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Le lieutenant-gouverneur de l’Ontario

David Onley

attribue son succès à des enseignants remarquables

Trente ans après avoir terminé de rédiger un plan de 21 pages pour son roman, David Onley a reçu un appel du premier ministre lui demandant d’être le 28e lieutenant-gouverneur de l’Ontario.

Jour pour jour. Extraordinaire coïncidence, pense M. Onley.

Les événements, arrivés respectivement les 4 juillet 1977 et 4 juillet 2007, ont été marquants dans sa vie. Inattendus. Fortuits. Et d’une importance fulgurante.

L’écriture de Shuttle a déterminé le cours des trente années suivantes de sa vie. Et l’appel du premier ministre? M. Onley, journaliste et radiodiffuseur de carrière, dit avoir senti «son estomac faire un tonneau», exploit physiologiquement impossible, admet-il, mais c’est exactement ce qui lui est arrivé. Une petite voix lui a alors dit que tout allait changer.

Quelque 220 affaires officielles plus tard, le représentant de la reine en Ontario sourit en y pensant. Assis sur son scooter motorisé, vêtu d’un complet bleu et d’une cravate rouge, M. Onley, 57 ans, apporte une honnêteté toute royale à un poste que jamais il n’avait imaginé occuper un jour.

«Personne ne se réveille un bon matin en disant : “Ma foi, chérie, j’aimerais bien devenir lieutenant-gouverneur”», fait-il remarquer en riant, installé dans son grand bureau sobrement décoré. Le jaune clair des murs reflète la lumière qui entre à flots par les fenêtres de l’aile ouest de l’édifice de l’Assemblée législative à Queen’s Park.

Néanmoins, il a toujours eu beaucoup de respect pour le poste, ayant couvert plusieurs manifestations s’y rattachant, tels les Jeux du lieutenant-gouverneur du Variety Village, institués par John Black Aird.

Quand on l’a appelé, il était prêt. La capacité d’être paré à toute éventualité est l’un des traits que le lieutenant-gouverneur associe aux personnes qui ont joué un rôle important dans son éducation  : ses parents, l’enseignant de l’école du dimanche, Ernie Attenborough, le chef de la meute de louveteaux, M. Wooley, et M. Henson, qui dirigeait le club des garçons du vendredi soir.

«La capacité d’être paré à toute éventualité est l’un des traits que le lieutenant-gouverneur associe aux personnes qui ont joué un rôle important dans son éducation.»

À l’école, son enseignante à l’élémentaire, Mary Chapman, était un modèle de sollicitude. Son professeur de biologie, Ross Benns, démontrait une ténacité à toute épreuve et multipliait les encouragements, tandis que le directeur d’école, Jim Wade, incarnait la prévoyance.

C’est M. Wade, à titre de directeur de l’ancien Midland Avenue Collegiate Institute de Scarborough, qui a pris à part le président du conseil étudiant qu’était alors David Onley pour évaluer ses forces et ses faiblesses. «Tu es un homme d’idées, lui a dit M. Wade. Ta capacité d’organiser et d’administrer n’est pas aussi grande que ta capacité de penser. Tu pourrais un jour devenir premier ministre. Si tu le deviens, quoi que tu fasses, assure-toi d’avoir des personnes compétentes pour s’occuper de l’organisation et de l’administration. Ton travail à toi sera de fournir les idées.»

«Il y a des conversations qu’on n’oublie jamais, ajoute M. Onley. Je suis un homme d’idées et je l’ai toujours été.»

Né à Midland et élevé à Scarborough, M. Onley a déménagé à Toronto à la fin de 1957. Il avait contracté la polio à trois ans et demi, et sa famille savait qu’il aurait besoin de soins médicaux qu’une petite ville ne saurait fournir. Bien que son état l’eût forcé à s’absenter de l’école pendant de longues périodes, il n’a pas échappé aux soins et à l’attention de Mary Chapman.

Mme Chapman a enseigné à l’école publique Heron Park pendant 25 ans. David Onley a été son élève en 4e et en 6e année. Il se souvient du bâtiment, de sa structure d’après-guerre bâtie au même niveau que le trottoir, sans la moindre marche. En d’autres mots : accessible. Une opération l’a gardé à la maison une partie de sa 6e année, mais Mme Chapman veillait à ce qu’il soit au courant de tout ce qui se passait.

«C’était un très gentil petit garçon, se rappelle Mme Chapman, qui a maintenant 92 ans. Tout l’intéressait. Il voulait toujours faire comme les autres et se lever pour répondre aux questions.»

