La pénurie d’enseignants est révolue
La pénurie d’enseignants qui a sévi au cours des sept dernières
années en Ontario est révolue, mais il reste des trous à combler.
de Frank McIntyre
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La pénurie d’enseignants en Ontario est chose du passé.
Cette nouvelle est cependant une piètre consolation pour les directeurs
d’école qui n’arrivent pas à trouver d’enseignants qualifiés pour combler
des postes vacants dans certains domaines.
Ces problèmes en dotation du personnel, notamment en français, en mathématiques,
en sciences et en technologie, pourraient également devenir bientôt histoire
ancienne si le gouvernement et les facultés d’éducation y répondent aussi
efficacement qu’ils l’ont fait, il y a huit ans, pour contrecarrer la
pénurie d’enseignants généralistes dans la province.
Depuis 1999, le nombre de nouveaux enseignants a augmenté considérablement
chaque année. Grâce à cette croissance de la population enseignante,
les conseils scolaires ont été en mesure d’embaucher les remplaçants
à long terme dont ils avaient besoin pour combler les nombreux départs
à la retraite.
Le gouvernement et les facultés d’éducation de l’Ontario et de l’État
de New York ont tenu compte des avertissements de l’Ordre et des autres
intervenants, d’où l’augmentation du nombre de nouveaux enseignants.
Depuis les records atteints il y a quelques années, le taux annuel de
départs à la retraite a considérablement diminué et continue de baisser.
Pour la première fois en Ontario depuis le milieu des années 90, le besoin
de nouveaux enseignants se fait bien moins sentir.
Toutefois, les conseils scolaires ont toujours de la difficulté à engager
du personnel de remplacement qualifié dans certains domaines. Les enseignants
spécialisés en français langue maternelle et langue seconde, en technologie,
en physique, en chimie et en mathématiques sont toujours en grande demande.
On avait prédit la pénurie
Pour parler profession publiait, pour la première fois en 1997,
des articles qui alertaient la province au sujet d’une pénurie d’enseignants
qualifiés entre 1998 et 2005, principalement à cause du grand nombre
d’enseignants embauchés dans les années soixante et au début des années
soixante-dix qui allaient partir à la retraite en masse.
En 1998, la première étude s’appuyant sur le tout nouveau tableau des
membres de l’Ordre a permis aux intervenants en éducation de mieux comprendre
les besoins émergents des conseils scolaires devant cette pénurie imminente.
La demande à la hausse allait s’étaler sur tous les domaines de l’élémentaire
et du secondaire, dans toutes les régions de la province.
L’Ordre avait alors prédit des départs à la retraite en grand nombre
et les retombées qu’ils entraîneraient sur la demande d’enseignants généralistes
à l’élémentaire et au secondaire, et sur certaines matières du secondaire
comme le français langue seconde et les études technologiques, ou encore
sur des postes exigeant des qualifications spéciales, comme directeur
adjoint ou directeur d’école.
«D’une moyenne annuelle de 4 000 départs
à la retraite par an de 1993 à 1997, l’exode est passé à 7 000 par
an entre 1998 et 2002.»
La même année, le conseil de l’Ordre avait fortement recommandé à la
province de financer 10 000 places supplémentaires sur une
période de cinq ans dans les facultés d’éducation de l’Ontario.
Une analyse des données de 1999 de l’Ordre et du Régime de retraite
des enseignantes et des enseignants de l’Ontario a confirmé le taux excessivement
élevé de départs à la retraite à prévoir jusqu’en 2005.
D’une moyenne annuelle de 4 000 départs à la retraite par
an de 1993 à 1997, l’exode est passé à 7 000 par an entre 1998 et
2002. En 2003, il était de 5 500. Vers la fin de notre décennie,
on s’attend à un taux plus près des tendances normales, soit autour de
4 500 départs annuels.
Population enseignante à la hausse
Le gouvernement de l’Ontario a réagi à l’appel de l’Ordre. Le nombre
de places financées dans le programme de formation à l’enseignement d’un
an est passé de 5 000 en 1998-1999 à 6 500 en
2000-2001, niveau qui se maintient en 2005-2006.
En tenant compte des diplômés de 2005-2006, la province a financé 9 000 places
de plus dans les programmes des facultés d’éducation que si le niveau
de financement était resté le même qu’en 1998-1999. En fait, le nombre
de places aurait plafonné.
De plus, des nouveaux programmes de formation à l’enseignement ont été
mis en œuvre, comme ceux de l’Institut de technologie de l’Université
de l’Ontario et de l’Université Trent.
