Tel est l’impact des dons d’organes et de tissus humains. Des ressources d’avant-garde permettent à des centaines de pédagogues de sensibiliser les jeunes à cette question dans les écoles secondaires de l’Ontario.

de Stuart Foxman

Sarah Casella, EAO, incorpore des éléments d’Une vie, plusieurs dons aux cours de sciences de 11e et de 12e année de la Welland Centennial Secondary School.


Aux yeux de tous, Sarah Marshall est une jeune adolescente normale de 14 ans. Elle aime le ballet, l’équitation, le piano, le camping et les sorties avec ses amis. En outre, Sarah figure dans le Guinness Book of World Records, car elle détient un record qui est, malheureusement, peu enviable : elle est la plus jeune personne au monde à avoir reçu une greffe de quatre organes à la fois.

Sarah est née le 14 février 1997 avec une maladie rare et habituellement mortelle de l’appareil digestif. Avant l’âge de six mois, elle avait déjà reçu quatre greffes d’organes (estomac, pancréas, foie et intestin) au Children’s Hospital de London, en Ontario. «Je suis très chanceuse, a dit Sarah plusieurs années plus tard dans un discours prononcé devant sa classe. Sans les dons d’organes, les personnes comme moi n’auraient pas de seconde chance.»

L’histoire dramatique de Sarah est une des histoires racontées dans Une vie, plusieurs dons, un programme du secondaire destiné aux élèves de 11e et de 12e année dans lequel on enseigne l’importance de la greffe ainsi que des dons d’organes et de tissus humains.

Ce programme a été élaboré par le Réseau Trillium pour le don de vie, l’organisme ontarien de dons d’organes et de tissus, ainsi que le London Health Sciences Centre et la Fondation canadienne du rein. Le financement du programme est venu du ministère de la Santé et des Soins de longue durée, du ministère de l’Éducation et d’un donateur anonyme au Réseau Trillium pour le don de vie. Le programme a été lancé au cours de l’année scolaire 2008-2009. D’ici la fin de l’année scolaire 2010-2011, 900 pédagogues répartis dans 685 écoles secondaires en Ontario auront reçu une formation au programme.

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Visitez le site www.recycleme.org/fr pour en savoir plus sur le don d’organes. Des élèves de la Welland Centennial Secondary School l’épellent pour vous.

L’un de ces enseignants, Kris Ross, EAO, enseigne les mathématiques, l’histoire, l’anglais et l’éducation de l’enfance en difficulté à la Cornwall Collegiate and Vocational School dans l’Upper Canada District School Board. Mme Ross explique que de nombreux élèves ne savent pas ce qu’est une greffe ou s’en font souvent des idées fausses.

Seulement 17 pour cent des Ontariens consentent aux dons d’organes.

«Ils présupposent que les organes sont disponibles et qu’il est facile de trouver des donneurs compatibles. Ils ignorent les circonstances qui permettent les dons d’organes, explique-t-elle. Avec de la chance, ces discussions permettront aux élèves de poser des questions importantes et de prendre des décisions éclairées à propos des dons d’organes.»

Consentement de 17 pour cent seulement

En Ontario, plus de 1 600 personnes sont sur une liste d’attente pour une greffe d’organe qui pourrait leur sauver la vie (p. ex., rein, foie, cœur, poumon). Des milliers de personnes attendent des greffes de tissus pour vivre leur vie pleinement. Toutefois, seulement 17 pour cent des Ontariens consentent aux dons d’organes.

«Chaque année, environ 100 personnes meurent en attendant une greffe», explique le président et directeur général du Réseau Trillium pour le don de vie, Frank Markel. Il espère que le programme saura tirer parti de «l’idéalisme extraordinaire» des jeunes et de leur volonté d’améliorer la situation.

Le programme d’apprentissage comprend une série de livrets avec des témoignages de receveurs d’organes et de tissus, de donneurs et de familles de donneurs, ainsi qu’un DVD primé. Les livrets couvrent différents sujets, de l’histoire des dons aux questions éthiques, et expliquent en détail les différents types de dons. Toutes ces ressources sont offertes en français et en anglais, et peuvent être téléchargées à partir du site web du programme.

Élaborées avec un souci de polyvalence, ces ressources sont utilisées dans les cours de sciences, de santé et éducation physique, d’anglais, d’arts, d’études cana­diennes, d’études internationales, d’orientation, d’études sociales, de sciences humaines, d’instruction civique ou d’éducation religieuse. On y retrouve des exemples d’unités d’enseignement pour chaque matière, accompa­gnés d’explications sur les liens avec le curriculum. Parmi les activités suggérées, mentionnons les discussions, les jeux de rôles, la création d’un message d’intérêt public et une présentation scienti­fique sur le rôle des reins.

