Une journée dans la vie...

Darla Solomon, Fort Frances

Seven Generations Education Institute
Conseil scolaire de district de Rainy River
Études autochtones, éducation de l’enfance en difficulté
Certifiée en 1998
Faculté d’éducation Université Lakehead
de Pat Daley

«On a battu l’autobus! On a battu l’autobus!» s’écrient en s’échouant sur des chaises trois enfants qui font irruption, à bout de souffle, dans le bureau de la fierté autochtone de la Robert Moore School. Il est 8 h 25.

Dawn et ses frères Tom et Jacob ont manqué l’autobus scolaire ce matin; un voisin les a emmenés en un temps record de leur réserve à leur école de Fort Frances, un parcours qui nécessite habituellement près d’une heure. Et c’est à Darla Solomon qu’ils tiennent à raconter leur exploit.

Darla est coordonnatrice d’un programme de persévérance scolaire pour les élèves autochtones offert par le Seven Generations Education Institute en collaboration avec le Conseil scolaire de district de Rainy River. Contrairement à son habitude, elle garde sa porte fermée aujourd’hui à cause du vacarme qui émane du sous-sol de l’école, où des travaux de construction sont en cours, mais les élèves passent souvent la voir avant le début des cours.

Darla est arrivée il y a une bonne demi-heure. Elle a pris ses messages téléphoniques et vérifié ses courriels, donné des coups de fil et pris des rendez-vous; elle a même confectionné des cubes avec des boîtes de lait pour en faire des dés plus tard. Elle travaillera dans une autre école ce matin, mais elle commence toujours la journée à Robert Moore pour y accueillir les jeunes qui passent la voir au bureau de la fierté autochtone.

À 8 h 35, elle ouvre à nouveau sa porte, et une meute de sept ou huit élèves de l’élémentaire tentent de s’engouffrer tous en même temps dans son bureau, impatients de savoir si leurs amis qui ont manqué l’autobus sont arrivés.

Cinq minutes plus tard, le calme est revenu dans le bureau. Darla s’y arrête avant de partir pour la F.H. Huffman School, à quelques rues de là. Distraite par cette histoire d’autobus, Dawn a oublié son repas du midi (heureusement, ses frères ont apporté le leur), et Darla tient à ce qu’elle ait de quoi manger.

«Trois de nos écoles ont un garde-manger maintenant», dit-elle. Un jour, une mère de famille l’avait appelée pour l’informer qu’elle n’enverrait pas son enfant à l’école parce qu’elle n’avait rien à manger.

«Je me suis dit que si l’élève ne pouvait rien apporter à manger à l’école, c’est qu’il n’y avait rien non plus à la maison, dit-elle. Je lui ai dit d’envoyer son enfant à l’école et qu’on s’occuperait de la nourrir.»

Pendant qu’elle est au bureau, Darla laisse un message à la directrice. Elle veut discuter avec elle d’un élève de 7e année qui fait l’objet d’une suspension à l’école et qui a disparu hier. Vers 18 h 30, Darla a appris qu’il était rentré chez lui, mais il faudrait quand même établir de nouvelles règles pour s’assurer qu’il reste à l’école.

À titre de coordonnatrice du programme de persévérance scolaire pour les élèves autochtones, Darla voit ses élèves sous un jour différent, car elle les côtoie tout au long de leurs études, de la maternelle à la 8e année. Pour elle, il est important d’agir le plus tôt possible pour encourager les élèves à persévérer dans leurs études.

«À mes débuts, j’ai constaté qu’il y avait déjà des décrocheurs en 3e année», dit-elle. C’était il y a quatre ans, après des études de deux ans à temps partiel dans le cadre du programme de formation des enseignantes et enseignants autochtones offert par le Seven Generations Education Institute et l’Université Lakehead.

Darla est née et a grandi dans le Dakota du Nord. Sa famille a déménagé au Minnesota, près de Fort Frances, lorsqu’elle avait 12 ans. En 1986, après avoir épousé Mike, un chef de police à la retraite, elle s’est établie au Canada. Ensemble, ils ont travaillé pendant dix ans comme gardes forestiers au parc provincial Quetico. Mais avec l’âge, il était devenu plus difficile de trouver du travail; Darla a donc commencé à envisager une nouvelle carrière.

«Un jour que la grippe m’avait clouée au lit, mon mari m’a montré l’annonce de Laura Horton sur le programme de formation des enseignants autochtones dans le journal.» Horton est directrice de l’éducation postsecondaire à Seven Generations. «Tout de suite, j’ai su que c’était ce que je recherchais.»

En tant qu’enseignante, son objectif est d’inculquer aux élèves l’amour de l’école, et de leur faire comprendre qu’ils peuvent toujours compter sur elle. Selon elle, cette démarche a porté fruit.

À 9 h, elle entre dans la classe de 2e année de la F.H. Huffman School, où elle rencontrera individuellement, dans un petit bureau au bout du corridor, des élèves qui lui feront la lecture. Brittany est la première à arriver avec son sac de livres, suivie de Justin puis de Monica. Darla prend des notes à l’intention de l’enseignant chargé de cours, afin de l’aider à évaluer les progrès des élèves. Darla se concentre sur les élèves des Premières Nations, mais elle finira par lire avec tous les élèves de la classe. Les deux premiers finissent leurs livres rapidement, mais Monica est fatiguée et demande à Darla de lui faire la lecture. Celle-ci, de temps à autre, pose des questions à Monica pour s’assurer qu’elle comprend bien ce qu’elle lui lit.