Durant cette période, grâce aux nouveaux postes en enseignement disponibles
en Ontario, l’intérêt pour la profession s’est ravivée. De moins de 8 000 postulants
en 1997 et en 1998 (le taux le plus bas jamais enregistré),
on est passé à 15 000 par an dans les années qui suivirent,
d’après le Centre de demande d’admission aux universités de l’Ontario.
«Seulement environ un enseignant sur treize quitte
la profession au cours de ses trois premières années de pratique.»
Malgré l’augmentation du nombre de places dans les programmes de formation
à l’enseignement de la province, l’offre ne suit pas la demande. De nombreux
Ontariens se sont tournés vers les universités frontalières des États-Unis
pour suivre leur formation à l’enseignement. Le nombre de nouveaux enseignants
de l’Ontario diplômés d’une université américaine a augmenté considérablement,
passant d’une moyenne d’environ 500 par an en 1998 et en 1999 à
environ 1 300 entre 2002 et 2004.
L’augmentation du financement des facultés d’éducation de l’Ontario,
l’introduction de nouveaux programmes et la croissance du nombre de diplômés
des universités frontalières ont contribué à former, entre 2000 et
2005, 12 000 enseignants de plus que si le niveau de 1999 s’était
maintenu. Cette croissance a permis de répondre à la pénurie d’enseignants
que le conseil de l’Ordre avait identifiée en 1998.
Notre décennie
Outre la baisse des départs à la retraite, moins d’enseignants quittent
la profession en début de carrière. Beaucoup plus de nouveaux enseignants
demeurent dans la profession en Ontario comparativement à bien d’autres
endroits. En effet, seulement environ un enseignant sur treize quitte
la profession au cours de ses trois premières années de pratique.
De plus, certains retraités optent pour des possibilités de préretraite
qui sont désormais offertes par le Régime de retraite des enseignantes
et des enseignants de l’Ontario : ils peuvent enseigner jusqu’à
90 jours de classe par année scolaire pendant quelques années de
plus. Cette situation augmente donc davantage le nombre d’enseignants
disponibles.
Ces revirements de situation récents (augmentation du nombre d’enseignants,
baisse du taux de départ des nouveaux enseignants, hausse du nombre de
retraités continuant à enseigner) ont provoqué la croissance de la population
enseignante. Le nombre de membres à l’Ordre est passé de 172 000 en
1998 à 193 000 en 2004.
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Le 40e groupe de diplômés en éducation
de l’Université Brock : des personnes enthousiastes et prêtes
à remplacer les enseignants à la retraite de l’Ontario.
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Signes d’un trop grand nombre d’enseignants
L’étude de l’Ordre sur la transition à l’enseignement met en lumière
que déjà, certains nouveaux enseignants éprouvent plus de difficultés
à trouver un emploi à mesure que la pénurie d’enseignants se fait oublier.
Dans la 3e année d’étude, l’Ordre a découvert que, bien
que les diplômés en éducation de 2003 ont trouvé du travail en enseignement
avant mars 2004, seulement 45 % d’entre eux avaient obtenu des postes
permanents, contre 55 % en 2002 et 70 % en 2001.
La difficulté de trouver des postes permanents prouve aux conseils scolaires
de la province que nous sortons petit à petit de la période de grande
demande.
Pour les néo-canadiens membres de l’Ordre en 2003, la perspective d’emploi
est encore plus alarmante : en mars 2004, 15 % d’entre eux
n’avaient pas trouvé d’emplois convenables, et parmi ceux qui enseignaient,
seulement 38 % avaient un poste permanent.
Une certaine pénurie persiste
Bien que la pénurie d’enseignants généralistes soit bel et bien révolue
en Ontario, les conseils scolaires font toujours face à des défis en
dotation du personnel afin de remplir des postes exigeant des qualifications
particulières.
Notre étude sur la transition à l’enseignement a permis de découvrir
en 2004 que les nouveaux diplômés dans certains domaines sont toujours
en grande demande, surtout ceux qui ont suivi des programmes de formation
en français et ceux qui sont spécialisés en physique, en chimie, en mathématiques,
en informatique, en études commerciales et en études technologiques.
Parmi les diplômés de 2003, ceux qui possèdent l’une de ces qualifications
avaient 50 % plus de chances de trouver un poste permanent l’année
suivant la remise de leur diplôme.
Un autre indice de pénurie dans certains domaines spécialisés est le
nombre grandissant chaque année de demandes des conseils scolaires pour
obtenir des permissions spéciales en vue d’engager du personnel. Au cours
des trois dernières années, les conseils scolaires ont demandé annuellement
de 2 700 à 3 000 permissions spéciales ou autorisations
temporaires parce qu’ils n’avaient pas réussi à trouver du personnel
qualifié en vertu du règlement.
