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Chroniques

un enseignant exemplaire

Mary McBride, enseignante à l'école secondaire Banting Memorial

Rick Mercer se souvient de Lois Brown

Rick Mercer

attribue son choix de carrière à l’enseignante et mentor Lois Brown

Le satiriste politique et vedette de télévision Rick Mercer affirme qu’il doit sa réussite à l’enseignante d’anglais et de théâtre Lois Brown.

Maintenant animateur de l’émission Monday Report à l’antenne de CBC, Rick Mercer détient le record de la plus importante cote d’écoute jamais atteinte pour un grand spectacle télévisé de comédie canadien. En effet, 2,7 millions de personnes ont regardé l’émission spéciale Talking to Americans.

Au milieu des années 80, Rick Mercer était élève au Prince of Wales Collegiate à St. John’s. Parmi ses enseignants se trouvait celle qui allait devenir sa future collègue et mentor.

«Il était en 10e année et très bavard, se souvient Lois Brown en parlant du moment où ils ont fait connaissance. Il est venu me parler alors qu’il n’était pas dans ma classe.

«Rick participait à un journal clandestin. Il a téléphoné au directeur de l’école en lui disant que les élèves voulaient qu’il soit plus accessible. Il a publié des pages de poèmes. Je le trouvais intéressant.»

Mme Brown a encouragé Rick à devenir régisseur de théâtre pour la pièce The Venetian Twins, une comédie du XVIIIe siècle de Carlo Goldoni montée par le club d’art dramatique.

«Il n’était pas formidable, confie-t-elle, mais il aimait observer, réfléchir et parler.

«Je lui répétais qu’il devrait écrire une pièce et jouer au lieu de simplement me parler durant mon travail! Il ne m’a certainement jamais demandé de jouer dans une pièce.»

«Traditionnellement, les programmes de théâtre présentent une grande comédie musicale ou les pièces classiques qu’ils refont depuis toujours, affirme Rick. Lois avait une approche différente.

«Je n’aurais jamais fait de théâtre sans elle.»

«C’était le temps du mouvement collectif. Les gens écrivaient, produisaient et jouaient ensemble. Elle m’a demandé si j’allais participer, mais je n’étais pas certain d’être à la hauteur. Elle était convaincue que je pouvais écrire et je l’ai laissée m’influencer.

«Nous avons monté une comédie qui s’appelait The 20-Minute Psychiatric Workout. Il y avait un groupe punk. Ça contrevenait à toutes les règles! On l’a même présentée à un festival d’art dramatique régional. On jouait pour la première fois une pièce qu’on avait écrite nous-mêmes. Tous les autres spectacles abordaient des sujets ennuyeux et sérieux ou ennuyeux et éducatifs comme la façon d’utiliser des préservatifs. Le nôtre était totalement extravagant.»

Leur comédie amphigourique a gagné.

Une photo de Rick, encadré des comédiens de Psychiatric Workout, montre plusieurs adolescents qui sont aujourd’hui dans le showbusiness. «C’est incroyable le nombre de personnes que je connais qui sont dans le domaine grâce à Lois.»

Mme Brown savait comment établir un lien avec les jeunes et les faire participer.

«L’école était au centre-ville et les gens les plus bizarres étaient dans son club d’art dramatique, confie Rick. Mais je ne voyais pas ça à l’époque.» Les élèves étaient talentueux et débordaient d’énergie. Ils avaient donc besoin d’une activité à l’extérieur de la classe pour canaliser leur énergie. Et selon Rick, c’est Mme Brown qui est allée les chercher.

«Elle était très radicale. Tous les élèves l’appelaient Lois. À l’époque, c’était du jamais vu!»

Rick croit que le directeur d’école avait pris une excellente décision en engageant quelqu’un d’aussi flamboyant que Lois Brown.

«Elle avait l’air plutôt excentrique. Elle avait plusieurs paires de lunettes en forme d’yeux de chat et travaillait comme multiartiste au centre-ville. Je me rappelle qu’une fille m’a dit : “J’ai vu Mme Brown en ville aujourd’hui. Elle portait deux souliers de couleurs différentes! On devrait lui interdire de faire une chose pareille!”

«Lois me répétait constamment que je pouvais écrire. Je me définis d’abord comme un auteur. C’est ce qui me satisfait le plus. Je n’aurais jamais fait de théâtre sans elle.

«J’ai su très tôt que je ferais carrière dans ce domaine. Aucun d’entre nous n’avait l’intention d’aller à l’université. Nous allions jouer la comédie!

«Évidemment, Lois ne nous a pas suggéré un tel projet. Certains d’entre nous se sont vu offrir des bourses pour fréquenter l’école de théâtre, mais les ont refusées. Nous étions un peu arrogants. Elle était atterrée!

«“Nous allons monter des spectacles de comédie qui dépassent les normes, pas du théâtre classique.” Je voulais travailler dans les bars!»

Lorsqu’on lui demande ce qu’elle croit avoir transmis à Rick, Mme Brown répond : «Un élève m’a déjà dit que mon cadeau aux élèves, c’était de les prendre au sérieux. Je leur donnais l’occasion d’apprendre.

«Observer des jeunes apprendre est très revigorant, confie-t-elle. Et avec le théâtre, il y a beaucoup de psychologie et d’art. Tout se passe entre l’élève et l’enseignant. Vous établissez un lien.»

Lois Brown n’a enseigné au secondaire que quatre ans.

«Les périodes de 40 minutes m’exténuaient. On ne pouvait rien commencer, et si on commençait quelque chose, on devait couper court. Je parle surtout d’enseigner aux adolescents. Ce qu’on dit peut vraiment les influencer. Au secondaire, on peut complètement transformer leur vie. Quarante minutes? S’ils ne sont pas intéressés, quelle différence ça fait? Mais pour ceux qui le sont, ce n’est pas assez long.

«Je suis issue d’une longue lignée d’enseignants. J’ai donné tout ce que j’avais et je me suis épuisée.»

Mme Brown, qui possède un diplôme en art dramatique de l’Alberta University, s’est ensuite dévouée au théâtre professionnel à St. John’s.

Rick et la troupe de Psychiatric Workout (Lois Brown est au centre).

Rick et Mme Brown ont gardé le contact. «Elle a dirigé The Beatles Play Bishops Falls, la première pièce que j’ai écrite. Nous sommes devenus des collègues. Puis, elle a été régisseuse de théâtre de quelques--uns de mes plus gros spectacles de tournée.»

«Rick se plaît à dire qu’il n’a pas fini l’école, mais qu’il a tout fini sauf les mathématiques. Même au secondaire, lui et ses amis avaient formé une troupe présentant des saynètes à St. John’s.

«Ils étaient très jeunes et très braves, affirme Mme Brown, avec admiration. Les gens les adoraient. Les membres de CODCO les trouvaient extraordinaires. Leurs saynètes étaient vraiment drôles.»

Rick se rappelle : «En 12e année, j’ai suivi son cours de théâtre et elle m’a presque fait couler! J’avais pratiquement arrêté d’aller à l’école.» Malgré tout, sa carrière a démarré avant même la fin du secondaire.

«Elle m’aurait fait couler, mais elle ne voulait pas me donner la satisfaction de me dire, pour le reste de mes jours : “Mon prof de théâtre au secondaire m’a fait couler!” Je crois qu’elle m’a donné un C.»


Le Monday Report de Rick Mercer entreprend sa troisième saison en septembre à l’antenne de CBC.

Lois Brown est directrice d’un théâtre à St. John’s, où elle enseigne la régie de théâtre.