Éducation environnementalede Michael BenedictVirage vertde Bronwyn ChesterPédagogie culturellede Véronique BoudreauEst-ce qu’on peut être amis?de Stuart Foxman |
Éducation environnementaleÉducation environnementalede Michael BenedictLaura, Kathy, Amy et Valerie, quatre élèves de 7e année, sont concentrées. Elles travaillent pour préserver la planète. Elles branchent les fils qui relient les éléments d’un panneau solaire composé de 12 cellules disposées en quatre rangées et trois colonnes. Ensuite, Laura installe la vitre protectrice, place le panneau sous une lumière et mesure le voltage. Le voltmètre indique 6,5 volts. «Essayons au soleil», propose Amy, 12 ans. Les filles, qui fréquentent la Windfields Junior High School du Toronto District School Board, courent à l’autre bout de la classe où le soleil brille. «Sept virgule cinq!», crie Amy. «Penchez-le plus vers le soleil, conseille Laura, 12 ans. Huit volts. Wow, le soleil produit beaucoup plus d’énergie que la lampe!» Elles proviennent de deux classes de sciences et géographie de 7e année qui participent à un atelier d’un avant-midi organisé par la Toronto Renewable Energy Co-operative (TREC), organisme sans but lucratif de promotion de l’énergie renouvelable et de l’économie d’énergie. Plus de 4 000 élèves de 5e, 7e et 9e années ont participé au programme de la TREC cette année, mais il y en aura beaucoup d’autres en 2009-2010 grâce à un changement important apporté récemment au curriculum ontarien. Annoncée en février, la nouvelle politique d’éducation environnementale du ministère de l’Éducation est draconienne, ambitieuse et porteuse de changement. Elle vise à rendre l’éducation environnementale omniprésente. D’après le document de politique Préparons l’avenir dès aujourd’hui, le Ministère «intégrera des attentes et des occasions d’apprentissage en matière d’éducation environnementale à l’ensemble du curriculum de l’Ontario pour toutes les années d’études, les matières et les disciplines scolaires». Aucun autre territoire de compétence canadien n’est allé aussi loin, et les fonctionnaires du Ministère disent qu’il n’y a rien de tel aux États-Unis. Après l’annonce de cette nouvelle politique, qui place l’éducation environnementale sur un pied d’égalité avec la numératie et la littératie, la ministre de l’Éducation, Kathleen Wynne, a expliqué son formidable objectif. «Nous voulons que tous les élèves deviennent des citoyens respectueux de l’environnement à la fin du secondaire», a-t-elle déclaré devant les quelque 500 pédagogues réunis pour le symposium de deux jours sur l’éducation environnementale qui s’est tenu les 25 et 26 février derniers.
Ce virage va au-delà de la sensibilisation des jeunes à l’état de l’environnement et aux causes de sa fragilité. «La politique vise plus que les symptômes évidents des enjeux environnementaux – la pollution de l’air et de l’eau, par exemple – pour englober les causes sous-jacentes qui trouvent leur source dans les valeurs personnelles et sociales, et les structures organisationnelles», peut-on lire dans Préparons l’avenir dès aujourd’hui. Qui plus est, la politique vise à remplacer les valeurs de consommation par des valeurs de développement durable. «Elle cherche à changer les comportements individuels et les pratiques organisationnelles dans le but de réduire leurs empreintes écologiques tout en favorisant un engagement communautaire accru pour atteindre ce même but.» Visiblement, l’éducation environnementale va désormais au-delà des gestes symboliques comme enlacer des arbres ou encore éteindre les lumières et recycler les déchets. Comme le dit le document de politique du Ministère : «L’éducation environnementale est l’éducation concernant l’environnement, pour l’environnement et dans l’environnement.» L’éducation environnementale vise à favoriser une compréhension et une appréciation des interactions dynamiques entre «la dépendance de nos systèmes sociaux et économiques à l’égard de ces systèmes naturels» et «les conséquences positives et négatives […] des interactions entre les systèmes créés par l’homme et les systèmes naturels». Bref, le développement durable remplace les sciences naturelles. «La viabilité fait ressortir l’interdépendance et l’ampleur de l’éducation environnementale», soutient Kim Wallace, coprésidente de l’équipe de gestion de l’environnement du Halton District School Board et présentatrice de l’un des 70 ateliers du symposium. «La viabilité intègre l’éducation environnementale à l’apprentissage. Il ne s’agit pas seulement de sauver la nature et de veiller au développement durable à l’échelle mondiale.»
