Une journée dans la vie...

Joan Pearson, Oshawa

Glen Street Public School
Conseil scolaire de district de Durham
Éducation de l’enfance en difficulté
Certifiée en 1971
Lakeshore Teachers’ College, Toronto
de Wendy Cuthbertson

Joan Pearson passe devant l’énorme usine d’assemblage automobile qui fait battre l’économie d’Oshawa depuis des générations, tourne sur une rue résidentielle et laisse son auto dans le stationnement de la Glen Street Public School. Il n’est pas encore 8 h. Elle se rend dans les bureaux de l’école et vérifie les détails de l’horaire avec la bibliothécaire de l’école. Elle se dirige ensuite à son bureau, une pièce sans fenêtre aux nombreux classeurs et étagères. Debout à son bureau, elle relit sa liste de choses à faire. Après tout, ce sont les dernières minutes de calme avant l’arrivée des quelque 750 élèves.

Pearson enseigne à Glen Street depuis 20 ans. Elle a obtenu sa compétence en enseignement au Lakeshore Teachers’ College de Toronto en 1971 et a enseigné pendant deux ans à Moose Factory, pour ensuite passer deux années à Britt, petite localité près de Parry Sound. Pendant son séjour à Moose Factory, elle a commencé son baccaulauréat ès arts et son baccalauréat en éducation par correspondance. Elle a ensuite déménagé à Oshawa, mais les postes en enseignement étaient rares : les vagues d’enfants du baby boom se faisaient moins nombreuses. «Je savais que pour obtenir un poste à temps plein je n’avais d’autre choix que de me spécialiser en éducation de l’enfance en difficulté, dit Joan. J’ai donc suivi les cours qu’il fallait.»

Rien ne la préparait à ce qui allait suivre. Le côté pratique qui avait motivé son choix de carrière a bouleversé sa vie. «J’avais toujours aimé enseigner, mais l’enfance en difficulté m’a ouvert les yeux sur un monde fait pour moi, ajoute-t-elle. À partir du moment où je lis dans le regard d’un enfant qu’il s’est fait un déclic dans sa tête, je trouve ma motivation, ma récompense, un élan pour continuer.»

Enseignante-ressource pour l’enfance en difficulté, Pearson est responsable des programmes d’éducation de l’enfance en difficulté pour les élèves de la maternelle à la 4e année à Glen Street : évaluer les besoins des enfants en difficulté nouvellement admis ou transférés d’une autre école, concevoir des programmes pour ces élèves et coordonner l’appui à l’échelle provinciale pour les élèves aux besoins élevés.

Glen Street n’est pas une école comme les autres. Près d’un élève sur sept porte l’étiquette d’élève à besoins élevés et est donc admissible à une aide provinciale supplémentaire. Dans chaque classe, sept enfants sur huit ont besoin d’une autre forme d’aide. Leurs difficultés vont des problèmes de comportement et cognitifs jusqu’aux handicaps physiques. Certains élèves ont des handicaps multiples. À Glen Street, le taux roulement des élèves — admissions et transferts — a dépassé les 60 pour 100 l’an dernier, soit un signal de grande instabilité dans la vie de ces élèves. Certains d’entre eux n’ont à peu près jamais eu de contacts avec d’autres. D’après Pearson, Glen Street n’est pas faite pour tous. «On note deux types d’enseignants à Glen Street : ceux qui restent à vie, comme moi, et ceux qui quittent après une année.»

«Pour bon nombre de nos élèves, l’enseignante ou l’enseignant peut représenter la personne la plus importante dans leur vie. Nous pouvons faire une différence. Nous faisons un travail intègre», précise Pearson. Elle se rappelle avoir rencontré un ancien élève plusieurs années après son départ de Glen Street. Un mois avant le début de l’année scolaire où elle était son enseignante, elle avait envoyé à ses nouveaux élèves une carte postale leur disant combien elle avait hâte de les rencontrer tous. «Quand il m’a vue, il a sorti de son portefeuille la carte postale que je lui avais envoyée. Il l’avait gardée pendant toutes ces années.»

Vers 9 h, on frappe à sa porte entr’ouverte. C’est Maple Wray-Mantel, l’orthophoniste. Comme nous sommes au début de l’année scolaire, Pearson et Wray-Mantel doivent identifier les élèves qui auront besoin des services de l’orthophoniste. La pile de dossiers devant ne rebute en rien leur professionnalisme et leur compassion. Pearson étudie le statut des élèves ayant des difficultés en orthophonie et les deux femmes planifient l’horaire de Wray-Mantel. Elles passent ensuite à l’identification des nouveaux élèves à Glen Street qui doivent rencontrer Wray-Mantel. Elles décident de commencer à évaluer les élèves plus jeunes, ceux des huit classes de maternelle de Glen Street. Wray-Mantel aimerait bien passer du temps dans les classes spéciales de langage du cycle primaire pour connaître les besoins des élèves de ces classes-là.

