Fixer ses propres objectifs et ses propres horaires

La réussite de l’apprentissage autonome

de Leanne Miller, EAO, et Nick Brune

La nouvelle de l’arrivée de cyber-profs.org s’est propagée comme une traînée de poudre. En un rien de temps, le nombre élevé d’utilisateurs a forcé le site web à prendre un format qui répond davantage aux besoins. Cyber-profs.org est l’histoire d’une double réussite, tant pour les administrateurs du site que pour les pédagogues qui en profitent.


Vue de l’extérieur, l’école ressemble à toute autre grande école secondaire urbaine. Même chose à l’intérieur. Les corridors bourdonnent d’activités; les enseignants et les aides-enseignants s’affairent auprès des élèves; et les élèves sont tout autant occupés à étudier et à apprendre. Pourtant, l’école secondaire catholique Mary Ward du Toronto District School Board diffère de toutes les autres écoles.

Elle offre un programme de formation générale complet à tous les niveaux d’études ainsi qu’un programme d’anglais langue seconde et un programme intensif de français. Il y a des programmes pour les élèves surdoués et pour ceux qui ont des problèmes de développement. De plus, les élèves participent à une gamme complète d’activités sportives parallèles aux études et à des clubs.

Mais là s’arrêtent les similitudes. Établie en 1985, l’école secondaire Mary Ward est l’une des six écoles au pays et l’une des deux écoles en Ontario qui offrent le programme régulier au moyen d’un apprentissage dirigé par l’élève. Plutôt que d’avoir un apprentissage dans des classes traditionnelles dirigées par des enseignantes et enseignants, les élèves étudient et acquièrent des connaissances de manière autonome avec l’aide du programme d’enseignants-guides.

L’énoncé de mission de l’école secondaire Mary Ward résume bien son objectif : les élèves progressent dans un programme d’apprentissage autonome qui les invite à être chefs de file dans un contexte axé sur la réussite. Tous les élèves peuvent atteindre leur plein potentiel grâce à l’apprentissage autonome.

Autrement dit, comme l’explique la directrice de l’école, Patricia Coburn, EAO, les élèves fixent leurs propres objectifs d’apprentissage, suivent un programme personnalisé et travaillent et acquièrent des connaissances dans un environnement qui leur permet de poursuivre activement cet apprentissage autonome.

Il n’y a pas de calendrier principal. Il n’y a pas de cloche, pas de période, pas de semestre ni de classe traditionnelle.   

Il n’y a pas de calendrier principal. Il n’y a pas de cloche, pas de période, pas de semestre ni de classe traditionnelle. Les cours sont plutôt fondés sur un programme d’études régulier réparti en 18 unités de formation. Les élèves travaillent de manière autonome sur une unité à la fois et suivent une philosophie d’apprentissage de la réussite qui exige une note minimale de 60 p. 100 pour tous les travaux scolaires évalués avant le passage à l’unité suivante. La 18e unité est la dernière évaluation et comporte un examen ou une activité culminante, ou encore une combinaison des deux, tout comme dans la plupart des écoles.

L’école secondaire Mary Ward est une école communautaire qui compte environ 1 150 élèves. Elle accorde la priorité aux élèves de 8e année provenant de ses six écoles nourricières. Par la suite, les demandes d’admission proviennent des écoles du conseil scolaire et la priorité est accordée aux frères et sœurs des élèves qui fréquentent déjà l’école et aux élèves qui s’inscrivent au programme intensif de français.

L’autre école en Ontario qui offre un programme d’apprentissage autonome est l’école secondaire Westmount de l’Hamilton-Wentworth District School Board. Bien que les deux écoles aient en commun une philosophie générale, le directeur de l’école secondaire Westmount, Rick Kunc, EAO, établit une distinction entre les deux et précise que l’école secondaire Westmount a été établie initialement comme une école secondaire combinée traditionnelle.

«Nous n’avons pas les locaux dont l’école secondaire Mary Ward dispose. Nous avons donc un calendrier plus traditionnel, mais qui offre aux élèves une certaine liberté. Notre approche comporte un élément de rythme individuel et de direction de l’apprentissage par les élèves.»

Les 1 400 élèves de l’école secondaire Westmount proviennent de 96 écoles élémentaires du conseil scolaire. À partir de la 10e année, les élèves des 17 écoles secondaires du conseil scolaire peuvent également soumettre une demande d’admission.

M. Kunc précise que le modèle de rythme individuel permet aux élèves de choisir un plan de formation qui convient à leurs capacités dans le cadre des huit cours traditionnels, du régime de semestres et du calendrier régulier.