Les environnementalistes présents au symposium ont accueilli cette nouvelle avec enthousiasme. «Nous attendions cela depuis belle lurette, rétorque Tim Grant, ancien enseignant du secondaire, maintenant corédacteur en chef de Green Teacher, revue trimestrielle rédigée à Toronto dont près de la moitié des lecteurs sont américains. Il a fallu des années pour inciter le Ministère à faire de l’éducation environnementale une priorité au même titre que les autres matières.» M. Grant reconnaît le travail du Ministère qui a «pris beaucoup de précautions» et a consulté abondamment avant d’annoncer sa nouvelle politique. «Il a tapé dans le mille», dit-il. «Le Ministère est à l’écoute, admet Elise Houghton, présidente d’Environmental Education Ontario, groupe de pression créé en 2000, lorsque l’éducation environnementale a été retirée du programme. C’est un grand pas pour l’Ontario et pour les jeunes.» Il faudra adapter la formation et les méthodes d’enseignement à cette nouvelle politique. À l’ouverture du symposium, Grant Clarke, sous-ministre adjoint de la Division de la planification stratégique et des programmes de l’éducation élémentaire et secondaire, a promis d’aider et de soutenir le personnel enseignant. «Nous allons nous concentrer sur les capacités du personnel enseignant, a-t-il dit. Vous avez besoin de bons outils et de confiance pour intégrer l’éducation environnementale à la matière.» Le ministère de l’Éducation promet beaucoup de soutien pour favoriser l’intégration des notions environnementales à l’enseignement du français et des mathématiques. «En mathématiques, il suffit d’ajouter une dimension environnementale aux problèmes, comme le calcul du débit d’eau ou de l’indice de pollution, explique M. Clarke dans une entrevue. En littératie, les enseignants peuvent se servir des innombrables textes et poèmes sur l’environnement.» M. Clarke ajoute que les enseignants peuvent puiser dans deux documents du Ministère, à savoir Éducation environnementale : Portée et enchaînement des attentes et contenus d’apprentissage pour les élèves de la 1re à la 8e année et pour les élèves de la 9e à la 12e année. Ces guides, qui seront mis à jour chaque année, proposent des moyens d’intégrer l’éducation environnementale à toutes les matières.
Penser vert, agir pour l’avenir! (PDF), guide de 2007 qui renferme une foule d’idées pratiques et de stratégies pour favoriser l’éducation environnementale, sera mis à jour à temps pour l’adoption de la nouvelle politique l’automne prochain. Ce document de 63 pages relate de nombreuses initiatives originales mises de l’avant par des écoles et des conseils scolaires de la province en matière d’éducation environnementale. Prenons l’exemple d’Enviroworks, entreprise appartenant au Limestone District School Board et exploitée par des élèves de la région de Kingston, qui vend des matériaux de construction récupérés auprès d’entrepreneurs et de sites d’enfouissement. L’entreprise cherche à réduire les déchets de construction, tout en inculquant aux élèves des notions de gestion. Il y a aussi le Community Environmental Leadership Program (CLEP) dans la région de Guelph. Pendant un semestre, des élèves de 10e et de 12e année étudient dans un contexte communautaire et parascolaire. Ils suivent quatre cours agréés dont l’environnement est le thème central. Selon le temps de l’année, les élèves participent soit à une expédition en canot de cinq nuits, soit à un camp d’hiver. (Pour en savoir davantage sur les initiatives scolaires, reportez-vous à «Virage vert».) Le programme de sciences comprend deux nouveaux cours en sciences de l’environnement destinés aux élèves de 11e année, soit un cours préuniversitaire/précollégial et un cours préemploi. Parmi les sujets abordés, on trouve les effets de l’environnement sur la santé publique, le rôle des sciences dans les grands enjeux environnementaux, et l’agriculture et la foresterie durables. Les conseils scolaires peuvent offrir une majeure de haute spécialisation en éducation environnementale. M. Clarke souligne que le Ministère travaille avec divers intervenants, dont la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’Ontario et des groupes de défense de l’environnement, à un programme de formation en éducation environnementale qui se donnera dès l’été. Le Ministère incite les facultés d’éducation à incorporer l’éducation environnementale au programme de formation à l’enseignement. L’Ordre joue aussi un rôle important. Le Ministère promet de collaborer avec l’Ordre à incorporer l’éducation environnementale aux lignes directrices des cours menant à une qualification additionnelle et à veiller à ce que les cours menant à une qualification additionnelle tiennent compte de l’éducation environnementale.
