Emblèmes franco-ontariensde Gabrielle Barkany et Véronique PonceEnseigner en milieu carcéralde Gabrielle BarkanyÉducation et besoins particuliersde Gabrielle BarkanyUne longue escaladeApprentissage protégéPublication scientifiquede Kate Lushington |
Le premier numéro du Canadian Young Scientist (CYS) Journal traite de nombreux sujets : les effets des perforations sur les ailes d’avion, l’emploi de bulles comme modèle mathématique pour mesurer la distance entre des villes, et la conception d’un dispositif simple pour surmonter le défi environnemental soulevé par l’éclairage des salles de classe. Née de l’imagination de Sacha Noukhovitch, enseignant de sciences à la Northview Heights Secondary School de North York, cette publication scientifique novatrice et pluridisciplinaire a été conçue par et pour les élèves du secondaire qui suivent des cours de sciences. La revue présente des articles sur des sujets de recherche originaux et ayant fait l’objet d’une révision par des experts de divers domaines. Il y a quelques années, après avoir tenté, sans succès, de faire paraître le travail original d’un élève dans certaines des meilleures revues scientifiques canadiennes, M. Noukhovitch a découvert un chaînon manquant. Ces revues se limitaient à la publication de recherches universitaires. Il s’est alors tourné vers les presses du Conseil national de recherches Canada, où on lui a recommandé de fonder sa propre revue afin de former une communauté d’auteurs scientifiques au niveau secondaire. Ce projet lui a semblé un rêve à la fois unique et stimulant. Confiant dans la capacité des élèves, passionné de sciences et de recherche, il s’est mis à la tâche. Il a d’abord conçu un site web, consulté des collègues, réuni des élèves intéressés et commencé à rédiger des manuscrits. Ce fut une étape laborieuse et frustrante. Après avoir reçu trois articles originaux traitant de mathématiques, de physique et d’environnement, et persuadé trois experts de les réviser, l’enseignant a constaté qu’il n’avait pas les moyens d’imprimer ni de distribuer la revue. «J’ai commencé par la fin, s’amuse-t-il à dire. J’aurais dû commencer par les finances.» Une directrice d’école vivement intéressée à lui prêter son appui est alors entrée en jeu, Sandra Tondat, qui a invité Gen Ling Chang, surintendante du Toronto District School Board (TDSB), à collaborer au projet. Mathématicienne de formation, Mme Chang a trouvé les fonds requis pour imprimer 500 exemplaires du premier numéro, à paraître en mai. Mme Tondat explique que la portée de la revue dépasse l’école et ses élèves. «L’objectif est d’éveiller l’esprit des jeunes aux sciences et à la recherche, et de les encourager à choisir une carrière en sciences. Nous prévoyons publier deux ou trois numéros par année et ainsi monter un dossier de travaux réalisés par des élèves. C’est une excellente occasion pour les élèves de créer leur propre communauté scientifique et d’échanger leurs connaissances et leurs idées.» Mme Chang ajoute : «Nous désirons en faire un projet d’envergure, c’est-à-dire aller au-delà de notre groupe d’écoles». Prochaine étapeSelon M. Noukhovitch, le CYS Journal permet aux élèves d’accroître la portée de leurs travaux en ne les limitant pas aux foires scientifiques. La tradition des publications évaluées par des pairs exige des recherches originales, des normes de preuve rigoureuses et une capacité à communiquer efficacement. Ancien ingénieur électrique, M. Noukhovitch a puisé à même ses relations professionnelles pour convaincre des universitaires affairés et des scientifiques actifs de contribuer à la revue en révisant les articles des élèves. Après avoir reçu les critiques des réviseurs, les élèves ont retravaillé leur présentation. «Le concept d’une revue évaluée par des pairs et destinée à des élèves du secondaire est formidable, a déclaré Mme Chang. Il est intéressant de voir le véritable partenariat qui naît entre des élèves et des scientifiques adultes dans l’investigation scientifique.» Ce faisant, les élèves prennent plus au sérieux leurs tâches. Selon M. Noukhovitch, les pédagogues occupent la ligne de front au chapitre de la révision par les pairs puisqu’ils prennent acte des ébauches des élèves et les aident à préparer leurs manuscrits pour la revue. «Les enseignants font plus qu’attribuer des notes; ils aident les élèves à s’orienter dans une voie scientifique, ajoute-t-il. Les élèves ont la chance de découvrir les sciences, et de voir une ouverture, une porte sur l’avenir.» Pendant la préparation d’un article, les pédagogues doivent aider les élèves à exprimer clairement leurs idées sur papier, compétence qui n’est généralement pas intégrée aux méthodes d’apprentissage fondées sur les projets scientifiques. Daniel Muttiah, autre enseignant à Northview Heights, a aidé un de ses élèves à rédiger le compte rendu sur les effets des perforations sur les ailes d’avion, qui paraîtra dans le premier numéro. «En tant qu’enseignant de physique et ingénieur en mécanique, j’ai été particulièrement impressionné, écrit M. Muttiah. L’idée