«Si Marc ne veut pas assister à son cours d’anglais aujourd’hui pour se concentrer sur ses mathématiques, il peut aller voir son enseignante d’anglais pour l’aviser de son absence, puis il peut travailler sur ses mathématiques dans un endroit qui répond à ses besoins d’apprentissage pendant cette période, explique M. Kunc. Mais si l’enseignante d’anglais présente une leçon importante sur Hamlet cette journée-là, elle pourra permettre à Marc de reporter sa leçon au lendemain.

«Lorsque nous permettons aux élèves de déterminer leur propre apprentissage et le rythme de cet apprentissage, ils réussissent davantage, déclare M. Kunc. C’est aussi simple que cela.»

Ted Bohn, EAO, dirige les élèves du cours de musique à l’école secondaire Westmount d’Hamilton.

Journée typique

L’école dénuée de semestres est divisée en fonction des départements de matières traditionnelles. Chaque département dispose d’une grande salle de travail à aire ouverte où les élèves de toutes les classes et de tous les niveaux d’habiletés et de cours précis se regroupent pour travailler de manière individuelle sur leurs unités de formation. Des enseignantes et enseignants des matières étudiées sont toujours disponibles – à l’étage, comme on dit – pour répondre aux questions et offrir de l’aide. Des salles d’étude, des salles pour les rencontres individuelles et des salles à des fins spéciales comme les laboratoires de sciences et d’informatique sont adjacentes à chaque salle de travail. L’école compte également trois grandes salles de conférence où n’importe quel département peut prévoir des colloques et d’autres grandes assemblées.

Les membres du personnel enseignant de l’école secondaire Mary Ward ne donnent pas de cours tous les jours dans des classes traditionnelles. La plupart du temps, ils travaillent avec des élèves de manière individuelle pendant leur période d’affectation «à l’étage». Mais ils dirigent des activités en classe appelées

«séminaires» environ une fois toutes les deux semaines. Les élèves doivent inscrire dans leur horaire les séminaires portant sur une matière en particulier. Leur participation est obligatoire et les présences sont prises.

En fait, les enseignantes et enseignants des deux écoles prennent les présences trois fois par jour. L’apprentissage autonome n’a rien à voir avec des élèves qui décident de ne pas assister aux cours qu’ils n’aiment pas.

Patrick McAlpine, EAO, enseigne l’anglais à l’école secondaire Mary Ward. Il enseigne rarement à un groupe complet d’élèves trois fois par jour comme il le ferait dans une école secondaire des environs. Il s’affaire plutôt chaque jour à rencontrer individuellement les élèves des cours d’anglais qui lui ont été assignés avant que ceux-ci ne remettent leurs devoirs. Il indique les erreurs, pose des questions pour s’assurer que les élèves comprennent et les met au défi d’améliorer leurs travaux écrits.

M. McAlpine rit lorsqu’il explique qu’un bon nombre d’élèves reviennent sans cesse le voir pour s’assurer que leur travail est aussi parfait que possible, avant de le remettre aux fins d’évaluation finale. «Ces élèves sont vaillants», dit-il.

En fait, environ 85 p. 100 des élèves de l’école secondaire Mary Ward poursuivent des études collégiales ou universitaires. À l’école secondaire Westmount, le pourcentage est semblable : environ 90 p. 100 des élèves optent pour des études postsecondaires.

Chaque élève établit une relation à long terme avec une ou un adulte qui agit comme conseiller et mentor. 

M. Kunc explique que le modèle de formation à l’école secondaire Westmount est fondé sur le principe que les élèves ont différents styles d’apprentissage. Le programme permet une plus grande autonomie et offre à l’élève plus de possibilités de diriger son propre apprentissage.

Il indique que «cet environnement axé sur les élèves, que l’on retrouve dans toutes les écoles membres de la Canadian Coalition of Self-Directed Learning (coalition canadienne de l’apprentissage autonome), a des applications dans n’importe lequel établissement traditionnel.»

En accord avec l’Association des enseignantes et enseignants catholiques anglo-ontariens, les pédagogues de l’école secondaire Mary Ward suivent chaque jour des horaires d’enseignement propres à chaque programme prévoyant trois heures d’enseignement de la matière (temps consacré en classe), 40 minutes de préparation de classe et une heure de mentorat désigné offrant des crédits et qu’on appelle le travail d’enseignant-guide. Il faut suivre les cours obligatoires de citoyenneté, de choix de carrière et de leadership, et de stratégies d’apprentissage.

Le programme de mentorat est l’élément essentiel du programme de Mary Ward. En tout, 18 élèves de toutes les années et de tous les niveaux d’étude sont assignés à chaque enseignant, y compris les bibliotechniciens et les conseillers en orientation. Les élèves demeurent dans leur groupe d’enseignants-guides (EG) pendant les quatre ou cinq années qu’ils fréquentent l’école.