«C’est un programme qui offre beaucoup de souplesse, mentionne Joan Green, conseillère pédagogique et conseillère du programme. Nous nous sommes efforcés de fournir aux pédagogues tous les outils dont ils ont besoin; le programme est prêt à être utilisé.» «Le programme comprend beaucoup plus de documents et d’activités prêts à utiliser qu’un programme typique, affirme Marco Donato, EAO, enseignant d’études fami­liales à la St. Elizabeth Catholic High School de Thornhill, au York Catholic District School Board. Le matériel est clair, informatif et adapté aux enseignantes et enseignants.»

Clint MacNeil, EAO, qui a enseigné ce programme dans ses cours d’éducation religieuse de 12e année au St. Charles College du Sudbury Catholic District School Board, est du même avis : «Il vous suffit de sortir le cartable et vous y trouvez tout ce dont vous avez besoin. Les ressources sont intéressantes et attrayantes, et les élèves s’y retrouvent facilement. Elles suscitent des discussions importantes.»

Faits vécus

Mme Green, qui a été enseignante, directrice d’école, surintendante et directrice de l’éducation du Toronto District School Board (et présidente et directrice générale de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation), explique que ce sont les témoignages vécus, comme celui de Sarah Marshall, qui attirent les élèves et servent de tremplin pour les discussions.

Ce qui touche le plus les élèves, ce sont les témoignages

Les élèves apprennent l’histoire de Lucas Belisario, un garçon qui a reçu un don de rein d’un donneur vivant, un inconnu qui ne l’avait jamais rencontré mais dont l’épouse était secrétaire dans son école. «Je me suis dit que je pouvais vivre pleinement avec un seul rein si cela pouvait sauver une vie», a expliqué le donneur.

Les élèves apprennent également l’histoire de Janet Brady, une femme de 34 ans, mère de deux enfants, qui était atteinte d’une rare maladie du foie. Après neuf mois sur une liste d’attente, avec très peu de temps à vivre, elle a reçu un nouveau foie. Elle a reçu son congé de l’hôpital le jour de l’Action de grâces. «Quelle belle coïncidence, a-t-elle dit. Chaque jour, je suis reconnaissante d’avoir eu une seconde chance de vivre avec ma famille et mes proches.»

Enfin, les élèves apprennent l’histoire de Joe Fleming, qui a perdu la vue à un œil à l’âge de neuf ans. Au milieu de sa vingtaine, une greffe de cornée et de cristallin lui a redonné la vue, un événement marquant dans sa vie d’artiste et d’enseignant d’arts visuels.

«Ce qui touche le plus les élèves, ce sont les témoignages, explique Paul Miki, EAO, qui enseigne la religion à Aurora, au Cardinal Carter Catholic High School du York Catholic District School Board. Les statistiques sont importantes, mais lorsque les élèves entendent les témoignages et regardent la vidéo, un lien émotif accentue le sentiment d’empathie.»

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Au St. Charles College de Sudbury, les élèves récoltent des fonds et organisent des activités de sensibilisation pour les dons d’organes et de tissus humains.

Selon M. Miki, le programme Une vie, plusieurs dons fait partie intégrante de l’éducation éthique. «Nous sommes portés à nous questionner sur nos responsabilités envers autrui, envers les personnes qui ont besoin d’aide, c’est pourquoi ce programme nous touche», affirme-t-il.

Soulignant la souplesse du programme, Sarah Casella, EAO, explique qu’il peut être utilisé tant dans ses cours de sciences de 11e que de 12e année. «Il convient à mon unité sur les systèmes et appareils corporels, laquelle traite de l’importance des différents organes.»

Mme Casella, enseignante à la Welland Centennial Secondary School, consacre une unité de trois jours au programme Une vie, plusieurs dons. À la fin de la première leçon, elle encourage ses élèves à discuter des dons d’organes et de tissus humains avec leurs parents. Selon elle, ce programme représente l’occasion idéale de discuter en famille d’un sujet qui est rarement abordé.

Sudbury pave la voie

La ville de Sudbury a accordé une place prépondérante aux dons d’organes et de tissus humains ainsi qu’au programme Une vie, plusieurs dons. Le Sudbury Catholic District School Board appuie l’initiative visant à faire de Sudbury la première ville ontarienne à atteindre un taux de 50 pour cent de consentement aux dons d’organes. Au début de l’année 2011, ce taux atteignait déjà 40 pour cent, bien au-dessus de la moyenne provinciale.

«Selon nous, il s’agit d’une question de justice sociale, explique Catherine McCullough, EAO, directrice de l’éducation au conseil scolaire. Les dons d’organes et de tissus sont notre responsabilité morale en tant que citoyens. Je suis surprise que le taux de consentement soit si faible en Ontario.»

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Marco Donato, EAO, enseigne les études familiales à la St. Elizabeth Catholic School de Thornhill et est l’un des rédacteurs des ressources d’Une vie, plusieurs dons.

