Les enseignants remarquables de Nathalie Nadon
d’Annik Chalifour
Ayant bâti toute sa carrière en Ontario français depuis l’école secondaire, la comédienne-interprète se considère comme une artiste franco-ontarienne avant tout!
Nathalie Nadon est née à Ottawa de parents francophones originaires de la région de l’Outaouais. «Quand on vit sur la frontière des deux provinces, comme à Hull où je vivais avec ma famille durant mon enfance, dit-elle, on fait régulièrement la navette entre le Québec et l’Ontario. Ça fait partie du mode de vie.
«J’ai été attirée par l’école secondaire De La Salle parce qu’on y offre un programme de concentration en arts qui inclut toutes les disciplines dont le théâtre, le chant, la musique, les arts visuels, la danse contemporaine et le ballet. Je ne pensais pas y être admise, mais à ma grande surprise, j’ai été acceptée suite à une audition où j’ai récité un poème de Jacques Prévert.»
Depuis l’élémentaire, Nathalie Nadon était attirée par les matières portées sur la communication orale. Elle a trouvé chaussure à son pied dans le programme d’arts dont 40 % du temps était alloué aux disciplines artistiques.
«Je n’étais pas une élève particulièrement douée, j’aimais surtout participer aux activités parascolaires et particulièrement celles reliées aux arts de la scène.»
Déjà à l’élémentaire, elle démontrait une certaine aisance à parler en public, ce qui l’a poussée à monter sur les planches du théâtre communautaire de la Ville de Hull.
André Dubois |
Un enseignant capable de reconnaître ses talents
Durant les quatre années qu’elle a passées à l’école De La Salle, Nathalie a rencontré plusieurs enseignants d’art qui l’ont marquée : «Quand on est jeune, on a besoin d’un modèle; j’ai été particulièrement encouragée par André Dubois, un de mes enseignants en 11e année et passionné de théâtre.
«M. Dubois savait tirer le maximum de ses élèves sur le plan artistique. Il était capable de reconnaître les talents, les forces et les faiblesses de chacun.
«Par exemple, afin de donner à chacun la possibilité de jouer un personnage selon ses capacités (nous étions un groupe de 25 adolescents), il a décidé de mettre en scène plusieurs extraits d’une œuvre de Michel Tremblay, de façon à permettre à chaque élève de choisir un rôle à sa mesure. Quand on a 16 ans, on commence à vouloir affirmer ses goûts et André Dubois le comprenait bien. Il s’est vite aperçu que j’étais à l’aise en tant que comédienne et chanteuse, et il m’a encouragée dans ce sens.»
C’est à cette époque, au début des années 1990, que Nathalie a commencé à chanter avec l’appui de son enseignant tout en faisant du théâtre. André Dubois a vu en elle son plein potentiel de comédienne, mais aussi de chanteuse : «Je lui ai confié l’interprétation de l’une des chansons du dramaturge, laquelle a été créée par Pauline Julien. Je revois ce bout de femme, seule en scène, et qui chantait avec l’intériorité et l’intensité d’une artiste de grande maturité, malgré ses 16 ou 17 ans.
Dans un autre spectacle, celui-là sur l’œuvre du dramaturge franco-ontarien Jean-Marc Dalpé, j’avais assigné à Nathalie le très beau monologue de la mère dans la pièce Le chien. Un bijou d’écriture dramatique que l’on ne confie pas à n’importe qui. Ce fut un autre de ces moments qui font que le temps s’arrête et que le public est ensorcelé, ce qui inclut le metteur en scène que j’étais et qui entendait le monologue pour la énième fois!»
«Grâce à lui, déclare Nathalie Nadon, j’ai appris qu’un artiste doit avoir plusieurs cordes à son arc!»
Jean-Claude Bergeron |
Un mentor indispensable à l’épanouissement artistique
Pendant que Nathalie Nadon était au secondaire, Jean-Claude Bergeron était le directeur du programme d’arts de l’école De La Salle. Elle affirme qu’il a été pour elle une personne-ressource clé et un mentor essentiel à son cheminement artistique. «M. Bergeron m’a conseillée exactement comme si j’étais potentiellement une future artiste», se souvient-elle.
Jean-Claude Bergeron, ancien enseignant d’art et directeur fondateur du Centre artistique d’excellence de l’école secondaire De La Salle en 1982, se souvient de Nathalie Nadon comme d’une élève joyeuse, active, très dynamique et tenace. «Nathalie démontrait déjà beaucoup de persévérance et un vif intérêt pour le théâtre et la comédie, dit M. Bergeron. Et la ténacité est gage de succès pour tous ceux et toutes celles qui choisissent la vie artistique.
