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![]() Est-ce qu’on peut être amis?Gare à votre empreinte électronique!de Stuart FoxmanEn ce qui concerne les sites de réseautage social et les communications électroniques, les pédagogues donnent aux élèves de judicieux conseils sur la navigation sécuritaire et appropriée. Mais ils ne suivent pas toujours leurs propres conseils... Un enseignant de l’Ontario a fait l’objet de mesures disciplinaires pour avoir échangé des messages instantanés trop intimes avec un élève. Il ne s’agissait pas là d’une simple question de faute professionnelle. Pour Joe Jamieson, directeur des Enquêtes et des audiences à l’Ordre, ce cas a permis d’examiner plus attentivement les dangers des formes de communication modernes. Il est vrai que certaines personnes dépassent clairement les bornes. Mais, selon M. Jamieson, la nature même des échanges sur les sites de réseautage social et les messageries électroniques – informels, accessibles, facilement cités hors contexte, manquant parfois de décorum et existant souvent à perpétuité – devrait inciter les pédagogues à faire preuve de prudence. Voici quelques cas qui ont récemment fait la manchette en Amérique du Nord :
Certaines transgressions ne sont pas aussi flagrantes. Qu’en est-il de l’enseignant d’Halifax qui a utilisé Facebook pour communiquer avec ses élèves? Une pratique innocente? Il a pourtant dû y mettre fin après que l’administration de l’école a jugé que ce n’était pas professionnel. Ces problèmes complexes ne s’estomperont pas. Le web 2.0 continuera de grandir et jouera peut-être un rôle utile en éducation. Pour la nouvelle génération d’enseignantes et d’enseignants, celle qui a grandi à l’ère d’Internet, les communications électroniques sont machinales.
Les pédagogues qui utilisent Facebook, MySpace, YouTube, les blogues, les messageries textes et instantanées, les courriels et tout autre moyen de communication moderne doivent se demander si leur cyberprésence peut compromettre leur professionnalisme. Pensez d’abord à votre image publique. Il faut se rendre compte que tout ce qui se trouve sur Internet est du domaine public. Toute interaction en ligne, aussi brève soit-elle, peut révéler votre emplacement en temps réel. Et même l’information que vous croyiez privée peut finir par circuler si une photo est affichée ou étiquetée. Comme le fait remarquer la Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario, vous avez probablement l’intention de ne communiquer qu’avec votre propre réseau, mais théoriquement, tout le monde peut avoir accès à vos déclarations, à vos photos et à votre information. D’autant plus que les communications électroniques privées peuvent être facilement mal dirigées ou redirigées. C’est ce qu’apprennent les stagiaires à l’Université Laurentienne dès le premier jour de cours. «Nous leur faisons comprendre qu’ils créent une empreinte électronique. Peu importe les efforts qu’ils mettent pour protéger leurs données ou pour effacer le matériel affiché, tout cela continuera d’exister quelque part», explique John Lundy, directeur de l’École des sciences de l’éducation de l’Université Laurentienne. Ron Wideman, doyen de la Faculté d’éducation de l’Université Nipissing, déclare que ce genre de problèmes fait l’objet de nombreuses discussions dans plusieurs cours quand on aborde le sujet du professionnalisme. Récemment, un tribunal de Toronto a remis en question la confidentialité de l’information affichée dans des sites de réseautage, dans le cadre d’une poursuite civile à la suite d’un accident d’auto. Le juge David Brown a statué que le plaignant devait se soumettre à un contre-interrogatoire sur le contenu de sa page Facebook. Selon lui, le plaignant ne peut se cacher derrière des mesures de contrôle qu’il avait établies pour protéger sa vie privée alors que l’objectif même du site est de révéler sa vie aux autres. Dans le cas des pédagogues, les autres, ce sont les élèves et leurs parents, les collègues et les employeurs actuels et potentiels.
