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Juin 1998

Quand on se réjouit de quitter l’école
pour qu’on nous fiche la paix


Une formation est requise pour aider les élèves autistes

L’enseignante de Jennifer appréhende le temps passé en cercle dans sa classe de maternelle parce qu’elle sait que Jennifer se met à crier et à pincer les autres ou à tirer les cheveux de quiconque s’approche trop d’elle. Matthew, quinze ans, éclate en sanglots parce que deux élèves sont devant son casier, tout à fait par hasard. Un camarade de classe dit à Mary, neuf ans, d’aller nager dans une flaque de boue dans la cour d’école. Elle s’exécute et ne comprend absolument pas pourquoi les enfants rient d’elle.

d’Elizabeth Starr

Joe est un jeune homme réfléchi qui vient de terminer ses études secondaires. Ce qui le réjouit le plus au moment de quitter l’école, dit-il, c’est qu’on va le laisser en paix. Tout comme Jennifer, Matthew et Mary, Joe est autiste.

Un enfant atteint du syndrome d’Asperger ou d’autisme de haut fonctionnement, qui a des aptitudes intellectuelles normales et peut-être même des talents exceptionnels (comme dans le film Rain Man), est intégré à la classe ordinaire dans la plupart des systèmes scolaires de l’Ontario. Les problèmes de cet enfant au plan des communications, des aptitudes sociales et des comportements répétitifs peuvent s’avérer écrasants.

Cet élève a des besoins particuliers. Mais ces besoins sont plus subtils que ceux d’un enfant plus gravement atteint. L’enseignante ou l’enseignant peut même ne pas être conscient de ces besoins parce que l’élève a de bons résultats dans bien des domaines; il peut penser que l’élève autiste ayant un bon rendement scolaire est tout simplement excentrique ou original et, par conséquent, il ne lui vient pas à l’esprit d’adapter ses méthodes.

Cependant si cet élève manifeste des comportements étranges ou inacceptables, il arrive qu’on le punisse plutôt que de comprendre que son comportement est un aspect de ce handicap. Dans certains cas, le comportement devient si extrême que l’enfant est suspendu, ce qui n’est une solution pour personne.

Presque chaque enseignante ou enseignant aura un enfant autiste dans sa classe

Contrairement aux idées répandues, les troubles autistiques ne sont pas rares. Selon Susan Bryson, une autorité en la matière de l’Université York, certaines estimations indiquent qu’une ou deux personnes sur mille pourraient en être atteintes, ce qui est assez élevé.

Tôt ou tard, chaque enseignante ou enseignant a dans sa classe un élève autiste ou ayant un trouble relié à l’autisme. Lorsque cela se produit, il lui faut posséder assez de connaissances sur ces troubles pour pouvoir dispenser un enseignement approprié.

Il est facile de se méprendre sur l’éventail unique de comportements reliés aux troubles autistiques, puisque l’enseignante ou l’enseignant peut avoir les mêmes idées préconçues que le reste de la population.

Lors d’un atelier tenu récemment, un enseignant m’a parlé d’un élève de 17 ans souffrant d’autisme qui n’a aucun moyen efficace de communiquer. Son comportement agressif pose des problèmes de sécurité et on envisage de le suspendre. Une suspension ne lui enseignera pas des méthodes appropriées d’atteindre ses buts. En réalité, il est suspendu à cause de son handicap.

Qu’est-ce qui déclenche son agressivité? Est-ce la vibration d’un tube fluorescent ou un bourdonnement auquel il est particulièrement sensible? Manque-t-il de sommeil ou prend-il son petit déjeuner? Comprend-il ce qu’on lui demande de faire? Ou a-t-il simplement appris que ses accès de colère l’aident à échapper à des tâches qui lui déplaisent?

Si les raisons de son comportement avaient été expliquées plus tôt dans son cheminement scolaire et que ses enseignantes et enseignants avaient réussi à trouver des façons efficaces de communiquer avec lui, il est fort probable que ses enseignantes et enseignants actuels et ses camarades de classe n’auraient rien à craindre de lui.

Reconnaître qu’un élève autiste a des besoins particuliers est un début. Mais l’enseignante ou l’enseignant doit également comprendre la nature exacte de ces besoins qui évoluent constamment. Ils doivent savoir comment adapter l’environnement et tenir compte de ces besoins.

À titre d’éducatrice ou d’éducateur, il faut répondre aux besoins de tous les élèves de la classe du mieux possible. Malheureusement, nous n’en savons pas assez sur les personnes ayant un trouble autistique.