Elle passe la demi-heure suivante avec les élèves de 1re année; elle va de pupitre en pupitre et aide les élèves à faire leur travail phonétique. À 10 h, il est temps d’aller en 3e année, où les élèves s’assoient sur le sol en équipes de deux et tentent de résoudre des problèmes sous forme d’énoncés pour leur cours de mathématiques. C’est une bonne occasion pour Darla de mettre à l’épreuve ce qu’elle a appris dans ses cours de perfectionnement.

Hier, elle a passé la soirée à suivre un cours sur l’enseignement des mathématiques avec du matériel de manipulation. L’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario a fait appel aux services de Walter Rogoza, conseiller en mathématiques au Conseil scolaire de district de Rainy River, pour enseigner ce nouveau cours aux enseignantes et enseignants de Fort Frances. Darla est enthousiaste, car elle croit que cette démarche constructiviste se révélera utile pour ses élèves.

La récréation est à 10 h 30, mais Darla la passe au téléphone. Elle veut partir dès la fin des cours ce soir pour emmener un visiteur au Kay-Na-Chi-Wah-Nung Historical Centre. Également connu sous le nom de monticules Manitou, ce centre est un lieu sacré et spirituel pour le peuple Ojibway. Darla fait de son mieux pour s’y rendre au moins une fois par mois.

L’intérêt qu’éprouve Darla à l’égard de l’éducation des Autochtones n’a rien de superficiel. Elle fait tout pour aider les élèves à réussir et encourager plus de gens des Premières Nations à devenir enseignantes et enseignants. Pendant trois ans, elle a siégé au comité de l’enseignement pour les Autochtones de la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario.

À 10 h 45, la classe de 3e et 4e années est en sciences sociales; les élèves consultent l’atlas pour trouver les capitales des provinces et territoires du Canada (ces atlas, fait remarquer l’enseignant, sont périmés, car ils ne font pas mention du Nunavut). Darla doit partir juste avant la fin de la période; la directrice d’école donne suite à son appel.

Elles discutent pendant une dizaine de minutes, tentant de déterminer la démarche à adopter pour obtenir le financement d’une aide personnalisée à un élève qui a des problèmes de comportement.

«Que dois-je faire?», demande Darla. Elle n’hésite pas à demander conseil à des collègues plus expérimentés. Comme elle compte devenir enseignante à plein temps, elle a dit vouloir participer au programme de mentorat que le personnel de Huffman a lancé cette année. Employée du Conseil scolaire de district de Rainy River, Darla est rémunérée par le Seven Generations Education Institute. Le fait de devenir enseignante à plein temps permettrait de préserver le programme de l’institut, qui finirait par connaître des problèmes financiers à mesure qu’elle grimperait dans l’échelle salariale.

La matinée se termine en compagnie des élèves de maternelle. À l’aise parmi les enfants, Darla n’hésite pas à s’asseoir sur le plancher pour jouer et parler avec eux.

Le midi, au restaurant, elle rencontre la plupart des membres du conseil d’administration de Seven Generations, qui sont en ville pour une réunion. L’institut a été fondé en 1985 par les dix Premières Nations de la région tribale de Rainy Lake. Il portait alors le nom de Rainy Lake Ojibway Education Authority. Il fournit des services d’éducation permanente à la population des Premières Nations.

Darla continue d’aller de classe en classe à la Robert Moore School pendant l’après-midi. Parfois, elle fait de la lecture individuelle avec un élève. Plus tard, elle parcourt la classe et vient en aide aux élèves qui en ont besoin. Le laboratoire d’informatique de 7e année illustre bien les défis à relever quand on travaille auprès d’élèves de toutes les années d’études, dans toutes les matières; ainsi, certains élèves aident Darla et leurs camarades à utiliser des logiciels.

Deux fillettes reviennent au bureau de la fierté autochtone pour passer le temps pendant la récréation. Walter Rogoza s’y arrête lui aussi pour annoncer une bonne nouvelle. Il a entendu dire que les qualifications additionnelles que Darla obtiendra grâce à son cours de mathématiques seront probablement équivalentes à au moins trois des 14 cours que les enseignantes et enseignants doivent suivre tous les cinq ans dans le cadre du nouveau Programme de perfectionnement professionnel.

Dans le corridor, Darla a le temps de discuter brièvement avec la directrice au sujet de son élève disparu. À la fin des cours, à 15 h 30, elle n’est pas près de partir. Elle rencontre l’enseignant d’ojibway, la bibliothécaire qui lui parle de sa vente de livres et un garçon qui veut lui montrer son travail de la journée.

Pour ce qui est de la persévérance scolaire, les efforts de Darla Solomon semblent porter fruit, comme en témoigne Robyn, une élève de 2e année. Elle n’est pas pressée de retourner en classe; pourtant, il y a un film au programme.

«J’aimerais rester plus longtemps», dit-elle, assise devant une pile de livres dans le bureau de la fierté autochtone. «J’aime bien lire avec Madame Solomon.»

Darla Solomon
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