Pour parler professionLa revue de L’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario
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Passer le flambeau

Doit-on reformuler le jour du Souvenir? Si la Légion n’est pas de cet avis, certains d’entre nous croient qu’une modification s’impose.

de Leanne Miller

À vous jeunes désabusés
À vous de porter l’oriflamme
Et de garder au fond de l’âme
Le goût de vivre en liberté.
Acceptez le défi, sinon
Les coquelicots se faneront
Au champ d’honneur.

Depuis près d’un siècle, les enseignantes et enseignants passent le flambeau de John McCrae.

Les élèves, intéressés ou indifférents, s’attroupent dans les gymnases bondés pour commémorer le jour du Souvenir. D’autres, installés à leur pupitre, la tête penchée, écoutent le poème de McCrae. Certains restent debout durant La sonnerie aux morts et la minute de silence. À quoi pensent nos élèves pendant cette minute de silence?

La Légion royale canadienne est d’avis que : «Le système d’éducation canadien a la responsabilité d’enrichir ces premières expériences afin que chaque étudiant et étudiante puisse développer une compréhension réelle du jour du Souvenir ainsi qu’une appréciation de son importance.»

Le personnel enseignant prend à cœur cette responsabilité et ce défi. Selon Anthony Naoum : «Si de rassembler des centaines d’adolescents débordant d’énergie dans un grand auditorium et leur demander d’observer le silence et de rester en place ne représente pas un défi, faire revivre le passé l’est certainement.» À l’école Étienne-Brûlé, de North York, il a tenté une nouvelle expérience avec ses élèves de la 7e à la 12e année.

Ses collègues, Audrey Simard et Widline André, ont organisé une cérémonie l’an dernier en mettant l’accent sur des questions mondiales et des enjeux contemporains de justice sociale. Au lieu de recourir aux souvenirs et aux discours d’anciens combattants, elles ont fait participer des élèves qui ont été témoins ou victimes de guerres, de déplacements, de génocide ou d’emprisonnement. Les élèves ont raconté des histoires, présenté des sketchs, lu des poèmes et réfléchi sur la guerre et les conflits. On pouvait lire sur une banderole affichée derrière eux : «Vous pouvez vous exprimer librement car vous êtes au Canada.»

Dans l’ensemble, les élèves ont bien accueilli cette activité, affirme Mme Simard. Ils étaient émus : certains ont pleuré, d’autres nous ont remerciés d’avoir présenté les choses d’une façon différente qui les touche plus directement.

Quelques-uns étaient déçus que la cérémonie n’ait pas porté davantage sur les soldats canadiens. Ils auraient préféré la façon plus traditionnelle de l’école d’observer le jour du Souvenir.

Mme Simard indique qu’elle répétera l’expérience, peut-être l’année prochaine. «Le risque était grand, le travail exigeant, mais les résultats en ont valu la peine.»

Infirmières décorant les tombes des Canadiens, en France, le 30 juin 1918.

Photo : PA 002715, avec permission des Archives nationales du Canada

«Puisque ce sont leurs camarades de classe qui organisent la cérémonie, les élèves démontrent beaucoup d’attention et de respect.»

Depuis plus de 20 ans, John Ruypers organise la cérémonie du jour du Souvenir au London Catholic District School Board. Ces six dernières années, il était à la Mother Teresa Catholic Secondary School, qui tient deux assemblées de 40 minutes, avec plus de 650 élèves chacune.

«Je n’ai jamais eu de problème avec le comportement des enfants et ils ont toujours montré de l’intérêt», déclare M. Ruypers, chef du département d’histoire et de sciences sociales. Les cérémonies qu’il organise allient tradition et innovation, et requièrent la participation des élèves.

«Puisque ce sont leurs camarades de classe qui organisent la cérémonie, les élèves démontrent beaucoup d’attention et de respect», explique-t-il. Chaque année, la cérémonie porte sur un thème donné. Les thèmes ont déjà permis d’explorer la participation des femmes canadiennes à la guerre, le Canada et le jour J, la crête de Vimy, Noël dans les tranchées, la bataille de Hong Kong, l’emprisonnement des Japonais canadiens, ainsi que la poésie sur la guerre et la musique militaire.

