Ce qu'on ne m'a pas appris à la faculté d'éducation


À gauche : Lynne Ainsworth, prête pour la journée des chapeaux farfelus

 

de Lynne Ainsworth

Figurez-vous que, sur le chemin de l'école, ma voûte plantaire s'est affaissée!

Ce n'est pas une plaisanterie. En l'espace de six semaines de travail, je suis passée de la sandale à l'escarpin noir, au mocassin à… comment dire… ce genre de sabots orthopédiques au coût faramineux.

C'est le prix à payer pour toutes ces heures passées à travailler debout dans un magasin l'été et les fins de semaine. Tout bien réfléchi, la journée d'une enseignante est assez comparable à celle d'une vendeuse dans le sens qu'elle est debout des heures durant, qu'elle doit faire preuve d'amabilité et vendre un produit.

Comment en suis-je arrivée là?

Laissez-moi expliquer comment j'en suis venue à faire face à mes élèves, mes chaussures de grand-mère aux pieds. Je suis entrée dans la profession enseignante suite à un changement de carrière motivé par la réalisation que je me faisais vieille. Certaines personnes sont poussées à acheter une voiture sport ou à se faire tatouer. Moi, ma façon de faire un pied de nez aux 40 bougies sur le gâteau a été de changer totalement de carrière.

Les années passaient, le tic tac de l'horloge se faisait de plus en plus insistant - pas l'horloge utérine puisque celle-là a porté ses fruits il y a 16 ans. Non, c'est la liste de tous les beaux projets qui me tenaient à cœur et que je n'avais pas réalisés qui est soudain apparue avec la bougie fatidique.

Des souliers de grand-mère

Vous commencez par avoir envie de changer de coiffure et, de fil en aiguille, vous vous surprenez en train de remplir une demande d'inscription à un programme de formation à l'enseignement. Si j'avais su, cela m'aurait coûté moins cher d'acheter une Harley et de me faire tatouer, et j'aurais été bien plus populaire.

Je suis partie comme une flèche encaisser mes REÉR, acheter un sac à dos et une passe de métro. Neuf mois plus tard, je sortais diplôme en poche. À l'IEPO, j'ai découvert les neuf intelligences de Gardner, la méthode Tribes et comment planifier une leçon. Puis, je suis partie ardemment à la conquête de la salle de classe. Pourtant, la faculté d'éducation ne m'avait pas tout appris.

Chaque classe est équipée d'un bureau pour l'enseignant

Ce meuble rappelle le temps de l'école rurale à classe unique. Toutefois, sa raison d'être reste incertaine puisque aucun enseignant n'a jamais le plaisir de s'y asseoir, sauf dans les feuilletons à la télé.

Une théorie veut que le bureau serve d'entrepôt pour toutes les choses que les élèves ne sont pas censés apporter dans la classe et certaines choses qu'ils devraient avoir, comme le devoir à rendre aujourd'hui.

On s'y accroche souvent par désespoir, on s'y appuie par fatigue, et parfois même on s'en sert comme perchoir, mais il ne faut pas confondre l'utilisation que l'enseignant en fait avec l'autre monde du travail où les gens s'assoient bel et bien à leur bureau.

Il y a toujours une file d'attente dans les toilettes des femmes

La sécurité est imposante - ne passe pas qui veut.

La cloche annonce la récréation et les élèves se précipitent aux toilettes. Vous seriez en tête de file si ce n'était que l'enseignante doit être la dernière à sortir. Or, Sabine-je-lambine s'attarde à ranger ses crayons par ordre de grandeur. Vous remuez quelques papiers, vous jetez un coup d'œil sur l'horloge et vous lui dites que si elle ne dépêche pas, elle va manquer la récré. Justement. Les filles de 7e année sont rarement habillées pour la récréation et Sabine n'a aucune envie d'aller braver les intempéries. Mais elle est fin prête et vous êtes libre de vous ruer dans les couloirs vides jusqu'à l'unique toilette réservée aux enseignantes. Mais vous n'êtes pas la seule.

Il faut près d'une année de pratique pour régler la vessie aux heures de récréation. En attendant, on se prend parfois à envisager l'achat de sous-vêtements spéciaux qu'on pensait réservés aux vieux jours.

C'est mardi, ce doit être le jour des 3e année

Rien n'est plus déroutant pour une nouvelle enseignante que les règles officieuses du terrain de jeu. C'est d'ailleurs vraiment extraordinaire que l'on ait survécu la petite enfance sans les avoir connues.

Rares sont les directeurs d'école qui se risqueraient à encourager la mêlée générale. Pour être juste, on a donc divisé l'autorité du terrain de jeu entre les années. C'est à vous d'interpréter le traité, ce qui n'est pas une mince affaire. Ceux qui ont le droit d'utiliser les balançoires et les échelles compteront sur vous pour faire respecter les règles. Ils viendront droit à vous pour demander que justice soit faite.

