Dans quelle mesure les enseignantes et
enseignants doivent-ils être parfaits? Des décisions récentes des tribunaux disent que
les enseignantes et enseignants doivent répondre à des normes plus élevées en raison
de la confiance quils inspirent et de linfluence quils exercent.
de Jack H. Berryman
On sattend à ce que les enseignantes et enseignants donnent lexemple à
leurs élèves, tant à lintérieur quà lextérieur de la classe.
En Ontario, cette attente constitue une tâche statutaire pour les membres du corps
enseignant et ce, en vertu du paragraphe 264.1.c. de la Loi sur léducation :
«Lenseignant, même temporaire, exerce les fonctions suivantes
inculquer,
par les préceptes et lexemple, le respect de la religion et les principes de la
morale judéo-chrétienne et la plus haute considération pour la vérité, la justice, la
loyauté, le patriotisme, lhumanité, la bienveillance, la sobriété, le zèle, la
frugalité, la pureté, la modération et toutes les autres vertus.»
Bien que les critiques de cette disposition insistent, pour des raisons évidentes,
pour dire que le texte est archaïque et quil soit impossible pour les enseignantes
et enseignants de se conformer à cette tâche, il importe néanmoins de reconnaître son
intention. On sattend à ce que les enseignantes et enseignants adhèrent à un code
de conduite exemplaire.
Dune époque révolue
Dans Le Conseil déducation de la cité de Toronto contre la Fédération des
enseignantes-enseignants des écoles secondaires publiques, District no 15, la Cour
suprême du Canada a récemment émis les commentaires suivants sur cette disposition :
«Le langage de cette disposition appartient à une autre époque. Les exigences
quil fixe aux enseignants reflètent un idéal et non une norme minimale. Elles sont
si idéalement élevées que même lenseignant le plus consciencieux, le plus
sérieux et le plus diligent ne pourrait à tout moment les satisfaire toutes. Les anges
pourraient sy conformer, mais non de simples mortels. Il sensuit que tout
manquement à cette disposition ne peut être considéré comme une atteinte aux valeurs
essentielles que doit respecter un bon enseignant. Cependant, cette disposition indique
effectivement que lon attend à bon droit des enseignants quils maintiennent
une norme de conduite plus élevée que dautres employés en raison de la position
extrêmement importante quils occupent dans la société.»
On sattend à ce que les professionnels adhèrent à des normes de conduite
élevées et ce, en tout temps. En effet, le comportement en dehors des heures de travail
peut entraîner des accusations de faute professionnelle. La Cour dappel de la
Colombie-Britannique, dans Shewan et al versus Board School Trustees of School District
no. 34 (Abbotsford), a abordé cette question en 1987 : [traduction] La raison pour
laquelle la conduite en dehors des heures de travail peut mener à la faute
professionnelle tient au fait que lenseignant occupe un poste de confiance et de
responsabilité. Sil agit de manière inappropriée, au travail ou en dehors des
heures de travail, il pourrait sensuivre une perte de confiance du public envers
lenseignant et envers le système scolaire public, une perte du respect par les
élèves de lenseignant en question et des autres enseignants en général, ainsi
quune controverse au sein de lécole et de la communauté qui nuit au bon
fonctionnement du système scolaire
»
«Les normes minimales de moralité tolérées dans un domaine donné ne sont pas
nécessairement les mêmes pour un enseignant. Le comportement dun enseignant doit
répondre aux attentes qui correspondent à celle de la population de la
Colombie-Britannique pour son système scolaire. Les enseignants doivent conserver la
confiance et le respect de leurs supérieurs, de leurs collègues et, en particulier, des
élèves et de ceux qui envoient leurs enfants dans les écoles publiques. Il ne suffit
pas aux enseignants dêtre compétents, mais ils doivent également donner
lexemple. Toute perte de confiance ou de respect nuit au système et peut avoir des
conséquences néfastes sur ceux qui adhèrent à ces normes de conduite que la plupart
des autres citoyens ne sont pas obligés dobserver parce quils nont pas
à se conformer aux mêmes responsabilités publiques.»
Le médium du message èducatif
Dans Attis contre Conseil scolaire no 15 du
Nouveau-Brunswick (1996), la Cour suprême du Canada a récemment reconnu la décision de
la Cour dappel de la Colombie-Britannique : «Le comportement de
lintermédiaire quest lenseignant doit traduire son adhésion à ces
valeurs, croyances et connaissances que le système scolaire cherche à communiquer. Son
comportement est évalué en fonction de la position même quil occupe, et non en
fonction de la question de savoir si le comportement en cause a été adopté en classe ou
ailleurs. Lenseignant est perçu dans la collectivité comme lintermédiaire
par lequel passe le message éducatif, et en raison de la position quil y occupe, il
nest pas en mesure de [TRADUCTION] «choisir le chapeau quil portera et dans
quelle occasion
ce chapeau denseignant, il ne lenlève donc pas
nécessairement à la sortie de lécole et, pour certains, il continue à le porter
même après les heures de travail.»
«Cest en raison de cette position de confiance et dinfluence que nous
exigeons de lenseignant quil se conforme à des normes élevées au travail
comme à lextérieur du travail, et cest lérosion de ces normes qui est
susceptible dentraîner, dans la collectivité, une perte de confiance dans le
système scolaire public.»
Pour enseigner en Ontario, il faut être membre de lOrdre des enseignantes et des
enseignants de lOntario. LOrdre, en fonction depuis le 20 mai 1997,
réglemente la profession enseignante et régit ses membres. Lun de ses objets,
comme il est dit dans la Loi sur lOrdre des enseignantes et des enseignants de
lOntario, est de «recevoir les plaintes déposées contre ses membres, faire
enquête sur ces plaintes et traiter des questions de discipline et daptitude
professionnelle.»
Lenseignante ou lenseignant trouvé coupable de navoir pas respecté
son devoir statutaire de donner le bon exemple aux élèves peut être soumis à des mesures
disciplinaires par lOrdre et ses employeurs.
En outre, les tribunaux ont clairement indiqué que les enseignantes et enseignants,
bien que simples mortels, doivent se conformer à des normes de conduite élevées qui
reflètent leur position dinfluence et de responsabilité, tant au travail
quen dehors des heures de travail.
Jack Berryman est agent déducation à la Direction de la gestion scolaire au
ministère de lÉducation et de la Formation de lOntario et membre de
lOrdre des enseignantes et des enseignants de lOntario. Pendant 12 ans, il a
été responsable du processus entourant la suspension, lannulation et la remise en
vigueur du brevet denseignement.