M. Ruypers sélectionne des élèves en histoire canadienne qui ont de solides compétences en communication et leur demande de présenter des sketchs qu’il a rédigés. Les personnages sont en général de jeunes soldats. La poésie est écrite par des élèves, anciens et nouveaux. Quand les élèves de l’assistance apprennent que leurs camarades de classe ont écrit ces poèmes et qu’ils les voient sur scène, ils sont toujours très attentifs. Cet automne, le frère de Mark Wilson, le 40e soldat canadien ayant perdu la vie en Afghanistan, s’adressera à l’assemblée.

Lynn Lemieux emploiera une approche de plus petite envergure pour souligner le jour du Souvenir, la réservant à ses élèves de 7e année de Macklin Public School de Scarborough. Comme l’an passé, elle enseignera à ses élèves comment lire une partition, pour ensuite présenter des chansons en faveur de la coopération et de la paix.

Mme Lemieux choisit trois chansons et, avec ses élèves, tissent les paroles. Ils ont recours à ce qu’elle appelle «une licence poétique, transposant les gammes pour produire une forte impression en tant que récital».

Une fois que les élèves ont répété les chansons, ils forment des groupes, choisissent trois chansons et suivent le même processus. Ils créent également des collages pour faire ressortir le contraste entre conflit et paix. Enfin, les groupes présentent les récitations en chœur et les collages. Chaque élève participant aux collages doit expliquer son choix d’images.

Paul Yanchus enseigne les études autochtones et l’histoire. L’an passé, il a enseigné à la Thomas Simpson Secondary School de Fort Simpson dans les Territoires du Nord-Ouest et à la Francine J. Wesley Secondary School dans la réserve Kashechewan, réserve crie accessible par avion sur la côte de la baie James, en Ontario. Il enseigne cette année à Fort Albany, une réserve crie de la Mundo Peetabeck Education Authority de la baie James.

M. Yanchus demande à ses élèves de faire une recherche sur l’histoire militaire des Autochtones, qu’il espère présenter en novembre, le jour du Souvenir. Sa motivation pour ce projet provient de sa passion pour l’histoire, la milice canadienne et les guerriers des Premières Nations. Il souhaite également souligner la fière histoire militaire de sa propre famille.

Il explique qu’un tel projet rend hommage aux femmes et aux hommes autochtones qui ont servi leur pays. Ils ont répondu rapidement et en grand nombre à l’appel : 4 000 ont participé à la Première Guerre mondiale et 3 000 à la Seconde Guerre mondiale.

«Leurs nombreux exploits et sacrifices sont une source d’inspiration, précise-t-il. Ce projet souligne la contribution des Premières Nations qui ont participé avec courage et détermination aux conflits militaires.

«Les élèves sont ravis d’apprendre l’histoire du guerrier Tommy Prince et des autres qui ont été décorés, explique M. Yanchus. Le moment le plus palpitant est l’étape de la recherche, lorsque les élèves sont surpris de la quantité d’information qui existe dans le web sur les guerriers des Premières Nations.»

Soldats canadiens revenant de la crête de Vimy, en mai 1917.

Photo : PA001332, avec permission des Archives nationales du Canada

«Les élèves ont déposé des coquelicots sur les tombes canadiennes de Normandie et de Vimy.»

À la Eastview Secondary School de Barrie, Clint Lovell, chef du département d’histoire, et ses élèves organisent une cérémonie du jour du Souvenir pour l’école. Cet automne, à l’instar des années précédentes, ils vont commémorer les efforts de guerre du Canada, présents et passés.

«Le but est de rendre l’activité la plus authentique possible pour les élèves», explique M. Lovell.

