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Juin 1999

Le fossé entre les sexes se creuse au sein
du corps enseignant ontarien


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Étant donné le pourcentage élevé d’enseignants de plus de 55 ans, le fossé entre les sexes dans les salles de classe est en passe de devenir un abîme.

de Denys Giguère

Le fossé entre les sexes est en train de s’agrandir rapidement dans les écoles en Ontario. La vague massive de retraites d’enseignantes et d’enseignants prévue dans les années à venir réduira encore davantage les effectifs déjà clairsemés d’enseignants dans la province.

En outre, il n’y a pas d’amélioration en vue puisque le nombre d’hommes entrant dans la profession en Ontario plafonne à tous les niveaux aussi bien dans le système de langue française que dans celui de langue anglaise.

En Ontario, les 52 798 enseignants représentent seulement 31 pour cent des quelque 170 000 enseignantes et enseignants inscrits à l’Ordre.

«La pénurie actuelle d’enseignantes et d’enseignants en Ontario met en évidence une autre préoccupation importante pour la profession. Il suffit de se rendre dans presque n’importe quelle école de la province pour constater le déséquilibre entre enseignants et enseignantes, déclare Margaret Wilson, registrateure de l’Ordre. Les données du tableau de l’Ordre nous permettent d’aller au-delà de ce constat et de prévoir la tendance sur un certain nombre d’années.»

«Le tableau de l’Ordre renferme un volume de données imposant. En tant qu’organisme d’autoréglementation de la profession, nous avons la responsabilité de communiquer ces données et de sensibiliser les membres à ce problème complexe sur lequel nous devons porter notre attention pour trouver des solutions.»

Les chiffres révèlent une baisse régulière du nombre d’enseignants dans tous les groupes d’âge. Ceux de plus de 55 ans constituent 39 pour cent de la population enseignante, ceux âgés de 45 à 54 ans, 33 pour cent. Dans le groupe des 30 à 44 ans, ils ne sont plus que 28 pour cent et chez les moins de 30 ans, ce pourcentage passe à 22 pour cent.

Étant donné le pourcentage élevé d’enseignants âgés de 55 ans et plus, le fossé entre les sexes va continuer à se creuser. Selon une étude sur la pénurie d’enseignantes et d’enseignants réalisée par l’Ordre et publiée dans le numéro de décembre 1998 de Pour parler profession, le nombre de départs à la retraite chez les enseignants aux cycles primaire et moyen sera, d’ici 2008, huit à 20 pour cent plus élevé que chez les enseignantes et ce, partout dans la province.

DANS LES ÉCOLES PRIMAIRES

D’après les statistiques de l’Ordre, le fossé entre les sexes est plus grand dans les premières années d’études. Les enseignants de 55 ans et plus aux cycles primaire et moyen représentent près de 26 pour cent du corps enseignant dans cette catégorie. Dans la catégorie des moins de 30 ans, ce pourcentage tombe à près de 14 pour cent.

La situation est encore plus grave dans le système scolaire de langue française où les enseignants ne représentent que 8 pour cent – un sur 12 – de la population enseignante aux cycles primaire et moyen.

Certains problèmes de société expliquent la disparité entre les sexes aux premières années d’études.

«Selon des recherches menées au Canada et aux États-Unis, il semble que certaines valeurs fortement enracinées soient un facteur déterminant dans la proportion enseignants-enseignantes aux premières années à l’élémentaire, explique Margaret Wilson. La plupart du temps, l’enseignement est encore perçu comme une profession de femme – surtout aux cycles primaire et moyen.»

Parmi les arguments invoqués pour expliquer cette situation, citons le fait que la société a de la peine à attribuer aux hommes les qualités d’éducateur requises pour enseigner aux cycles primaire et moyen et, en retour, les hommes sont peu enclins à les accepter.

«Un jour, j’ai dit à mes amis que je voulais étudier pour enseigner en 1re année. Ils m’ont tous ri au nez; c’était difficile à supporter», raconte un jeune enseignant dans le cadre d’une étude publiée dans le numéro de janvier-février du Journal of Teacher Education aux États-Unis.

LE RÔLE DES ASPIRATIONS PROFESSIONNELLES

Dans des articles parus dans des revues sur l’éducation, on souligne également qu’enseigner aux enfants n’est peut-être pas perçu par les hommes comme une carrière suffisamment progressive aux plans financier et professionnel.

«Mes parents ont toujours pensé que je devrais choisir un métier dans un domaine comme le commerce international, par exemple. Le métier d’enseignant n’est pas assez auréolé de prestige à leurs yeux. Je sais qu’ils souhaitent mon bonheur et qu’ils ne diront rien, mais ils ne parleront probablement pas de leur fils, enseignant à l’école élémentaire, comme ils en parleraient s’il était banquier international», explique un autre jeune enseignant, toujours dans un article du Journal of Teacher Education.

Dans l’article, on souligne que «les hommes résistent souvent à leur motivation initiale et à leur envie de travailler avec des enfants jusqu’à ce qu’ils aient exploré d’autres voies, essayé d’autres domaines et métiers, la plupart du temps sur les conseils de leurs parents.»

L’idée d’enseigner aux cycles intermédiaire et supérieur semble généralement mieux acceptée par les hommes – sans doute parce qu’ils considèrent ces postes comme ayant plus de responsabilités et offrant de meilleures perspectives de carrière.