«Madame, le garçon là-bas devrait pas être là. C'est pas son jour.»

Vous regardez dans la direction où se pointe le doigt. «Quel garçon?»

«Celui-là!» Et l'enfant de gesticuler dans la direction générale de deux douzaines de petits singes qui se balancent, grimpent et courent autour des échelles.

«Comment est-il habillé?»

«Il a un manteau bleu.»

Vous marchez au pas de caporal pour remettre l'intrus à sa place. Deux minutes plus tard, ses camarades s'empressent de le rejoindre pour comploter un coup d'état.

À peine l'intrus est-il parti qu'il est remplacé par un autre. Si vous croyez qu'il n'y a rien de pire que le terrain de jeu, vous avez tort!

Tu ne passeras pas

Lorsque j'ai entendu Gandalf, bâton en main, vociférer «Tu ne passeras pas» au démon cracheur de feu dans Les Deux Tours du Seigneur des anneaux, j'ai eu l'étrange impression d'un déjà-vu. N'avais-je pas déjà prononcé ces paroles ou quelque chose du même acabit alors que j'étais de garde à l'unique porte de la cour de récréation?

Rien n'est plus important que d'éviter que des élèves s'introduisent dans l'école sans qu'on le sache. La porte d'entrée doit être soigneusement gardée et il faut obtenir la permission de la personne de garde pour utiliser les toilettes ou aller boire à la fontaine magique.

Avec cette responsabilité vient le souci de savoir que nombre de ceux qui demandent à passer ont des raisons peu catholiques de le faire. Gardez l'œil ouvert pour le rendez-vous clandestin des filles de 6e année qui vont se cacher dans les toilettes pour se mettre des paillettes sur la figure et les cheveux. Qui aurait pensé qu'un peu de maquillage valait la peine de courir le risque de se faire escorter jusqu'à la lumière du soleil ou de se retrouver dans le bureau du directeur à discuter des avantages du gel en tube par rapport au gel à bille?

Le miracle de la craie

Qui aurait pensé que, durant la récréation les jours pluvieux, cet outil mince et fragile pouvait fournir matière à occuper toute une classe de Picassos en herbe, heureux de passer le temps à dessiner au tableau. Les enseignants du primaire connaissent depuis longtemps le pouvoir magique de la craie, surtout celle de couleur, mais ce genre d'information circule rarement jusqu'aux enseignants des années supérieures. Ceux d'entre nous qui enseignons au second cycle avons mis trop de temps à découvrir les merveilles de la craie.

Des surprises sucrées et poisseuses

Il faut un certain talent pour refuser le bonbon que vous offre une élève, car partager ses précieuses friandises avec vous est la meilleure façon pour elle de vous rendre hommage.

Qui d'entre nous n'a pas été surpris par cette marque de générosité la première fois? J'ai donc pris gracieusement le bonbon ouvert de la petite main hésitante qui se tendait vers moi, je l'ai mis dans ma bouche et j'ai compris instantanément ce que ressentent les concurrents de Facteurs de risque lorsqu'ils doivent rassembler le courage d'avaler des vers. J'ai donc avalé tout en me demandant quelle était la dernière fois que cette petite fille s'était lavé les mains.

Le secret réside dans l'art de prendre la friandise tout en trouvant une excuse pour ne pas la manger tout de suite. Montrez-vous reconnaissant, enveloppez-la et dites à l'élève que vous la dégusterez plus tard. Attendez d'être loin de l'école avant de la jeter, car si vous avez le malheur de la mettre dans une des poubelles de l'école, il y a de fortes chances que votre duperie sera découverte.

Hourra! bravo! et tout le tralala

L'esprit de l'école veut que les enseignants investissent dans une garde-robe diverse. On exhorte les enseignants de première année à porter les couleurs de l'école certains jours de l'année. Courez donc les magasins à l'avance car je vous défie de trouver un ensemble vert et orange la veille du grand rassemblement. Achetez également un pyjama si vous ne voulez pas vous exhiber devant toute l'école dans la robe de chambre que votre mère vous a offerte le Noël dernier. Eh oui! Vous voilà donc partie acheter un pyjama élégant, le genre que porterait une chef d'État en mission à l'étranger. N'oubliez pas non plus d'acheter un chapeau loufoque et extravagant pour les jours où toute le monde doit venir en classe avec un couvre-chef ridicule.

Ne minimisez pas l'importance des exigences de votre école en matière de tenues vestimentaires. Si vous arrivez avec une tenue plus ridicule que celle de la directrice, vous ne risquez rien sauf d'être instantanément dans les bons petits papiers de la patronne, qui vous sera reconnaissante d'attirer l'attention qui autrement lui aurait été destinée.

Pensez esprit d'équipe. De toute façon, cela donnera une bonne occasion à vos élèves de ridiculiser leur enseignante.