Un enseignant exemplaire :
John Cordukes


L'art d'enseigner les sciences avec enthousiasme et créativité

 

de Leanne Miller

Il souhaite intégrer la technologie à ses cours et, en même temps, sensibiliser davantage les élèves aux problèmes environnementaux de la planète en éveillant leur conscience sociale et en leur inculquant le sens des responsabilités face à l'environnement. De qui s'agit-il? Du vétéran de l'enseignement John Cordukes, du Cobourg District Collegiate Institute West (conseil scolaire de Kawartha Pine Ridge), l'un des 72 lauréats canadiens d'un Prix du premier ministre pour l'excellence dans l'enseignement 2003. Ce prix «récompense des enseignants qui donnent aux élèves les outils nécessaires pour devenir de bons citoyens, s'épanouir et réussir, tout en contribuant à la croissance, à la prospérité et au bien-être du Canada».

Un site de sciences au profit de la réussite scolaire

En 2000, M. Cordukes et son collègue Niels Walkau ont conçu un site web de sciences (www2.kpr.edu.on.ca/cdciw/science/index.htm) dans le but de motiver leurs élèves et de «connecter» les sciences à la réalité. Ce site offre aux jeunes une myriade de possibilités : aide aux devoirs, conseils d'étude ou de préparation aux tests, tests de pratique, registre à jour des résultats, diaporam-as de travaux d'élèves, vidéoclips d'activités scientifiques importantes, liens vers des articles d'enrichissement, mots croisés, et même une invitation à demander de l'aide aux enseignants.

Sans doute plus remarquables encore sont les photos des travaux d'élèves et des élèves eux-mêmes qu'on y trouve. M. Cordukes explique : «Les jeunes tirent une motivation de se voir dans le site. Ils adorent pouvoir montrer à grand-maman, qui habite au loin, ce qu'ils font en classe; ils sont fiers de voir leurs travaux accessibles au grand public.»

Les élèves de John Cordukes savent manier un appareil photo numérique. «Dans nos sorties, les jeunes photographient la faune et la flore, ce qui facilite les descriptions dans leur rapport. En classe, ils dessinent et prennent des photos de ce qu'ils examinent au microscope. Ces deux perspectives les aident à décrire les objets microscopiques avec rigueur et précision. Il importe aussi qu'ils se familiarisent avec la technologie qui sera omniprésente dans quelques années, et qu'ils apprennent à se servir d'un ordinateur non seulement pour jouer, mais pour travailler. Les élèves doivent illustrer de photos leurs rapports de labo, que je publie dans notre site. Je suis très exigeant, mais la technologie leur permet de faire des travaux exceptionnels.»

M. Cordukes estime que 95 % de ses élèves, filières théoriques et appliquées confondues, ont un ordinateur à la maison. «Ceux qui n'en ont pas accèdent à Internet à l'école; l'accès ne pose donc aucun problème.»

On trouve également dans ce site des études de cas qui illustrent comment la théorie apprise en classe s'applique à des situations réelles. L'étude sur le repérage et le positionnement, par exemple, permet aux élèves de s'exercer à l'emploi de vecteurs pour retrouver Nate, le faucon pèlerin, et de poser des questions générales sur les répercussions et les limites de la science au quotidien.

Le site propose également des tests de pratique. Même s'il ne peut le prouver, M. Cordukes sait très bien que les élèves qui font ces tests obtiennent de meilleurs résultats que les autres. «Il y a un lien évident entre ceux qui réussissent et ceux qui utilisent les tests. J'encourage mes élèves déçus de leurs résultats à tenter les tests de pratique. Ces tests sont pour nous un autre moyen de favoriser la réussite scolaire.»

Selon M. Cordukes, les tests de pratique dans le web offrent un autre avantage important : «Certains parents ont de la difficulté à aider leurs enfants au secondaire. Grâce à ces tests, ils peuvent répondre aux questions ensemble et vérifier leurs réponses, aussi publiées dans le site.»