Un surintendant d’un conseil scolaire du Missouri a l’habitude de demander à ses stagiaires s’ils ont une page Facebook ou MySpace. Si la réponse est oui, le surintendant leur dit alors : «Mon ordinateur est allumé, regardons-la.» «En tant que pédagogues, nous devons protéger notre vie privée, en ligne et hors ligne, déclare Wendy Hirschegger, de la Fédération des enseignantes et des enseignants des écoles secondaires de l’Ontario. N’affichez rien que vous ne voulez pas montrer à votre directeur.» Collette Dowhaniuk, de l’Ontario Principals’ Council, est du même avis. «Si vous affichez des photos qui montrent que vous avez passé un week-end bien arrosé, vous les exposez à la vue de tous. Les enseignants doivent prendre conscience que certains comportements risquent de donner l’impression que l’on ne devrait pas leur confier la responsabilité d’éduquer nos jeunes.» Il importe peu que le comportement ne soit pas grossier ou qu’il risque tout simplement d’être mal interprété. Les enseignants sont tenus de respecter un code d’éthique plus rigoureux que les personnes qui n’appartiennent pas à une profession réglementée, même si leur tribune est un site web plutôt que la salle de classe. «Ma vie personnelle m’appartient, mais je n’oublie pas que je suis enseignante et que les gens me voient comme telle, déclare Andrea Powers, enseignante de 7e année à la Bonaventure Meadows Public School de London et utilisatrice de Facebook. Je m’assure de conserver un profil professionnel dans la mesure du possible. Je n’utilise jamais un langage répréhensible et je refuse de discuter de sujets controversés. Une fois que le matériel est affiché, il est difficile de le retirer et de dissiper une mauvaise impression. Je pèche donc par excès de prudence.» Caroline Cantin, conseillère pédagogique du Conseil scolaire de district du Centre-Sud-Ouest et utilisatrice de Facebook, partage ce point de vue. Les enseignants sont des modèles non seulement pour leurs élèves, mais aussi pour leurs collègues. Ils ne sont donc jamais entièrement en congé dans un lieu public comme Internet. «Je n’oublie jamais que je travaille pour mon conseil scolaire. Je n’utilise jamais de paroles offensantes et je n’affiche pas de photos qui pourraient projeter une mauvaise image de moi», ajoute Mme Cantin. La liberté d’expression va de pair avec la responsabilité de l’utiliser prudemment. «N’oubliez jamais ce que signifie une conduite indigne d’un membre de la profession et les conséquences qui en découlent», ajoute Mme Dowhaniuk. Établir des limites«Pour certains, il est clair que les sites de réseautage social peuvent aider les pédagogues à communiquer avec leurs élèves au sujet des devoirs et bien d’autres sujets relatifs à l’école. Mais le simple fait de se brancher à ces sites peut impliquer une relation sociale, ce que les pédagogues devraient éviter», déclare M. Jamieson. Pour conclure, Mme Hirschegger fait la recommandation suivante : «N’invitez jamais un élève à devenir votre ami sur Facebook et n’acceptez jamais de devenir l’ami d’un élève.» Mme Hirschegger s’inquiète même des échanges de courriels et de messages textes entre enseignants et élèves. Elle conseille aux membres de la FEESO de ne jamais envoyer de courriels directement aux élèves. «Il est tellement facile d’établir une relation informelle avec les courriels et cela n’est pas approprié», explique-t-elle. Mme Dowhaniuk soulève un autre point : «Vos mots peuvent être modifiés, transférés à d’autres personnes et mal interprétés. Une fois que vous avez cliqué sur “Envoyer”, vos propos ne vous appartiennent plus.» Pour les enseignants, les outils électroniques peuvent être un simple moyen supplémentaire de communiquer avec les élèves au même titre qu’une petite jasette dans les corridors. Mais, pour les élèves, ces communications sont liées à leur vie sociale. «Et ça peut embrouiller la ligne entre la vie professionnelle et personnelle», explique M. Jamieson. Lorsqu’un de ses élèves a envoyé un message à Mme Powers sur Facebook pour lui dire qu’elle et sa mère avaient un ami en commun, Mme Powers n’a pas répondu. «Si je lui avais répondu, je lui aurais transmis mon profil», explique-t-elle. Il n’est pas exclu que Mme Powers songe à accepter l’amitié d’anciens élèves. Il faudrait toutefois qu’ils aient déjà quitté l’école et qu’elle ait confiance en eux. Malgré ces mesures de précaution légitimes, Melanie McBride, rédactrice de contenu pédagogique sur le web, conseillère et enseignante, est d’avis qu’il ne faut pas négliger le potentiel positif que représentent les sites de réseautage social pour le développement des élèves et leur apprentissage. «Les gens sont trop craintifs et négatifs à l’égard de ces outils et de ces technologies. Ces médias peuvent pourtant avoir une valeur éducative», déclare Mme McBride. Elle fait remarquer que le site web du Hamilton-Wentworth District School Board se sert de Facebook et d’autres outils de réseautage. Certains pédagogues de l’Ontario ont créé des pages de groupe très pratiques pour les écoles ou les programmes spéciaux, à l’aide des sites de réseautage social. Le programme Triangle de l’Oasis Alternative Secondary School – une structure-cadre administrative chapeautant trois programmes secondaires distincts dans trois établissements du Toronto District School Board – a créé une page de groupe sur Facebook. Triangle vise à offrir un lieu d’apprentissage plus sûr aux élèves qui se désintéressent des études secondaires en raison de l’intimidation, de l’homophobie ou de la transphobie.