Pour sa part, l’Ordre est heureux d’adopter cette nouvelle politique. «Nous prévoyons ajouter un cours menant à une qualification additionnelle portant sur l’intégration de l’éducation environnementale, a déclaré Margaret Aubé, chef de projet – Réglementation sur les qualifications requises pour enseigner. De plus, avant d’agréer de nouveaux cours, nous allons nous assurer qu’ils tiennent compte des nouvelles directives en matière d’éducation environnementale.» Les enseignants et les élèves ne sont pas les seuls agents de changement visés par le programme Préparons l’avenir dès aujourd’hui. Ils devront travailler en collaboration avec leur collectivité pour assurer la viabilité des initiatives. Il en va de même pour les écoles et les conseils scolaires. L’un des objectifs de la politique est la mise en œuvre et la promotion de «pratiques écoresponsables à travers le système d’éducation afin que le personnel scolaire, les parents, les membres de la communauté et les élèves puissent adopter un mode de vie qui encourage le développement durable». Ici, comme dans la salle de classe, le programme sera adapté aux besoins de la clientèle et la transition se fera graduellement. Le document précise que «les conseils scolaires seront donc tenus de réviser leur politique d’éducation environnementale ou d’en adopter une en collaboration avec leurs partenaires communautaires, de manière à ce qu’elle reflète leurs particularités locales». Autrement dit, «l’éducation environnementale doit répondre aux besoins des élèves à l’égard de leur culture, leur langue, leur sexe, leur capacité et d’autres aspects de la diversité».
Ainsi, les écoles «fourniront aux élèves des occasions d’aborder des questions environnementales à la maison et à l’échelle locale et mondiale». De nombreuses écoles ont déjà présenté une demande d’adhésion au programme EcoSchools. Ontario EcoSchools est un organisme sans but lucratif qui attribue aux écoles la certification «École éco-citoyenne» bronze, argent ou or, selon certains critères d’économie d’énergie, de réduction des déchets, de connaissances en écologie et d’écologisation de la cour d’école. Pendant l’année scolaire 2007-2008, le nombre d’éco-écoles en Ontario a plus que doublé pour atteindre 540. Les conseils scolaires ont encore plus d’obligations. Selon le document de politique, les conseils scolaires devront :
De son côté, Joanna Slezak, coordonnatrice de l’éducation de la Toronto Renewable Energy Co-operative, a ses propres ambitions. Installée sur le site de l’Exposition nationale canadienne (ENC), la coopérative organise depuis deux ans, pour les élèves de 5e année, des ateliers incluant une démonstration d’énergie éolienne et une visite guidée de l’éolienne de l’ENC, la seule à Toronto. Cette année, la coopérative a ajouté l’exercice de fabrication de panneaux solaires pour les élèves de 7e et 9e année, un complément aux programmes de sciences et de géographie. Mme Slezak, qui a conçu le programme dans ses temps libres, se réjouit de la nouvelle politique d’éducation environnementale intégrée à tous les cours et à toutes les années. «Nous pourrons sensibiliser tous les élèves au développement durable.» Stacey Taylor, enseignante de 7e année en sciences à l’école Windfields, qui a organisé la visite, appuie l’intégration de l’éducation environnementale à toutes les matières. «C’est possible, souligne Mme Taylor, qui enseigne aussi les mathématiques. Ce ne sont pas les occasions qui manquent. En mathématiques, vous pouvez mesurer l’efficacité énergétique. En littératie, vous pouvez étudier la relation entre une publicité et l’environnement. En arts plastiques, vous pouvez créer des affiches.» Si ses collègues partagent son enthousiasme et sa volonté de changement, la nouvelle politique sera couronnée de succès. Chose certaine, ses élèves sont sur la bonne voie. «Fabriquer des panneaux solaires, c’est super», affirme Laura. «C’est agréable à fabriquer et à tester. Ça m’a aidée à mieux comprendre comment ça fonctionne», conclut Amy. |