Les hommes de moins de 30 ans aux cycles primaire et moyen ne représentent que 14 pour cent du corps enseignant ontarien. Ceux de 55 ans et plus ne comptent que pour 25 pour cent environ de la population enseignante aux cycles primaire et moyen.

Les hommes de moins de 30 ans représentent 33 pour cent (1 819) du corps enseignant aux cycles intermédiaire et supérieur, ce qui constitue une baisse importante comparé à ceux de 55 ans et plus qui représentent 59 pour cent de la population enseignante à ce palier. Ce changement radical dans le nombre d’enseignants au secondaire, survenu au cours des 15 dernières années, est passé largement inaperçu.

«Enseigner à l’élémentaire est généralement considéré comme un métier de femme et il se peut que cela décourage les hommes d’envisager une carrière dans l’enseignement. Le changement survenu dans la proportion d’enseignants au palier secondaire est à la fois troublant et inexplicable, déclare Wilson. Un facteur sous-jacent important qui éloigne peut-être les hommes de la profession est le fait que les métiers traditionnellement féminins ont tendance à être moins bien payés que les métiers traditionnellement masculins.»

«Nous devons vraiment nous demander si l’enseignement est de nature compétitive actuellement. Nous allons devoir nous interroger collectivement pour savoir si le système salarial est suffisamment attrayant et si les conditions de travail sont de nature à inciter des jeunes gens – hommes ou femmes – à entrer dans la profession.»

«Dans l’ensemble du système d’éducation, on a déjà déployé des efforts pour corriger un déséquilibre important – le manque de femmes occupant des postes clés. Il se peut que les mesures prises pour créer un système plus équitable aient amené les enseignants ou ceux qui envisageaient cette profession à croire qu’il n’y avait pas de possibilités d’avancement pour les hommes en éducation. Elles existent pourtant bel et bien, et continueront à exister, mais seulement si l’on amène les hommes à envisager de nouveau une carrière dans l’enseignement.»

LA PEUR D’ÊTRE ÉTIQUETÉ

Selon un article publié le 28 août 1998 dans le London Times Education Supplement, il pourrait également y avoir une autre raison qui expliquerait pourquoi les hommes sont peu attirés par l’enseignement au Royaume-Uni, surtout aux premières années d’études.

«La peur d’être accusé de violence faite aux enfants ou de perversion peut décourager les hommes de s’inscrire à la formation à l’enseignement au cycle primaire. Les apprentis-enseignants craignent que leurs gestes soient mal interprétés; d’après Mary Thornton, chercheuse de l’Université du Hertfordshire qui étudie le recrutement des enseignants, les contacts physiques avec de jeunes enfants sont une préoccupation majeure pour les étudiants préparant un baccalauréat en éducation», écrit David Budge, auteur de l’article.

«On retrouve les mêmes préoccupations en Ontario, affirme Margaret Wilson. Le processus disciplinaire ouvert et public de l’Ordre devrait redonner confiance à tous – aux enseignantes et enseignants, aux élèves, aux parents et au public en général – et dissiper les soupçons non fondés et, à vrai dire, tout à fait absurdes.»

MODÈLES DE COMPORTEMENT

«À toutes les années d’études, les enfants ont besoin d’avoir à la fois des modèles de comportement de sexe masculin et de sexe féminin, et les écoles devraient être représentatives de la communauté, explique Margaret Wilson. L’école est un milieu de choix, parfois le seul, où de nombreux élèves se trouvent en présence de modèles positifs de comportement de sexe masculin.»

«Par ailleurs, certains enfants se sentent parfois plus à l’aise ou apprennent mieux avec un enseignant qu’avec une enseignante et vice-versa. Notre système d’éducation devrait leur permettre de vivre ces deux expériences. Gardons à l’esprit que les garçons n’envisageront pas une carrière dans l’enseignement si la présence d’enseignants n’atteste pas aujourd’hui qu’il s’agit d’une carrière intéressante et gratifiante», conclut Margaret Wilson.

Déclin marqué à tous les cycles

  • Parmi les enseignantes et enseignants, moins de un sur trois est de sexe masculin en Ontario. Aux cycles primaire et moyen, on ne compte qu’un homme sur cinq qui est membre de la profession; aux cycles intermédiaire et supérieur, c’est un sur deux.
  • Aux cycles primaire-moyen, moyen-intermédiaire et intermédiaire-supérieur, on observe une baisse importante du nombre d’enseignants.
  • Les enseignants aux cycles intermédiaire et supérieur représentent seulement 33 pour cent du corps enseignant dans le groupe des moins de 30 ans, alors que leur pourcentage atteint près de 59 pour cent dans le groupe des 55 ans et plus.
  • Les enseignants du français langue première aux cycles primaire et moyen représentent seulement 15 pour cent de tous les membres du corps enseignant qui possèdent ces qualifications. Chez les moins de 30 ans, seulement un enseignant sur 12 détient ces qualifications.
  • La vague massive de départs à la retraite dans la catégorie des 55 ans et plus entraînera une réduction encore plus grande des modèles de comportement de sexe masculin dans les écoles élémentaires et secondaires de l’Ontario.