créer un climat agréable, accueillant, sécuritaire, rassurant et respectueux.»

Son cheval de bataille est le langage. «J’essaie toujours de parler de façon positive. Vous ne m’entendrez jamais dire “Ne fais pas ça” ou “Vous autres” mais plutôt “Les première année” ou “Montre-moi ce que tu as fait” ou “Est-ce qu’on peut faire ça autrement?”» Borys envoie aux parents, chaque semaine, un bulletin de nouvelles dans lequel elle use du même langage positif. Elle s’inspire du poète Bill Moore en disant : «Si vos élèves savent que vous les aimez, vous serez en mesure de leur enseigner.»

Borys enseigne en 1re année à l’école St. Paul de Kitchener. L’année dernière, elle a été choisie, parmi quelque 1 200 personnes, pour recevoir l’un des prix décernés par le Toronto Sun aux dix enseignantes et enseignants de l’année.

Mary Borys enseigne depuis dix ans seulement. Avant, elle était interprète professionnelle du langage des signes et instructrice pour la Société canadienne de l’ouïe. Au cours des années prochaines, elle espère trouver le temps de terminer sa maîtrise en théologie. Mary Borys explique sa philosophie. «Je vais faire tout ce que je peux pour satisfaire aux exigences des programmes d’études. Mais les émotions et les sentiments et le défi de rejoindre chaque enfant viennent en premier. Ce qui est étonnant, c’est que je suis capable de satisfaire aux attentes et de faire vivre aux enfants des journées amusantes et inoubliables.»

Mentorat pour les nouveaux enseignants
Borys croit que les nouveaux enseignants ont besoin du support moral de leurs collègues. «Il faut se rallier autour d’eux, leur dire ce qui fonctionne le mieux pour nous et ce qui peut leur faire gagner du temps. Ils ont besoin d’aide pour préparer un tableau d’affiche, fixer leur horaire quotidien, organiser des excursions, mettre en commun les ressources, apprendre à évaluer, rédiger les bulletins, etc. Ils ont besoin d’apprendre la routine et le meilleur moyen de faire les choses, les trucs de la profession qu’on n’apprend ni dans les livres ni dans les facultés. Chaque enseignant a la responsabilité de les aider autant que possible.»

En retour, Borys bénéficie énormément de l’interaction. «Ils ont tellement à m’apprendre. C’est l’un des plus beaux aspects de ce métier : voir comment les enseignantes et enseignants communiquent avec leurs élèves.»

Borys est une étudiante à vie. Elle lit beaucoup sur l ’éducation et se dit semblable à la plupart de ses collègues du primaire qui dépensent jusqu’à 1 500 $ par année à l’achat de matériel scolaire non payé selon la formule de financement actuelle. «Les temps sont durs pour les conseils scolaires. Je le sais. Il faut que ma classe soit le milieu d’apprentissage idéal et mes élèves ont besoin de livres, de jouets et de matériel à bricolage qui ne figurent pas au budget. Ils en ont besoin pour apprendre le mieux possible, et c’est à moi de voir à ce que ces choses soient là.» Elle fait aussi l’éloge du conseil de son école. «Ils font un travail extraordinaire pour obtenir des fonds et ils aident le personnel enseignant à payer les frais associés à l’apprentissage de la lecture et aux événements exceptionnels.»

Ressource de lecture
Borys n’hésite pas à dépenser son argent pour acheter du matériel d’appui à la lecture. «La première année est celle de l’apprentissage à la lecture. C’est formidable de voir leurs lumières s’allumer.» Elle a investi son argent, entre autres, dans l’achat d’un second exemplaire du classique Chime In, écrit par la canadienne Jean Malloch. «C’est vieux, mais c’est exceptionnel et je conseille aux enseignants d’expérience de penser à d’autres moyens de l’utiliser et aux nouveaux, d’en obtenir un exemplaire.» Il s’agit d’un programme de poésie mis en musique que Borys intègre au besoin à son programme d’apprentissage du langage. «Chime In répond aux besoins de l’enfant kinesthésique qui gagne à apprendre avec de la musique et du mouvement. Je trouve des poèmes qui conviennent à notre sujet et je les relie aux activités d’acquisition du langage.

«Je laisse les enfants écouter et réciter avec moi le poème pendant quelques semaines, puis je passe à la méthode que j’appelle «Dis-moi ce que tu sais». Avant qu’on lise ensemble le poème, je demande aux enfants quels mots ils connaissent déjà. Au fil de l’année, on se penchera sur les rimes, les contractions, les pluriels, les mots composés, les pronoms ou d’autres mots du tableau de mots. Nous remplissons la grille de bulles et de lignes montrant ce que nous savons. Les enfants sont tellement fiers de ce qu’ils savent et c’est bon d’utiliser cette base pour ajouter à leurs connaissances. Et puis, ils aiment chanter et jouer la comédie.» Elle encourage aussi les élèves à s’offrir à enseigner un poème à leurs pairs au moyen des grilles.

