Cooney Weiland

l’enseignant remarquable du gouverneur général
David Johnston

de Bill Harris

Difficile d’imaginer comment l’éducation pourrait être plus importante dans la vie et la carrière du gouverneur général du Canada, David Johnston.

«Je pourrais nommer 100 enseignants, mentors ou accompagnateurs qui ont profondément influencé ma vie», affirme M. Johnston, qui a occupé divers postes de dirigeant et de professeur à l’Université Waterloo, à l’Université McGill, à l’Université de Western Ontario, à l’Université de Toronto et à l’Université Queen’s.

«Lors de mon discours d’installation [comme gouverneur général], intitulé Une nation avertie et bienveillante : un appel au devoir et prononcé le 1er octobre [2010], j’avais dit que, s’il ne fallait retenir que trois mots de mon discours, ce serait "Chérissons nos enseignants".»

Les enseignants jouent divers rôles. Compte tenu que M. Johnston a combiné des études brillantes à un parcours sportif impressionnant, il n’est pas surprenant que son enseignant remarquable ait un lien direct avec notre sport national.

«J’ai fréquenté l’Université Harvard où j’ai joué au football et au hockey. L’entraîneur de hockey, Cooney Weiland, a eu une grande influence sur moi.

«ll a grandi à Seaforth et a joué dans la Ligue nationale de hockey. En fait, il a marqué le plus de buts pour les Bruins de Boston et pour toute la LNH au tout début des années 1930.»

Ralph «Cooney» Weiland est décédé en 1985 à l’âge de 80 ans. M. Johnston a prononcé un éloge funèbre à ses obsèques.

 «Dans l’éloge, j’ai déclaré que, quand l’histoire de Harvard serait écrite dans 100 ans, les historiens se rendront compte combien elle a eu une influence favorable dans le monde. Et ce, grâce à des enseignants exceptionnels, comme celui que nous honorons aujourd’hui, l’entraîneur de hockey Cooney Weiland», leur a-t-il dit.

David Johnston est né à Sudbury, a grandi à Sault Ste. Marie et a poursuivi ses études à Harvard, à Cambridge et à Queen’s.

Il adorait l’école et y réussissait bien d’ailleurs, puisqu’il a été admis à Harvard. Mais ce sont ses prouesses au hockey qui lui ont fait croiser le chemin de l’entraîneur Cooney Weiland. David Johnston était capitaine de l’équipe de hockey et membre du Temple de la renommée de l’université, et il a été sélectionné deux fois pour l’équipe américaine au début des années 1960.

«Cooney Weiland enseignait avec brio un beau jeu sportif. Mais c’était aussi un enseignant formidable du beau jeu de la vie, se souvient M. Johnston.

«Il ne donnait jamais de discours d’encouragement avant le début d’une partie. Il disait : "Je n’ai qu’une 10e année et vous êtes des gars de Harvard. Si vous avez écouté ce que je vous ai dit cette semaine, vous allez gagner."»

M. Weiland faisait intelligemment référence à son éducation de 10e année pour motiver ses troupes, mais quand on écoute le gouverneur général décrire comment cet homme concevait son rôle d’entraîneur, il semble qu’il était en avance sur son temps de plusieurs dizaines d’années.

«Il nous enseignait ce qu’on appelle aujourd’hui le piège du New Jersey [piège dans la zone neutre]. Moi j’appelle ça un jeu de disparité, dit-il. Il nous fallait jouer au niveau de nos aptitudes individuelles, mais il fallait le faire en prêtant attention aux cinq autres joueurs sur la glace. Il nous fallait aussi toujours jouer avec une certaine harmonie tout en gardant une certaine spontanéité avec eux. Cela devient un jeu très intellectuel pour le hockey, mais il l’enseignait bien.»

En effet, cela fait beaucoup de choses à retenir quand il faut prendre des décisions en une fraction de seconde sur la glace. Alors, comment Cooney Weiland a-t-il été capable d’enseigner ces approches et ces théories d’une façon pratique?