Pour sa part, M. Onley dit qu’elle était pour tous ses élèves «la version idéalisée de ce que leur maman aurait été si on l’avait laissée gérer une classe : aimante mais exigeante.

«Elle se souciait vraiment de ce qui se passait dans notre vie. Elle disait : “Si vous avez 11 sur 20, ce n’est pas parce que j’ai été méchante, c’est parce que vous l’avez mérité.” Elle nous incitait toujours à nous améliorer.»

Le lieutenant-gouverneur de l’Ontario, David Onley, célèbre les 25 ans d’enseignement de Mary Chapman, durant le 50e anniversaire de l’école publique Heron Park, en 1999.

Mme Chapman reconnaît que la sollicitude et la sévérité que lui reconnaît son ancien élève sont justifiées.

«Dans ce temps-là, les enseignants faisaient davantage partie de la famille que maintenant», précise-t-elle. La mère de M. Onley les a invités à dîner, elle et d’autres enseignants. Mme Chapman incitait aussi les camarades de classe de David à lui écrire des messages d’encouragement lorsqu’il était à l’hôpital.

La gratitude de M. Onley envers les enseignants, tant ceux qui l’ont formé que ceux qu’il rencontre dans les écoles et les classes de l’Ontario, est infiniment profonde.

«J’étais un bon élève, bien servi par le système. Certains de mes enseignants étaient excellents. Presque chaque personne qui a réussi peut penser à une enseignante ou à un enseignant qui a dit ou fait quelque chose qui a changé sa vie pour le mieux.»

Le regretté Ross Benns lui a enseigné la biologie en 10e année. M. Onley se souvient de ce qu’il a dit dans son cours d’introduction du début de l’année  : «Je m’attends à ce que tout le monde ait 100 pour cent dans cette classe, a-t-il dit. Et je promets de donner une pièce d’un dollar en argent – “à une époque où le dollar valait quelque chose” – à chaque élève qui obtiendra une note parfaite».

«Il nous a montré comment étudier, poursuit M. Onley. Tous les vendredis, M. Benns revoyait le travail de la semaine. Suivaient une révision mensuelle et une autre à la fin de chaque semestre. Les élèves arrivaient aux tests et aux examens bien préparés et s’attendaient à réussir. La plupart des élèves essayaient vraiment d’avoir 100 pour cent. Et le tiers de la classe y parvenait. Tous les élèves, sauf un, avaient une moyenne supérieure à 80 pour cent.»

Avant qu’on ne lui demande de voir son dollar en argent, le lieutenant-gouverneur dit qu’il a terminé l’année avec une moyenne de 96 pour cent. Si on insiste, il peut dire comment il a perdu les points manquants. Mais, dit-il, il s’agit d’un exemple «extrêmement positif» d’un enseignement propre à inspirer les élèves.

Aussi, souligne M. Onley, M. Benns a su captiver ses élèves en leur parlant, en 1964-1965, de l’ADN, ce qui constituait un concept nouveau et une révolution scientifique absolument stupéfiante. Le sujet était alors de niveau universitaire, mais M. Benns avait trouvé le moyen de l’intégrer au programme et d’en imprégner l’esprit de ses élèves.

«Si vous avez 11 sur 20, ce n’est pas parce que j’ai été méchante, c’est parce que vous l’avez mérité.»

En 13e année, M. Onley a de nouveau suivi un cours de M. Benns. Et, encore une fois, l’enseignant a livré son discours sur la capacité de chacun d’atteindre la perfection. «C’était un enseignant tout à fait extraordinaire», conclut M. Onley. 

Le lieutenant-gouverneur a terminé ses études secondaires au Midland Avenue Collegiate Institute en 1970 après avoir été «cordialement invité» à reprendre sa 12e année. Il soutient, en plaisantant, qu’il faisait partie d’une expérience secrète du ministère de l’Éducation visant à déterminer le nombre d’activités parascolaires auxquelles un élève pouvait s’adonner sans mettre ses notes irrémédiablement en péril.

«Environ 20, dit-il en souriant.

«Mes parents, et c’est tout à leur honneur, précise-t-il, avaient le sentiment qu’il était plus important de s’engager socialement à l’école secondaire que de passer son temps dans les livres.»

L’école secondaire de l’avenue Midland était à l’extérieur de sa région, de sorte qu’il devait prendre un taxi pour aller à l’école. Mais l’école disposait d’un fauteuil roulant et d’un ascenseur grâce auxquels M. Onley pouvait se déplacer d’un étage à l’autre.