Les élèves de l’école secondaire Westmount appartiennent à des groupes semblables, bien que les groupes de cette école ne se réunissent qu’une fois tous les dix jours. En tout, 69 groupes d’EG de l’école Mary Ward se rencontrent trois fois par jour. L’enseignant-guide prend les présences et les élèves informent leur enseignant-guide des changements à leur horaire.

De plus, chaque membre du groupe rencontre en personne l’enseignant-guide une fois toutes les deux ou trois semaines pour un entretien de 30 minutes où il est question de l’établissement de l’horaire à court et à long terme, du choix de cours, de la planification de carrière et de la gestion du temps. Les réunions portent sur le rythme de l’apprentissage et l’achèvement des cours. Après chaque réunion, l’enseignant-guide transmet en ligne aux parents un rapport d’évaluation sur les progrès de l’élève.

Le système sans fil de l’école secondaire Mary Ward offre aux enseignants-guides l’accès aux relevés de notes de leurs élèves, aux renseignements sur les cours, au bilan des réalisations, aux progrès accomplis pour terminer chaque unité, aux résultats des tests et à d’autres renseignements. Grâce à ce système, il est facile de transmettre, par voie électronique, des rapports aux parents et aux tuteurs et de communiquer avec eux.

Selon Mme Coburn, le programme des enseignants-guides offre un avantage important : chaque élève établit une relation à long terme avec une ou un adulte qui agit comme conseiller et mentor.

Des élèves en train d’étudier le français au laboratoire de langues de l’école secondaire catholique Mary Ward de Toronto

Soutien scolaire structuré égale succès

Le modèle de l’école secondaire Mary Ward repose sur le travail essentiel des aides-enseignants et des adjointes et adjoints à l’enseignement. La directrice demande chaque année la permission au conseil scolaire de procéder à la dotation spéciale de ces postes puisque deux aides-enseignants comptent pour un enseignant.

Les fonctions des 14 assistants varient d’un département à l’autre, mais elles comportent habituellement la distribution et la collecte des livrets contenant les unités d’apprentissage et l’aide fournie pour organiser les laboratoires. Deux aides-enseignants dirigent le laboratoire où les élèves passent des tests lorsqu’ils terminent une unité. Les enseignantes et enseignants doivent avoir trois ou quatre versions d’un test afin d’assurer l’intégrité scolaire.

Ainsi, dans un test portant sur la pièce Roméo et Juliette, on demande aux élèves de choisir deux citations parmi une liste de cinq, de trouver le narrateur et l’auditeur et d’expliquer la signification et l’importance de la citation. Dans différentes versions du test, la tâche demeure la même, mais les citations changent.

Si trois élèves d’un même cours arrivent ensemble au centre des tests, l’aide-enseignant s’assure qu’ils s’assoient séparément et qu’ils reçoivent différentes versions du même test. Les élèves qui ont besoin d’aide pendant le test peuvent faire appel à l’enseignant.

Comme tous les autres élèves, les élèves de Mary Ward passent leur examen final pour tous les cours le même jour et à la même heure, bien que ceux qui finissent un cours plus tôt peuvent passer leur examen plus tôt. Les élèves s’entendent à cet égard avec l’enseignante ou l’enseignant de la matière et une série d’examens a habituellement lieu en mai, date à laquelle un grand nombre d’élèves terminent leur année.

Les 17 adjointes et adjoints à l’enseignement travaillent comme des adjoints traditionnels, aidant les enseignants en éducation de l’enfance en difficulté de l’école. Joanna Morra, EAO, enseignante en éducation de l’enfance en difficulté, explique que l’un des grands avantages du programme de l’école Mary Ward est que les enfants sont presque entièrement intégrés et qu’ils étudient avec tous les autres élèves pendant les périodes en classe. Mme Morra, elle-même diplômée de l’école Mary Ward, y enseigne depuis cinq ans.

Cette année, parmi les 1 150 élèves, on compte 90 élèves en difficulté, sans compter les élèves surdoués et 23 élèves ayant de nombreux besoins particuliers et des retards de développement.

«Ces élèves s’assoient et étudient avec des élèves des classes régulières, explique Mme Morra. Même s’il y a peu d’interaction sociale, les enfants apprennent en imitant les autres. Ils voient que les autres élèves restent assis et travaillent en silence et ils ont tendance à faire la même chose. Il y a moins de problèmes de comportement que si ces élèves restaient entre eux toute la journée.»

Ces élèves sont regroupés pour les cours de musique vocale, de cuisine et d’arts visuels, et ils reçoivent un enseignement individuel et un soutien répondant à leurs besoins personnels et à leurs niveaux d’études.

