Pour parler professionLa revue de L’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario
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Évaluer l’évaluation

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Évaluer l’évaluation

Des pédagogues discutent de l’utilisation des données pour motiver les élèves à améliorer leur rendement.

de Brian Jamieson

Des pédagogues de partout dans le monde ont pris part à la conférence The Quest for Increased Student Achievement: Educational Systems That Are Working, à Richmond Hill.

Comment leurs systèmes aident-ils les élèves? Comment savent-ils qu’ils sont efficaces?


Quand les pédagogues comparent leurs systèmes scolaires, demandent des conseils aux experts et parcourent le monde à la recherche d’innovations et d’idées pour motiver les élèves à améliorer leur rendement, tous les yeux se tournent vers les données. En plus de savoir qui fait quoi et comment, on veut avoir la preuve tangible que les élèves s’améliorent.

Cette soif des données extraites de l’évaluation est-elle simpliste?

Les paramètres sont-ils trop étroits?

Les élèves en profitent-ils vraiment?

À la fin de l’automne dernier, des pédagogues se sont réunis afin d’évaluer le niveau d’enthousiasme pour le processus d’évaluation durant une conférence au York Region District School Board intitulée The Quest for Increased Student Achievement: Educational Systems That Are Working (La quête de la croissance du rendement de l’élève, pour des systèmes d’éducation performants). Des pédagogues de 64 conseils scolaires représentaient l’Ontario, l’Alberta, les États-Unis, la Finlande, la Grande-Bretagne, Hong-Kong, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Zélande.

«Plus on restreint la définition de réussite aux tests en littératie et en mathématiques, moins le rendement des élèves est satisfaisant», a fait remarquer Andy Hargreaves, titulaire de la chaire Thomas More Brennan en éducation de l’école des sciences de l’éducation Lynch à Boston.

Pour citer l’auteur britannique David Hargreaves (avec qui il n’a aucun lien de parenté), il dit qu’il y avait quatre types de rendement : intellectuel/cognitif, pratique, interpersonnel et motivationnel.

Il précise sa pensée en faisant remarquer que le rendement intellectuel domine dans les écoles, soit la connaissance des faits dont on se souvient et qu’il est possible de vérifier facilement. Le rendement pratique, c'est apprendre à faire quelque chose ou savoir mettre la connaissance en pratique, comme dans les projets présentés aux expo-sciences. Ce rendement est important, surtout pour ceux qui apprennent lentement, mais il est moins apparent dans le système. Le rendement interpersonnel, soit notre intelligence émotionnelle, reflète notre sens de la sécurité, de la tolérance et de la conscience globale. En reconnaissant la motivation comme une forme de rendement, on remarque que le leadership est une forme d’apprentissage.

D’après M. Hargreaves : «Le bonheur, essentiel à la réussite, est en lui-même une réussite».

«Nous devons permettre aux élèves de s’améliorer au fil du temps», a-t-il dit. À cela, il a ajouté que l’amélioration de la capacité peut provenir non seulement d’une augmentation de l’offre mais aussi d’une diminution de la demande. Nous pouvons et devrions former des enseignants et leur fournir des ressources, mais aussi réduire les demandes qu’on leur impose comme les tâches administratives, les «nouveaux» bulletins scolaires et les «nouvelles» idées à mettre en pratique.

«La paperasserie fait augmenter la demande, fait-il remarquer. Les écoles les plus efficaces gèrent leurs demandes en commun; elles fixent des priorités et les choisissent avec soin.»

Pourquoi le gouvernement de l’Ontario fixe-t-il des objectifs à long terme pour l’environnement mais à court terme pour l’éducation publique? C'est ce que M. Hargreaves voudrait bien savoir. Les deux sont critiques à notre pérennité. «Si ce sont des questions de vie ou de mort, il faudrait agir avec constance.»

Par exemple, il dit que notre système d’éducation a l’habitude de faire un roulement des directions d’écoles. Chaque nouveau leader apporte sa vision qui couvre celle de son prédécesseur, bonne ou mauvaise. En même temps, le système laisse la tâche de gérer les questions d’équité dans la classe au personnel enseignant; le curriculum ne s’en charge pas.

M. Hargreaves affirme qu’il doit y avoir un juste milieu entre l’approche «pas de cible, pas de test» du pays de Galles et de la Finlande, et celle d’objectifs et de tests sévères du reste de la Grande-Bretagne et du Canada.

