wpe3.gif (146415 bytes)
Juin 1999

La Cour suprême respecte le jugement des enseignants :
six points à retenir avant d’exercer le vôtre


03 bytes)" border="0" WIDTH="36" HEIGHT="35">
AG00041_.gif (5        <td><a href=AG00041_.gif (503 bytes) De retour à la page d'accueil De retour à la page d'accueil


Sur la foi d’autres élèves, le directeur adjoint d’une école intermédiaire de la Nouvelle-Écosse qui supervisait une soirée dansante a demandé qu’un policier se présente à l’école. Il a ensuite prié un élève de 13 ans de l’accompagner à son bureau. Le policier a discuté brièvement avec le directeur adjoint, puis est entré dans la pièce, s’est présenté à l’élève et s’est assis. Il est demeuré silencieux pendant que le directeur adjoint a entrepris de fouiller l’élève, en commençant par les jambes de pantalon puis les chaussettes, où il a trouvé un sachet de plastique contenant de la marijuana. Le directeur a aussitôt remis la drogue au policier qui a arrêté l’élève.

 de Kelly Smith

Reconnaissant que les écoles ont beaucoup changé depuis une génération, la Cour suprême a accordé aux autorités scolaires beaucoup de souplesse et de latitude concernant la fouille des élèves et la saisie de leurs effets personnels.

Dans l’arrêt M.R.M. c. Sa Majesté la Reine rendu le 26 novembre 1998 relativement à la fouille d’un élève de 13 ans qui fréquentait une école secondaire de la Nouvelle-Écosse, les juges de la Cour suprême ont statué qu’il fallait respecter les connaissances et l’expérience des éducatrices et éducateurs qui se voient contraints d’agir pour protéger les enfants et maintenir l’intégrité des écoles.

Ironie du sort, huit jours seulement après cette décision, cette question faisait à nouveau la manchette quand de jeunes garçons d’une école secondaire du sud-ouest de l’Ontario ont été fouillés.

Pour éviter tout malentendu quant à la signification de l’arrêt, voici les six grands aspects que le personnel enseignant et la direction des écoles doivent garder en tête selon la Cour suprême.

Les écoles élémentaires et secondaires font partie de l’appareil gouvernemental. Par conséquent, la Charte canadienne des droits et libertés s’applique aux mesures prises par le personnel enseignant et la direction des écoles. Ces mesures et leurs fondements doivent donc être évalués au regard de certaines normes juridiques.

Les tribunaux doivent déterminer si la personne qui a effectué la fouille, le cas échéant, a agi en qualité de mandataire de la police. Pourquoi? Parce que c’est souvent sur ce point que la fouille est considérée comme légale ou illégale. Agir comme mandataire de la police est un geste très sérieux. La ou le responsable de l’école qui le pose doit se conformer étroitement à certaines pratiques policières et respecter les critères stricts de la Charte des droits et libertés.

Dans l’affaire M.R.M., le directeur adjoint a de toute évidence collaboré avec la police. Il savait que celle-ci devrait intervenir si les responsables scolaires trouvaient de la drogue. Il a donc appelé la police et a réclamé la venue d’un policier avant d’entreprendre la fouille, qui s’est effectuée en sa présence. Ensuite, il a remis immédiatement au policier pour enquête criminelle la drogue qu’il a trouvée.

Cette relation entre l’école et la police semble plutôt étroite. Pourtant, la Cour suprême a déclaré que la coopération et la présence d’un policier ne suffisent pas pour démontrer que le directeur adjoint avait la qualité de mandataire de la police. Pour ce faire, il aurait fallu que la police et le responsable s’entendent ou établissent une stratégie avant la fouille. Le directeur adjoint n’a pas effectué la fouille sur l’ordre de la police.

Surtout, la fouille aurait été effectuée de la même façon même si la police n’était pas intervenue. Le directeur adjoint ne pouvait donc pas être considéré comme un mandataire de la police.

Cet aspect revêt une grande importance, car si le directeur adjoint avait agi bel et bien comme mandataire de la police, la fouille aurait pu être jugée déraisonnable, et donc contraire à la Charte des droits et libertés.

La ou le responsable d’une école qui agit comme un policier doit respecter une foule d’exigences complexes.

Les élèves peuvent avoir une attente raisonnable en matière de vie privée en ce qui concerne leur personne et leurs effets personnels, mais cette attente est considérablement réduite dans le milieu scolaire. Les élèves doivent être conscients du fait que le personnel enseignant et les responsables de l’école ont le devoir d’assurer la sécurité de l’école et d’y maintenir l’ordre et la discipline.