La cloche sonne : c’est la récréation. Pearson se rend vers la salle du personnel pour parler aux enseignantes de maternelle des élèves qui pourraient avoir besoin d’une aide particulière. Fin de la récréation. Elle retourne à son bureau avec Wray-Mantel. Elles finissent leur liste et terminent leur réunion. Elles se rendent vers les portatives qui abritent les classes de langue du primaire pour que Wray-Mantel puisse observer les élèves. Une aide-enseignante a apporté un lapin blanc et noir aujourd’hui et les jeunes sont à la fois fascinés et charmés par l’animal. Sachant saisir une occasion d’enseigner quand elle se présente, Pearson retourne à son bureau et revient avec un livre d’histoire sur un lapin et le remet à l’enseignante.

C’est l’heure du lunch et les corridors se remplissent d’élèves qui déambulent et rigolent. Pearson est de service ce midi. Dans une classe au bout du corridor, les élèves mangent leurs sandwiches tout en discutant livres et jouets avec «Madame Pearson». Une fois le repas terminé, ils se précipitent vers la cour de récréation. Pearson prend son propre lunch du frigo de la salle du personnel et s’asseoit sur un sofa. Il ne reste que quelques minutes avant la fin de la pause du midi. Pendant qu’elle engouffre un yaourt, des carottes crues et un jus de tomates, elle s’adresse à de nombreux collègues — quel est le meilleur temps pour rencontrer tel parent, à quand remettre un atelier, comment évaluer un élève de 5e année qui pourrait avoir des difficultés, quelle a été l’évaluation de Pearson d’un autre élève, quel matériel la bibliothécaire a préparé pour une autre élève. Dans chaque cas, elle est parfaitement au courant de l’élève dont il est question.

À 13 h, de retour à son bureau, elle ferme la porte. Elle rencontre une petite fille de 2e année et ses parents. Après avoir contemplé divers moyens de l’aider, Pearson discrètement encourage les parents à dire ce qu’ils pensent et ressentent. En dépit de leur timidité, les parents s’expriment sans difficulté. Le père ne veut pas mettre sa fille dans une classe d’enfants en difficulté; il se rappelle comment ces élèves étaient parfois maltraités par les autres. Ils s’entendent pour que leur fille demeure dans une classe ordinaire, mais elle devra suivre un programme spécial que Pearson mettra au point. Les parents sont satisfaits et rassurés. «J’ai parfois l’impression d’être un médecin, parce que je dois donner de mauvaises nouvelles à bien du monde. Pourtant, je veux qu’ils comprennent ce qui se passe et qu’ils participent à la vie scolaire de leur enfant. Ils me font confiance. Et cela m’étonne toujours. C’en est presque trop», ajoute Pearson, presque tremblante.

Il est 14 h 10. Pearson se glisse dans une classe de 3e année pour observer une élève qui ne murmure que quelques mots à la maison et qui reste muette à l’école. Elle passe du temps avec les autres élèves qui butent sur leur journal de bord, mais encore plus avec cette enfant douce et silencieuse. «Je dois la voir plus longtemps», dit Pearson, qui viendra la rencontrer à nouveau quand la classe travaillera à l’oral.

Sa prochaine visite à l’horaire est dans la première classe de maternelle dont il a été question ce matin avec Maple. Elle espérait observer un petit garçon qui, d’après l’enseignante, pourrait avoir besoin de l’aide de Pearson, mais un appel à l’enseignante vers 14 h 30 confirme que le petit n’est pas à l’école aujourd’hui. Ne voulant pas perdre cette période, elle se rend dans la classe pour passer quelques minutes avec chaque groupe d’élèves occupé à diverses activités. Pendant ses entretiens avec les élèves, elle observe attentivement dans quelle mesure ils sont prêts à un apprentissage formel.

Soudain, il est 14 h 55. C’est la fin de l’école et le branle-bas dans les corridors. Pour Pearson toutefois, la journée est loin d’être terminée. Elle relit sa liste de choses à faire — tout n’a pas encore été fait. Elle aperçoit un élève dont le parent n’a toujours pas signé certains documents. Des journées se sont passées et ce parent ne s’est toujours pas pointé à l’école. Elle sort de son bureau en toute hâte et prend l’enfant par la main. Heureusement, le parent est venu prendre son enfant à l’école et Pearson retourne à son bureau victorieuse, les documents signés. Une autre chose de moins à faire aujourd’hui.

Quatre heures passées et l’école est redevenue calme. Pearson réserve cette période pour la paperasse, rencontrer ses collègues et téléphoner au personnel-ressource tant au conseil qu’ailleurs dans la communauté. Elle dresse sa liste de choses à faire pour demain. Elle soupire en y ajoutant certains éléments d’aujourd’hui qui sont restés en suspens. «Notre directeur est extraordinaire, ajoute Pearson. Il insiste pour que nous maintenions une vie équilibrée. J’essaie donc de revenir chez moi vers six heures. Cette année, j’ai réussi à respecter cet objectif, mais je sais que quand viendra la saison de la paperasse au printemps, je ne pourrai pas quitter l’école avant huit ou neuf heures chaque soir.»

La journée se termine enfin. Pearson se dirige vers son auto, son pas un peu plus lent qu’il ne l’était ce matin, voilà environ dix heures. Son sourire, toutefois, est aussi chaleureux. À la question sur ce qu’elle souhaite pour ses élèves, elle réfléchit quelques instants, puis répond : «Je veux que nos enfants soient plus sûrs et plus confiants d’eux-mêmes. Je veux qu’ils croient qu’ils sont capables de prendre le taureau par les cornes, comme les autres enfants.»

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