Dans une section populaire du site, les élèves font des mots croisés pour revoir la matière, étudier et accumuler des points bonis. D'après M. Cordukes, les élèves commencent généralement à étudier plus tôt en prévision d'un test s'ils font les mots croisés en ligne. De telles activités contribuent elles aussi à la réussite et à la motivation des élèves, surtout lorsque des points bonis sont en jeu.

Informer parents et élèves

L'un des volets les plus importants de ce site est la possibilité d'y consulter les notes. Comme dans bien des écoles, John Cordukes et ses collègues utilisent un logiciel de calcul des notes et produisent fréquemment des relevés à jour. Maintenant, les enseignants publient aussi les notes dans le web. Élèves et parents ont ainsi accès aux notes des élèves, dont la confidentialité est assurée par l'emploi de numéros au lieu de noms.

Cette année, M. Cordukes et ses collègues ont commencé à envoyer les notes à certains parents. S'ils ne veulent pas tous ce service, ils sont nombreux à le demander. «Normalement, j'ai seulement le temps d'appeler les parents des élèves en difficulté. Maintenant, je peux aussi donner de bonnes nouvelles!»

En outre, le courriel élimine maints chassés-croisés téléphoniques. Il est frustrant d'essayer en vain de joindre un parent, ou de laisser un message dans une boîte vocale sans savoir s'il s'est rendu. Grâce au courriel, les parents sont constamment informés. Mieux encore, dès que les notes sont mises à jour, le système envoie, d'une seule commande, un avis aux parents inscrits à la liste d'envoi.

À la portée de tous

S'il admet que les enseignants n'ont pas tous la capacité ni la volonté de créer et de gérer un site web, M. Codukes affirme que ce n'est pas difficile. «Il suffit qu'un membre de la section monte le site - et les ressources disponibles abondent - pour que les autres puissent ajouter du contenu et utiliser les logiciels de compilation des notes. En plus d'accélérer plusieurs tâches, notre site est devenu un outil d'enseignement et d'apprentissage inestimable. Il sert de complément à l'enseignement en classe.»

John Cordukes apporte une bonne mesure d'enthousiasme et de créativité à son enseignement.

Le projet biome

C'est en 1997 que M. Cordukes a lancé le projet World Wide Biome, alliant biologie et informatique (www2.kpr.edu.on.ca/cdciw/biomes/index.htm). Les élèves de biologie font des études pratiques sur leur écosystème et réalisent un projet de classe qu'ils publient dans le site, pour que d'autres partageant cet intérêt puissent le consulter. Les élèves s'écrivent également par courriel, pour échanger de l'information sur leurs régions respectives et des données écologiques pertinentes.

Au début, M. Cordukes publiait simplement les projets «biome» de ses élèves dans le serveur du conseil scolaire. Il a ensuite invité les autres enseignants de sciences du conseil à faire de même. Dès qu'il a créé des liens avec des organismes du milieu de l'éducation de la province, le message s'est vite répandu. Il a alors découvert des forums éducatifs en ligne et d'autres enseignants intéressés à mener des études semblables aux siennes. Une fois son site répertorié par les moteurs de recherche, des enseignants de toute l'Amérique du Nord lui ont demandé de participer au projet. Le site actuel présente des travaux d'élèves de Nouvelle-Zélande, du Kenya, des États-Unis et du Canada. Plus tôt cette année, le site s'est enrichi du rapport d'une élève relatant une expédition en Antarctique.

Selon M. Cordukes, les avantages sont nombreux : «Il est motivant pour les élèves de savoir que des gens du monde entier voient leur travail. Ils savent que ça doit être parfait puisque eux seuls publient des données primaires sur le biome local. Les applications concrètes d'un travail amènent les élèves à se dépasser. C'est le genre de projet qui donne tout son sens à l'enseignement.» De plus, les élèves apprennent à connaître des endroits qu'ils ne visiteront peut-être jamais. Les similitudes et les différences qu'ils constatent élargissent leur vision du monde et accentuent leur appréciation d'autrui, tant sur le plan scientifique que sociétal et géopolitique.

