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Les conseils scolaires de langue française ont le vent dans les voiles

de Gabrielle Barkany

«Nous traversons en ce moment l’une des plus importantes étapes dans l’histoire de l’éducation franco-ontarienne, soit la mise en œuvre de la politique d’aménagement linguistique», déclare Jean-Luc Bernard, directeur de l’éducation du Conseil scolaire de district du Centre-Sud-Ouest.


Le ministère de l’Éducation de l’Ontario a lancé la Politique d’aménagement linguistique (PAL) en 2004.

D’ambitieux projets et de nombreux événements à grande échelle, en voie d’instauration aux quatre coins de la province, reflètent l’enthousiasme et la vitalité présents au sein des 12 conseils scolaires de langue française de la province.

Première politique du genre au Canada, la PAL vise principalement à améliorer la communication orale des élèves, à augmenter les inscriptions dans les écoles de langue française et à appuyer le personnel enseignant dans l’apprentissage et le développement identitaire des élèves.

Toute une gamme d’activités

Production d’émissions télévisées et radiophoniques, concours d’art oratoire, composition de chansons, galas, réseaux d’échanges entre élèves, festivals jeunesse ou performances artistiques, rien ne semble trop audacieux pour capter l’intérêt des jeunes Franco-Ontariens et pour les engager dans des activités d’enrichissement de la langue française. Les quelque 90 000 élèves franco-ontariens peuvent donc s’attendre à se plonger davantage dans le monde francophone au cours des années à venir.

Grâce à un appui financier livré par le biais de plusieurs programmes, tant au niveau provincial que fédéral, chaque école de langue française de l’Ontario intensifie ses actions afin d’exposer les élèves à des contextes francophones qui leur permettent de s’exprimer en français et vivre leur francophonie de façon quotidienne.

Conseil scolaire de district catholique Centre-Sud; présentation de jeux d’éducation physique, mai 2007 

Pour sa part, le ministère de l’Éducation a alloué 15 millions de dollars par an pour les trois prochaines années grâce au protocole d’entente Canada-Ontario pour des projets provinciaux, interconseils et locaux.

De manière générale, l’argent du Ministère a permis aux conseils d’engager du personnel (notamment des animateurs culturels et des agents de liaison), de se munir d’équipement axé sur les technologies de l’information et de la communication afin de créer des réseaux d’échanges, d’acheter du matériel scolaire (p. ex., portant sur les arts et la musique) et de développer des programmes d’amélioration du rendement et d’intégration des élèves.

La télé au secours de la langue

Certains conseils scolaires exploitent notamment l’attrait de la télévision pour inciter les jeunes à penser, à écrire et à s’exprimer en français. La production et l’animation d’émissions de télévision est d’ailleurs l’une des initiatives d’envergure du Conseil scolaire public de district du Nord-Est de l’Ontario, où les élèves se préparent à effectuer des entrevues avec des personnalités locales, à tracer le profil des industries de la région et à réaliser des mises en scène sur le respect, l’empathie et la collaboration.

Ce projet s’inspire du succès d’un projet pilote d’une école de la région.

«Les élèves étaient tellement fiers de présenter leur annonce en français et d’être vus à la télévision, raconte Ghislaine Girouard, membre du comité des leaders en aménagement linguistique au conseil. Ça les a incités à devenir des modèles pour les autres.

«Avant le projet, certains élèves étaient si gênés qu’ils ne parlaient à personne. C’était incroyable de les voir s’exprimer en français à la fin du projet. Ils ont acquis une plus grande estime d’eux-mêmes et sont devenus beaucoup plus autonomes.»

Le conseil scolaire s’affaire actuellement à mettre en place l’infrastructure pédagogique et technique, à former les enseignants et les élèves, et à nouer des partenariats avec des stations de télévision communautaire. Le conseil prévoit que d’ici trois ans, toutes les salles de classe seront munies d’une télévision où l’on présentera les émissions à différents moments de la journée.

Sortir de son école

Que ce soit par les ligues d’improvisation, les rassemblements culturels, le théâtre, les journées d’animation ou les projets de robotique, les jeunes auront de plus en plus d’occasions de travailler, de communiquer, de rire et de fraterniser avec des élèves d’autres écoles.

«Quand ils sont toujours dans leur milieu avec la petite gang qu’ils fréquentent depuis le début de leur scolarisation, ils ne se rendent peut-être pas compte de qui ils sont vraiment, explique Réjean Aubut du Conseil scolaire de district catholique de l’Est ontarien, qui représente environ 12 000 élèves. Les liens qu’ils tissent avec les élèves d’autres écoles les amènent à prendre conscience de leur identité, car ils la comparent à d’autres réalités.»

