Jon Young de Russell Peters
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Quiconque a assistÉ à un spectacle humoristique de Russell Peters sait qu’il n’est pas timide. La spécialité de M. Peters est de dire tout haut ce que les gens pensent tout bas. Le but est de faire rire le public du monde entier, et M. Peters est fier de son franc-parler. Sa cible favorite : ses années d’école. M. Peters décrit son école secondaire par un terme que nous ne pouvons mentionner ici. Inutile de préciser que, si l’humour est la forme de flatterie la plus sincère, l’école secondaire North Peel à Brampton devrait être très, très flattée. «Je me moque de mon école parce que j’ai vraiment aimé la fréquenter», explique M. Peters, qui est devenu l’un des humoristes les plus célèbres et les plus accomplis de l’histoire canadienne. M. Peters n’a pas toujours aimé l’école, mais cela a changé lorsqu’il a fait la connaissance de Fred Kolar, enseignant de North Peel. Est-ce que M. Peters a déjà usé de son franc-parler dans ses conversations avec M. Kolar comme sur la scène?
«Euh, je ne pense pas, dit-il après avoir réfléchi à la question. Je suis demeuré ami avec lui; je le vois littéralement une quinzaine de fois par année; je le rencontre assez souvent lorsque je reviens de Los Angeles... Quand je suis en ville, nous allons souper ensemble, par exemple. Fred Kolar demeure une personne importante dans ma vie.» Et le sentiment est réciproque. «Je suis très fier de Russell, mais pas parce qu’il a acquis de la notoriété. J’étais là quand il donnait des spectacles au club Yuk-Yuk et qu’il n’y avait que 10 personnes dans la salle, de dire M. Kolar. Je suis fier de lui parce que c’est un homme extraordinaire.» M. Peters est une véritable vedette internationale de l’humour. Canadien d’ascendance anglo-indienne, ses monologues à saveur multiculturelle, assez épicés, constituent une partie importante de son succès. Maintenant âgé de 38 ans, il est né à l’hôpital Mount Sinai, à Toronto. «J’ai commencé à la maternelle de l’école St. Cecilia de Toronto, se remémore M. Peters. Ensuite, j’ai fréquenté l’école catholique George Vanier à Brampton pendant neuf ans.» À la remarque sur le fait qu’il ait passé neuf ans dans une école qui offre un programme de quatre ans, il répond : «Voilà la raison pour laquelle vous êtes rédacteur et que je suis humoriste!» Et vlan! «C’est drôle parce que les gens pensent que j’invente ces histoires. Eh bien non, c’est la vérité.» «Bref, j’ai fréquenté l’école George Vanier du jardin d’enfants à la 8e année, puis je suis allé à Chinguacousy pour les 9e et 10e années. Je me suis fait mettre à la porte et on m’a envoyé à North Peel pour les 11e et 12e années.» Dans son numéro, M. Peters intègre beaucoup d’anecdotes colorées survenues à l’école. «C’est effectivement ce que je fais. C’est drôle parce que les gens pensent que j’invente ces histoires. Eh bien non, c’est la vérité.» Nous pensons déjà connaître la réponse à cette question, mais nous la lui posons quand même : est-ce que Russell Peters était bon élève? «Je n’étais pas un bon élève, répond-il sans surprise. Pour être bien honnête, disons que je n’étais pas passionné de l’école et ça n’a pas vraiment changé, même 20 ans après avoir terminé le secondaire. «Quand on a un tempérament artistique, on trouve l’école compliquée. Si ce que vous souhaitez faire dans la vie demande des études, vous devez aller à l’école. Mais pour une personne plus artistique et à l’esprit libre, il peut être frustrant de se fondre dans le moule. Bien entendu, il faut un certain contexte d’apprentissage, mais sans trop de structure.» En d’autres mots, pendant longtemps, M. Peters s’est senti comme un chien dans un jeu de quilles. «Pour devenir médecin, avocat ou tout autre professionnel, il faut beaucoup d’années d’étude, affirme M. Peters. Alors oui, vous devez aller à l’école. Si vous êtes capable d’étudier, de retenir les notions apprises, l’école est l’endroit qu’il vous faut. «Mais c’est différent pour une personne comme moi, qui est atteinte du déficit de l’attention. Vous voyez, mes pensées se bousculent pendant que je vous parle. Donc, pendant longtemps, l’école ne me convenait pas; cela me frustrait.» Est-ce que M. Peters est réellement atteint du déficit de l’attention ou exagère-t-il pour se rendre plus drôle? Ce ne serait pas la première fois… «Je n’ai jamais été diagnostiqué, mais je suis presque certain de souffrir du déficit de l’attention, souligne-t-il dans un éclat de rire pour semer le doute. Mais pas d’un niveau hyperactif; j’ai plutôt de la difficulté à me concentrer, et je réfléchis beaucoup plus que la moyenne des gens. Mais, c’est parfait pour le métier que j’exerce.» Pendant ses années à l’école, M. Peters s’est fait une bonne idée de ce qu’est