Lauréats du Prix du premier ministre : Carolyn Wilson de Stratford Mark Robbins de Barry's Bay Robert Munsch se souvient de sœur Emma Jean Middendorf |
Carolyn Wilson enseigne l’anglais, l’étude des médias et les questions internationales à l’école secondaire St. Michael de Stratford dans le Huron-Perth Catholic District School Board depuis le début de sa carrière, en 1987. Tout au long de cette période, un profond sentiment de compassion et de solidarité a façonné sa pratique de la profession et inspiré ses élèves. «Selon moi, le système scolaire catholique reflète les enseignements du catholicisme sur le plan social, la priorité étant donnée aux droits et aux responsabilités de la personne, à la dignité de tous les êtres humains, à la promotion de l’intérêt commun, à la justice sociale et économique, ainsi qu’à la solidarité et au développement sur le plan international. Ces enseignements se traduisent dans ce que je fais avec mes élèves.» «Elle m'a donné envie d’apprendre, explique Pascal Murphy, un de ces anciens élèves. Ses cours se concentraient sur des questions et des événements réels. Il ne s’agissait pas de mémoriser des faits. Je sortais de là avec une perspective complètement différente de moi-même et de ma place dans le monde.» M. Murphy a ensuite fréquenté le King's University College à l’Université Western Ontario, où il a élaboré son propre programme d’études qui a servi de base à un cours sur la justice sociale et la paix. Il travaille maintenant au King's University College en tant qu’agent de liaison et d’admission. Selon Clive Beck, professeur à l’IEPO/UT et auteur de Better Schools: A Values Perspective (1990), un enseignement de ce type vise à «aider les enfants à devenir de bons citoyens dotés des valeurs et des compétences essentielles à une société dynamique et multiculturelle comme la nôtre». M. Beck appelle cela l’apprentissage d’un art de vivre. Par le biais de voyages scolaires à l’étranger et d’une étude approfondie de l’influence des médias, Mme Wilson présente des défis à ses élèves, les incitant à évaluer de façon critique leurs valeurs et leur rôle dans la société et à devenir des citoyens du monde. «Mme Wilson a élargi mes horizons, indique Sheila Flaherty, une autre de ses anciennes élèves, qui étudie les sciences politiques à l’Université de Toronto. Je m'intéresse à ce qui se passe dans le monde. Je suis active sur le plan politique et j’ai un sens plus aigu de la justice sociale.» Analyse et opinionMme Wilson aide les élèves qui étudient les questions internationales à comprendre les événements dans le monde en leur apprenant à examiner de façon critique les messages des médias. Bon nombre d’entre eux ont été conçus, à son avis, dans le but de choquer pour vendre. Elle précise ce qui manque dans ces messages. Les médias montrent, par exemple, des images de pauvreté et de souffrance extrêmes au Bangladesh, mais passent sous silence l’amélioration du taux d’alphabétisation chez les femmes et les avantages significatifs que cela apporte aux familles et à la société.
«La progression de l’alphabétisation se fait pas à pas; il n’y a pas d’images saisissantes à montrer. Elle ne peut rivaliser avec une inondation, par exemple, alors on n’en entend pas parler, même si le nombre de vies sauvées en éduquant les femmes dépasse de loin le nombre de victimes de l’inondation», explique Mme Wilson. Dans le cadre de l’étude des médias, elle incite ses élèves à réfléchir à des questions controversées, telles que la présence des États-Unis au Moyen-Orient, et à en discuter. «Des adolescents enthousiasmés pour les événements internationaux, c’est ça le véritable apprentissage», ajoute Mme Flaherty. Portes ouvertes sur le mondeMme Wilson s’efforce également d’offrir à ses élèves des expériences directes qui les aident à faire la part des choses avec les nouvelles médiatisées qu’ils reçoivent ailleurs. Avec M. Beck, elle s’entend pour dire qu’«à moins que les élèves n’aient l’occasion de vivre selon certaines valeurs au lieu de simplement en parler, leur apprentissage n’ira pas très loin». Nous apprenons à manifester et à apprécier des qualités comme la compassion et la tolérance, et ce, en sortant du cadre artificiel d’un curriculum où les valeurs occupent une place importante. Mme Wilson a commencé à s’intéresser au développement dans sa ville natale de Seaforth où elle a entendu parler de religieuses et de prêtres de la localité qui participaient à des travaux de mission et d’action sociale. En 1995, elle a décidé d’intégrer cet intérêt à son enseignement et a organisé un voyage scolaire en République dominicaine. Ce voyage a été très réussi et continue d’avoir du succès. Les élèves ne participent pas à des projets; ils sont simplement immergés dans une communauté. Ils vivent dans des familles d’accueil et apprennent comment les gens vivent et travaillent. Ils visitent des écoles, des familles, des églises et passent du temps dans les plantations de canne à sucre. Et surtout, ils écoutent ce que les gens ont à dire et acquièrent une certaine vision des pays en développement et d’eux-mêmes.