Élèves du Conseil scolaire de district catholique de l’Est ontarien en formation avec l’acteur Marc Bélanger, mars 2007 

«Les élèves ont acquis une plus grande estime d’eux-mêmes et sont devenus beaucoup plus autonomes.»

La participation d’organismes communautaires fait partie intégrante de la réussite de plusieurs projets qui se déroulent à l’extérieur de la salle de classe. La plupart des conseils travaillent justement avec des équipes d’animation culturelle pour favoriser un rapprochement entre l’école et la communauté.

Sous la direction de l’acteur Marc Bélanger, les élèves de l’Est ontarien ont appris les rouages du métier en écrivant des scénarios, et en participant à la réalisation et au montage de courts métrages de 10 minutes. Ils présentent leur chef-d’œuvre en juin à un festival de cinéma.

Le talent au service de la culture

L’automne dernier, plus de 4 000 élèves se sont rassemblés au festival de la jeunesse du centre civique d’Ottawa où ils ont étalé leur talent par le biais de performances artistiques comme la danse, la poésie, la décoration et le bricolage. Le festival leur a aussi permis de se familiariser avec les services en français de leur région en visitant quelque 50 kiosques communautaires.

Plus de 350 élèves de l’Est participeront en juin à l’événement Culture en fête au Centre national des Arts d’Ottawa. Chacune des 20 écoles participantes présentera son meilleur numéro dans le cadre d’activités culturelles telles que la danse, le chant et l’improvisation.

«Au moyen d’activités dynamiques, l’élève voit qu’il n’est pas le seul à parler français. Il se rend compte que cette langue est pratique, vivante et qu’elle existe à l’extérieur des murs de l’école», explique Maxine Hill, directrice en aménagement linguistique pour le Conseil des écoles catholiques de langue française du Centre-Est, qui représente plus de 17 000 élèves.

«Sans ces événements, ce serait le français à l’école, et l’anglais quand on en sort, explique David Ip Yam, membre du conseil exécutif de l’Association des élèves conseillers et conseillères de l’Ontario et étudiant de 12e année à l’école secondaire Étienne-Brûlé de Toronto. Les activités organisées à l’extérieur de l’école nous montrent que la diversité culturelle des francophones est vivante et que les occasions de vivre en français sont bel et bien présentes.»

Élèves du Conseil des écoles catholiques de langue française du Centre-Est; répétition de Culture en fête, à Ottawa, avril 2007 

«L’élève se rend compte que cette langue est pratique, vivante et qu’elle existe à l’extérieur des murs de l’école.»

Selon lui, il ne faut pas chercher à forcer les jeunes à parler français ni les récompenser s’ils le font, mais leur donner les outils pour s’exprimer en français. Les camarades de son école ont, par exemple, conçu des affiches publicitaires sur des expressions françaises populaires que les élèves ont tendance à énoncer en anglais.

«Get out of here est l’une de ces expressions», ajoute-t-il en riant.

Des activités orchestrées sous forme d’exposés oraux, de jeux, de concours d’écriture et de composition musicale non seulement encouragent les élèves à améliorer leurs compétences en communication orale et écrite, mais leur donnent aussi l’occasion de se faire valoir, d’être fiers, de montrer leurs aptitudes. Plusieurs concours se tiennent un peu partout en province, en partenariat avec d’autres conseils scolaires.

Par exemple, l’auteur, compositeur et interprète Jean-Guy «Chuck» Labelle et la comédienne Mélissa Rockburn ont formé des élèves de chaque école secondaire du Conseil scolaire public du Grand Nord de l’Ontario à l’écriture et à la composition de chansons. Le musicien François Labelle et l’animateur culturel Fritz Larivière ont offert la même formation à certains élèves du Conseil scolaire public du Nord-Est. Ces chansons ont été enregistrées et diffusées sur les ondes de Radio-Canada lors de la grande finale qui a eu lieu au printemps dernier. On a même invité le public à voter pour la meilleure pièce.

Construction identitaire

Le thème «Tu ne pourras jamais comprendre» incite les jeunes des divers conseils de la région du Nord à participer à un concours d’art oratoire qui les amène à jouer différentes scènes dramatiques par des dialogues et monologues. Les gagnants de chaque niveau et de chaque conseil scolaire se sont affrontés au cours d’une finale en mai dernier.