Les parents sont des experts

Ce manque de connaissances est particulièrement frustrant pour les parents qui, trop souvent, doivent jouer le rôle d’experts et, chaque année, expliquer l’autisme et les comportements et besoins de leur enfant au personnel enseignant.

Ils aimeraient que les enseignantes et enseignants puissent leur expliquer certains aspects de l’autisme et leur suggérer des styles et stratégies d’enseignement.

Comme me disait le père d’un enfant autiste, «Les parents sont constamment obligés d’expliquer aux professionnels la nature du handicap de leur enfant et de répondre à la question «Qu’attendez-vous de nous?» Aucun des parents que je connais n’accepterait d’abandonner le droit de déterminer ce qu’il y a de mieux pour son enfant, mais ce serait bien de pouvoir compter sur des partenaires qui en savent au moins autant que nous dans l’équipe.»

Tous les jours, des parents d’enfants autistes expriment ce même sentiment. Même si l’intégration à une classe régulière fonctionne bien pour un enfant autiste, les parents s’inquiètent toujours de l’année suivante. Bien sûr, tous les parents ont ce genre de préoccupations, mais elles prennent plus d’ampleur chez les parents d’enfants autistes.

Voici l’expérience d’une famille. Judith et Mark étaient très satisfaits du programme que leur fils, un autiste de haut fonctionnement, avait suivi à la maternelle et au jardin d’enfants, mais la 1re année s’est avérée très pénible. L’enseignante ne connaissait pas l’autisme, n’était pas disposée à s’informer et ne voulait tout simplement pas de James dans sa classe. Elle a compris quelles situations perturbaient l’enfant et déclenchaient des crises et un comportement agressif, et elle a donc créé à dessein de telles situations afin de prouver qu’on ne pouvait pas s’occuper de James dans une classe régulière. Le comportement de l’enfant s’est détérioré à un point tel qu’à six ans, il était menacé d’expulsion.

L’enseignante a réussi à obtenir un auxiliaire pour James, mais maintenant ses parents s’inquiétaient des risques d’une trop grande dépendance à l’égard de l’auxiliaire. Si l’enseignante avait mieux connu l’autisme et été sensible aux besoins de James, il n’aurait pas été nécessaire de faire appel à un auxiliaire.

La famille a déménagé pour permettre à leur fils de fréquenter une école plus réceptive. Maintenant en 2e année, James fonctionne très bien, grâce à son enseignante qui a accepté de s’informer sur l’autisme, d’essayer différentes méthodes pédagogiques et de communiquer régulièrement avec les parents dans une approche concertée qui s’est avérée fructueuse.

Une formation est requise

La nécessité de former le personnel enseignant est évidente. Le ministère de l’Éducation et de la Formation a créé un cours facultatif donnant droit à une qualification additionnelle en éducation de l’enfance en difficulté portant sur l’élève autiste. Cependant, il semble que, jusqu’à présent, ce cours n’ait été offert par aucune faculté d’éducation en Ontario, malgré qu’il existe depuis 1987.

À la session d’automne 1997, j’ai donné ce cours à l’Université de Windsor pour la première fois. Le cours examine la nature de l’autisme et les stratégies de planification et de mise en œuvre des programmes d’enseignement. On met l’accent sur l’évaluation et des programmes qui tiennent compte du milieu, du niveau fonctionnel et de l’âge des élèves. L’exigence principale du cours est un stage qui donne une expérience pratique de travail auprès des élèves autistes, de leurs enseignantes et enseignants et de leurs parents, ainsi que l’élaboration d’un plan fonctionnel d’éducation dans un domaine déterminé.

Toutes les personnes inscrites au cours reconnaissaient la nécessité d’acquérir des connaissances spécialisées. Certaines se sont inscrites parce qu’elles avaient des élèves autistes mais qu’elles ne savaient vraiment pas comment faire face à la situation. D’autres savaient qu’elles allaient bientôt avoir un élève ayant un trouble autistique et voulaient se préparer. D’autres enfin ont pris le cours parce que le sujet les intéressait sachant que, tôt ou tard, elles auraient un enfant autiste dans leur classe.

Comme l’ont découvert ces enseignantes et enseignants, les compétences acquises durant le cours peuvent s’appliquer à de nombreux élèves ayant des troubles de communication, d’apprentissage ou de comportement, et non seulement aux enfants autistes.

L’organisation des stages, élément vital de la formation, a été possible grâce à l’appui des conseils scolaires, des écoles, des parents, de la section de Windsor-Essex de l’Autism Society of Ontario et d’autres organismes locaux. Leur collaboration enthousiaste témoigne de l’urgence que ressentent ces familles et de leur détermination à aider le personnel enseignant à se familiariser avec l’autisme.