Largement considérée comme ayant l’un des meilleurs systèmes d’éducation au monde, la Finlande a envoyé une délégation pour expliquer son modèle dans lequel les enseignantes et enseignants sont respectés, où la profession est valorisée, où les écoles sont sans progression différenciée, gratuites et ouvertes à tous, et servent même des repas chauds le midi. On remarque que la Finlande possède une population relativement homogène dans laquelle 92 % des habitants parlent finnois et 85 % sont luthériens.

Le co-animateur de la conférence, Michael Fullan, auteur, ancien doyen de l’IEPO de l’Université de Toronto et conseiller pédagogique du premier ministre de l’Ontario, a prévenu les participants de ne pas se laisser séduire par une solution unique pour résoudre des problèmes et des situations complexes. Le fait que la Finlande n’ait pas de tests normalisés ne veut pas dire que c'est la voie à adopter, a-t-il dit.

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«Nous n’en sommes qu’aux étapes préliminaires. Nous avons beaucoup de chemin à faire.»

Michael Fullan, conseiller pédagogique auprès du premier ministre de l’Ontario, co-animateur de la conférence, est auteur et ancien doyen de l’IEPO de l’Université de Toronto.

Peter Hill, secrétaire général de la commission des examens et de l’évaluation à Hong-Kong, et co-animateur de la conférence avec M. Fullan, a déclaré que «les données devraient être nos meilleures alliées». Il encourage les pédagogues à se les approprier et à recueillir celles qui portent sur tous les facteurs qui touchent au rendement des élèves, «pour tous les élèves, pas seulement pour ceux que l’on fait passer du deuxième niveau au troisième niveau».

D’après lui, il faut établir des objectifs réalistes, mais aussi «prendre soin d’appliquer une certaine pression tout en offrant de l’appui pour atteindre les objectifs; sinon, ils pourraient s’avérer contre-productifs».

Le défi a été de recueillir des données et de les transformer en de l’information utile pour orienter l’enseignement, a-t-il ajouté.

«Notre but devrait être de faire en sorte que l’apprentissage soit le plus efficace dans chaque classe.»

Il continue en disant que l’enseignement, c'est concevoir des systèmes d’apprentissage qui soient efficaces pour tous. «J’ai l’impression que les gens étudient l’éducation comme s’il s’agissait d’un phénomène. Nous devons changer les structures de récompense et leur faire faire le travail de conception.» Il fait remarquer que, contrairement aux autres professionnels, la plupart des enseignants n’ont pas d’ordinateur ni de téléphone dans leurs classes. «Ils devraient en avoir car ils en ont besoin.»

M. Hargreaves ne rejette pas le besoin de tests normalisés. «Nous avons besoin de réussites rapides qui nous font prendre de l’assurance en nous montrant que notre rendement s’améliore avec le temps.»

Toutefois, les données sont de tout acabit; il faut les considérer toutes, y compris la présence des élèves en classe et leur engagement envers leur apprentissage, selon M. Hargreaves. «Les systèmes les plus solides utilisent les données et leur propre jugement de façon formelle. Les plus faibles sont motivés exclusivement par les données en mathématiques et en littératie.»

«Le bonheur, essentiel à la réussite, est en lui-même une réussite.»

Avis Glaze, directrice générale du rendement des élèves de l’Ontario au Secrétariat de la littératie et de la numératie, a rappelé aux pédagogues que «le contexte importe». Elle a défendu le besoin de tester et d’avoir des cibles de rendement pour les élèves.

«Voulons-nous retourner en arrière? Non! a-t-elle affirmé. L’acquisition de compétences linguistiques libère. Nous ne voulons pas qu’un enfant quitte le système sans pouvoir ni lire, ni écrire, ni comprendre.»

En tant que membre de la Commission royale sur l’éducation, dont le rapport Pour l’amour d’apprendre et les recommandations ont changé l’apprentissage en Ontario, Mme Glaze a entendu le cri d’indignation des parents de toute la province : «Qu’est-ce que mes enfants apprennent? D’ici quand? Comment le saurai-je?»

«L’éducation publique doit tenir la promesse que tous les élèves réussiront. Nous devons nous améliorer. C'est au public de décider de la qualité de l’éducation publique. Il veut un meilleur rendement.

«Les enfants de l’Ontario sont loin d’être où ils devraient, a-t-elle dit. Allons jusqu’au bout. Nous devons mettre la barre plus haut pour tous ceux qui réussissent bien et aider ceux qui en ont besoin.»

Le Secrétariat de la littératie et de la numératie, créé il n’y a que deux ans, a financé 250 projets élaborés par les conseils scolaires. Le rendement des élèves s’est amélioré, a fait remarquer Mme Glaze. «Nous avons besoin de données pour nous aider avec l’amélioration.»