David, un élève de 10e année, membre du conseil d’élèves du St. Charles College, est du même avis : «Je sais que céder une partie de soi pour permettre à une autre personne de vivre est la bonne chose à faire».

Il ajoute que le programme Une vie, plusieurs dons a suscité plusieurs discussions animées parmi ses camarades de classe quand ils ont dû imaginer différents scénarios. Par exemple, comment vous sentiriez-vous si vous aviez besoin d’une greffe et qu’un donneur compatible refusait de consentir au don? «Cela fait réfléchir.»

À son avis, ce sujet doit être abordé à l’école même si le programme n’est pas obligatoire. Selon lui, la plupart des élèves ne se donneraient pas la peine d’en apprendre plus sur ce sujet tout seuls. (D’après M. Markel, l’État du New Jersey est le seul territoire de compétence en Amérique du Nord où l’éducation au don d’organes est obligatoire à l’école secondaire.)

Pour Susan Smyth de Sudbury, les 1 600 personnes qui attendent actuellement une greffe ne sont pas que des statistiques. C’est le père, la mère, la sœur, le frère, le grand-parent ou l’enfant d’une autre personne. En décembre 2010, lorsque le Sudbury Catholic District School Board a lancé son défi communautaire, Mme Smyth a parlé de l’importance de s’inscrire en tant que donneur. Un mois auparavant, son fils Ian est décédé, à l’âge de 16 ans, de complications à la suite d’une double greffe pulmonaire.

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Sarah Casella, EAO, enseignante à la Welland Centennial Secondary School, consacre une unité de trois jours au programme Une vie, plusieurs dons.

Ian a reçu deux greffes, la première en mai 2008 et la seconde en janvier 2010 après l’échec de la première greffe. Bien que l’histoire d’Ian n’ait pas connu une fin heureuse, Mme Smyth a mentionné que les greffes lui ont permis, à elle, à son mari Philip, et à Connor, le frère d’Ian, de passer plus de temps avec lui. Elle en est reconnaissante. Mme Smyth est sûre que le fait d’informer les élèves et la communauté sur le don d’organes et de tissus peut peser dans la balance. «Si vous le pouvez, pourquoi refuser de donner à quelqu’un une chance de vivre plus longtemps?»

Appui considérable

En 2009, un rapport d’évaluation a révélé que le programme Une vie, plusieurs dons recevait l’appui des élèves et des pédagogues. La majorité des élèves se faisaient une opinion positive du programme, et 25 pour cent d’entre eux considéraient qu’il devrait être obligatoire.

Après avoir participé au programme, un plus grand nombre d’élèves ont signifié leur intention de devenir donneur et ont discuté de leur souhait avec leur famille. Le sondage a également révélé que le programme permettait de dissiper certains mythes, notamment la croyance que certaines cultures ou religions n’approuvent pas les dons d’organes ou de tissus humains.

Les pédagogues qui ont répondu au sondage ont indiqué que le programme était tellement intéressant que même les élèves qui s’expriment rarement en classe se sont montrés intéressés à participer aux discussions.

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Pour Kris Ross, EAO (debout), enseignante à la Cornwall Collegiate and Vocational School, le programme Une vie, plusieurs dons est important à la fois d’un point de vue personnel et professionnel.

M. Donato, l’un des rédacteurs du supplément pour les écoles catholiques, n’est pas surpris que les élèves démontrent de la maturité en discutant de cette question. «Ce sujet éveille la bonté intrinsèque qui est au fond de chacun de nous», dit-il.

Il ajoute que les élèves se rendent compte que nom­breuses sont les personnes qui ont été touchées par les dons d’organes et de tissus, souvent dans leur propre entourage. En 1992, le frère de M. Donato, Abraham, a été tué dans un accident routier, peu avant son 21e anniversaire. Ses parents ont consenti à ce qu’il devienne donneur. «Le geste a été d’un grand réconfort, et ça l’est toujours», affirme M. Donato.

Kris Ross est une autre enseignante personnellement touchée par le programme Une vie, plusieurs dons. En 2002, on a découvert qu’elle était atteinte de communication interventriculaire, «un gros trou dans mon cœur», explique-t-elle. Elle a subi des dommages permanents aux poumons. Elle prend des médicaments pour ralentir la progression de la maladie, mais un jour, elle devra probablement figurer sur une liste d’attente pour obtenir une greffe du cœur et des poumons.

«Une vie, plusieurs dons est un programme important pour moi, tant sur le plan professionnel que personnel, car il me donne de l’espoir», déclare Mme Ross.

Sa formation au programme est tombée le jour de son 38e anniversaire, la date parfaite, dit-elle.

«C’était une excellente façon de célébrer mon anniversaire, explique-t-elle. C’est agréable de savoir que des gens essayent de changer les choses afin que des personnes comme moi puissent célébrer de nombreux autres anniversaires.»

Pour en savoir plus
Faits sur les dons

Source : Réseau Trillium pour le don de vie

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