«L’élève doit premièrement avoir un rêve, une vision pour lui-même. Notre rôle est d’encourager et d’appuyer les jeunes à poursuivre ce rêve. Les jeunes qui s’intéressent aux arts sont en général plus créatifs et moins traditionnels dans leur façon d’apprendre; comme enseignant, il faut donc s’ouvrir à de nouvelles pédagogies et donner libre cours à l’ingéniosité artistique des élèves, c’est-à-dire permettre l’éclosion et le développement de leurs talents.
Il était capable de reconnaître les talents, les forces et les faiblesses de chacun.
Selon M. Bergeron, «Nathalie répondait positivement à une pédagogie créative et ouverte qui lui permettait de mettre en évidence son talent de comédienne. On sentait que Nathalie prenait de l’assurance, ce qui est très précieux dans la vie d’un artiste. Avoir confiance en soi, travailler fort et croire en son rêve constituent les principaux éléments de réussite chez un artiste. Comme enseignant, on doit viser à aider les élèves artistes à acquérir ces trois aptitudes essentielles.»
En juin 1994, la directrice artistique de la Jeune Compagnie du Festival de Charlottetown a communiqué avec M. Bergeron pour lui demander s’il avait une jeune artiste francophone à lui recommander.
D’emblée, il a proposé Nathalie. C’est ainsi qu’elle a participé aux comédies musicales du Festival d’été de Charlottetown durant trois saisons estivales. Cette expérience l’a propulsée! En 1995, Nathalie tenait le rôle principal où elle chantait dans la production We will not forget à l’occasion de laquelle elle a participé à un tournage avec Radio-Canada. «C’est ainsi que je suis devenue bilingue, car j’ai dû m’immerger dans le milieu anglophone de l’Île-du-Prince-Édouard. J’avais alors 18 ans», se souvient Nathalie Nadon.
Elle souligne également que, durant son cours secondaire, elle fut la représentante de la concentration Arts durant deux ans. «J’étais la voix des artistes de l’école auprès du conseil scolaire et je jouissais de l’appui indéfectible de M. Bergeron. Nous nous sommes même battus pour garder notre école ouverte à un moment où la politique liée à l’éducation de langue française traversait une période houleuse en Ontario.»
«Quand un élève a un vrai talent, ça se voit, affirme M. Bergeron. Nathalie a trouvé son chemin. La comédie musicale lui convient très bien. Elle est devenue une artiste polyvalente et c’est ce qu’il faut pour réussir dans son domaine! Maîtriser plusieurs disciplines artistiques est la clé du succès d’une comédienne comme Nathalie Nadon qui allie théâtre et chant.»
Plusieurs élèves de la cohorte de Nathalie sont restés dans le domaine des arts de la scène depuis la fin de leurs études en 1998, dont Jennie Laquerre, Martin Fink, Tonia Lapointe, pour n’en citer que quelques-uns et ce, grâce au programme d’études en arts de l’école De La Salle et de la persévérance d’intervenants scolaires tels qu’André Dubois et Jean-Claude Bergeron.
Vie artistique florissante
Au milieu des années 1990, la jeune femme a travaillé pour le Théâtre du Trillium et le Théâtre de l’Île de Hull avec Gilles Provost, et a participé à de nombreux spectacles dans l’Outaouais. Elle a également contribué à la télésérie populaire C’est de mes affaires diffusée par TFO et destinée aux 16 ans et plus.
Récemment, elle a monté Les Chiclettes avec deux autres chanteuses francophones : Geneviève Cholette et Julie Kim, groupe qui a remporté le prix Coup de Foudre en janvier 2010, décerné par Réseau Ontario.
Cette année, de février à octobre, on a pu voir Nathalie Nadon sur les planches du festival de Stratford : elle y a joué le premier rôle dans les comédies musicales Jacques Brel is alive and well and living in Paris, où elle a partagé la scène avec Brent Carver, et Comme il vous plaira de Shakespeare dans le rôle d’Hisperia.
Option théâtre
«Mon seul regret, c’est de ne pas avoir eu accès à plus d’informations à la fin de mes études secondaires pour poursuivre des cours de théâtre en français au palier postsecondaire», explique la comédienne.
Bien que Nathalie soit heureuse d’avoir obtenu un baccalauréat en théâtre à l’Université d’Ottawa en 1997, elle déplore que les élèves ne soient pas mieux informés quant aux nombreuses occasions qui existent de poursuivre des études postsecondaires en français. «Par exemple, les Universités Concordia et de Moncton ou Le Coq en France. Il n’y a pas seulement l’École nationale de théâtre et le Conservatoire au Québec», dit-elle.
Après tout, la continuité du français en Ontario dépend aussi de la pérennité de notre vie artistique de langue française et de notre capacité à découvrir la relève et à l’encourager à s’épanouir. À cet égard, la contribution de Nathalie Nadon est précieuse.
André Dubois et Nathalie Nadon