C’était un enseignant formidable. Il connaissait bien sa matière. Il était passionné par le hockey. Il établissait des rapports étroits avec les étudiants et nous inspirait, dit M. Johnston d’un ton définitif. Nous n’aurions jamais voulu le laisser tomber.

M. Johnston a ensuite entrepris une carrière universitaire. Il a maintenu des liens avec M. Weiland au cours des années qui ont suivi, surtout par l’intermédiaire de son épouse. C’était un gars inhabituel; il n’était pas très expressif, donc pas le genre à écrire des lettres, explique M. Johnston. Mais il était comme un deuxième père pour moi et son épouse était très sociable. Alors, nous sommes restés en communication étroite avec elle au fil des ans.

Le gouverneur général a-t-il déjà dit à M. Weiland à quel point il avait compté pour lui?

«Oui, il le savait, répond-il. Il connaissait l’admiration que je lui vouais. Les autres joueurs éprouvaient la même chose. Mais il n’était pas très démonstratif et si je l’avais été outre mesure, il m’aurait dit : “Johnny, arrête ces futilités; allons jouer au hockey”.» M. Johnston a même tenté de transmettre une partie de la sagesse de cet enseignant remarquable à ses propres enfants.

«Après son décès, j’ai écrit un court essai intitulé Lessons from a coach pour mes enfants. Il s’agissait de réflexions sur un camarade.

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«Cooney Weiland enseignait avec brio un beau jeu sportif. Mais c’était aussi un enseignant formidable du beau jeu de la vie, dit M. Johnston de Cooney Weiland, son entraîneur de hockey de Harvard photographié ici en 1970.

«Mais mon entraîneur était une personne parmi celles qui m’ont influencé. Je pourrais vous parler pendant des heures de 100 autres personnes qui ont été importantes dans ma vie. D’une façon ou d’une autre, toutes ces personnes ont été des enseignants pour moi.»

Quand on demande à M. Johnston s’il a un message pour les enseignantes et enseignants en général, on apprend pourquoi il a réfléchi à ce sujet.

«Ma sœur et mon frère sont enseignants, alors je crois que c’est dans nos gènes, dit M. Johnston. Je dirais que j’aime le titre de votre revue [Pour parler profession]. Je crois que les professionnels ont la responsabilité toute particulière de faire preuve d’un leadership hors du commun dans une nation qui aspire à être éclairée et bienveillante.

«Les professionnels sont en quelque sorte des citoyens de seconde classe, car ils n’ont pas le même degré de liberté que les autres citoyens. Comme professionnel, vous avez des devoirs envers le public, l’intérêt du public. C’est quelque peu contraignant. C’est aussi un poids sur vos épaules.»

M. Johnston croit que les professionnels de l’enseignement de notre société possèdent trois qualités :
«D’abord, ils ont des connaissances spécialisées qu’on leur a habituellement enseignées ou transmises d’une façon quelconque. Il existe une littérature particulière, une méthode particulière; on pourrait parler d’épistémologie.

«Deuxièmement, ils contrôlent presque entièrement ou en grande partie l’entrée dans la profession, les compétences requises et les normes à respecter.

«Troisièmement, et c’est l’élément clé, compte tenu du monopole qu’ils détiennent sur ces trois aspects, les enseignantes et enseignants ont le devoir envers le public de s’assurer que leur professionnalisme est constamment renouvelé et qu’ils servent l’intérêt du public de la façon la plus compétente et la plus éthique possible.

«Si nous voulons être une nation davantage éclairée et bienveillante, nous devons toujours redéfinir notre professionnalisme pour qu’il soit moderne et qu’il permette d’améliorer la qualité et les conditions de vie de tous nos concitoyens.»

Le gouverneur général du Canada attend beaucoup des enseignants. Mais il est évident qu’il les respecte aussi beaucoup.

Donc, si M. Johnston pense que Cooney Weiland était quelqu’un de vraiment remarquable, c’est qu’il l’a certainement été.