Cela peut parfois nécessiter la fouille d’élèves et de leurs effets personnels de même que la saisie d’articles interdits, comme les armes ou la drogue. Les élèves ne peuvent s’attendre à être exemptés de telles fouilles.

Pour mener une fouille dans une école, il n’est pas nécessaire d’obtenir un mandat et de répondre aux exigences nécessaires à cette fin. Ce serait peu pratique et irréalisable.

Il y a lieu d’adopter une attitude beaucoup plus clémente à l’égard des responsables scolaires afin qu’ils puissent maintenir la sécurité, la discipline et le décorum dans les écoles. «Il est essentiel que nos enfants reçoivent un enseignement et qu’ils acquièrent des connaissances. Or, sans environnement ordonné, l’acquisition de connaissances sera difficile, voire impossible. Au cours des dernières années, il y a eu accroissement en nombre et en gravité des problèmes qui menacent la sécurité des élèves et la tâche fondamentalement importante de l’enseignement. La possession de drogues illicites et le port d’armes dangereuses dans les écoles sont devenus si répandus qu’ils menacent la capacité des responsables d’une école de remplir leur devoir de maintenir un environnement sûr et ordonné. Les conditions actuelles sont telles qu’il faut donner aux enseignants et aux administrateurs scolaires la souplesse nécessaire pour régler les problèmes de discipline à l’école. Ils doivent pouvoir agir rapidement et efficacement pour assurer la sécurité des élèves et empêcher les violations graves des règles de l’école.» M.R.M. c. Sa Majesté la Reine (1998), 129 C.C.C. (3d) 361.

Les responsables d’une école peuvent effectuer une fouille s’ils ont des «motifs raisonnables» de croire qu’une règle de l’école a été violée ou est en train de l’être, et que la preuve de cette violation se trouve dans les lieux ou sur la personne de l’élève fouillé.

Qu’est-ce qu’un motif raisonnable? Rien de bien mystérieux. Il peut s’agir de tuyaux donnés par un ou plusieurs élèves ou des observations du personnel enseignant ou de la direction.

Quoi qu’il en soit, les autorités scolaires jouiront d’une latitude et d’un pouvoir discrétionnaire suffisants, car elles sont les mieux placées pour évaluer la qualité et la crédibilité des renseignements qu’elles reçoivent.

La fouille doit être effectuée de manière raisonnable. Toute fouille à l’école doit être effectuée de manière délicate, de la façon la moins envahissante possible. Il faut donc tenir compte de l’âge et du sexe de l’élève, ainsi que de la nature de l’infraction.

«L’étendue acceptable de la fouille variera selon la gravité de l’infraction que l’on soupçonne. Par exemple, il peut être raisonnable qu’un enseignant agisse immédiatement et procède à toute fouille nécessaire lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un élève transporte un fusil ou une autre arme dangereuse. L’existence d’une menace immédiate à la sécurité des élèves justifie le recours à des fouilles rapides, complètes et approfondies. Le même type de fouille ne serait peut-être pas justifié si, par exemple, l’on croyait raisonnablement qu’un élève a dans sa poche de la gomme à mâcher interdite par le règlement de l’école.» M.R.M., supra.

La fouille à nu, qui est l’une des méthodes de fouille les plus envahissantes et oppressives, représente une forme extrême de contrôle de la part de l’État. Ce pouvoir de la police est surveillé étroitement par les tribunaux et le public, et fait souvent l’objet de vives critiques. Ce genre de fouille n’est justifiable que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, et il est difficile d’imaginer qu’elle le soit en milieu scolaire, sauf dans une situation où des vies sont en danger en raison de l’usage d’une arme ou d’un autre article dangereux.

Il ne fait aucun doute que la grande majorité des éducatrices et éducateurs exercent leur pouvoir de fouiller les élèves et leurs effets personnels avec vigilance et discernement. Ils ne passent pas leur temps à parcourir les couloirs de l’école, menant au hasard des fouilles arbitraires et abusives. Au contraire, ils sont judicieux et responsables.

C’est également l’avis de la Cour suprême, dont la décision rend hommage aux extraordinaires efforts que déploient le personnel enseignant et la direction des écoles pour façonner l’avenir du pays.

Kelly Smith est procureure adjointe de la Couronne au ministère du Procureur général depuis dix ans; elle travaille dans l’est de Toronto.