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Juin 1998

Pour les tribunaux canadiens,
les enseignants doivent donner l’exemple

Dans quelle mesure les enseignantes et enseignants doivent-ils être parfaits? Des décisions récentes des tribunaux disent que les enseignantes et enseignants doivent répondre à des normes plus élevées en raison de la confiance qu’ils inspirent et de l’influence qu’ils exercent.

de Jack H. Berryman

On s’attend à ce que les enseignantes et enseignants donnent l’exemple à leurs élèves, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la classe.

En Ontario, cette attente constitue une tâche statutaire pour les membres du corps enseignant et ce, en vertu du paragraphe 264.1.c. de la Loi sur l’éducation : «L’enseignant, même temporaire, exerce les fonctions suivantes … inculquer, par les préceptes et l’exemple, le respect de la religion et les principes de la morale judéo-chrétienne et la plus haute considération pour la vérité, la justice, la loyauté, le patriotisme, l’humanité, la bienveillance, la sobriété, le zèle, la frugalité, la pureté, la modération et toutes les autres vertus.»

Bien que les critiques de cette disposition insistent, pour des raisons évidentes, pour dire que le texte est archaïque et qu’il soit impossible pour les enseignantes et enseignants de se conformer à cette tâche, il importe néanmoins de reconnaître son intention. On s’attend à ce que les enseignantes et enseignants adhèrent à un code de conduite exemplaire.

D’une époque révolue

Dans Le Conseil d’éducation de la cité de Toronto contre la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires publiques, District no 15, la Cour suprême du Canada a récemment émis les commentaires suivants sur cette disposition : «Le langage de cette disposition appartient à une autre époque. Les exigences qu’il fixe aux enseignants reflètent un idéal et non une norme minimale. Elles sont si idéalement élevées que même l’enseignant le plus consciencieux, le plus sérieux et le plus diligent ne pourrait à tout moment les satisfaire toutes. Les anges pourraient s’y conformer, mais non de simples mortels. Il s’ensuit que tout manquement à cette disposition ne peut être considéré comme une atteinte aux valeurs essentielles que doit respecter un bon enseignant. Cependant, cette disposition indique effectivement que l’on attend à bon droit des enseignants qu’ils maintiennent une norme de conduite plus élevée que d’autres employés en raison de la position extrêmement importante qu’ils occupent dans la société.»

On s’attend à ce que les professionnels adhèrent à des normes de conduite élevées et ce, en tout temps. En effet, le comportement en dehors des heures de travail peut entraîner des accusations de faute professionnelle. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique, dans Shewan et al versus Board School Trustees of School District no. 34 (Abbotsford), a abordé cette question en 1987 : [traduction] La raison pour laquelle la conduite en dehors des heures de travail peut mener à la faute professionnelle tient au fait que l’enseignant occupe un poste de confiance et de responsabilité. S’il agit de manière inappropriée, au travail ou en dehors des heures de travail, il pourrait s’ensuivre une perte de confiance du public envers l’enseignant et envers le système scolaire public, une perte du respect par les élèves de l’enseignant en question et des autres enseignants en général, ainsi qu’une controverse au sein de l’école et de la communauté qui nuit au bon fonctionnement du système scolaire…»

«Les normes minimales de moralité tolérées dans un domaine donné ne sont pas nécessairement les mêmes pour un enseignant. Le comportement d’un enseignant doit répondre aux attentes qui correspondent à celle de la population de la Colombie-Britannique pour son système scolaire. Les enseignants doivent conserver la confiance et le respect de leurs supérieurs, de leurs collègues et, en particulier, des élèves et de ceux qui envoient leurs enfants dans les écoles publiques. Il ne suffit pas aux enseignants d’être compétents, mais ils doivent également donner l’exemple. Toute perte de confiance ou de respect nuit au système et peut avoir des conséquences néfastes sur ceux qui adhèrent à ces normes de conduite que la plupart des autres citoyens ne sont pas obligés d’observer parce qu’ils n’ont pas à se conformer aux mêmes responsabilités publiques.»

Le médium du message èducatif

Dans Attis contre Conseil scolaire no 15 du Nouveau-Brunswick (1996), la Cour suprême du Canada a récemment reconnu la décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique : «Le comportement de l’intermédiaire qu’est l’enseignant doit traduire son adhésion à ces valeurs, croyances et connaissances que le système scolaire cherche à communiquer. Son comportement est évalué en fonction de la position même qu’il occupe, et non en fonction de la question de savoir si le comportement en cause a été adopté en classe ou ailleurs. L’enseignant est perçu dans la collectivité comme l’intermédiaire par lequel passe le message éducatif, et en raison de la position qu’il y occupe, il n’est pas en mesure de [TRADUCTION] «choisir le chapeau qu’il portera et dans quelle occasion… ce chapeau d’enseignant, il ne l’enlève donc pas nécessairement à la sortie de l’école et, pour certains, il continue à le porter même après les heures de travail.»

«C’est en raison de cette position de confiance et d’influence que nous exigeons de l’enseignant qu’il se conforme à des normes élevées au travail comme à l’extérieur du travail, et c’est l’érosion de ces normes qui est susceptible d’entraîner, dans la collectivité, une perte de confiance dans le système scolaire public.»

Pour enseigner en Ontario, il faut être membre de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario. L’Ordre, en fonction depuis le 20 mai 1997, réglemente la profession enseignante et régit ses membres. L’un de ses objets, comme il est dit dans la Loi sur l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, est de «recevoir les plaintes déposées contre ses membres, faire enquête sur ces plaintes et traiter des questions de discipline et d’aptitude professionnelle.»

L’enseignante ou l’enseignant trouvé coupable de n’avoir pas respecté son devoir statutaire de donner le bon exemple aux élèves peut être soumis à des mesures disciplinaires par l’Ordre et ses employeurs.

En outre, les tribunaux ont clairement indiqué que les enseignantes et enseignants, bien que simples mortels, doivent se conformer à des normes de conduite élevées qui reflètent leur position d’influence et de responsabilité, tant au travail qu’en dehors des heures de travail.

Jack Berryman est agent d’éducation à la Direction de la gestion scolaire au ministère de l’Éducation et de la Formation de l’Ontario et membre de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario. Pendant 12 ans, il a été responsable du processus entourant la suspension, l’annulation et la remise en vigueur du brevet d’enseignement.