Bon nombre de Dominicains et d’Haïtiens travaillent dans des ateliers clandestins et dans l’industrie de la canne à sucre, et vivent dans une pauvreté extrême. Cela ne les empêche pas d’avoir le sens de la famille et de la communauté, de même qu’une foi solide puisqu’ils pensent vraiment que Dieu subviendra à leurs besoins. Mme Flaherty qualifie son expérience là-bas de spirituelle et de surréaliste. «Ces gens, particulièrement les enfants , n’ont rien, si ce n’est que quatre murs en béton, déclare-t-elle Et pourtant, ils respirent le bonheur. Moi aussi j’étais heureuse, satisfaite de vivre dans des conditions simples. C’est si différent de chez moi.» «Au Canada, on a tendance à planifier son bonheur. “Je serai heureux quand j’aurai obtenu mon diplôme; je serai heureux quand j’aurai mon premier emploi, ma première voiture, quand j’aurai remboursé mon hypothèque”, explique Mme Wilson. Les Dominicains définissent le bonheur de façon complètement différente, et nous pouvons en apprendre beaucoup en les côtoyant. Cette expérience est tellement enrichissante pour nos élèves. C’est un cheminement incroyable qui leur permet de devenir des citoyens du monde pleins de compassion.» Un effet durable«La plupart des élèves ne voient plus le monde de la même façon, poursuit Mme Wilson. Ce qu’ils ont appris, ils veulent le mettre en pratique dans leur vie de tous les jours.» Pour beaucoup, le travail scolaire prend une nouvelle dimension. Ils changent par fois leurs projets d’avenir en ce qui a trait à l’emploi ou à l’université. Bien des élèves acquièrent une opinion différente à propos du consommateurisme et du matérialisme. Dans le cadre d’un travail de classe portant sur des questions internationales, les élèves doivent choisir une étiquette de vêtements pour en retracer la fabrication. On appelle cette activité Follow the Logo (suivez le logo). Ils visitent le site web de la compagnie, analysent les campagnes publicitaires et examinent les critiques d’organisations comme le Congrès du travail du Canada qui documente les pratiques dans le monde du travail. Ils découvrent l’importance de chercher la réalité qui se cache derrière l’étiquette.
Le projet de Mme Flaherty portait sur la compagnie Gap. «J’ai appris que les belles amitiés sont bien plus précieuses que les beaux vêtements. Et elles ne s’usent pas.» «J’ai pris conscience de l’influence des pays industrialisés sur les plans économique et politique, mentionne M. Murphy. Nos politiques ont vraiment un effet considérable sur les pays du tiers-monde, et il ne tient qu’à nous d’user de cette influence pour faire bouger les choses.» L’engagement de M. Murphy envers les questions internationales et la responsabilité sociale se poursuit. Il s’est rendu au Ghana pour participer à des projets dirigés par des Ghanéens. De retour au Canada, il a travaillé pour la Société d’aide à l’enfance et pour L’Arche, un organisme qui a pour mission d’aider les adultes atteints de troubles mentaux à s’intégrer dans la communauté. Fort BenningDans le cadre d’une autre activité scolaire, les élèves se rendent à Fort Benning, en Géorgie, où se trouve la US Army School of the Americas (SOA); c’est là que des soldats venus du monde entier apprennent à réprimer les manifestations et les soulèvements populaires. SOA Watch, créée en 1990, organise tous les ans, en novembre, un séminaire d’une semaine qui attire des milliers d’élèves et se termine par une manifestation «couchée» et une simulation de cortège funéraire pendant la fin de semaine. Quinze mille personnes défilent jusqu’aux portes de Fort Benning – chacune portant une croix marquée du nom d’une personne tuée par un diplômé de la SOA. Certaines des victimes sont mortes simplement parce qu’on les soupçonnait d’avoir participé à une manifestation politique. Chaque année, Mme Wilson organise un voyage d’une fin de semaine à Fort Benning, où les élèves participent à la gigantesque manifestation et au défilé de protestation pacifique en souvenir du 16 novembre 1989, date à laquelle six prêtres jésuites, leur collègue et sa fille adolescente ont été massacrés au El Salvador. (Selon un rapport d’un groupe de travail du Congrès américain, les responsables avaient été formés à la SOA.) «Le fait d’être là, de porter du noir, de se faire soudain éclabousser de faux sang et de feindre la mort m'a laissé une impression mémorable, se souvient Mme Flaherty. Des milliers d’entre nous sommes restés couchés par terre pendant deux heures, alors que l’on citait le nom des innocents assassinés.» Son propre inconfort physique s’est dissipé au fur et à mesure qu’elle entendait les noms des victimes et qu’elle songeait à leur souffrance et à leur famille.