Au sujet de sa carrière de 22 ans dans la télédiffusion – il a été le premier présentateur météo handicapé au Canada –, M. Onley avoue s’être retrouvé dans le journalisme «presque par hasard». Il a obtenu un diplôme universitaire en sciences politiques avant d’étudier le droit pendant un an. Son père Charles était l’avocat de l’ancienne ville de North York lorsque Mel Lastman en était le maire. Mais le jeune David Onley s’est rendu compte, au bout de quelques jours, qu’il ne deviendrait jamais avocat. Cependant, la discipline quasi militaire de l’école de droit lui a fait voir qui il était vraiment.

«Cette première année d’école de droit m’a appris à travailler et m’a fait voir de quoi j’étais capable, dit-il. Je n’avais jamais travaillé aussi fort avant cette expérience. Et, pour dire vrai, je n’ai jamais travaillé autant par la suite.»

Aprés cinq ans d’études universitaires, en se basant sur les conseils du service d’orientation du YMCA, et avec la vague idée en tête de travailler dans les médias, M. Onley a décidé de s’inscrire à un programme de journalisme. Cependant, l’établissement où il a fait sa demande ne voulait pas reconnaître les crédits de ses cours d’études postsecondaires. Comme il n’avait pas l’intention de tout recommencer et d’y consacrer quatre autres années avant de trouver un emploi, il est retourné chez lui et a écrit un roman sur le programme spatial.

Il a mis trois ans à écrire Shuttle et une autre année à le faire publier : le même temps qu’il aurait passé dans un programme de journalisme.

Mais l’ouvrage a servi à deux choses : il a fait de lui un expert médiatique du programme spatial canadien et il a retenu l’attention de Moses Znaimer. Le nouveau gourou des médias lui a offert un poste comme présentateur météo à CITY-TV et lui a dit de faire autant de reportages sur l’espace qu’il voulait et pouvait réaliser. M. Onley ajoute, en riant : «C’était une façon pour Moses de me donner deux em­plois pour le prix d’un.»

Encore là, il ne regrette rien. Cela faisait partie de son éducation.

Il sait que l’éducation est, de nos jours, une réalité bien différente.

«Les enseignants ont un rôle énorme à jouer dans la vie de nos enfants», reconnaît-il.

«Le sujet était alors de niveau universitaire, mais M. Benns avait trouvé le moyen de l’intégrer au programme.»

L’éducation et l’accessibilité sont pour lui des phénomènes inextricablement liés. L’éducation est une question d’accessibilité. Et pour faire la promotion de l’accessibilité, il faut éduquer la population, renseigner les gens sur les enjeux.

Permettre aux gens d’atteindre leur plein potentiel est un impératif à la fois économique et moral, soutient M. Onley. Les personnes qui peuvent prendre soin d’elles-mêmes se sentent bien dans leur peau et contribuent au développement économique et au bien-être de toute la communauté.

«Quand on pense aux possibilités d’emplois, aux démarches éclairées des employeurs, à la diminution des restrictions et à l’amélioration du système de transport des handicapés, qui découlent des mesures d’abolition des obstacles, on se rend compte que l’accessibilité est ce qui permet aux gens d’atteindre leur plein potentiel», explique le lieutenant-gouverneur.

En conséquence, il a promis de poursuivre l’initiative de son prédécesseur, James Bartleman, et de mettre plus de livres dans les mains des élèves autochtones de l’Ontario.

«Nous amènerons ces enfants, et aussi les chefs de leurs communautés, à l’ère de l’informatique, ajoute M. Onley.

«Si les enseignants peuvent maintenir le message d’inclusion, s’ils peuvent considérer l’accessibilité comme un moyen de permettre aux gens d’atteindre de nouveaux sommets, ils pourront appliquer ces préceptes sur tous les plans : aux études avancées comme à l’accessibilité à un ensemble de compétences», explique-t-il.

Quand on lui demande ce qu’il pense du chemin parcouru jusqu’à maintenant dans la réalisation d’un accès complet, M. Onley fait remarquer que l’un des objectifs de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario est d’avoir une société parfaitement intégrée et capable de s’acquitter de ses diverses fonctions d’ici 2025.

«Je crois que nous pourrons y arriver en sept ans et nous avons déjà une ou deux années derrière nous.

«Est-ce une coïncidence que mon mandat se termine dans cinq ans? ajoute-t-il en souriant. Non!»

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