Cours d’été

L’école secondaire Mary Ward offre des cours d’été dans le cadre du programme régulier. Ces cours appuient la philosophie de l’éducation permanente, de la pédagogie du succès et de l’apprentissage autodirigé. Les élèves ayant terminé 14 des 18 unités d’un cours avant la deuxième semaine de juin peuvent s’inscrire à un programme d’été de quatre semaines en vue de terminer un cours. Par ailleurs, ils peuvent reporter un maximum de quatre unités de formation l’année suivante et doivent terminer les 18 unités d’un cours avant le début de novembre.

Bien que l’école secondaire Westmount ne donne pas de cours d’été, elle offre aux élèves un processus de report souple entre deux années scolaires. «L’apprentissage des élèves ne se termine pas toujours en juin. La prolongation des délais et divers choix peuvent avoir des répercussions positives sur leur réussite, quel que soit le milieu scolaire», indique M. Kunc.

Les élèves vont chercher leur trousse de travail au centre de ressources avant de se rendre à leurs cours.

Agenda et calendrier

Les élèves de l’école Mary Ward reçoivent tous un agenda pour inscrire leurs réunions de groupe et leurs réunions individuelles avec les enseignants-guides, les horaires des «séminaires» et des cours en classe, les dates d’achèvement de leurs unités et leurs notes. Étant donné que les tests doivent être administrés dans les six jours suivant l’autorisation des enseignants, les élèves peuvent également consigner la durée d’un test. Les dates cibles pour l’achèvement des unités ainsi que les dates des réunions avec les enseignants, des congés fériés et des sorties éducatives sont déjà indiquées dans leur calendrier.

Les élèves reçoivent également un planificateur journalier qu’ils doivent remplir chaque matin au sein de leur groupe d’enseignants-guides alors qu’ils choisissent les matières. Si les enseignants-guides sont informés lors des entrevues ou par les enseignants des différentes matières que les élèves n’assistent pas aux cours, ils demanderont aux enseignants de signer les planificateurs journaliers pour s’assurer que les élèves assistent aux cours pour toutes les matières.

Les élèves reçoivent aussi un calendrier mural qu’ils peuvent afficher à la maison de sorte que les parents et les tuteurs connaissent les dates cibles pour l’achèvement des unités et des activités scolaires ainsi que le code de conduite de l’école, ses politiques sur le téléphone cellulaire et les uniformes, le rôle du bureau d’orientation et de la bibliothèque, les conseils au sujet des études et ainsi de suite.

«Les communications entre le foyer et l’école sont essentielles pour assurer le succès de notre programme, explique Mme Coburn. La participation et le soutien des parents sont des éléments primordiaux.»

Selon la directrice, «même si le programme est souple de bien des façons, il est également structuré et les élèves savent où ils doivent être et ce qu’ils doivent faire pour réussir. Ils doivent terminer les travaux et consacrer le temps nécessaire avec l’aide et les conseils de l’enseignant de la matière et de l’enseignant-guide.»

Jessica et Perrin, tous deux en 12e année, étudient ensemble en silence dans une petite salle d’études. Ils sont à l’école Mary Ward depuis la 9e année. Ils apprécient le lien étroit qu’ils ont établi avec leur enseignant-guide et ils sont convaincus qu’ils peuvent demander des conseils à cet adulte de confiance sur n’importe quel sujet ou discuter avec lui. Les deux élèves aiment l’interaction que leur groupe d’enseignants-guides leur permet d’établir avec des élèves des années inférieures.

S’ils adorent le programme et se disent bien préparés pour l’université l’an prochain, ils admettent qu’ils ont eu de la difficulté à s’y adapter.

Jessica estime qu’elle a pris en charge son apprentissage et qu’elle peut prendre les bonnes décisions pour gérer son temps et exécuter le travail à accomplir.

Ils disent tous les deux qu’ils ont vu des élèves profiter du système en manquant des cours et en reportant les travaux à terminer. Mais ils ont également vu des élèves en subir les conséquences quand tous les travaux devaient être remis en même temps.

«Ça n’arrive que de temps à autre, indique Perrin. Quand tous les autres élèves apprennent ce qui s’est passé, c’est une leçon, ils ne veulent pas être aussi stressés. Cela n’en vaut pas la peine.»

Principes des écoles d’apprentissage autonome

La Canadian Coalition of Self-Directed Learning (coalition canadienne de l’apprentissage autonome) vise la personnalisation de l’apprentissage qui tient compte des différences, des talents, des intérêts et de la formation des élèves. Selon la philosophie de la coalition, l’apprentissage s’acquiert dans un milieu où les apprenants sont en mesure d’exercer un certain contrôle sur leur apprentissage.

Bien que chaque école membre de la coalition soit unique, elle adhère à neuf pratiques et valeurs fondamentales :

Pour en savoir plus : www.ccsdl.ca.