Anthony Grandy, enseignant et créateur de cette page du programme Triangle, continue de l’administrer. «Tout a commencé parce que les élèves voulaient échanger leurs photos d’excursions scolaires ou d’autres activités sans les afficher dans un site public. À la fin, étant donné que nos élèves ont une page sur Facebook et naviguent sur Internet, une page de groupe sur Facebook me semblait la meilleure solution», explique M. Grandy. Les gens ne peuvent se joindre au groupe qu’avec l’autorisation de l’administrateur, M. Grandy. Cette page permet aux élèves de clavarder, de poser des questions et de communiquer avec les enseignantes et enseignants de l’école. «Nous offrons beaucoup de soutien pour que ces jeunes restent à l’école et continuent d’apprendre. Les communications en ligne sont très importantes. Certains de nos élèves vivent dans des foyers de groupe et n’ont pas nécessairement accès à un téléphone. Mais ils ont tous accès à un ordinateur, dans leur milieu de vie ou à la bibliothèque. «Et ils vérifient souvent leurs courriels.» M. Grandy concède qu’élèves et enseignants doivent comprendre et respecter la limite qui existe entre la vie personnelle et professionnelle, et la vie publique et privée. Chaque année, il consacre quelques cours à naviguer en ligne avec les élèves pour leur montrer ce qui n’est pas privé dans leur cybervie. «Les jeunes apprennent très vite à bloquer mon accès.» M. Grandy ajoute : «J’ai une page personnelle sur Facebook et une autre en tant qu’enseignant.» Et c’est à titre d’enseignant qu’il administre la page de groupe sur Facebook. Les pédagogues et les conseils scolaires continueront sans aucun doute de débattre des bonnes pratiques d’utilisation d’Internet et des moyens de communication appropriés entre enseignants et élèves. John Malloy, surintendant du York Region District School Board, s’inquiète moins du moyen de communication que de son contenu. «Nous disons aux enseignants que nous nous attendons à ce qu’ils entretiennent des relations appropriées en s’imposant des limites strictes, quel que soit le médium qu’ils utilisent. Nous nous attendons à ce qu’ils respectent le même code d’éthique dans la salle de classe, au téléphone et sur Internet», déclare M. Malloy. Le syndrome «Y’a rien là!»Imaginez que vous configurez tout un mur pour qu’il ressemble à une page de Facebook. Vous divisez le mur en petits carrés, un par élève. Comment les élèves se définiraient-ils? Quel genre de photos, de contenu et d’information personnelle afficheraient-ils aux yeux de tous? L’idée vient de Karen Horsman, journaliste chevronnée et chroniqueuse à l’émission Metro Morning de la CBC à Toronto. Mme Horsman a lancé un programme d’initiation aux médias destiné aux élèves des dernières années de l’élémentaire du Durham District School Board.
Selon elle, les élèves n’afficheraient rien de vulgaire, de méprisant ou de confidentiel sur la fausse page Facebook. Pourquoi? Parce que toute personne qui passerait devant pourrait la lire – et c’est ça le but. «Facebook est un endroit public», explique-t-elle. Les élèves ne jurent plus que par les sites de réseautage social. Résultat : la ligne entre la vie publique et la vie privée ne fait pas que s’estomper, elle disparaît. Nombreux sont les enseignantes et enseignants qui, reconnaissant le rôle vital que jouent les outils électroniques dans la vie des élèves, espèrent pouvoir leur apprendre à créer une cyberprésence appropriée. Les utilisateurs d’Internet ont le double rôle de destinataires passifs et de participants actifs. Cela soulève toute une série de problèmes, de la sécurité à la pensée critique. Selon Mme Horsman, les solutions ne sont pas simples. C’est pourquoi elle a nommé son programme d’initiation aux médias le syndrome «Y’a rien là.» «Les jeunes sous-estiment les rencontres en ligne et les médias en général. Le défi est de les amener à réfléchir un peu plus», explique-t-elle. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à lui écrire à l’adresse karenhorsman@rogers.com. Dépasser les bornes?L’Ordre n’a pas de recommandation précise en ce qui a trait aux sites de réseautage social ou aux communications électroniques avec les élèves. Mais la Recommandation officielle sur la faute professionnelle liée aux mauvais traitements d’ordre sexuel et à l’inconduite sexuelle de l’Ordre contient d’importants renseignements. On ne peut évidemment crier à l’agression sexuelle et faute professionnelle à la suite d’un simple affichage sur une page Facebook. Mais la recommandation officielle rappelle aux enseignantes et enseignants l’étendue de leurs responsabilités, et ce, en vue d’éviter «tout comportement qui pourrait mener à des relations non professionnelles et inappropriées avec un élève» et à des «activités susceptibles de susciter quelque inquiétude quant à leur bien-fondé». Il revient toujours au pédagogue de prendre les précautions nécessaires en communiquant avec les élèves et d’éviter d’outrepasser les limites appropriées. Selon Joe Jamieson, directeur des Enquêtes et des audiences de l’Ordre, il s’agit en fait de faire preuve de bon jugement. Il peut vous paraître tout à fait inoffensif d’envoyer un courriel à des élèves ou de vous lier d’amitié avec eux sur Facebook. Compte tenu de l’importance que les jeunes accordent à ces outils et médias, c’est tout comme si vous sortiez avec eux, estime M. Jamieson. «Dans quel intérêt les enseignants s’ingéreraient-ils dans le réseau social des jeunes qui sont aussi leurs élèves?» Voilà la question que pose M. Jamieson. Ressourceswww.Internet101.ca www.media-awareness.ca www.aml.ca (en anglais) www.grownupdigital.com (en anglais) www.getnetwise.org (en anglais) www.netsmartz.org (en anglais) |