C’est avec fébrilité et en poussant de grands cris que 350 élèves de 4e et de 5e année du Conseil scolaire de district des écoles catholiques du Sud-Ouest ont participé au jeu «La Fureur» l’automne dernier. «Les élèves ont embarqué à 100 %», s’exclame Constance Legentil, agente de supervision du conseil. Le conseil a mis sur pied une série d’initiatives, notamment sous forme de stages en construction identitaire axée sur la francité et la catholicité dans le cadre du programme d’insertion professionnelle du nouveau personnel enseignant.

«C’est un travail de réflexion sur ce que signifie être “catholique” et “francophone”. Comment s’améliore-t-on et comment fait-on réfléchir les élèves sur leur identité?»

Des chercheuses en éducation travaillent également avec les élèves et les enseignants du conseil afin de mesurer l’évaluation des compétences langagières en communication orale et leurs répercussions sur la construction identitaire. Par exemple, 13 classes de 4e année ont récemment participé à des entrevues enregistrées sur webcam. Les résultats serviront à former les enseignantes et les enseignants sur les méthodes d’évaluation en communication.

«Il faut mesurer l’évaluation des compétences langagières en communication orale et son influence sur la construction identitaire.»

Au Conseil scolaire de district catholique Centre-Sud, on a mis en place des équipes d’intervention qui ont, entre autres, élaboré des leçons de communication orale pour différentes années d’études. Par exemple, on donne l’occasion aux élèves de 3e et de 4e année de créer une activité physique de 20 minutes (comme un jeu de «tag») et de la présenter à d’autres années et à d’autres écoles. Le but est de donner aux élèves des occasions informelles de discuter en équipe afin qu’ils s’approprient un vocabulaire et des concepts, bâtissent un projet, résolvent des problèmes et élargissent leur connaissance de la communauté francophone.

«Il s’agit de leur donner la chance de vivre en français quelque chose de différent et de spécial dans un domaine qu’ils aiment beaucoup», explique Éric Belzile du conseil scolaire.

Ce conseil utilise le même genre de formule avec les petits de la maternelle. Dans le cadre d’un thème relié aux dinosaures, ils s’expriment par le biais de la chanson, des arts plastiques et de la classification mathématique. Le projet se conclura dans la communauté avec la visite d’une exposition sur les dinosaures à l’Université de Waterloo.

Francophonie et leadership

Plusieurs des projets visent aussi à accroître les capacités de leadership des élèves afin de les inciter à s’impliquer dès maintenant dans la vie scolaire et, plus tard, dans des organismes communautaires francophones. Réseaux de communications, ateliers de formation en animation, camps de jeunes, stages franco-ontariens de formation en leadership et bénévolat sont autant de moyens qui favorisent le développement d’aptitudes des jeunes à motiver, à guider et à influencer leur entourage.

Afin que la population immigrante contribue davantage au maintien et à l’essor de la communauté de langue française, on a pris de nombreuses mesures pour accueillir les nouveaux arrivants dans les écoles. Plusieurs conseils ont créé des stratégies de gestion de classe pluriethnique et instauré des programmes d’accueil à l’intention du personnel, des nouveaux arrivants, des parents et des élèves.

Par exemple, le Conseil scolaire de district du Centre-Sud-Ouest a élaboré un programme de formation pour le personnel enseignant qui vise à créer des classes multiculturelles accueillantes, à mettre en œuvre une pédagogie culturelle, à appuyer le cheminement culturel et interculturel des élèves, et à combler les écarts en littératie et en numératie des élèves sous-scolarisés.

En d’autres mots, en saisissant les particularités culturelles et religieuses individuelles, on est mieux équipé pour favoriser un climat équitable et harmonieux en classe et améliorer ainsi l’apprentissage.

«Il est déjà difficile pour l’élève d’un autre milieu de se faire des amis et de s’adapter à une école complètement différente de ce qu’il a vécu, affirme Rodrigue Pambou, conseiller pédagogique. Par exemple, dans certaines cultures, il est impoli de regarder son interlocuteur. Si l’enseignant n’en est pas conscient, il risque de penser que l’élève manque de respect et cela peut compliquer la communication et sa relation avec l’élève.»

