L'enseignante remarquable de Chantal Hébert : Carol Schofield


À son arrivée à Toronto en 1966, Chantal Hébert était une jeune fille intelligente, précoce et timide qui ne parlait que le français. Son père venait d'être transféré de Hull au Québec.

Aujourd'hui, Hébert écrit pour le Toronto Star et Le Devoir sur la politique canadienne. Elle s'exprime en français et en anglais avec éloquence et sait de quoi elle parle. On l'invite régulièrement à titre d'analyste politique à Radio-Canada et à la CBC, tant à la radio qu'à la télévision.

Cette transition ne serait probablement jamais survenue n'eut été de Carol Schofield, son enseignante de littérature anglaise en 10e année à l'École secondaire catholique Monseigneur-de-Charbonnel à Toronto.

Hébert, qui avait déjà sauté une année ou deux, est entrée en 9e année à l'âge de 11 ans. Monseigneur-de-Charbonnel était une école catholique privée de langue française, la seule école secondaire à Toronto à cette époque. La loi prévoyait que trois matières - mathématiques, sciences et anglais - soient enseignées en anglais, même dans les écoles de langue française.


«Cela m'a sûrement aidée à me sortir de l'isolement, et dès qu'on ne se sent pas isolé, le monde s'ouvre...»

Quiconque a essayé d'apprendre une langue sans un enseignement approprié - il n'existait pas de méthode pour enseigner l'anglais langue seconde à l'époque - comprendra les difficultés qui se présentaient à elle. Lors de sa première année à Toronto, Hébert s'est fiée à son excellente mémoire pour obtenir les notes de passage en anglais et en sciences.

«Heureusement, en 9e année, le cours d'anglais se composait d'une série d'exercices de mémorisation de poèmes que je peux encore réciter dans certains cas», relate Hébert de son bureau d'Ottawa d'où elle fait la navette chaque semaine vers son domicile à Montréal. «Mais je ne les comprenais pas et je ne sais même pas qui en étaient les auteurs. J'ai fait la même chose en sciences. Je mémorisais le sommaire de chaque chapitre.»

Hébert ne sait vraiment pas ce qui se serait produit si elle n'avait pas abouti dans la classe de Carol Schofield. «J'aurais peut-être plié bagages et décidé de partir là où je n'aurais pas eu à me préoccuper de l'anglais», ajoute-t-elle en riant.

Heureusement, son cours d'anglais de 10e année a fait toute la différence pour Hébert qui soudainement avait devant elle une enseignante dont l'enthousiasme pour sa matière lui a permis de surmonter cet obstacle linguistique.

«Madame Schofield se passionnait pour la littérature anglaise, dit Hébert, et tout particulièrement pour Shakespeare. Elle nous lisait les pièces en interprétant chaque personnage. Elle avait des disques, des enregistrements de Stratford je crois bien, et les apportait en classe. Ils étaient extrêmement intéressants, et elle les mettait suffisamment en contexte pour que nous puissions nous y intéresser. Nous n'avions pas l'impression de simplement attendre la fin de la classe.»

L'amour de l'enseignante pour sa matière a piqué la curiosité d'Hébert, qui lisait déjà beaucoup; dès lors, elle s'est intéressée à plusieurs autres auteurs. «Elle m'avait convaincue qu'étant donné que j'aimais lire, il serait moins cher de lire en anglais. Et certains des livres semblaient plutôt bons. Même si je ne comprenais pas la moitié de ce qui se passait dans ces histoires, je me rappelle de Lost Horizon, Macbeth, The Mayor of Casterbridge, The Canterbury Tales

Hébert attribue sa capacité à écrire couramment en anglais aujourd'hui à l'influence de Schofield qui l'a persuadée de lire la littérature de langue anglaise. «J'ai lu tant de livres que j'en suis devenue capable d'écrire en anglais.» Et Hébert lit toujours autant qu'avant, dit-elle, trois livres en anglais et deux en français chaque semaine. «Et j'aime toujours Shakespeare», précise-t-elle.

L'enthousiasme de Schofield a même incité Hébert à donner une réponse en classe, chose rare dont elle se rappelle encore aujourd'hui. «C'était pendant un cours sur Macbeth. Elle a posé une question, et c'est alors que j'ai levé la main en me disant "Mais qu'est-ce que je fais? Je ne parle pas cette langue-là." Je crois que toute la classe m'a dévisagée en pensant "La pauvre, elle ne sait pas ce qu'elle fait. "J'ai probablement répondu à la question, mais ma réponse a dû être très courte. Je regrettais déjà mon geste», dit-elle.

En repensant à ces années, Hébert se dit impressionnée par ce que Schofield a réussi à accomplir. «Fallait le faire. Avec le recul, je crois que cette enseignante en faisait plus que d'autres. Il y avait toujours cinq ou six élèves comme moi qui venaient tout juste de déménager à Toronto et qui pouvaient à peine parler anglais. Et elle devait enseigner à tous ces élèves. D'avoir réussi à maintenir ce degré d'intensité représente tout un exploit.»

L'influence de Schofield lui a permis de tolérer une expérience difficile, ajoute Hébert. «Je ne voulais pas déménager à Toronto. Je n'aimais pas être incapable de parler anglais, ce qui était très difficile sur le plan social. Et même dans les écoles de langue française à Toronto, les élèves avaient tendance à communiquer en anglais entre eux. C'était donc un obstacle. Mais je m'en suis remise plus rapidement dès que je me suis intéressée à la classe d'anglais de Madame Schofield.

«Cela m'a sûrement aidée à me sortir de l'isolement, et dès qu'on ne se sent pas isolé pour des raisons linguistiques, sa perspective change. Le monde n'est plus pareil. Le monde s'ouvre et c'est tellement plus agréable.»

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