Enseigner à l'étranger :
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de Joe Crone «Hé, oncle Joe! Je crois que Snuffybum va encore avoir des bébés!» Amber se lève sur la pointe des pieds pour me faire un câlin. Snuffybum, c'est son cochon d'Inde. «Il est où, le petit nombril?» Lui, c'est Colin. Il ne peut commencer sa journée sans me mettre le doigt dans le nombril. Allez savoir pourquoi. «C'était super la promenade d'hier, oncle Joe, mais j'étais sûr qu'on s'était perdus», déclare Steven. Dimanche dernier, Steven, mon fils Dylan et moi-même sommes partis explorer le fabuleux sentier d'une vieille forêt. «Oncle Joe, j'ai inscrit ta famille au tournoi de tennis de ce week-end», annonce oncle Peter, la tête dans l'entrebâillement de la porte. Et moi de répondre : «Merci, oncle Peter. On y sera!» Il me tarde déjà d'utiliser ma nouvelle raquette. «J'ai trop hâte d'aller faire du camping sur l'île Managaha. Quand est-ce qu'on y va, oncle Joe?», demandent en cur Bo Yoon et Kanani, les yeux pétillant d'excitation. On se croirait à une réunion de famille, l'été. Mais non. C'est lundi matin dans ma classe, environ 20 minutes avant le début des cours. Il y a déjà trois ans que j'enseigne à l'école Whispering Palms de Saipan, dans l'archipel de Mariana. Saipan est une île de 15 km de long sur cinq de large à l'est des Philippines, au sud du Japon et au nord de la Papouasie - Nouvelle Guinée. Un monde réellement à part. Les 52 élèves de mon école m'appellent oncle Joe. J'enseigne aux 16 élèves des 4e, 5e et 6e années. En juin 2001, alors que je travaillais pour le conseil scolaire de la région de York, j'ai reçu un coup de fil d'oncle Tom, propriétaire et directeur de l'école Whispering Palms. Quelqu'un de passage à Saipan lui avait refilé mon nom et mon numéro de téléphone. Notre école, m'a-t-il décrit, est comme une grande famille où enseignants et parents sont appelés «oncles» et «tantes», où l'école entière part en camping pendant trois jours sur l'île Managaha, au milieu du lagon, où chacun, de la maternelle à la 8e année, participe à une représentation théâtrale de qualité, deux fois l'an. C'est un milieu où les traditions sont bien ancrées, où les attentes très élevées par rapport au rendement scolaire, et où l'on cultive l'amour envers son prochain. Après trois semaines d'échanges téléphoniques, ma famille et moi avons décidé de tout vendre pour risquer l'aventure et déménager à l'autre bout de la planète. Ce n'est qu'au cours de notre dernière conversation que j'ai fini par demander le nom de famille de Tom. C'est comme ça, à Saipan.
Travailler sur cette île s'est avéré extrêmement enrichissant. J'ai eu la chance d'enseigner pendant deux ans à mon aîné, Keenan, et pendant un an à mon benjamin, Dylan. C'est ainsi que j'ai saisi l'importance d'adapter les leçons et les attentes en fonction des besoins et des aptitudes de chaque enfant. J'enseigne dans une école de village. Les parents de mes élèves sont mes amis. Cela m'a fait comprendre l'impact que peuvent avoir les paroles et les gestes de l'enseignant sur la vie de l'élève. J'ai appris que le plus important, pour un enseignant, c'est d'établir une bonne relation avec ses élèves fondée sur l'appréciation et le respect mutuel. Ce qui est bien plus facile à faire lorsqu'on a 16 élèves plutôt que 35. Tout n'a pas été facile. Il nous a fallu un certain temps, à ma famille et à moi-même, pour nous ajuster à la culture. J'ai beau vivre sur une île exotique, je n'en travaille pas moins. La différence est que tout ce que je fais a une incidence directe sur l'éducation et le bien-être de mes élèves. Dans une école où le personnel se limite à quatre personnes, les choses n'arrivent pas toutes seules. Si vous voulez des activités parascolaires, c'est à vous de les organiser. Ayant eu mes deux fils comme élèves, j'en ai vite compris l'importance. Je n'ai donc pas hésité à organiser un club d'échecs et des dîners-pizzas, ni à monter une pièce de théâtre et une équipe de soccer. J'ai aussi appris à fabriquer des buts de soccer portatifs à l'aide de vieux tubs de PVC. À Saipan, la débrouillardise est vraiment un atout. En ce moment, je m'apprête à fonder une ligue de soccer pour l'île entière. Partir pour Saipan n'était pas sans risques. Je laissais derrière moi tout ce qu'on m'avait dit être important. Mais les dividendes, tant sur le plan personnel que professionnel, ont été considérables. Je retournerai probablement en Ontario l'an prochain, mais pour combien de temps, je l'ignore. Saipan est un monde réellement fascinant que je commence à peine à découvrir Joe Crone enseigne depuis 1989. Il est également auteur-compositeur. Vous pouvez visiter son site web à www.joecrone.com. |