Lecture dirigée
Le Conseil scolaire de district catholique de Waterloo, comme bien d’autres, a adopté l’approche à quatre volets «Four Blocks of Literacy». L’école de Borys se sert du programme de lecture de base Nelson. Ses groupes de lecture sont homogènes mais fluides.

«Chaque groupe a des besoins différents, dit-elle, et je veux que pour y satisfaire ils travaillent avec moi et avec leurs camarades.» Pour Borys, il est important d’étayer chaque histoire, en tirant d’abord avantage des connaissances et expériences antérieures. «J’aime me concentrer sur une compétence à la fois et je me sers d’un tableau magnétique blanc pour démontrer et manipuler les mots avec des marqueurs et des lettres magnétiques. Parfois, je fais cela avec tout le groupe en premier, d’autres fois, avec chaque petit groupe. Le besoin de variété et d’adaptation aux divers styles d’apprentissage détermine mon approche.»

Centres d’apprentissage
Les centres d’apprentissage de Borys reflètent le travail d’Irene Fountas et de Gay Su Pinnell. «Les centres représentent un bon équilibre entre la créativité et l’apprentissage structuré. Mais il faut bien les expliquer aux enfants, ainsi que les attentes. Quant à moi, je me promène dans la pièce, passant d’un groupe de lecture à l’autre, veillant à ce que chacun soit à son affaire. Les élèves passent en moyenne 15 minutes à chaque centre. Les centres peuvent être du bricolage, un ordinateur muni d’un logiciel à activité particulière, du travail sur les mots, la lecture des murs de la pièce, de la lecture avec un camarade, une boîte de furetage, un centre de découverte, du travail avec le tableau de mots (répertorier les mots en colonnes sur du papier alphabétisé), des casse-tête et jeux de mots, et la lecture de poèmes avec projecteur. Les sujets et approches changent pour refléter le programme d’études.»

À la table d’écriture, l’une des activités est un grand tableau plastifié portant les mots de la semaine pris du manuel Nelson et correspondant aux histoires de la semaine. Le tableau, appelé «Word Work» est organisé en rangées et en colonnes. Les mots sont écrits en lettres moulées dans la colonne de gauche tandis que dans la suivante, les enfants forment des mots avec des lettres. Dans la colonne suivante, ils écrivent eux-mêmes le mot. Parce que le tableau est plastifié et magnétique, il est facile de le nettoyer pour chaque enfant. On encourage les enfants à utiliser ces mots dans leurs propres textes au cours de la semaine.

Les élèves dont le style d’apprentissage est kinesthésique ou tactile sont stimulés dans la classe de Borys. Elle les incite à former des lettres avec de la plasticine et dans de la crème à raser. «Ils adorent ça et ils apprennent en même temps. C’est l’environnement d’apprentissage idéal», affirme-t-elle.

Écriture interactive
Borys croit fermement à la valeur et au plaisir de l’écriture interactive avec des camarades de lecture et d’écriture. «Nous partageons le stylo pour écrire des lettres, commenter des sujets, raconter des histoires, rédiger nos réflexions, écrire nos propres livres coopératifs, et aussi lorsque nous faisons du remue-méninges pour trouver des idées de résolution de problème et de conflit. Au début de l’année, il vaut mieux commencer par des expériences interactives courtes et simples comme préparer des étiquettes pour le matériel de la classe ou des listes.

«L’une des approches interactives que j’utilise vise à assurer le succès des enfants des premiers niveaux d’apprentissage lorsqu’ils écrivent pour le groupe. Nous jouons à un jeu qui s’appelle Who Wants to Be a Millionaire. L’enfant qui a le stylo peut lancer un appel à l’aide et choisir quelqu ’un pour lui fournir la lettre suivante, un mot-valise ou un élément de ponctuation. La personne pourra aider en pointant le tableau de mots ou un livre qui contient le mot en question. Au fil de l’année, tandis que les enfants s’améliorent et deviennent plus indépendants, l’activité devient une activité dirigée par les élèves.»

Lecture indépendante
Borys a fixé des attentes plus grandes et plus précises par rapport à la lecture indépendante. Sa durée, qui est de sept minutes au début de l’année, augmente pour compter 20 minutes à la fin de l’année. Les élèves apprennent les règles de sélection du bon matériel de lecture, y compris «Je connais la plupart des mots», «Je comprends les idées» et «Je peux lire presque tout par moi-même».

Les élèves se prennent un camarade de lecture ou changent de camarade, puis choisissent un bon livre et se font la lecture ou lisent certaines pages ou des passages ensemble. Lorsque chacun a fait son choix de livre, Borys fournit des notocollants pour marquer les mots difficiles. Ils peuvent ainsi continuer à lire et demander de l’aide plus tard. Lorsqu’ils terminent le livre, ils doivent poser d’autres questions que : «L’as-tu aimé?» La classe effectue un remue-méninges en septembre pour trouver les questions que se poseront les camarades de lecture, et on les utilise toute l’année. Les élèves peuvent aussi utiliser les notocollants pour marquer les choses intéressantes à communiquer plus tard aux autres.

