Une journée dans la vie...

Pierre Beaupré,Timmins

École secondaire Thériault
Conseil scolaire de district catholique des Grandes Rivières
Sciences sociales
Certifié en 1975
Faculté d’éducation, Université d’Ottawa
de Mario Cossette

Il est à peine 8 h du matin quand Pierre Beaupré arrive à l’école. Il n’a reçu aucun avis de suppléance aujourd’hui. Son premier cours ne commence que dans 50 minutes, mais il aime se trouver sur place quand l’école prend vie.

«Il se trouve toujours quelqu’un qui a besoin de me voir, que ce soit un élève qui a besoin de conseils pour un devoir ou même d’une prolongation parce que son travail à temps partiel l’a obligé à travailler tard ces derniers jours», dit Beaupré, responsable d’un module des sciences sociales à l’École secondaire Thériault à Timmins. «Parfois les élèves passent simplement me dire bonjour. Il n’y a pas de meilleures façons de commencer la journée.»

Dans les corridors, il rencontre une de ses élèves qui connaît une journée difficile. Dernièrement, sa situation familiale s’est détériorée. Beaupré est au courant de cette situation depuis quelque temps; il lui prête une oreille attentive et lui offre des conseils réconfortants.

Elle hésite à se rendre au cours de Beaupré dans quelques minutes; son esprit est ailleurs. Il lui demande s’il y a du nouveau à la maison. Il s’assure qu’elle est en sécurité et lui suggère de venir au cours, car cela pourrait lui changer les idées, lui faire oublier, ne serait-ce que momentanément, sa situation familiale.

«Timmins n’est pas une grande ville et sa population est très homogène. C’est un milieu de cols bleus du nord de l’Ontario. Nous connaissons assez bien nos élèves et leur famille, ajoute Beaupré. Sans s’investir trop personnellement dans des situations difficiles, nous ne pouvons tourner le dos à des situations comme celle de cette élève. Je ne peux lui offrir que quelques conseils; je connais mes limites. Là où je peux les aider le plus, c’est dans la classe.»

Pierre Beaupré est né à Iroquois Falls. Son père enseignait au secondaire, sa mère à l’élémentaire. Ses frères et sœurs ont aussi choisi l’enseignement comme carrière.

La famille a déménagé à Sturgeon Falls. Pendant ses études secondaires dans les années 60, Beaupré a joué un rôle dans la grève menée à la suite de la décision prise par le conseil scolaire de langue anglaise de refuser de construire une école pour la population principalement francophone de Sturgeon Falls. Il a fini ses études secondaires en 1971, l’année où le conseil scolaire a finalement accepté de construire une école secondaire de langue française à Sturgeon Falls.

À l’Université d’Ottawa, il a étudié l’histoire et la géographie, s’est marié pendant ses études, puis a décidé de faire carrière en enseignement. En 1975, il a déménagé à Timmins. Ses deux filles sont maintenant étudiantes à l’Université d’Ottawa.

À l’horaire de Beaupré, la première période de cours est libre. Il passe cette période dans la salle du personnel du module de sciences sociales à corriger des travaux, à préparer un prochain cours, à faire du travail pour l’un des nombreux comités dont il est membre ou encore à parler avec un élève. Le prochain semestre sera différent : il n’aura pas de période libre à son horaire.

L’heure est venue pour le premier cours de Pierre Beaupré : un cours de droit aux élèves des CPO. L’élève qu’il avait rencontrée plus tôt dans le corridor est déjà là, assise à son bureau. La classe peut commencer.

Aujourd’hui, on parle de la constitution canadienne «parce que c’est le document législatif fondateur au Canada, toutes les autres lois en découlent d’une manière ou d’une autre. Tout ce que je leur enseigne en découle», dit Beaupré. C’est lui qui est à l’origine du changement de la structure du conseil étudiant — d’une structure présidentielle à une structure qui rappelle le système parlementaire canadien avec un premier ministre et des ministres responsables de divers volets de la vie étudiante. Thériault étant une école secondaire catholique, on y trouve même un ministère des Affaires pastorales.

L’appel des présences au début de chaque cours donne le ton au cours et permet à Beaupré de prendre le pouls de son groupe et d’accumuler l’information requise pour les 80 minutes que durera ce cours. C’est aussi le temps de faire les annonces sur les événements et travaux à venir. Aujourd’hui, l’enseignant veut savoir qui se rendra aux funérailles du frère d’un camarade de classe. «Cet ancien élève était encore très populaire et un excellent coureur de cross country qui avait réussi à obtenir une bourse d’une université américaine. Il a encore un frère et une sœur ici. Sa mère a déjà enseigné ici. Sa mort subite dans un accident d’auto a causé un grand émoi au sein du personnel et des élèves de Thériault, tout spécialement chez les élèves des CPO», précise Beaupré.

«Nous avons annoncé la nouvelle lundi matin et enseigner était devenu impossible. J’étais moi aussi sous le choc et j’ai dû mettre le programme de côté et m’assurer que les élèves qui avaient besoin de counselling en recevaient, que ce soit en les envoyant chez un conseiller ou en prenant le temps de parler de la situation en classe.»