Le personnel enseignant sait combien il est difficile de veiller à ce que la paix règne dans nos écoles. Mais si l’on veut que les élèves ayant un trouble autistique reçoivent des programmes éducatifs appropriés et subventionnés, il faut permettre au personnel enseignant d’acquérir des connaissances et une meilleure compréhension de ces troubles et des façons de dispenser des programmes éducatifs pertinents aux élèves qui en souffrent.

Elizabeth Starr est membre de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario et professeure adjointe à l’Université de Windsor où elle enseigne la psychopédagogie et l’éducation de l’enfance en difficulté. Elle a enseigné à des enfants ayant une déficience mentale légère en Alberta et terminé un stage postdoctoral de recherche sur l’autisme à Londres. On peut la joindre à estarr@server.uwindsor.ca

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Trouble autistique

Trouble autistique est un terme générique utilisé pour décrire l’autisme, l’autisme de haut fonctionnement ou le syndrome d’Asperger.

L’autisme est une déficience grave et permanente qui se manifeste habituellement avant l’âge de trois ans. C’est la forme la plus grave des troubles autistiques. Les personnes autistes ont des troubles graves et profonds au plan de la communication et des interactions sociales réciproques.

Environ 50 pour cent des personnes autistes ne réussissent pas à apprendre à parler et chez celles qui y arrivent, on constate des défaillances marquées dans bien des aspects du langage. Ces personnes manifestent aussi un répertoire très restreint de comportements et peuvent acquérir des habitudes gestuelles répétitives comme le battement des mains et le claquage des doigts. Environ 75 pour cent manifestent aussi des signes de déficience mentale et environ le tiers des personnes autistes sont atteintes d’épilepsie dès l’adolescence.

Le terme autisme de haut fonctionnement est souvent utilisé comme synonyme de syndrome d’Asperger. Les personnes ayant ces troubles ont des déficiences de type autistique évidentes dans le domaine du comportement et des relations sociales sans toutefois manifester de retard dans le développement cognitif ou langagier. On remarque cependant souvent des déficiences graves dans l’utilisation du langage.

Voici des caractéristiques qui pourraient indiquer un trouble autistique chez un enfant :

  • attachement inflexible à des routines ou des rituels spécifiques et sans fonction

  • insistance sur l’immuabilité du milieu et extrême agitation devant des changements, même mineurs

  • réticence au contact visuel

  • usage d’expressions répétitives ou idiosyncrasiques; par exemple, «pluie chaude» au lieu de vapeur

  • inaptitude à entamer ou à maintenir une conversation

  • inaptitude à nouer des amitiés

  • intérêt extrême porté à un sujet très étroit; par exemple, les marques de voiture

  • intérêt porté aux parties d’un objet; par exemple, faire rouler les roues de petites voitures

  • absence du jeu imaginaire spontané

  • déficience marquée dans l’usage d’expressions faciales, de gestes ou de positions corporelles et autres comportements non verbaux qui règlent les interactions sociales

  • mouvements corporels répétitifs; par exemple, tournoyer, se bercer, battre des mains

  • réaction exagérée ou insuffisante au bruit, au toucher ou au stimulus visuel

  • attachement excessif à des objets inusités; par exemple, à un aspirateur.

    Les élèves ayant un trouble autistique réussissent mieux lorsque le milieu est très structuré et prévisible. Puisque bon nombre de ces élèves ont de la difficulté à décoder les messages auditifs, le recours à des aides visuelles concrètes pour tous les aspects de l’enseignement est très utile : horaire des activités imagé, liste imagée des objets à emporter à la maison, étiquetage des effets des élèves, photos pour illustrer les étapes d’une activité, introduction de modifications en montrant par des images toute modification apportée à l’horaire (en laissant l’élève substituer l’image d’une activité par une autre).

Ce type de structures constitue en quelque sorte une prothèse pour les élèves ayant un trouble autistique, de la même façon que des lunettes sont une prothèse pour les personnes qui en ont besoin. La structure aide les élèves ayant un trouble autistique en leur fournissant à l’avance une information claire et compréhensible. Elle les aide à prévoir ce qui se passera et fournit une information claire, visuelle et non changeante sur le changement.

Voici des sites web qui offrent une bonne introduction à la question de l’autisme et des suggestions pour les enseignantes et enseignants.

www.unc.edu/depts/teacch/20ques.htm
www.unc.edu/depts/teacch/structur.htm
www.udel.edu/bkirby/asperger/karen_williams_guidelines.html