Livres coopératifs
Comme projet de groupe, les élèves travaillent ensemble à la conception et à la rédaction de leurs propres livres. Parmi les sujets, on trouvera «Nos animaux domestiques» (dinosaures et autres animaux imaginaires pour ceux qui n’en ont pas), «La chose la plus importante à mon sujet», sujet inspiré du livre de Margaret Wise Brown, The Important Book, et «La paix commence par moi» où les enfants personnalisent l’initiative de paix de leur école en écrivant comment chacun d’entre eux peut amener la paix en classe, chez lui et dans le monde. Au début de l’année, Borys écrit pour eux, puis les élèves complètent les phrases pour en venir à écrire des passages par eux-mêmes. Ils utilisent aussi l’ordinateur pour écrire, corriger et illustrer leurs textes.

Les élèves apportent les livres à la maison pour les montrer à leur famille. À la fin de l’année, on fait le tirage des trésors de la classe, et ces livres sont toujours parmi les plus prisés. «La fierté qu’ils éprouvent est une source importante de motivation, souligne Borys. Les enfants adorent écrire et lire leurs propres livres.»

Écriture indépendante
Les élèves de première année hésitent souvent à écrire. Borys emploie donc une stratégie fondée sur le travail de Marlene et Robert McCracken, qui enseignent le vocabulaire des mots mémorisés, l’orientation de gauche à droite et l’espacement des mots. Chaque enfant reçoit une ardoise et une feuille de 8 1/2 par 11 po pliée cinq fois en éventail.

«On commence par un simple concept, explique Borys, comme “J’aime...” et les enfants choisissent une activité ou un sport. Leurs commentaires sont inscrits sur du papier graphique. Je leur dis ensuite de copier “J’aime” sur leur ardoise et de dessiner l’activité. Je me promène d’un enfant à l’autre et j’écris chaque mot sur un notocollant avec lequel je recouvre l’image de l’activité. Ils copient ensuite leur phrase trois fois sur leur ardoise. Je donne ensuite à chaque enfant le papier dont le premier pli porte les mots “J’aime”. Les enfants retournent à leur place avec l’ardoise comme modèle (que j’ai vérifié pour m’assurer qu’il est bon) et ils écrivent la phrase au moyen de conseils sur le point de départ, l’espacement et le point final. Pour varier, on peut laisser un blanc à la place du “je” pour que l’enfant mette son nom. Il faut du temps pour maîtriser cette technique d’écriture indépendante et certains élèves auront peut-être besoin qu’on divise le processus en deux parties. Mais avec le temps, ils seront tous habiles. D’autres débuts de phrases (cadres de phrases) pourraient comprendre le vocabulaire des mots mémorisés et débuter comme suit : Je peux voir..., J’ai un..., J’aime manger. . . , L’hiver, c’est..., Le chat peut..., Aujourd’hui, on...

«On peut écrire des phrases à cadre sur des bouts de papier et les mettre dans la pochette d’activité de la semaine du centre de lecture des murs de la pièce.» Borys insiste sur le fait qu’il s’agit là de quelques stratégies d’apprentissage de la lecture seulement et qu’il faut lire du matériel professionnel à ce sujet. Certains de ses ouvrages préférés figurent ci-après. Mary Borys sent qu’elle n’a pas encore atteint son maximum comme enseignante. «J’ai encore beaucoup à apprendre avant d’être aussi bonne que ceux qui font ça depuis 30 ans, dit-elle. Et il faut que je continue d’aimer les enfants, parce que c’est ça l’essentiel.»

Les ressources de Mary Borys

Chime In par Jean Malloch, publication indépendante (poèmes et audiocassettes sur une variété de sujets scolaires)

Guided Reading et Word Matters, les deux ouvrages par Irene C. Fountas et Gay Su Pinnell, Heinemann, NH, 1996 

Guided Reading: Making It Work par M. Browning Schulman et C. DaCruz, Payne Scholastic (Stratégies pratiques et leçons)

Four Blocks Literacy Model par Cheryl Mahaffey Sigman, Carson Dellosa, Greensboro, NC (Mise en pratique de la technique modèle)

Interactive Writing par Andrea McCarrier, Gay Su Pinnell et Irene C. Fountas, Heinemann, NH, 2000 (Comment se rejoignent le langage et la lecture)

Reading, Writing and Language et Stories, Songs and Poetry to Teach Reading and Writing, les deux ouvrages par Robert A. McCracken et Marlene J. McCracken, Peguis Publishers, Winnipeg (Guides pratiques pour le personnel enseignant du primaire)

The Teacher ’s Guide to the Four Blocks par Patricia Cunningham, Carson-Dellosa, Greensboro, NC (Méthode multidimensionnelle et cadre à plusieurs niveaux pour les élèves de la 1re à la 3e année).

 

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