Les élèves sont attentifs à ce qu’enseigne Beaupré. Sa voix commande le respect. Il crée des situations qui suscitent la participation des élèves. Les échanges entre l’enseignant et ses élèves sont animés et vont dans les deux sens.

Il arpente les allées entre les bureaux des élèves, s’arrête, se dirige d’un coup vers le fond de la classe. Les élèves ne le quittent pas des yeux.

«L’acte d’enseigner est très théâtral. Quand je me trouve devant un groupe d’élèves, je sais qu’ils sont ici pour apprendre. Ils savent que je suis ici pour enseigner. Or, nulle part est-il dit que cela doit être ennuyeux», dit Beaupré.

À l’horaire ensuite, il donne un cours d’histoire de 10e année, le premier de deux cours d’histoire. Les élèves entrent dans la classe et la cloche n’a toujours pas sonné. Un élève s’asseoit droit devant le bureau de l’enseignant, tout à côté de son aide-enseignant. Il annonce à Beaupré qu’il a un vilain rhume aujourd’hui.

Une autre élève s’approche pour lui annoncer qu’elle n’a pas eu la chance de finir son devoir.

Les élèves sont de bien meilleure humeur aujourd’hui qu’ils ne l’ont été dernièrement.

Le ton qu’utilise Beaupré est sensiblement le même que celui emprunté pour ses élèves des CPO, avec quelques différences cependant. «Quand je pose une question à mes élèves des CPO, la plupart du temps j’obtiens une bonne réponse et parfois même un contexte qui appuie cette réponse qu’ils ont lue dans un livre, un journal, à la télévision ou qu’ils ont tiré de leur expérience personnelle, précise Beaupré. Avec mes élèves de 10e année, je dois parfois poser la même question plus d’une fois et différemment. Avec le nouveau curriculum, je n’ai pas toujours le temps de présenter le contexte ni les ressources qui leur permettraient de comprendre pleinement de quoi je parle. Et je ne suis pas convaincu qu’ils comprendraient de toute façon. J’enseignais ce matériel à des élèves plus vieux auparavant.»

Le groupe est plus jeune. La discipline se doit donc d’être un peu plus serrée. Devant lui se trouvent 29 adolescents. Il règne une certaine agitation. Thériault se ressent encore des secousses qui ont accompagné les événements du 11 septembre.

«Je prépare toujours mes leçons bien à l’avance. Je connais le curriculum sur le bout des doigts, peu importe le rythme des changements apportés par le ministère. Or, il devient impossible de s’en tenir au curriculum quand des tragédies comme celle-ci surviennent», ajoute Beaupré.

«Les élèves ressentent ce qui se passe dans le monde. Ils sont au courant de ce qui se passe, mais trop souvent manquent les connaissances requises pour expliquer ou comprendre ces événements. Mon travail consiste en partie à donner des explications, à présenter une perspective sur les actualités et à faire des liens avec ce que j’enseigne. Même si aujourd’hui je dois couvrir la vie politique sous Wilfrid Laurier, il sera certainement question de l’Afganistan pendant ma leçon.»

C’est l’heure du lunch. Le premier cours d’histoire reprendra après la pause du midi. À Thériault, les enseignants n’ont que 30 minutes pour manger, se détendre, se préparer au reste de la journée et parler avec leurs collègues. En un rien de temps, les élèves sont de retour en classe.

Un peu plus tard, Beaupré doit recommencer le tout et faire preuve du même enthousiasme avec le second groupe sur la vie politique sous Wilfrid Laurier. «Je connais mes élèves et j’essaie de les faire participer tous ou, à tout le moins, de m’assurer qu’ils retiennent quelque chose de mes cours, dit Beaupré. Je me sers de cartes géographiques du Canada et du monde à diverses époques de l’histoire. Cela les aide à voir le monde sous une autre lumière, à voir les changements qui sont survenus et qui se poursuivent.»

Tenir les élèves éveillés et intéressés au cours peut représenter tout un défi à la dernière période de la journée. Pourtant, les élèves demeurent — dans la plupart des cas — captivés par ce que Beaupré leur enseigne. Il se déplace à vive allure d’un coin de la classe à un autre, d’une carte géographique à l’autre, leur montre un extrait vidéo sur Laurier, leur fait écouter un extrait audio de la vie de Laurier. Beaupré réussit à leur enseigner certaines notions sur Laurier, la guerre des Boers et ce qu’est un compromis tout en leur rappelant la différence entre un fait historique et les impressions qu’un personnage a pu laisser.

Enfin 15 h. Les élèves repartent chez eux. Il reste encore des travaux à corriger, des leçons à préparer, du travail à abattre pour les comités, des élèves à superviser au programme d’haltérophilie.

Aujourd’hui toutefois, le programme est bouleversé. Tout le personnel enseignant de Thériault se réunit à 15 h 30 au salon funéraire en appui à la famille de l’ancien élève décédé voilà quelques jours. Beaupré, comme bien d’autres, a enseigné à cet élève.

Pierre Beaupré
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