Le site constitue en outre une excellente ressource pour les enseignants, qui y trouveront de l'information et un protocole sur la façon d'entreprendre une étude de terrain originale avec leurs élèves. N'oublions pas non plus l'aspect ludique d'un tel projet : «Les jeunes adorent réaliser des études à l'extérieur. Au début du projet, ils s'émerveillaient de pouvoir communiquer avec des jeunes de partout; ils étaient tout excités de clavarder avec des élèves de l'Arctique ou de la Roumanie.» Les élèves vont en outre dans le site pour revoir certaines notions et se préparer aux tests. Le fait de ne pas être limités à leurs manuels favorise leur réussite.

Classe verte

John Cordukes s'enflamme dès qu'il parle d'amener ses élèves dehors. «À mon sens, on ne peut pas étudier la biologie sans jamais sortir; les jeunes doivent expérimenter à l'extérieur ce qu'ils apprennent dans les manuels.» Cette façon de faire convient particulièrement aux élèves kinesthésiques. «En plus, j'adore le plein air, et je veux communiquer cette passion à mes élèves.»

Depuis plusieurs années, grâce à un contact au ministère des Ressources naturelles, M. Cordukes fait participer ses élèves à des projets de plantation d'arbres ou de décompte et de marquage de poissons.

«En classe, nous voyons que le saumon abondait dans la région de Cobourg au début du siècle, à un point tel que les fermiers le pêchaient à la fourche dans les ruisseaux et l'utilisaient comme engrais. Ce n'est plus le cas maintenant.

«Je fais une sortie avec mes élèves lorsque le Ministère entreprend son repeuplement. On remet à chaque élève un seau rempli de petits saumons et une paire de cuissardes. Leur travail consiste à mettre un poisson derrière une pierre de bonne taille. Étonnamment, le saumon étant une espèce territoriale, il restera à cet endroit jusqu'à maturité (deux ans). En plus de s'amuser comme des fous, les élèves font une contribution importante à leur écosystème, et leur expérience enrichit ce qu'ils ont appris dans leurs cours d'écologie.»

L'un des hauts faits de l'année scolaire est sans doute la plantation d'arbres, au printemps. M. Cordukes et son épouse, enseignante au jardin d'enfants, organisent une sortie commune. Quelques semaines à l'avance, ils jumellent les élèves des deux classes, qui s'échangent des lettres. Le jour de la sortie, grands et petits se rencontrent pour la première fois. Après un brin de causette, ils se mettent au travail et plantent, à eux tous, plus de 1 000 arbres en une matinée. Ils font ensuite un pique-nique et passent l'après-midi à lire et à s'amuser.

«Je fais des activités du genre depuis 20 ans. C'est fantastique! Mes élèves adorent servir de modèles et s'acquittent admirablement bien de la tâche. C'est épatant de voir un de mes jeunes raconter une histoire à un tout-petit émerveillé.»

Des conseils inestimables

S'il voit ses élèves jouer un rôle actif dans leur apprentissage, John Cordukes est satisfait. Quel conseil cet enseignant cumulant 20 années d'expérience offre-t-il à ses collègues de la province?

«Prenez le temps de définir vos forces, puis intégrez-les à votre enseignement. Les miennes, ce sont le plein air et la technologie. Le fait de les exploiter me pousse à exceller, ce qui, par ricochet, motive aussi mes élèves. L'enthousiasme véritable est contagieux.»

John Cordukes est un enseignant extraordinaire. Son travail dans les cours de sciences peut sembler facile, mais il exige de grands efforts et du dévouement. Son enthousiasme et sa créativité alimentent son travail hors pair, digne de la récompense qu'il a reçue. Si les enseignants qui tentent de telles expériences ne remportent pas tous un prix d'excellence, il ne fait aucun doute qu'ils font aimer l'école à des milliers d'élèves et contribuent à leur réussite scolaire. N'est-ce pas là l'essence même de l'enseignement?