En mars dernier, il a accompagné des élèves du cours d’histoire en France, où ils ont visité Ypres, la crête de Vimy et la Normandie. M. Lovell avait déjà visité ces lieux, mais de partager cette expérience avec des adolescents ayant sensiblement le même âge que les soldats a pris une autre dimension. «Ils ont constaté la perte inutile de jeunes vies», ajoute-t-il.

Les élèves ont déposé des coquelicots sur les tombes canadiennes de Normandie et de Vimy, et ils recréeront la cérémonie le 11 novembre dans le gymnase de l’école. Gordon Leech, ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, résidant de Barrie, fera un discours. Une autre présentation sera faite par un soldat de la région qui a participé à la cérémonie de rapatriement de la dépouille d’un confrère tué en Afghanistan cette année.

Ces dernières années, M. Lovell a également invité des survivants de l’holocauste, un réfugié du Rwanda et un clerc musulman à la cérémonie du jour du Souvenir. «Nous visons à donner vie à l’actualité et à l’histoire, explique-t-il, pour faire en sorte que le 11 novembre ait un sens véritable, qu’il sensibilise les élèves aux événements qui se déroulent ailleurs et qu’il les fasse réagir.»

La Hillcrest Secondary School de Thunder Bay a peut-être la meilleure tribune pour commémorer les anciens combattants, et elle fait partie du quotidien des élèves. L’escalier d’honneur est une initiative de M. Orvin Campbell, un ancien enseignant de l’école, retraité depuis 1989.

M. Campbell a fréquenté cette école et servi dans les rangs des cadets de la marine pendant la Seconde Guerre mondiale. Il affirme que 1 044 élèves de Hillcrest ont pris part à la Seconde Guerre mondiale, soit 962 hommes et 82 femmes. Il s’agissait à l’époque d’un taux d’enrôlement exceptionnel pour une école qui comptait à peine 600 élèves.

L’escalier d’honneur accueille les visiteurs à l’entrée de l’école. Les portraits grand format de 84 élèves de l’époque de la Seconde Guerre mondiale ornent chaque côté de l’escalier de 55 marches qui mène à l’auditorium de l’école.

L’an dernier, on y a ajouté la photographie de Joshua Klukie. M. Klukie, soldat de premier bataillon du Régiment royal canadien, a été tué en Afghanistan en septembre 2006. Russ Johnston lui a enseigné l’histoire et le décrit comme un élève, un athlète et un modèle exceptionnel, de même qu’un meneur-né.

Chaque année, les élèves d’histoire de 10e année font un projet sur les portraits qui ornent l’escalier. M. Johnston explique que les élèves en viennent à mieux comprendre l’immense sacrifice qu’ont fait les soldats pour leur pays. «Ils n’en saisissent pas toute la portée, à moins de vivre eux-mêmes l’expérience, mais ils développent une profonde appréciation.»

À Hillcrest, une annonce par interphone souligne le jour du Souvenir. On lit généralement un poème ou un texte et l’on observe un moment de silence. On entend les échos de Réveille et de La sonnerie aux morts. C'est plus ou moins ce que font les milliers d’écoles de la province.

Mais Hillcrest se démarque. «Les anciens combattants et leurs sacrifices font partie intégrante de notre école, avance M. Johnston. Nous nous remémorons leur immense contribution tous les jours, et pas seulement le jour du Souvenir.»

Ressources internet

Pour obtenir le guide à l’intention du personnel enseignant conçu par la Légion royale canadienne, rendez-vous à www.legion.ca.

On retrouve des ressources pour les enseignants sur le site des Anciens combattants Canada à www.vac-acc.gc.ca. Il y a également une page sur les projets d’école. En entrant le nom Hillcrest High School dans la barre de recherche, vous pourrez voir les portraits de l’escalier d’honneur.

Pour en savoir plus sur le Projet Mémoire, programme éducatif de l’Institut du Dominion conçu pour tisser des liens entre les anciens combattants et les élèves, rendez-vous à www.thememoryproject.com.

Le Musée canadien de la guerre fournit aussi du matériel pour le personnel enseignant dans son site à www.museedelaguerre.ca.