était originale, intéressante et appropriée au degré de compréhension des élèves. J’ai alors compris tous les avantages de publier de telles idées.» M. Muttiah a également créé une activité du curriculum portant sur la rédaction d’articles scientifiques pour le site web de la revue. «Quand des élèves en sciences rédigent pour une publication, ils découvrent tout le pouvoir de l’écriture, déclare Mme Chang. Écrire sur un sujet que l’on maîtrise est une expérience fort différente du simple savoir. Le seul fait d’écrire contribue à l’accumulation des connaissances. Cet exercice permet de préciser la pensée et d’approfondir la compréhension.» Compétences et relationsLe potentiel pédagogique de la revue ne se limite pas à ceux qui désirent faire carrière en sciences ou qui ont des idées originales. La publication d’une revue exige diverses compétences et procure une expérience inestimable. D’abord, elle fait appel à l’esprit d’équipe. Les élèves de Northview Heights se sont déjà approprié le site web du CYS Journal en le bâtissant et en le gérant avec l’aide de l’enseignant en technologie des communications, Martin Gordon. Le comité de rédaction de la revue se compose uniquement d’élèves. Ces derniers s’occupent de la lecture des épreuves, de la révision technique, des relations avec les médias et des illustrations, en plus de répondre aux demandes reçues par courriel. «Nous avons des élèves brillants, déclare fièrement M. Noukhovitch. Cinq ou six d’entre eux collaborent régulièrement à la revue, tandis que d’autres se joignent à eux pour des tâches précises. Notre école est située dans un quartier comptant de nombreux immigrants de première génération. Pour la majorité des élèves, l’anglais n’est pas la langue maternelle, mais ils formeront l’élite intellectuelle de notre pays.» En fait, les trois articles publiés dans le premier numéro du CYS Journal ont été rédigés par des élèves pour qui l’anglais est une seconde langue. L’auteur de l’article sur les propriétés mathématiques des bulles ne parlait pas l’anglais à son arrivée au Canada, il y a deux ans. Comme le fait remarquer M. Noukhovitch : «Faroukh s’est fait aider pour la révision, mais il a pleinement participé au choix des mots. La rédaction de manuscrits représente un défi pour ces élèves dont l’anglais est la seconde langue. Mais ils veulent à tout prix exprimer leurs idées, ce qui est extrêmement motivant. Cela les encourage à redoubler d’efforts». Leçons retenuesMme Chang croit que la revue dégage des leçons qui vont au-delà de l’expérience vécue par les participants directs. «Nous n’accordons pas assez de mérite aux pouvoirs cognitifs, aux compétences et aux aptitudes que possèdent de nombreux apprenants d’anglais langue seconde (ALS), ajoute-t-elle. Les réalisations de ces élèves d’ALS qui ont rédigé des articles pour le CYS Journal poussent les enseignants, les directeurs d’école et les surintendants à remettre certaines de leurs hypothèses en question. Pour les autres élèves d’ALS, cette expérience représente le pouvoir de s’exprimer par la langue écrite, car ils savent qu’ils auront de l’aide pour y arriver.» En plus de combler un vide dans le domaine des publications pour les jeunes, de la révision par les pairs et de la rédaction de manuscrits, le CYS Journal propose une approche pluridisciplinaire inédite en matière de publication scientifique. En effet, les autres revues scientifiques traitent d’un seul domaine – telle étant la nature du processus de révision par les pairs à l’ère de la spécialisation. M. Noukhovitch est d’avis que la spécialisation n’est plus la meilleure approche. Il fait remarquer que l’innovation, de nos jours, naît du croisement entre les spécialités. Cet énoncé s’avère d’autant plus juste pour les scientifiques étudiant au secondaire. À ce stade-ci du développement de leur esprit d’inquisition, «les élèves passent fréquemment d’un domaine à un autre, dit-il. Ils sont de véritables scientifiques universels.» Pour lui, la revue est un moyen d’encourager l’échange prolifique d’idées et de perspectives dès le jeune âge pour développer une nouvelle génération de penseurs avant-gardistes au Canada, avec l’aide, bien entendu, du personnel enseignant. «Les enseignants doivent comprendre que l’avenir des scientifiques canadiens dépend d’eux. Nous sommes en mesure de faire une différence, d’orienter les élèves au moment où ils en ont le plus besoin.» Mme Chang est d’accord avec ces propos, mais pas seulement pour le bien des élèves et de la société en général. Selon elle, la revue représente pour les pédagogues une occasion cruciale de «faire progresser leurs capacités et de nourrir une communauté de professionnels vouée à l’apprentissage. Les possibilités de réseautage entre les enseignants en sciences dépassent les limites de mon groupe d’écoles. Gerry Connelly, directrice de l’enseignement au TDSB, a rédigé l’avant-propos du premier numéro et j’espère que d’autres conseils scolaires contribueront à la revue dans l’avenir». Pour plus de renseignements, visitez le site www.cysjournal.ca. |