«L’étude sur la transition à l’enseignement de l’Ordre
a permis de découvrir en 2004 que les nouveaux diplômés dans certains
domaines sont toujours en grande demande.»
Selon les données du ministère de l’Éducation, 1 200 lettres
de permission sont émises aux conseils scolaires chaque année.
Parmi les domaines en demande, notons le français langue maternelle,
le français et l’anglais langues secondes, les études technologiques,
les langues internationales, les études commerciales, l’éducation à l’enfance
en difficulté, les sciences et les mathématiques.
L’Ordre accorde des approbations temporaires quand un conseil scolaire,
après avoir tenté de combler, sans succès, un poste qui exige des qualifications
particulières, offre ce poste à un enseignant membre de l’Ordre qui n’a
pas les qualifications additionnelles requises.
L’Ordre a accordé 1 500 approbations temporaires en 2003-2004,
soit une année scolaire record. Les qualifications les plus demandées
depuis les débuts de l’Ordre sont : français langue seconde, éducation
à l’enfance en difficulté, bibliothéconomie et anglais langue seconde.
Se charger de l’avenir
Bien que la pénurie d’enseignants généralistes ait été contrecarrée
avec succès, davantage d’attention et de ressources seront toutefois
nécessaires pour faire face au manque d’enseignants qualifiés dans certains
domaines. L’embauche ciblée et le soutien à l’intégration au travail
aideront à soulager la pression sur les épaules des conseils scolaires
de l’Ontario.
En outre, il faut redoubler d’efforts pour attirer et soutenir les étudiants
des programmes en éducation de langue française, ainsi que ceux qui ont
acquis de l’expérience en sciences, en mathématiques et en études technologiques.
«Les qualifications les plus demandées depuis les
débuts de l’Ordre sont : français langue seconde, éducation à
l’enfance en difficulté, bibliothéconomie et anglais langue seconde.»
L’appui à l’insertion professionnelle est une autre façon de répondre
au besoin. L’étude de l’Ordre sur la transition à l’enseignement continue
de montrer que nombre de nouveaux enseignants se voient confier des tâches
dans des domaines comme l’éducation à l’enfance en difficulté et le français
langue seconde, pour lesquelles ils ont peu ou pas de préparation, et
reçoivent peu de soutien.
De meilleurs programmes d’insertion professionnelle contribueront au
succès de ces enseignants et les encourageront à enseigner dans ces domaines
en grande demande et à rester plus longtemps que s’ils étaient laissés
à euxmêmes.
L’étude sur la transition à l’enseignement de 2004 a aussi démontré
que maints enseignants néo-canadiens, y compris ceux qui possèdent des
qualifications dans les domaines en demande comme les sciences et les
mathématiques et qui répondent aux critères d’inscription à l’Ordre,
n’ont pas réussi à trouver de postes permanents. Un meilleur appui à
l’insertion professionnelle pourrait également permettre d’affronter
les derniers vestiges de la pénurie d’enseignants en Ontario.
La pénurie de directeurs d’école perdure
La vague de départs à la retraite qui a balayé la profession enseignante
au cours des sept dernières années a provoqué des problèmes de dotation
du personnel au chapitre des postes de directeur d’école et de directeur
adjoint. En décembre 2000, l’Ordre prévoyait que plus de 75 % des
membres qualifiés pour occuper l’un de ces postes partiraient à la retraite
au cours de la décennie, et que près de la moitié d’entre eux le ferait
avant 2005. Ces départs ont grandement affecté les agents de recrutement
des conseils scolaires.
Chaque année, les conseils scolaires de langues française et anglaise
ont rapporté leur échec à combler des postes de directeur d’école et
de directeur adjoint. Depuis l’an 2000, l’Ordre a émis en moyenne 175
approbations temporaires annuellement en vue d’affecter des enseignants
n’ayant pas les qualifications requises à des postes de direction.
Jusqu’à maintenant, au cours de la présente décennie, environ 1 000
enseignants de l’Ontario obtiennent chaque année une qualification additionnelle
de directeur d’école. Malgré ce nombre, l’Ordre a émis plus de 175 approbations
temporaires au cours de l’année scolaire 2004-2005.
La pénurie d’enseignants qualifiés pour occuper des postes de direction
est toutefois plus grave au sein des conseils scolaires de langue française.
En effet, ces conseils demandent en moyenne 20 % des approbations
temporaires annuellement. Ce taux est extrêmement disproportionné puisque
ces conseils ne représentent que 5 % de la population totale des
élèves de la province.
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