un bon enseignant. «Laissez-moi vous dire que les bons enseignants sont ceux qui vous comprennent, affirme-t-il. Ce sont ceux qui vous traitent comme une personne à part entière et qui disent, “Je comprends comment fonctionne cet enfant-là et c’est comme ça qu’il faut lui parler”. Ça ne marche pas si on essaie de mettre tout le monde dans le même moule et de stéréotyper les enfants. Le monde ne fonctionne pas ainsi.» M. Kolar révèle que nombre d’élèves de North Peel ont été étiquetés et que l’étiquette est restée, et ce, même si plusieurs ne devraient pas fréquenter une école de métiers. «Ils sont très très intelligents, mais ils aboutissent dans une école de métiers car ils se détachent de la masse. Je tente donc de leur donner de l’assurance. «Je leur dis que je serai tout aussi fier d’eux s’ils deviennent chef, laveur de vaisselle ou peu importe ce qu’ils choisissent, en autant qu’ils font de leur mieux et qu’ils sont de bonnes personnes. Je leur dis d’être meilleurs que moi… et ils rient. Et chaque fois qu’ils rient, je sais que je les ai touchés.» «Tous les enseignants de North Peel (c’est l’école dont il est question dans mon numéro) ont eu un effet sur ma vie, raconte M. Peters. Cette école m’a beaucoup appris. Et, autant je n’étais pas un bon élève, autant leur méthode était bien adaptée à mes besoins d’apprentissage. «J’ai suivi un cours de chef cuisinier avec Fred Kolar, ajoute M. Peters. C’était un enseignant fantastique et exceptionnel. Il m’a formé comme chef et j’ai appris beaucoup dans ce domaine. Mais, il me comprenait aussi en tant que personne. «Même s’il était très encourageant pendant ma formation, je pense qu’il savait que j’avais besoin de faire autre chose. Il m’a donné la liberté de m’exprimer à ma façon.» Le rapport s’est-il fait immédiatement entre lui et son enseignant? «Non, c’est un bon enseignant parce qu’on n’avait pas besoin de développer un rapport particulier avec lui, souligne M. Peters. Il ne donnait pas l’impression d’être quelqu’un qui avait des chouchous.» M. Kolar se souvient que M. Peters avait le don de toucher même les élèves qui avaient le plus de problèmes dans la classe. «Il faisait sourire les gens, même à cette époque, se souvient M. Kolar. Et ce n’était pas des propos stupides ni vulgaires. C’était sa personnalité. Il était un jeune sociable et attirant. D’ailleurs, il est toujours comme ça.» Pour M. Peters, la chose la plus importante n’était pas la matière que M. Kolar enseignait, mais ses gestes et sa conduite. «Il nous enseignait à respecter les autres, déclare M. Peters. Et c’est une très bonne leçon de vie qu’il nous a transmise.» Il semble que l’école a donné davantage à M. Peters que des sujets pour ses spectacles. «Je crois que tous les enseignants de North Peel, qui est l’école dont je parle dans mes spectacles, m’ont beaucoup transformé. Et, même si j’étais mauvais élève, le programme était bien adapté à mes besoins d’apprentissage. «Fred Kolar respectait tout le monde, sans exception.» «Chaque élève comptait pour Fred Kolar, peu importe son comportement. Il y avait beaucoup d’élèves “à problèmes” dans notre classe. Quand je fréquentais cette école, il y en avait des “bizarres”, si vous voyez ce que je veux dire! Mais Fred Kolar respectait tout le monde, sans exception.» Être traité avec respect par son enseignant a permis à M. Peters de se sentir important et, sans aucun doute, a contribué à lui donner l’assurance dont il avait besoin pour entamer sa carrière dans un domaine aussi incertain que le monologue comique. M. Kolar a su montrer comment on vit sa passion. «Par-dessus tout, c’est un chef cuisinier de calibre mondial. Il était directeur de l’Escoffier Society lorsque j’étais à son école. C’est un grand chef. «Il aurait pu délaisser complètement l’enseignement, il n’était pas obligé d’enseigner à des enfants, mais il le faisait parce qu’il adorait ça.» Adorer son métier, c’est la clé du succès, sans égard au domaine de spécialité. «Si une personne aime ce qu’elle fait, elle réussit nécessairement mieux, déclare M. Peters. J’adore faire des numéros d’humour. C’est ce que j’aime faire dans la vie et je pense que ça paraît. Il en va de même avec les enseignants. «Dans chaque profession, on trouve des gens qui ne travaillent que pour l’argent. Mais, soyons honnêtes, les enseignants sont sous-payés, n’est-ce pas? Ils ne travaillent pas pour le fric. Ceux qui ont choisi cette profession parce qu’ils aiment les enfants excellent dans leur domaine.» En effet, ce sont eux qui excellent. Et, pour Russell Peters, l’humoriste de renommée internationale, le meilleur enseignant était Fred Kolar. «Fred Kolar a été pour moi un enseignant remarquable», déclare-t-il. «Il enseigne encore à North Peel et je le considère toujours comme un ami.» |