Présentation de jeux d’éducation physique, mai 2007; initiative du Conseil scolaire de district catholique Centre-Sud

M. Pambou ajoute qu’il suffit parfois d’adapter sa façon de communiquer avec les parents immigrés. «Quand l’enseignant donne une lettre à l’élève afin qu’il la remette à ses parents, il arrive que cette lettre demeure dans le sac d’école car certains parents n’ont pas coutume de l’ouvrir; l’information se perd donc.»

«Au Canada, on valorise beaucoup la remise en question, on encourage les élèves à discuter, à argumenter, mais ce n’est pas nécessairement le cas dans d’autres pays, affirme Jean-François Picher du Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario. Il est important d’impliquer les Néo-Canadiens dans l’éducation de leurs enfants pour qu’ils comprennent notre système éducatif.»

Le conseil a donc mis en place une programmation et des services qui soutiennent, entre autres, l’intégration des nouveaux arrivants, sous la forme de camps d’été, d’activités récréatives et de cours de français de base pour les parents.

«Ces parents ne savent souvent pas qu’ils doivent s’impliquer dans la vie scolaire, car ils n’avaient pas à le faire dans leur pays d’origine, explique Geneviève Folliet, présidente de Parents partenaires en éducation (PPE). Dans certains pays, c’est l’école qui prend les devants. Ils ne savent donc pas, par exemple, qu’ils doivent aider leurs enfants à faire leurs devoirs. Il est primordial de soutenir ces parents sans qu’ils se sentent jugés ou inférieurs.»

Les parents donnent un coup de main

L’engagement des parents est d’ailleurs l’une des stratégies que privilégient bon nombre de conseils scolaires pour atteindre les résultats visés par la PAL. La participation des parents comprend une gamme d’activités allant de l’aide aux devoirs à la participation aux comités d’écoles, en passant par les conseils provinciaux, les rencontres avec les enseignants et le bénévolat en classe ou pendant les sorties éducatives.

Pour ce faire, le ministère de l’Éducation a récemment accordé une subvention d’un million de dollars afin d’encourager la participation des parents en milieu scolaire et les aider à surmonter les obstacles qui s’opposent à leur participation, soit pour des raisons linguistiques, d’immigration récente ou de difficultés financières.

Plusieurs sont d’avis que la PAL et son coup de pouce financier sont en train d’apporter un souffle nouveau à la communauté francophone, et que cela contribuera à ralentir l’assimilation. À voir l’engouement du milieu scolaire de langue française, la communauté francophone de la province a raison de compter sur ses écoles et ses institutions communautaires pour protéger, transmettre et mettre en valeur la culture franco-ontarienne et la langue française.

Proportion d’élèves dans les écoles de langue française de l’Ontario (2004-2005)

Source : ministère de l’Éducation de l’Ontario

  • De tous les élèves de maternelle des conseils scolaires de l’Ontario, 5,5 % d’entre eux fréquentent une école de langue française. Quand on arrive à la 12e année, ce pourcentage chute à moins de 3 %.
  • Chaque année, de 500 à 600 élèves quittent les bancs d’école du système d’éducation de langue française pour poursuivre leur scolarité dans les écoles de langue anglaise.
  • Sur dix élèves qui commencent leurs études dans les écoles de langue française de l’Ontario, quatre quittent avant la fin du secondaire.

Environ 90 000 élèves fréquentent les écoles de langue française en Ontario.

Politique d’aménagement linguistique

La PAL propose des lignes directrices communes aux écoles élémentaires et secondaires de langue française. Elle intègre également un cadre de responsabilité axé sur les résultats et un cadre d’évaluation du rendement.

Les conseils scolaires de langue française ont dû élaborer des plans d’action locaux d’aménagement linguistique, l’an dernier, en collaboration avec les élèves, les parents et les organismes communautaires. Ces plans ont été approuvés par le ministère de l’Éducation en janvier dernier. Plusieurs de ces initiatives existaient déjà sous forme de projets pilotes. Le soutien financier permet notamment d’étendre certaines activités à plus d’écoles.

Dans le cadre de la deuxième phase de la mise en œuvre de cette politique, les conseils et administrations scolaires de langue française appliquent les plans qui sont centrés sur le recrutement et le maintien des effectifs scolaires, sur l’amélioration des compétences en communication orale des élèves, sur le renforcement de l’identité culturelle et sur le soutien accordé au personnel enseignant afin de lui permettre d’offrir des programmes de qualité dans un milieu minoritaire. Au printemps dernier, les conseils scolaires ont donné un compte rendu de leurs activités au Ministère.

Pour en savoir plus sur la PAL, consultez www.edu.gov.on.ca.