«Nous faisons en sorte que les élèves sortent de leur zone de confort pour découvrir une nouvelle réalité, explique Mme Wilson. Par la suite, il est fréquent qu’ils se mettent à examiner leurs propres choix et valeurs. C’est une expérience puissante.» «À mes yeux, la devise de l’événement est “Pleurez les morts; battez-vous pour les vivants” précise Mme Flaherty. Cette expérience m'a permis d’acquérir un sens aigu de la justice sociale, et je crois qu’il en sera toujours ainsi.» M. Murphy a également appris l’existence de la SOA grâce à Mme Wilson et il organise lui-même un voyage annuel à Fort Benning. En 2004, près de 100 étudiants du King's University College et résidents de la région de London sont partis avec lui. Chaque année, il se réjouit à l’idée de revoir son enseignante mentor. Pour bon nombre de ses anciens élèves et de ses élèves actuels, cette enseignante leur a ouvert les portes du monde. Quoi de plus élogieux pour un enseignant que ces commentaires qui viennent du fond du cœur : «Carolyn Wilson est une héroïne. Elle a élargi mes horizons et a été une immense source d’inspiration pour moi», souligne Mme Flaherty. «Dix ans plus tard, son influence se fait encore sentir dans ma vie. Elle a fait naître en moi un intérêt pour la justice sociale et elle m'a donné des outils pour poursuivre cet intérêt», conclut M. Murphy. En plus d’enseigner à plein temps, Carolyn Wilson préside l’Association for Media Literacy. Elle a donné de nombreuses conférences et animé beaucoup d’ateliers sur les études internationales et les médias, la représentation des sexes et le rôle des connaissances médiatiques dans les programmes de technologie des communications. En outre, elle est la coauteure du manuel à succès Mass Media and Popular Culture, Version 2 et prépare des guides d’études pour la programmation de Cable in the Classroom de CHUM Television. Association for Media LiteracyCarolyn Wilson occupe actuellement le poste de présidente de l’Association for Media Literacy (AML), organisation nord-américaine qui regroupe enseignants, bibliothécaires, conseillers, parents et professionnels de la culture et des médias préoccupés par l’effet qu’ont les médias sur la culture contemporaine. L’organisme favorise la compréhension de la culture et de la technologie, et aide les élèves à s’informer et à développer un sens critique vis-à-vis des médias, de leurs techniques et de leurs effets. Mme Wilson fait remarquer que, tandis qu’un quart de chaque crédit en anglais au secondaire doit refléter l’enseignement et l’évaluation des connaissances médiatiques, bien des professeurs d’anglais n’ont pas la formation requise. L’AML exerce des pressions pour que les qualifications en anglais dans le cadre de la formation à l’enseignement soient modifiées afin d’assurer que les nouveaux membres de la profession reçoivent cette formation. Le site de l’Association for Media Literacy offre des ressources, du matériel pédagogique et didactique, et des liens relatifs aux médias. La cotisation annuelle est de 30 $. Prix du premier ministre pour l’excellence dans l’enseignementCes prix reconnaissent des enseignantes et enseignants exceptionnels dans toutes les matières qui inculquent à leurs élèves l’amour d’apprendre et les aident à exceller et à construire un avenir prometteur. Les prix sont attribués à des enseignants qui ont atteint des résultats remarquables avec leurs élèves, les ont incités à apprendre la vie durant, et les ont dotés des compétences et des attitudes dont ils ont besoin pour réussir dans notre société en constante évolution et dans une économie fondée sur les connaissances. Pour de plus amples renseignements ou pour savoir comment proposer la candidature d’un enseignant exceptionnel, visitez le site pma-ppm.ic.gc.ca. |