La ministre de l’Éducation, Kathleen Wynne, a dit que le travail de l’éducation publique était de soulever les obstacles qui empêchent les enfants de réaliser leur plein potentiel, comme les classes surchargées du cycle primaire.

Le degré de confiance en l’éducation publique a augmenté, mais 75 % du public ne le sait pas, a fait remarquer Mme Wynne. «Les résultats aux tests deviennent des outils politiques mais ce qui importe, ce sont les ressources que nous y consacrons.»

Mme Wynne fait référence aux 25 millions de dollars du programme de Partenariat d’interventions ciblées de l’Ontario (PICO) visant à aider les élèves éprouvant des difficultés à atteindre les normes provinciales en lecture, en écriture et en mathématiques. Elle dit que le rendement des deux tiers des enfants de 800 écoles n’est pas au niveau des normes.

Nos systèmes les plus avancés sont bons, mais pas très bons, de déclarer M. Fullan. «Nous n’en sommes qu’aux étapes préliminaires. Nous avons beaucoup de chemin à faire.»

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«Notre but devrait être que l’apprentissage dans chaque classe soit le même que dans la classe la plus efficace.»

Peter Hill, co-animateur de la conférence, est secrétaire général de la commission des examens et de l’évaluation de Hong-Kong.

Brenda Willis, directrice des services d’appui en apprentissage de l’Edmonton Catholic School District, a fait remarqué qu’à Edmonton, 85 écoles étaient des «fiefs qui s’en allaient dans toutes les directions» jusqu’à ce que le système ait recours à l’évaluation pour apporter de la cohésion et mettre tous les élèves sur le même chemin de la réussite.

«D’après ce que je vois, les systèmes les plus performants sont ceux qui tiennent compte des influences contextuelles, a déclaré Alan Boyle, directeur de Leannta Education Associates de Londres. L’influence la plus importante est le milieu où ils vivent.»

Les enseignants ont besoin de se rendre dans les communautés où vivent les élèves et de comprendre les pressions exercées par l’entourage, dit-il. «Allez parler aux élèves. Ils sont là chaque jour.»

Douglas Willms, titulaire de la chaire en développement humain de la faculté d’éducation de l’Université du Nouveau-Brunswick, pense que la transition la plus critique pour les élèves a lieu vers l’âge de 10 ans, quand ils passent de l’apprentissage de la lecture à la lecture pour apprendre. «Les enfants qui ne font pas cette transition sont bloqués dans le système.» Il ajoute que, lorsqu’un enfant arrive au jardin d’enfants, les écoles ont toutes les données dont elles ont besoin pour prédire quel sera son rendement. «Nous pouvons intervenir dès le début. Nous n’avons pas besoin d’attendre que les élèves échouent.»

«L’enseignement évolue dans une culture de présentéisme», dit M. Hargreaves. Les enseignants sont pris dans le moment : moucher un nez, apaiser l’enfant qui s’est écorché le genou, amener deux adversaires à se réconcilier. Les élèves obligent les enseignants à travailler dans le présent; il est difficile pour eux de se concentrer sur le long terme.

Il croit qu’il faudra apporter beaucoup de discipline dans l’élaboration de politiques, de structures et sur le plan du leadership pour pousser les systèmes scolaires à lier les initiatives et les activités à long terme, et à mettre en place des changements.

Il est en faveur d’élaborer toute une gamme de stratégies. À court terme, il suggère de donner aux élèves des stratégies pour passer les tests et mieux se nourrir («encourager les enfants à manger plus de bananes et à boire plus d’eau») organiser des conférences entre parents et enseignants, et souligner les réussites des élèves. Les stratégies de mi-semestre peuvent comprendre des programmes d’enseignant-mentor pour aider les collègues qui en ont besoin et des jours de formation à l’école; alors que des stratégies à court terme pourraient inclure une restructuration des équipes de leadership de l’école par des organismes spécialisés.

M. Hargreaves affirme que l’Ontario possède déjà les bonnes personnes, soit des enseignants bien payés qui sont motivés et très qualifiés, mais que le système fait l’effet d’une douche froide sur les gens au lieu d’aviver leur passion. Libérer l’énergie des enseignants libèrera l’énergie des élèves. «Il faut rapprocher les gens, ajoute-t-il. Les enseignants se poussent l’un l’autre.»

Il faut se concentrer sur tous les différents types de rendement des élèves, dit-il.

«Quand on prendra soin de tous les aspects, on élèvera le rendement en littératie et en mathématiques.»